9.2. L'approche "problème-solution" dans le cas d'inventions de type mixte
9.2.4 G 1/19
Dans l’affaire G 1/19, la Grande Chambre de recours s’est largement penchée sur l’approche COMVIK. Concrètement, l’invention portait sur un procédé visant à tester par la simulation un environnement modélisé sur le plan des déplacements d’un certain nombre de piétons. Cependant, la Grande Chambre de recours y a ajouté quelques constatations de validité générale. Dans l’affaire T 761/20, la chambre a considéré que même si la décision G 1/19 avait trait à des simulations mises en œuvre par ordinateur, son raisonnement s’appliquait également à des méthodes mises en œuvre par ordinateur autres que les simulations.
La Grande Chambre de recours a répondu aux questions de droit comme suit :
Une simulation assistée par ordinateur d'un système ou d'un procédé technique, qui est revendiquée en tant que telle, peut, aux fins de l'appréciation de l'activité inventive, résoudre un problème technique en produisant un effet technique allant au-delà de la mise en œuvre par ordinateur de la simulation.
Pour l'appréciation précitée, il ne suffit pas que la simulation repose, en tout ou en partie, sur des principes techniques qui sous-tendent le système ou le procédé simulé.
Les réponses à la première et à la deuxième question ne sont pas différentes lorsque la simulation assistée par ordinateur est revendiquée comme faisant partie d'un procédé de conception, notamment dans un but de vérification d'une conception.
Lors de l'examen de la jurisprudence sur les simulations, la Grande Chambre de recours a souscrit aux conclusions énoncées dans les décisions T 1227/05 et T 625/11, dans la mesure où elles sont interprétées en ce sens que, selon elles, les procédés de simulation revendiqués dans ces affaires particulières avaient une fonction technique intrinsèque. Elle n'a pas non plus estimé nécessaire d'exiger dans tous les cas un lien direct avec une réalité physique (externe). Elle a toutefois estimé que conformément à l'approche "COMVIK" (T 641/00), la prise en compte d'effets techniques potentiels ou simplement calculés est soumise à des limites assez strictes. Le critère de l'affaire T 1227/05, selon lequel la simulation constitue un objectif technique suffisamment défini d'un procédé de simulation numérique si ce procédé se limite fonctionnellement à cet objectif ne devrait pas être considéré comme un critère de l'approche "COMVIK" qui serait généralement applicable aux simulations assistées par ordinateur, les conclusions formulées dans l'affaire T 1227/05 étant fondées sur des circonstances spécifiques qui ne sont pas d'application générale. Selon la Grande Chambre de recours, l'approche "COMVIK" est adaptée à l'examen des simulations assistées par ordinateur. Comme toutes les autres inventions mises en œuvre par ordinateur, les simulations numériques sont susceptibles d'être brevetées si une activité inventive peut être fondée sur des caractéristiques qui contribuent au caractère technique du procédé de simulation revendiqué. Selon la Grande Chambre de recours, lorsque l'on applique l'approche "COMVIK" à des simulations, les modèles qui sous-tendent les simulations constituent des délimitations, qui peuvent être techniques ou non techniques. S'agissant de la simulation proprement dite, ces délimitations ne sont pas techniques. Elles peuvent toutefois contribuer au caractère technique si, par exemple, elles donnent lieu à une adaptation de l'ordinateur ou de son fonctionnement ou si elles sont à l'origine d'une utilisation technique du produit de la simulation (p.ex. une utilisation ayant une incidence sur la réalité physique). Afin d'éviter qu'une protection par brevet ne soit accordée pour un objet non brevetable, une telle utilisation ultérieure doit être contenue, au moins implicitement, dans la revendication. Cela vaut aussi pour toute adaptation de l'ordinateur ou de son fonctionnement. Ces mêmes considérations s'appliquent aux simulations qui sont revendiquées comme faisant partie d'un procédé de conception. Un procédé de conception constitue normalement une activité cognitive. Cependant, selon la Grande Chambre de recours, on ne saurait assurément exclure que des étapes d'un procédé de conception impliquant des simulations puissent à l'avenir contribuer au caractère technique d'une invention.
S'agissant de la première question, la Grande Chambre de recours a conclu qu'aucune catégorie d'inventions mises en œuvre par ordinateur ne peut être exclue a priori de la protection par brevet. De plus, l'approche COMVIK exige d'évaluer la contribution technique apportée par chacune des caractéristiques d'une invention mise en œuvre par ordinateur. À l'instar de tout procédé mis en œuvre par ordinateur, une simulation dépourvue de produit ayant un lien direct avec la réalité physique peut néanmoins résoudre un problème technique (voir aussi T 489/14 du 26 novembre 2021 date: 2021-11-26).
En ce qui concerne la deuxième question, la Grande Chambre de recours a conclu qu'Il a été établi dans le cadre de l'approche COMVIK que, selon le contexte technique, des caractéristiques non techniques en soi peuvent néanmoins contribuer au caractère technique d'une invention revendiquée, tout comme des caractéristiques techniques en soi ne vont pas nécessairement y contribuer. C'est pourquoi la Grande Chambre de recours n'a jugé ni suffisant ni nécessaire de prévoir une condition selon laquelle une simulation numérique devrait reposer, au moins en partie, sur des principes techniques qui sous-tendent le système ou le procédé simulé.
Concernant la troisième question, la Grande Chambre de recours n'a vu aucune raison de soumettre à des règles particulières les simulations qui sont revendiquées comme faisant partie d'un procédé de conception.