T 0435/91 (Détergents) 09-03-1994
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Exposé suffisant de l'invention (requête principale et requêtes subsidiaires 1 et 2) (non)
Généralisation inadmissible (requête subsidiaire 3)
Activité inventive, variante non évidente (requête subsidiaire 4)
I. Le recours, formé le 14 juin 1991 et accompagné du paiement de la taxe de recour, est dirigé contre la décision rendue par la division d'opposition de l'OEB, prononcée le 24 janvier 1991, dont les motifs écrits portent la date du 15 avril 1991. Par cette décision, la division d'opposition a maintenu sous une forme modifiée le brevet européen n° 0 153 857 délivré à la suite de la demande de brevet européen n° 85 301 297.9, déposée le 26 février 1985, qui revendiquait la priorité d'une demande antérieure du 29 février 1984 déposée au Royaume-Uni et comprenait 31 revendications. La décision était fondée sur la revendication 1 modifiée et sur les revendications 2 à 31 du brevet tel que délivré. La revendication 1 modifiée est libellée comme suit :
" Composition détergente aqueuse comprenant un gel, caractérisée en ce que le gel est entièrement ou principalement sous la forme de cristaux liquides hexagonaux et comprend :
(a) un composant tensioactif ayant un point de Krafft inférieur à la température ambiante, ledit composant ne pouvant former spontanément une phase hexagonale, et consistant :
(i) en 30 à 100 % en poids d'un tensioactif anionique ou cationique comprenant un groupe polaire de tête et au moins une chaîne hydrocarbonée aliphatique ou araliphatique linéaire ou ramifiée comportant au total au moins 8 atomes de carbone aliphatiques, le groupe polaire de tête étant dans une position nonterminale d'une seule chaîne hydrocarbonée ou portant plus d'une chaîne hydrocarbonée ; ou d'au moins deux de ces tensioactifs ayant le même type de charge ; et
(ii) éventuellement en 0 à 70 % en poids d'un autre tensioactif choisi parmi les tensioactifs ayant le même type de charge qu'en (i) mais comprenant un groupe polaire de tête en position terminale d'une chaîne hydrocarbonée aliphatique ou araliphatique linéraire ou ramifiée comportant au moins 8 atomes de carbone aliphatiques; de tensioactifs nonioniques et de mélanges de ceux-ci ;
(b) un "additif" qui est un produit formant peu de micelles ou ne formant pas de micelles, soluble dans l'eau, susceptible de forcer le composant tensioactif (a) à venir en phase hexagonale, l'additif étant nonionique ou ayant le même type de charge que le tensioactif (a)(i) ; et
(c) de l'eau ;
mais excluant une composition comprenant en poids 27 % d'alkylbenzène sulfonate comme tensioactif (a)(i), 13 % d'alkyléther sulfate comme tensioactif (a)(ii), 12 % d'urée et 4 % d'éthanol. (Ndt : traduction tirée de la revendication en français du brevet publié).
La décision attaquée tenait compte, entre autres, des documents suivants :
(1) DE-A-2 231 304
(2) US-A-2 580 713
(3) EP-A-0 112 047
II. La division d'opposition a estimé que la condition selon laquelle l'exposé de l'invention doit être suffisamment clair et complet était remplie, puisque la description et les revendications du brevet litigieux contenaient suffisamment d'informations pour permettre de choisir des composants adaptés en vue de préparer les compositions souhaitées et qu'en préparant le mélange l'homme du métier pouvait aisément déterminer le point auquel se forme un gel tel que celui revendiqué. Pour ce qui est de l'activité inventive, ...
III. Le mémoire exposant les motifs du recours a été reçu le 15 août 1991 et une procédure orale a eu lieu le 9 mars 1994.
IV. Dans ses conclusions et lors de la procédure orale, où il s'est en outre référé à la décision T 226/85, le requérant (opposant) a allégué que selon la description du brevet attaqué et la teneur des documents (1) et (3) les plages de concentration dans lesquelles se trouvait le gel dans sa phase hexagonale souhaitée étaient très étroites et dépendaient en très grande partie de la nature chimique des composants. Par conséquent, la grande majorité des compositions contenant des composants selon la revendication 1 dans les plages de concentration qui y sont définies ne permettaient pas selon lui de former une phase hexagonale du gel, et ainsi il n'était pas possible d'obtenir des gels couverts par les définitions larges données dans la revendication 1, autres que ceux décrits dans les exemples de réalisation, sans effectuer un nombre excessif d'expériences ou sans autre activité inventive. ...
