4.3.3 Preuves publiées ultérieurement et effet technique allégué, tel qu'invoqué pour fonder l'activité inventive ("plausibilité")
(i) Prise en considération de preuves publiées ultérieurement
Dans l'affaire T 116/18 du 28 juillet 2023 date: 2023-07-28, la demande telle que déposée ne contenait pas de preuves ou d'indices similaires concernant l'effet technique allégué qui était démontré dans les preuves publiées ultérieurement. La chambre a conclu que pour que la deuxième exigence énoncée au point 2 du dispositif de la décision G 2/21 soit remplie, il ne fallait pas forcément que des preuves expérimentales de l'effet technique allégué ou une déclaration positive soient présentes dans la demande telle que déposée. La chambre, appliquant à l'affaire en cause son interprétation des principes juridiques énoncés au point 2 du dispositif de la décision G 2/21 (cf. chapitre I.D.4.1.2), a constaté que la personne du métier n'aurait aucune raison légitime de douter que l'effet technique allégué puisse être obtenu avec l'objet de la revendication 1 du brevet délivré. L'effet technique allégué faisait donc partie de la même invention initialement divulguée et l'intimé pouvait invoquer cet effet technique sur la base de la demande telle que déposée.
Dès lors que le critère lié à la possibilité de déduire l'effet technique au sens du point 2 du dispositif de la décision G 2/21 est rempli, cela s'applique, selon la chambre dans l'affaire T 1989/19, à une amélioration de cet effet. La chambre a ainsi fait observer que la personne du métier, même dénuée d'esprit inventif, s'efforcera de parvenir à des perfectionnements ou à des améliorations techniques dans tous les domaines technologiques. Cela signifie que si, du point de vue de la personne du métier, un effet technique donné, comme en l'occurrence la stabilité au stockage, peut être déduit, au sens du point 2 du dispositif de G 2/21, de la demande telle que déposée initialement (en l'occurrence de l'application, telle que décrite, sous forme de produit pour inhalation), toute amélioration correspondante doit être considérée comme pouvant être déduite de manière implicite. Dans l'affaire T 840/22, la chambre a souligné qu'une telle amélioration de l'effet pouvant être déduit se produisait régulièrement dans le domaine de la chimie, où l'objet revendiqué devait être limité au détriment de l'objet divulgué dans la demande telle que déposée comme partie de l'invention, parce que l'effet sur lequel on s'appuyait pour déterminer l'activité inventive sur l'ensemble de l'état de la technique le plus proche n'était pas obtenu sur toute l'étendue de l'objet revendiqué.
Dans l'affaire T 1525/19, la chambre a estimé que l'effet montré dans les documents D62 et D64 publiés ultérieurement était englobé dans l'enseignement de la demande telle que déposée et qu'à la lumière des connaissances générales et de l'exemple I de la demande telle que déposée, la personne du métier considérerait qu'il est probable que l'excursion glycémique suradditive observée dans l'exemple I du brevet était au moins partiellement due à une augmentation dans l'effet des niveaux de GLP-1 par rapport à la monothérapie par linagliptine. Les documents D62 et D64 ont simplement confirmé cet effet. Par conséquent, la décision G 2/21 n'empêchait pas de prendre en considération l'effet confirmé par D62 et D64. La chambre a rejeté la requête visant à saisir la Grande Chambre de recours sur l'interprétation de G 2/21 pour éviter une jurisprudence divergente au motif qu'une autre chambre aurait prétendument décidé dans une affaire connexe que G 2/21 ne permettait pas de prendre D64 en considération ; une décision rendue par une chambre différente dans une affaire différente ne constitue pas des circonstances exceptionnelles justifiant de rouvrir le débat, la décision rendue sur un recours ne lie pas les parties en cause dans un autre.
Dans l'affaire T 2716/19, la chambre, appliquant le point 1 du dispositif de G 2/21, a rejeté l'argument de l'opposant selon lequel la demande telle que déposée ne contenait pas de preuve que les bases revendiquées entraîneraient une amélioration du rendement en PMPA, en conséquence de quoi, selon l'opposant, la division d'opposition avait permis à tort à l'intimé d'invoquer des preuves publiées ultérieurement. La chambre a estimé que la personne du métier aurait immédiatement reconnu que l'amélioration du rendement du produit souhaité, en l'occurrence la PMPA, constituait un objectif fondamental de la méthode divulguée. Conformément à la décision G 2/21 (dispositif), cet effet technique pouvait donc être invoqué par l'intimé les preuves publiées ultérieurement confirmant cet effet technique ne pouvaient pas être écartées.
