7.2.3 Preuve de l'effet thérapeutique
Vue d'ensemble
7.2.3 Preuve de l'effet thérapeutique
Sur la preuve de l'effet thérapeutique, la Grande Chambre de recours dans G 2/21 (JO 2023, A85) résume les principes applicables -largement par référence à la jurisprudence antérieure- énonçant ainsi :
La possibilité de recourir à des moyens de preuve publiés ultérieurement est beaucoup plus étroite dans le cadre de la suffisance de l’exposé (art. 83 CBE) que dans le cadre de l’activité inventive (art. 56 CBE). Afin de satisfaire à l’exigence selon laquelle l’invention doit être exposée d’une manière suffisamment claire et complète pour que la personne du métier puisse l’exécuter, la preuve d’un effet thérapeutique revendiqué doit être fournie dans la demande telle qu’elle a été déposée, en particulier si, en l’absence de données expérimentales dans la demande telle qu’elle a été déposée, il ne serait pas crédible pour la personne du métier que l’effet thérapeutique est obtenu. Une lacune à cet égard ne peut être comblée par des moyens de preuve publiés ultérieurement." (G 2/21, point 77 des motifs).
Dans l’affaire T 294/20, la chambre a discuté des conclusions de la décision G 2/21, notamment en rapport avec la question de la preuve et de la mesure dans laquelle G 2/21 confirmait la jurisprudence existante. Abordant la manière dont l’aptitude à peut être déduite du brevet ou de la demande, la chambre a rappelé un passage pertinent de la décision de principe T 609/02 : "iI est nécessaire que… le composé revendiqué ait un effet direct sur un mécanisme métabolique spécifiquement impliqué dans la maladie…". Les requérants s’appuyaient sur la décision T 950/13 pour avancer que de telles informations pouvaient prendre la forme d’un "concept technique plausible". La chambre a toutefois considéré qu’un "concept technique plausible" ne pouvait pas être étendu au point d’inclure une simple hypothèse non étayée par la moindre preuve. Elle a préféré confirmer les principes élaborés dans la décision T 609/02 selon lesquels "il n’est pas toujours nécessaire que les résultats de l’application de la composition revendiquée dans des essais cliniques, ou au moins à des animaux, soient rapportés. Néanmoins, cela ne signifie pas qu’une simple déclaration orale […] suffise pour garantir la suffisance de l’exposé […]. Il est nécessaire que le brevet fournisse quelques informations sous forme, par exemple, de tests expérimentaux, destinées à montrer que le composé revendiqué a un effet direct sur un mécanisme métabolique spécifiquement impliqué dans la maladie, ce mécanisme étant soit connu de l’état de la technique, soit démontré par le brevet en tant que tel" (T 609/02, point 9 des motifs). La chambre a déclaré que la charge de la preuve de l’aptitude incombait au déposant (T 294/20 citant G 1/03 (JO 2004, 413, point 2.5.3 des motifs)). La chambre a déclaré qu’il n’était pas possible de s’acquitter de cette charge ou de la déplacer vers l’OEB ou vers le public en alléguant simplement qu’un effet thérapeutique revendiqué devait être considéré comme démontré dès lors que le contraire n’avait pas été prouvé.
Dans l’affaire T 979/23 ainsi que dans l’affaire liée antérieure T 1779/21, la chambre relève que G 2/21 confirme les conclusions des décisions T 609/02, T 754/11 et T 887/14. L’expression "preuve d’un effet thérapeutique revendiqué" figurant dans G 2/21, point 77 des motifs, ne peut donc pas être interprétée comme s’écartant de la jurisprudence constante dans le contexte d’une deuxième indication thérapeutique ; elle n'applique pas une exigence plus rigoureuse que la jurisprudence constante antérieure à la décision G 2/21. En revanche, en renvoyant dans la même phrase à une situation particulière où en l’absence de données expérimentales dans la demande telle que déposée, il ne serait pas crédible pour la personne du métier que l’effet thérapeutique soit obtenu, la Grande Chambre de recours a confirmé que des moyens autres que des données expérimentales dans la demande telle que déposée peuvent établir la preuve d’un effet thérapeutique revendiqué. En revanche, en l’absence de preuves expérimentales, il est nécessaire que le brevet ou la demande telle que déposée fournisse des informations démontrant que le composé revendiqué a un effet direct sur un mécanisme métabolique spécifiquement impliqué dans la maladie, ce mécanisme étant soit connu de l’état de la technique, soit démontré dans le brevet lui-même (voir T 609/02, points 5 à 9 des motifs). Dans l’affaire T 1779/21, la chambre a conclu qu’une contribution à l’état de la technique permettant à la personne du métier de réaliser l’invention devait être présente dans la demande telle qu’elle a été déposée.