V. L'intimé (titulaire du brevet) a invoqué les décisions T 292/85, T 301/87, T 19/90, T 182/89, T 60/89 et T 212/88 des chambres de recours et soutenu que l'objet de l'actuelle revendication 1 était suffisamment exposé dans la description pour pouvoir être exécuté par un homme du métier capable d'effectuer des expériences de routine. Selon l'intimé, en particulier, le brevet ne contenait pas seulement un mais plusieurs exemples indiquant comment on pouvait obtenir le gel dans la phase hexagonale souhaitée. De plus, il a affirmé qu'il n'était pas possible, sans perdre le bénéfice d'une protection appropriée, de décrire l'invention sans utiliser des définitions "fonctionnelles", dans la mesure où les plages de concentration permettant d'obtenir la phase hexagonale étaient définies par des zones irrégulières du diagramme de phases et dépendaient en très grande partie de la nature chimique des composants. Dans son mémoire, l'intimé a estimé que la question de savoir si une autre invention était ou non nécessaire pour exécuter l'invention dans certaines zones couvertes par la revendication mais en dehors de celle couverte par les exemples de réalisation, n'était pas pertinente ou, en d'autres termes, que la possibilité de faire des inventions de sélection ne diminuait pas le caractère suffisant de l'exposé de l'invention. Pour ce qui est de l'activité inventive, il a déclaré que, même à supposer que le document (1) pût donner à penser qu'il faille augmenter la viscosité de certaines compositions tensioactives, il ne suggérait certainement pas de produire une phase de cristaux liquides hexagonaux. Ainsi a- t-il estimé que les informations combinées des documents (2) et (1) n'aidaient pas l'homme du métier à résoudre le problème consistant à fournir des compositions sous forme de cristaux liquides hexagonaux comprenant des compositions tensioactives qui ne peuvent pas former de tels cristaux spontanément. Selon l'intimé, l'état de la technique ne contenant aucune indication sur la possibilité d'obtenir des gels dans la phase de cristaux liquides hexagonaux à partir de tensioactifs ne prenant pas une telle forme spontanément, le titulaire du brevet avait le droit d'obtenir un monopole sur toutes les compositions comprenant des tensioactifs susceptibles de former une telle phase de gel en présence de tout additif adapté, sans avoir à indiquer la nature chimique exacte de ce dernier composant.
A l'issue de la procédure orale, l'intimé a soumis six jeux de revendications modifiés, au titre d'une requête principale et de cinq requêtes subsidiaires. La requête principale et les requêtes subsidiaires 1 à 4 ont été présentées sous la forme de copies de la requête principale à laquelle avait fait droit la décision attaquée, copies qui comportaient de nouvelles modifications manuscrites. La revendication 1 au titre de la requête principale était identique à la revendication 1 sur laquelle la décision attaquée était fondée, sauf qu'à la fin "et 4 % d'éthanol" a été remplacé par "4 % d'éthanol et le reste en eau"
Dans la revendication 1 au titre de la première requête subsidiaire, la définition du composant (b) a été remplacée par ce qui suit :
(b) un "additif" qui est un produit formant peu de micelles ou ne formant pas de micelles, soluble dans l'eau, qui est un hydrotrope susceptible de forcer le composant tensioactif (a) à venir en phase hexagonale, l'additif étant non ionique ou ayant le même type de charge que le tensioactif (a)(i). (Caractères gras ajoutés par la Chambre.)
Dans la revendication 1 au titre de la deuxième requête subsidiaire, l'expression ci-dessus "qui est un hydrotrope" a été remplacée par "choisi parmi des composés ayant un groupe polaire de tête ayant le même type de charge que le tensioactif a(i) et éventuellement une chaîne hydrocarbonée aliphatique ou araliphatique comportant au maximum 6 atomes de carbone aliphatiques". ...
Dans la revendication 1 au titre de la quatrième requête subsidiaire, l'expression ci-dessus "qui est un hydrotrope" a été remplacée par "choisi parmi l'urée, la méthylurée, l'éthylurée, la thio-urée, le formamide, l'acétamide, les toluènes sulfonates et xylènes sulfonates". ...
VI. Le requérant a demandé que la décision attaquée soit annulée et le brevet révoqué.
L'intimé a demandé que le brevet soit maintenu sur la base de sa requête principale ou de l'une de ses requêtes subsidiaires 1 à 5 présentées lors de la procédure oral.
A l'issue de la procédure orale, la décision de faire droit à la quatrième requête subsidiaire a été prononcée. Le dispositif prononcé a été rectifié conformément à la règle 89 CBE, le 14 mars 1994.
1. Le recours est recevable.
2. Requête principale
2.1 La revendication 1 selon cette requête diffère de la revendication 1 autorisée par la décision attaquée, en ce qu'il a été apporté au "disclaimer" excluant la composition connue utilisée dans l'exemple F du document (3) une correction s'imposant à l'évidence. Cette modification ne peut donner lieu à aucune objection au titre de l'article 123(2) et (3) CBE.