Dans l'affaire T 728/21, la chambre a conclu que la demande telle que déposée à l'origine traitait explicitement de la dissolution de comprimés, comprenant une dispersion solide, en tant qu'aspect de l'invention divulguée et qu'elle décrivait spécifiquement comme un mode de réalisation de l'invention divulguée la composition de comprimés revendiquée. Conformément aux principes établis dans la décision G 2/21, il était donc possible de prendre en compte, pour l'évaluation de l'activité inventive, l'effet démontré par des preuves publiées ultérieurement et qui concernait l'optimisation de la dissolution en lien avec la composition spécifique de comprimés définie dans la revendication 1 de la requête principale (cf. également T 1515/20).
Dans l'affaire T 873/21, la chambre a constaté que l'effet de synergie thérapeutique démontré dans D16 pouvait être déduit de la demande initiale et que les données figurant dans D16 ne faisaient que quantifier l'amélioration obtenue en termes d'insulinosensibilité qui était décrite dans la demande initiale. La chambre a donc estimé que l'effet de synergie invoqué par le requérant était englobé dans l'enseignement technique de la demande initiale à la lumière des connaissances générales de la personne du métier et faisait partie de la combinaison concernée, puisqu'il s'agissait à l'évidence de la combinaison de prédilection dans la demande initiale. En application de la décision G 2/21, l'effet technique démontré par les données expérimentales publiées ultérieurement, fournies dans D16, devait par conséquent être pris en considération pour l'évaluation de l'activité inventive de l'objet revendiqué.
Dans l'affaire T 885/21, la chambre a considéré que les résultats d'essais publiés ultérieurement (document D51) confirmaient que les conjugués selon la requête principale présentaient effectivement, par rapport aux conjugués résultant d'une ligation hydrazone-oxydation, ainsi qu'aux conjugués résultant de la liaison d'un sucre comprenant un azide modifié à des résidus d'anticorps non taillés N-acétylglucosamine terminaux, une optimisation des caractéristiques en termes, notamment, d'homogénéité, de liaison Fc-gamma réduite, de susceptibilité moindre au clivage par élastase, de profil pharmacocinétique et d'efficacité in vivo. Compte tenu de l'exposé de l'invention dans le brevet, la chambre a jugé que les effets décrits dans le document D51 étaient englobés dans l'enseignement technique et faisaient partie de l'invention divulguée, et qu'ils pouvaient, conformément aux principes confirmés dans la décision G 2/21, être invoqués par le titulaire comme fondement de l'activité inventive.
Dans l'affaire T 1329/21, la chambre a fait observer que l'amélioration de l'expérience sensorielle était déjà divulguée en tant qu'objectif dans la demande initiale. De plus, différentes propriétés sensorielles – notamment l'absorption, la viscosité et l'onctuosité – de formulations revendiquées avaient été évaluées dans les exemples initiaux par rapport aux formulations ne contenant pas de cellulose ou contenant de la cellulose microcristalline. L'effet constaté dans le test comparatif publié ultérieurement était donc manifestement englobé dans l'enseignement technique divulgué dans la demande initiale. À la lumière de la décision G 2/21, la chambre a donc estimé que le test comparatif publié ultérieurement devait être pris en considération.
Dans l'affaire T 1891/21, l'effet technique indiqué, consistant à accroître le rendement de Faraday initial réel par rapport à la valeur prédite, pouvait être déduit du brevet contesté et de la demande sous-jacente telle qu'elle avait été déposée. Les moyens soumis par l'intimé dans sa réponse au recours, qui incluaient le calcul de valeurs additionnelles pour certains des exemples fournis, ne faisaient qu'expliciter ce que la personne du métier aurait déduit du brevet contesté. La chambre a conclu qu'il n'y avait aucun doute concernant l'observation de l'exigence formulée dans la décision G 2/21 (point II du sommaire).
Dans l'affaire T 1445/21, la chambre a jugé que les preuves publiées ultérieurement, qui faisaient apparaître de meilleures performances olfactives pour les compositions présentant une teneur en eau de 9 % ou de 8,5 % en poids par rapport aux compositions comportant une teneur en eau de 60 %, étaient englobées dans l'enseignement technique de l'invention divulguée initialement. Dans l'affaire examinée, cette comparaison n'était toutefois pas de nature à corroborer la présence d'une amélioration par rapport à l'état de la technique. Par conséquent, les données expérimentales du brevet et du rapport d'essai publié ultérieurement ne démontraient pas de manière crédible l'existence d'un effet technique lié à une quantité d'eau ne dépassant pas 10 % en poids.