Le terme de plausibilité, lui, est appréhendé par la Grande Chambre de recours différemment de la jurisprudence antérieure (voir notamment points 72, 92 des motifs). La Grande Chambre de recours s’est écartée du concept de “plausibilité” estimant que le terme de “plausibilité” n’équivaut pas à un concept juridique distinct ni à une exigence spécifique du droit des brevets au titre de la CBE, en particulier pour les art. 56 et 83 CBE.
La question est de savoir si la personne du métier, en tenant compte de l’exposé de l’invention dans le brevet et des connaissances générales à la date correspondante de la demande, aurait considéré que les composés auxquels renvoyait la revendication étaient adaptés pour obtenir l’effet thérapeutique (voir T 609/02, point 9 des motifs), ou, en d’autres termes, s’il était plausible (ou crédible) que la composition revendiquée permette d’obtenir l’effet thérapeutique (rappel des principes tiré de T 966/18).
La demande doit soit fournir des preuves appropriées de l’effet thérapeutique revendiqué, soit il doit pouvoir être déduit de l’état de la technique ou des connaissances générales de base. L’exposé de résultats expérimentaux dans la demande n’est pas toujours exigé pour établir la suffisance, en particulier si la demande divulgue un concept technique plausible et qu’il n’y a aucun doute fondé quant à la possibilité de mettre en pratique le concept revendiqué (T 950/13, citant l'affaire ex parte T 578/06 qui portait sur la question de la preuve que le problème technique était bien résolu pour justifier sa formulation dans le cadre de l'examen de l'activité inventive ; T 578/06 qui convoque les notions de plausibilité et de "post-published documents" est citée dans G 2/21 (JO 2023, A85) point 60 des motifs). Dans l’affaire T 294/20, la chambre a dû se pencher sur l’argument des requérants (titulaires du brevet), fondé sur la décision T 950/13, selon lequel de telles informations pourraient prendre la forme d’un "concept technique plausible" ; dans ce contetxe, la chambre (voir plus haut dans la présente section) s’est appuyée sur les principes développés dans T 609/02 et les a confirmés, et a discuté du "concept technique plausible" dans T 950/13.
La décision T 950/13 a été citée par l’intimé (titulaire) dans l’affaire T 25/20 où l’invention concernait des méthodes et des compositions à base de cyclobenzaprine pour traiter les symptômes liés au stress post-traumatique (PTSD). Les revendications 1 et 6 portaient sur les deuxièmes indications médicales d’une composition comprenant de la cyclobenzaprine. Selon l’intimé, la situation était analogue à celle sous-tendant l’affaire T 950/13. Dans les deux cas, la demande telle que déposée ne contenait pas de preuves expérimentales. Néanmoins, dans chaque cas, le mode d’action de la substance était divulgué. De ce fait, la crédibilité du concept technique devait également être reconnue. Or, selon la chambre, le mode d’action prétendu de la cyclobenzaprine en l’espèce n’était pas un mécanisme au niveau moléculaire présentant une importance généralement reconnue pour la maladie ou le symptôme à traiter : la demande telle que déposée étayait le mode d’action prétendu uniquement par le fait que la cyclobenzaprine était adaptée au traitement des troubles du sommeil liés à diverses pathologies autres que le PTSD. À elle seule, cette aptitude, qui était connue, ne suffisait pas pour établir la crédibilité dans le cas d’espèce parce qu’il existait des doutes fondés quant au mode d’action prétendu et au concept technique reposant sur ce mode d’action. Tel n’était pas le cas dans l’affaire T 950/13, où la chambre n’avait pas identifié de tels doutes.
Toute application thérapeutique revendiquée peut être prouvée par tout type de preuve dans la mesure où elle reflète l'effet thérapeutique sur lequel elle repose (T 814/12 faisant référence notamment à T 609/02).