2.2 Le principal point débattu au sujet de cette requête était de savoir si l'objet de la revendication en cause satisfaisait ou non à la condition posée à l'article 100 b) CBE, c'est-à-dire si le brevet exposait ou non l'invention revendiquée de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
2.2.1 Il ne fait aucun doute que l'homme du métier peut déterminer si une composition tensioactive existe ou non dans la phase de cristaux liquides hexagonaux (cf. description du brevet, page 6, lignes 3 à 8). Par ailleurs, la faisabilité des exemples de réalisation, dans lesquels l'"additif" est de l'urée ou du toluène sulfonate de sodium, n'a pas été mise en cause. Il est donc clair que le brevet divulgue au moins une manière d'exécuter l'invention et qu'il est possible d'établir si une composition déterminée correspond ou non à la définition de l'invention selon la revendication 1.
Par contre, il faut se demander si l'objet de la revendication 1 pris dans son ensemble peut ou non être exécuté par l'homme du métier, car l'une de ses caractéristiques techniques essentielles, l'"additif" (b), est uniquement définie par sa fonction.
La Chambre estime que les critères permettant de déterminer si l'invention est exposée de façon suffisamment claire et complète sont les mêmes pour toutes les inventions, quelle que soit la manière dont elles sont définies, que ce soit selon les termes structurels de leurs caractéristiques techniques ou par leur fonction. Dans les deux cas, la condition d'exposé suffisant de l'invention peut uniquement signifier que non seulement une partie mais l'ensemble de l'objet qui est défini dans les revendications doit pouvoir être exécuté par l'homme du métier sans expérimentation excessive ni apport inventif.
La particularité de la définition "fonctionnelle" d'un composant d'un mélange de substances réside dans le fait que ce composant n'est pas caractérisé en termes structurels mais par son effet. Ainsi, ce type de définition ne concerne pas un composant ou un groupe de composants tangibles mais une multitude indéfinie et abstraite de produits pouvant avoir chacun une composition chimique sensiblement différente dès lors qu'ils permettent d'obtenir le résultat souhaité. Par conséquent, pour que la définition et la revendication dont elle fait partie remplissent les conditions posées à l'article 83 ou à l'article 100 b) CBE, il faut que l'homme du métier puisse disposer de tous ces produits. Cette approche est fondée sur le principe juridique général selon lequel la protection conférée par un brevet doit correspondre à la contribution qu'apporte à l'état de la technique l'invention divulguée par le brevet, ce qui signifie que le monopole conféré par le brevet ne peut être étendu à un objet dont l'homme du métier ne pourrait toujours pas disposer après lecture de la description du brevet (cf. également points 3.4 et 3.5 de la décision T 409/91, JO OEB 1994, 653).
L'on ne saurait bien sûr fixer de manière catégorique quel doit être le degré de détail de la description d'un brevet pour permettre sa mise en pratique dans tout l'ensemble du domaine de la revendication, car cette question ne peut être tranchée qu'au cas par cas. Toutefois, il est clair que les informations disponibles doivent permettre à l'homme du métier de parvenir sans difficulté excessive au résultat prévu, dans l'ensemble du domaine de la revendication contenant la définition, faisant état ou non des connaissances générales pertinentes "fonctionnelle" concernée et que la description faisant état ou non des connaissances générales communes pertinentes doit donc fournir un concept technique se suffisant entièrement à lui-même sur la manière dont ce résultat peut être atteint.
Il convient donc de déterminer si la présente description divulgue un seul mode de réalisation de l'invention ou bien un concept technique susceptible d'être généralisé et rendant accessibles à l'homme du métier la multitude de variantes couvertes par la définition "fonctionnelle" concernée de la revendication en question. A cet égard, l'intimé a reconnu lors de la procédure orale qu'il n'était pas possible, sur la base des informations données dans la description du brevet et en s'appuyant sur les connaissances générales communes, d'identifier d'autres composés que ceux expressément mentionnés, à savoir les "hydrotropes", que l'on peut raisonnablement s'attendre à voir produire l'effet souhaité.