Dans l'affaire T 318/22, la chambre a estimé qu'il était vraisemblable d'après la demande telle que déposée que les composés revendiqués possèdent la qualité herbicide alléguée. Par conséquent, l'exigence figurant dans la décision G 2/21 selon laquelle la personne du métier conclurait que l'effet technique est "englobé dans l'enseignement technique" et "fait partie de la même invention initialement divulguée", est remplie. Examinant si les données présentées ultérieurement D9 et D10 pouvaient être prises en considération eu égard à la décision G 2/21, la chambre a estimé par ailleurs que la décision de saisine T 116/18 en date du 11 octobre 2024 et la décision G 2/21 ne semblaient pas pertinentes dans le cas présent, puisque la question à laquelle il fallait répondre dans ces affaires était de savoir s'il était possible de s'appuyer sur des données publiées ultérieurement en liaison avec un effet technique particulier pour l'activité inventive, lorsque les preuves dudit effet reposaient exclusivement sur lesdites données publiées ultérieurement (voir la première question posée par la chambre à l'origine de la saisine dans la décision T 116/18). Cela ne correspondait pas à la présente situation. Par conséquent, il était possible de s'appuyer sur D9 et D10 pour l'appréciation de l'activité inventive concernant l'objet revendiqué.
Dans l'affaire T 228/23, la chambre a examiné si l'effet démontré par les données expérimentales publiées ultérieurement était englobé dans la même invention divulguée initialement. Même si la demande initiale divulguait la préparation de comprimés par compression directe ou granulation sèche sans indiquer si l'une de ces méthodes était préférée par rapport à l'autre, le fait que tous les exemples de la demande initiale concernaient une granulation sèche indiquait que celle-ci serait préférée à la compression directe en général, dans le contexte de la demande. La chambre a considéré que dans ce cas spécifique d'un nombre très limité de modes de réalisation définis dans la demande initiale, l'un de ces modes étant également l'objet de l'état de la technique le plus proche et l'autre étant généralement préféré, et en l'absence de tout motif légitime à la date effective pour douter que l'effet allégué puisse être obtenu avec l'objet revendiqué, le requérant (titulaire du brevet) devrait pouvoir spécifier une préférence pour l'un des modes de réalisation divulgués initialement par rapport à l'autre en liaison avec ledit effet. Dans le cas présent, l'effet allégué d'un profil plus rapide et plus complet des comprimés obtenus par une granulation sèche par rapport à une compression directe ne modifiait donc pas la nature de l'invention revendiquée, telle que définie dans la décision G 2/21 (point 93 de la décision), de sorte qu'elle était englobée dans la même invention divulguée initialement.
On peut signaler d'autres décisions dans lesquelles les chambres de recours ont également jugé que la personne du métier, à la lumière de ses connaissances générales et sur la base de la demande telle que déposée initialement, conclurait qu'un effet allégué est englobé dans l'enseignement technique et qu'il fait partie de la même invention initialement divulguée : T 681/21, T 1602/21, T 2086/21, T 1551/22, T 1354/23.
(ii) Non-prise en considération de preuves publiées ultérieurement
Dans l'affaire T 258/21, la revendication 1 du brevet contesté portait sur un médicament comprenant une quantité efficace d'un composé de dihydropyridine à courte durée d'action, destiné à être utilisé dans une méthode visant à réduire des lésions consécutives à un accident vasculaire cérébral. La chambre, citant le point II du sommaire de la décision G 2/21 (JO 2023, A85), a fait observer que l'effet qui était attesté dans les preuves publiées ultérieurement n'avait jamais été envisagé ni même suggéré dans la demande initiale. Il s'ensuivait que l'effet technique invoqué par le demandeur ne pouvait pas être pris en compte pour l'évaluation de l'activité inventive, en application de la décision G 2/21. La chambre a constaté que même si cet effet technique avait pu être déduit de la demande initiale, les preuves publiées ultérieurement n'étaient que des résumés rendant compte de résultats d'études "en cours". Ces documents ne fournissaient pas de résultats détaillés ni d'informations sur les protocoles utilisés. Il était dès lors permis de douter de prime abord que l'exploitation, par le requérant, des données présentes dans ces résumés soit adéquate.
Dans l'affaire T 852/20, la chambre a jugé que l'effet technique allégué établi par des données publiées ultérieurement, et qui concernait une solubilité dans l'eau et une biodisponibilité accrue de la forme 1 par rapport à la forme 2, n'était pas divulgué ni enseigné à un quelconque endroit de la demande telle que déposée. La personne du métier ne pouvait en aucune façon déduire de la demande telle que déposée qu'une forme cristalline particulière, à savoir la forme 1 revendiquée, avait une bonne solubilité et une bonne biodisponibilité, et encore moins une solubilité et une biodisponibilité supérieures à celles d'une autre forme cristalline (forme 2). Il s'ensuivait que la personne du métier, sur la base de la demande telle que déposée et à la lumière de ses connaissances générales, n'aurait pas conclu que l'effet technique allégué était englobé dans l'enseignement technique de la demande telle que déposée, et encore moins qu'il faisait partie de la même invention initialement divulguée.