La décision G 2/21 qui s'est prononcée avant tout sur la prise en compte de documents publiés ultérieurement dans le cadre de l'activité inventive, énonce sur la base du principe de libre appréciation des preuves que les moyens de preuve présentés par un demandeur ou un titulaire de brevet à l’appui d’un effet technique allégué sur lequel il se fonde aux fins d’établir l’activité inventive de l’objet revendiqué ne peuvent être écartés au seul motif que ces moyens de preuve, sur lesquels l’effet repose, n’étaient pas accessibles au public avant la date de dépôt de la demande de brevet en cause et ont été produits après cette date (voir points 90-91 des motifs).
Dans l’affaire T 1210/20, la chambre a conclu que la thèse du requérant selon laquelle, d’après le point 77 des motifs de G 2/21, la preuve d’un effet technique est exigée sans conditions, était inexacte. Ce paragraphe renvoie plutôt à l’exigence de preuve dans la demande telle que déposée, en particulier s’il s’avère peu crédible pour la personne du métier que l’effet thérapeutique revendiqué soit obtenu sur la base de la demande telle que déposée. Le corollaire en est que si la demande telle que déposée rend crédible un effet thérapeutique, une telle preuve – sous forme de données expérimentales concrètes – peut s’avérer inutile. La chambre a expliqué par ailleurs que le point 74 des motifs de G 2/21 était cohérent avec le point 77 puisqu’il n’affirmait pas que la preuve dans la demande telle que déposée était une exigence pour reconnaître la suffisance de l’exposé. Pour répondre aux exigences en matière de suffisance de l'exposé, il suffit que la demande telle que déposée rende crédible l'application thérapeutique revendiquée.
L'interprétation de G 2/21 – en rapport avec l’art. 83 CBE – quant à savoir si une preuve telle que des données expérimentales est requise dans la demande est abordée, par exemple, en plus de T 1210/20 précitée, dans les décisions suivantes : T 1779/21, T 25/20, T 116/18 date: 2023-07-28 (28 juillet 2023, décision de la chambre à l’origine de la saisine, points 11.12.3 et 11.12.3 des motifs), T 853/22, T 294/20 (qui discute également du degré de preuve).
Sur les limites à l’application de G 2/21, voir T 2037/22 (point 3.3 des motifs) concernant un effet non thérapeutique. De fait, la chambre saisie de l’affaire T 2037/22 (composition de résine PBAT) a abordé la question de la preuve d’un effet technique revendiqué qui n’était pas un effet thérapeutique, et a déclaré que l’argument du requérant (opposant) fondé sur G 2/21 reposait sur une généralisation de l’analyse faite par la Grande Chambre de recours qui concernait exclusivement la jurisprudence relative aux effets thérapeutiques revendiqués ; or, dans la décision G 2/21, la Grande Chambre de recours n’a pas procédé à une telle généralisation.
- T 0867/23
In T 0867/23 the board decided on the basis of the patent as granted (main request). Claim 1 was worded as a purpose-limited product claim in accordance with Art. 54(5) EPC. The treatment of "primary negative symptoms of schizophrenia" was a functional feature of claim 1.
The parties were in dispute regarding whether the application as filed made the claimed therapeutic effect plausible, and whether post-published evidence could be taken into account. The question was whether, on the basis of the evidence contained in the application as filed, cariprazine was demonstrated to have the claimed therapeutic effect on primary negative symptoms of schizophrenia.
In support of its reasoning, the board cited G 2/21 (point 77 of the Reasons), in which the Enlarged Board had explained that, in order to meet the requirement of sufficiency of disclosure, "[…] the proof of a claimed therapeutic effect has to be provided in the application as filed, in particular if, in the absence of experimental data in the application as filed, it would not be credible to the skilled person that the therapeutic effect is achieved. A lack in this respect cannot be remedied by post-published evidence..
In the board's view, this statement of the Enlarged Board did not set a new standard for reliance on post-published evidence in the context of sufficiency of disclosure, i.e. a standard which would depart from the previously cited case law summarised in G 2/21 (as noted in T 979/23). Following G 2/21, a reliance on post-published evidence was not ruled out generally in the context of sufficiency of disclosure for second medical use claims. The reliance on post-published evidence could also not be limited to situations in which it served no useful purpose, i.e. cases in which the effect was already convincingly proven in the application to such an extent that the use of post-published evidence, as a superfluous confirmation of the already proven effect, would be of no relevance. The board explained that, in other words, the scope of reliance on post-published evidence was not zero.
