3. État de la technique le plus proche
3.4. Identité de l'objectif ou de l'effet
D'après la jurisprudence constante (voir p. ex. T 2057/12, T 1148/15, T 96/20, T 2443/18, T 335/20, T 485/21, T 553/23), lorsqu'il s'agit de choisir l'état de la technique le plus proche, il importe en premier lieu que la solution qu'il propose vise à atteindre le même objectif ou à obtenir le même effet que l'invention, faute de quoi il n'est pas à même de conduire la personne du métier de manière évidente à l'invention revendiquée. Dans l'affaire T 14/17, la chambre a estimé que si cet objectif n'était pas spécifiquement indiqué ou ne pouvait pas être déduit des revendications, il convenait de répondre à la question suivante : qu'est-ce qui – à la lumière de la demande ou du brevet dans son ensemble – doit être réalisé par l'invention revendiquée ?
Dans la décision T 606/89, la chambre a fait observer que l'état de la technique le plus proche, à partir duquel peut être appréciée de façon objective l'activité inventive, est généralement celui qui porte sur une utilisation semblable qui exige le moins de modifications structurelles et fonctionnelles (voir aussi T 574/88, T 686/91, T 834/91, T 482/92, T 59/96, T 650/01, T 1747/12, T 529/20).
Dans la décision T 273/92, la chambre a confirmé la jurisprudence constante, selon laquelle un document ne saurait être considéré comme constituant l'état de la technique le plus proche d'une invention du seul fait de la similitude des substances entrant dans la composition des produits ; il faut également qu'il soit précisé si ces produits permettent d'atteindre l'objectif que s'est fixé l'invention (T 327/92). D'après la décision T 506/95, l'état de la technique le plus proche est celui qui est le plus approprié pour atteindre l'objectif visé par l'invention, et pas uniquement celui qui présente apparemment des ressemblances structurelles. Dans l'idéal, ce but devrait déjà avoir été mentionné dans l'état de la technique en tant qu'objectif qui mérite d'être atteint (T 298/93, T 859/03, T 1666/16, T 58/19). Le but est de fonder l'appréciation de l'activité inventive sur une situation de départ qui se rapproche de celle dans laquelle se trouvait l'inventeur, en évitant les considérations a posteriori. Les circonstances réelles doivent être prises en considération. Si le choix de l'état de la technique le plus proche devait se révéler difficile, il conviendrait de remettre en œuvre l'approche problème-solution en se fondant sur d'autres points de départ possibles (T 710/97, T 903/04, T 2123/14).
Dans l'affaire T 2255/10 (en référence à la décision T 482/92), la chambre a déclaré que lorsque l'on détermine l'état de la technique le plus proche, la question à se poser est de savoir ce qui, à la lumière de la demande dans son ensemble, serait accompli par l'invention revendiquée. Pour cette raison, les buts déclarés de l'invention doivent être lus en parallèle avec les revendications. Le fait d'insérer simplement un but dans la description n'autorise pas le demandeur à s'opposer à toute objection pour absence d'activité inventive soulevée sur la base d'un document sans rapport avec le but précité, s'il n'est pas plausible que l'invention revendiquée aurait effectivement atteint le but déclaré.
Dans l'affaire T 53/08, pour décider celui des documents (1) ou (10) qui devait être considéré comme représentant l'état de la technique le plus proche, la chambre a tenu compte de la finalité du brevet, qui consistait à développer l'agent herbicide hautement actif de formule (A1) de telle sorte qu'il n'endommage pas de manière notable, sous sa forme concentrée active, les plantes cultivées. Le point de départ évident pour l'invention était donc le document exposant la substance active de formule (A1).
Dans l'affaire T 2571/12, la chambre a retenu que, dans le cas de revendications relatives à des applications médicales, l'état de la technique le plus proche est généralement un document divulguant la même indication thérapeutique.
Dans l'affaire T 1076/16, la chambre a estimé qu'un document cité ne peut pas être exclu d'emblée comme point de départ approprié possible au seul motif qu'il a un objectif différent par rapport à l'invention ou qu'il présente moins de caractéristiques techniques en commun avec l'invention par rapport à un autre document cité plus "proche". Selon la chambre, en fonction de la manière dont les critères de "finalité similaire" et de "caractéristiques communes" sont mis en balance, il existe souvent plusieurs points de départ raisonnables, à partir desquels différentes solutions peuvent conduire à l'invention sans qu'il soit nécessaire de procéder à un examen rétrospectif. La chambre a approuvé la jurisprudence développée dans plusieurs décisions (T 405/14, T 2057/12 et T 1742/12), selon laquelle l'activité inventive doit être niée dès lors que l'invention découle de manière évidente de l'état de la technique pour la personne du métier en ce qui concerne une seule de ces solutions (voir aussi T 335/20).
Dans l'affaire T 1148/15, la chambre a estimé, en réponse à une mauvaise interprétation de la jurisprudence par l'intimé, que si l'état de la technique le plus proche devait également indiquer l'objectif ou l'effet de la/des caractéristique(s) distinctive(s), cela impliquerait que seulement des éléments de l'état de la technique contenant un enseignement vers cette/ces caractéristique(s) distinctive(s) serait/seraient considérée(s) comme état de la technique le plus proche. Ceci n'était pas exigé par l'approche solution-problème car les enseignements vers la/les caractéristique(s) distinctive(s) peuvent découler d'un autre élément de l'état de la technique ou des connaissances générales de la personne du métier. En d'autres termes, l'état de la technique le plus proche ne doit pas indiquer tous les problèmes résolus par l'invention revendiquée. En particulier, il ne doit pas indiquer le problème technique objectif, qui est déterminé seulement lors de l'étape suivante de l'approche problème-solution.
Dans l'affaire T 513/19, la chambre était d'avis que lors de l'appréciation de la capacité d'un document à être considéré comme l'état de la technique le plus proche, le critère d’avoir la même finalité impliquait que le brevet et l'état de la technique le plus proche portent sur le même produit. En l'espèce, le document D1 et le brevet avaient la même finalité qui était de fournir un cappuccino. En revanche, le document D4 concernait une boisson chocolatée et n'a pas été cité par l'appelant pour être combiné avec D1. Étant donné la similitude de la finalité et de l'objectif entre le brevet et le document D1, le document D1 était un point de départ valable pour discuter de l'activité inventive.
Dans l'affaire T 1188/20, le requérant avait sélectionné le document D2 comme l'état de la technique le plus proche essentiellement parce qu'il exigeait un minimum de modifications structurelles pour obtenir l'objet de la revendication 1. La chambre a estimé que cette approche serait admissible si D2 était un point de départ réaliste pour une évolution dans le domaine des matières isolantes. Or D2 n'avait aucun lien d'aucune sorte avec le domaine technologique dont relevait le brevet frappé d'opposition et n'a donc pas été considéré comme un point de départ raisonnable.