Une invention ne peut pas être fondée uniquement sur des connaissances qui n'ont été rendues accessibles qu'après la date effective. Dans l'affaire T 887/21, la chambre a estimé qu'il ne suffisait pas qu'un effet technique puisse être obtenu par une composition qui, sur le plan des caractéristiques techniques, correspondait aux compositions de la demande telle que déposée. Pour pouvoir être pris en considération dans la formulation du problème technique objectif, l'effet technique allégué qui était censé être démontré par les preuves produites après le dépôt (dans le cas présent, l'inhibition des salmonelles en dehors du contexte de l'adhérence épithéliale) devait également être englobé dans l'enseignement technique de la demande telle que déposée, ce qui signifie que l'effet technique en question devait dès le départ être divulgué ou du moins pouvoir être déduit de l'enseignement technique des pièces de la demande.
Dans l'affaire T 1994/22, la chambre a reconnu que le simple fait que la photostabilité ou la photostabilité améliorée ne figurait pas dans les termes d'une déclaration verbale positive dans la demande telle que déposée et que la demande telle que déposée ne contenait pas de données concernant la photostabilité en tant que telle, n'empêchait pas de s'appuyer sur une photostabilité améliorée dans les termes des décisions G 2/21 ou T 116/18 du 28 juillet 2023 date: 2023-07-28. Cependant, la chambre n'a pas pris en considération une déclaration d'envergure concernant la "haute qualité" et la "facilité de manipulation industrielle" à englober dans la photostabilité, si ce n'est une photostabilité améliorée. Si une telle déclaration d'envergure était suffisante, une référence à la haute qualité suffirait pour invoquer qu'un effet technique quelconque est englobé dans la demande au sens de la décision G 2/21. Ainsi le premier critère du point 2 du dispositif de la décision G 2/21 serait insignifiant. En l'espèce, la chambre a estimé que l'enseignement de la demande telle que déposée n'englobait pas l'effet de photostabilité.
Dans l'affaire T 2046/21, la chambre a considéré que l'effet allégué sur lequel le requérant s'appuyait, démontré par les preuves publiées ultérieurement D13, D35 et D37, pouvait être déduit de la demande initiale. L'enseignement technique de la demande initiale était donc englobé dans l'effet technique tel que l'exige la décision G 2/21 et la preuve publiée ultérieurement devait donc être prise en considération lors de l'appréciation de l'activité inventive. Toutefois, le requérant ne pouvait pas s'appuyer sur un autre effet très spécifique mis en avant dans l'analyse a postérieure de données dans D36, qui n'était ni mentionné ni même évoqué dans la demande initiale ou dans le brevet. Le fait que l'effet résiderait dans une nouvelle amélioration d'un effet dont la présence était déjà alléguée chez les patients restants n'a pas modifié le fait que l'effet appuyé par le document D36 s'appliquait uniquement à un sous-groupe de patients qui n'avait pas été identifié ou évoqué précédemment dans le brevet.
Dans l'affaire T 601/22, la chambre était d'avis qu'aucun effet synergique résultant des caractéristiques (c) et (f) n'était divulgué ou ne pouvait découler de la demande et que l'effet synergique allégué (éventuellement décrit dans la preuve publiée ultérieurement D7) n'était pas lié au problème technique évoqué initialement dans la demande telle que déposée. Alors que l'invention se rapportait à la stabilité mécanique de l'élément de soutien en métal avec son ruban métallique poreux et sa couche de graphène (en option), le document D7 décrivait une invention différente. Donc l'effet synergétique allégué "altère ou altérait la nature de l'invention" et ledit effet n'était ni suggéré ni anticipé dans la demande. La chambre a estimé que se posait la question de savoir si l'effet technique allégué était "conceptuellement compris" dans l'enseignement dudit passage ou s'il était pertinent pour la grille du microscope électronique ayant un ruban métallique poreux et un élément de soutien, du fait qu'il n'était pas mentionné du tout dans la demande ou ne pouvait pas être déduit de celle-ci.
Le chapitre II.C.6.8 "Documents publiés ultérieurement (post-published documents)" aborde la question des moyens de preuve publiés ultérieurement eu égard à la suffisance de l'exposé (art. 83 CBE). Voir également le chapitre II.C.7.2.3 "Preuve de l'effet thérapeutique".