In the case in hand, the board considered that the application as filed contained experimental data reflecting an effect on primary negative symptoms of schizophrenia, and thus disclosed the suitability of cariprazine for the claimed therapeutic indication (see T 609/02). Under these circumstances, the board established that post-published evidence D13 could be taken into account to back up the findings in the application as filed.
The board found that D13 confirmed the findings of the patent, and showed improvements in negative symptoms while excluding indirect effects related to positive, depressive, or EPS (extrapyramidal) symptoms as causal factor. Accordingly, D13 supported the conclusion that cariprazine was effective on primary negative symptoms and refuted the appellants' objection that the improvement could relate to secondary negative symptoms. Therefore, the criteria of sufficiency of disclosure were satisfied.
- T 0816/22
In case T 816/22, the patent contained data from a randomised, double-blind, placebo-controlled pilot study to evaluate the safety and efficacy of Cinryze (C1 esterase inhibitor [human]) for the treatment of acute antibody-mediated rejection (AMR) in recipients of donor-sensitised kidney transplants.
The patent proprietor had alleged inter alia that for medical use claims, the patent had to disclose the suitability of the product to be manufactured for the claimed therapeutic application. Clinical trials were not required to establish such suitability.
According to the opponent, D54 (clinical trial results) represented the best available evidence concerning the efficacy of the claimed treatment and it demonstrated a complete failure to provide any therapeutic effect. The opponent alleged also that it could not be expected that an opponent had to conduct even more comprehensive clinical studies than a phase III trial in order to discharge its burden of proof of insufficiency. The disclosure of a patent was insufficient if the invention could not be reproduced across the whole breadth of the claims. Even a plausible disclosure of a therapeutic effect (which was missing in the present case) still had to be subject to refutation by evidence that the therapeutic effect was not in fact attained (which was provided by documents D15, D16 and D54), the standard of proof being "serious doubts, substantiated by verifiable facts".
In view of the small number of patients (clinical trial), the opponent considered that a treatment effect had not been demonstrated. The board, however, did not deem it necessary to establish this and instead started from the assumption that the opposition division was correct in finding that the experimental data provided in the patent, together with the mechanistic explanation provided, made it plausible (or credible) to the skilled person at the time of filing that a therapeutic effect on AMR could be achieved; however, this in itself was not enough to demonstrate that the invention was sufficiently disclosed if the opponent provided evidence which raised serious doubts that the therapeutic effect could indeed be achieved.
Post-published documents D15, D16 and D54 related to the phase III clinical trial. Due to the termination of the trial after 36 months, data was not collected, analysed and reported for any of the secondary endpoints related to efficacy (see D54). The patent proprietor argued that the termination of the trial was a commercial decision which did not mean that there was no therapeutic effect of any kind.
To the board, what was crucial was whether the skilled person, with the teaching of the patent in hand and applying common general knowledge, was able to reproduce the invention, i.e. to achieve a therapeutic effect on kidney transplant AMR when administering C1-INH intravenously using the dosage regimen indicated in the claim and identified in the presently discussed embodiment. The board agreed with the patent proprietor that therapy was not limited to completely curing a disease or condition, but also included alleviating, removing or lessening the symptoms of any disorder or malfunction of the human or animal body.
D54 showed the complete absence of any therapeutic effect with the claimed dosage regimen. For the very parameter that was considered "a clinical marker of AMR in a transplant patient" in the patent, D54 found no effect for a larger patient cohort. The board considered this sufficient to raise serious doubts based on verifiable facts that the claimed treatment achieved a therapeutic effect. In view of this evidence, it was not sufficient for the patent proprietor to refer to potential beneficial effects that might arise when following up with patients for a longer period of time.
In conclusion, a phase III clinical trial with the same setup as the examples in the patent and using the dosage regimen which was an embodiment of the claim could not reproduce the claimed subject-matter as exemplified in the embodiment under discussion as it did not exhibit any efficacy after 36 months. The patent proprietor had not dispelled the serious doubts regarding the presence of a treatment effect in view of these data. Therefore, the invention as claimed was not reproducible.