Il apparaît ainsi clairement que la définition ci-dessus de l'additif ne constitue rien de plus qu'une invitation à effectuer un programme de recherche en vue de trouver d'autres "additifs" satisfaisant à la condition "fonctionnelle" posée dans la revendication 1. En d'autres termes, par cette définition telle que contenue dans la présente revendication, l'intimé tente de revendiquer non seulement la solution au problème technique qui est de fournir des compositions tensioactives sous la forme d'un gel dans la phase de cristaux liquides hexagonaux, rendue accessible à l'homme du métier par la divulgation de la description du brevet, mais encore toutes les autres solutions pouvant être apportées à ce problème, basées sur le "principe" consistant à mélanger une composition tensioactive (a) telle que définie dans la revendication 1 avec un "additif adapté" et de l'eau, sans donner aucune indication technique ou aucune indication technique utile sur la manière d'obtenir avec une chance raisonnable de succès d'autres "additifs" adaptés n'étant pas des "hydrotropes". Ni la description du brevet ni les connaissances générales communes pertinentes ne donnent d'indications sur la manière dont on peut définir ces autres additifs ou sur les critères selon lesquels ils peuvent être choisis. Par conséquent, la Chambre estime que le brevet ne divulgue pas de concept technique se suffisant à lui-même qui corresponde vraiment à la définition "fonctionnelle" utilisée pour l'"additif" (b) dans la présente revendication 1. Aussi, conformément à l'article 100 b) CBE, le brevet ne peut-il être maintenu sur cette base.
2.2.2 L'intimé s'est référé à plusieurs décisions antérieures des chambres de recours qui, à son avis, corroboreraient la thèse juridique selon laquelle la condition visée à l'article 100 b) CBE serait en principe toujours satisfaite par la divulgation d'une seule façon d'exécuter l'invention, par exemple un exemple de réalisation, dont la reproduction permet d'obtenir un mode de réalisation de l'invention. Or, les décisions invoquées ne peuvent confirmer une thèse aussi générale, dans la mesure où l'intimé ne s'est pas appuyé sur l'ensemble de leur contenu mais sur des parties seulement de celles-ci.
C'est à tort notamment que l'on invoquerait les constatations du point 3.1.5 de la décision T 292/85 (JO OEB 1989, 275) hors de leur contexte. En effet, il n'y est pas seulement dit, comme le cite l'intimé, qu'"une invention est exposée de manière suffisante s'il est indiqué clairement au moins un mode de réalisation permettant à l'homme du métier d'exécuter l'invention" ; la phrase suivante précise que "pour l'appréciation du caractère suffisant ou non de l'exposé, il est sans importances que certaines variantes particulières d'un élément de l'invention, défini en termes de fonction, ne soient pas disponibles, dès lors que l'homme du métier connaît, grâce à l'exposé de l'invention ou aux connaissances générales communes dans son domaine technique, des variantes appropriées produisant le même effet pour l'invention" (caractères gras ajoutés). Par conséquent, la décision T 292/85 est entre autres basée sur la constatation selon laquelle la demande en question permettait d'opérer un choix suffisant de variantes appropriées des modes de réalisation disponibles et divulgués avec précision (point 3.1.3 des motifs). Par ailleurs, s'agissant de l'expression "bactérie convenable" (définition "en termes de fonction"), il a été souligné que l'applicabilité du procédé revendiqué à toutes ou à la plupart des espèces de bactéries n'avait pas été vraiment mise en cause (point 3.2.1 des motifs). On est parvenu à des constatations similaires au regard des autres définitions "en termes de fonction" - ou définitions "fonctionnelles" - de la revendication en question (cf. par ex. point 3.4.3 des motifs). Cette décision ne corrobore donc pas la thèse juridique de l'intimé qui est beaucoup plus générale. De même, les motifs indiqués au point 4 de la décision T 301/87 (JO OEB 1990, 335) et au point 3 de la décision T 19/90 (JO OEB 1990, 476) sous-entendent que les chambres de recours respectives étaient convaincues que toutes les variantes couvertes par les revendications en cause permettaient d'obtenir le résultat souhaité, éventuellement avec quelques exceptions. On ne peut rien déduire d'autre non plus du raisonnement correspondant développé dans la décision T 60/89 (JO OEB 1992, 268), points 2.2.2 à 2.2.7 des motifs. Au point 2 des motifs de la décision T 182/89 (JO OEB 1991, 391), il a été confirmé que l'exposé de l'invention était suffisant, constatation ayant été faite, entre autres, que nul "n'a avancé de justifications laissant entendre qu'un lecteur averti du brevet ne serait pas en mesure d'exécuter l'invention sous quelque mode de réalisation que ce soit" (caractères gras ajoutés). La décision T 212/88 (JO OEB 1992, 28) concerne la reproductibilité des exemples de réalisation ; elle n'a pas porté sur la question de savoir si l'ensemble des produits couverts pas une définition "fonctionnelle" pouvaient être obtenus.
2.2.3 Par conséquent, la Chambre estime qu'il n'y a pas de conflit entre ces décisions et la décision T 226/85 (JO OEB 1988, 336) dans laquelle l'exposé de l'invention a été considéré comme insuffisant car la description ne contenait pas d'indications adéquates permettant à l'homme du métier d'effectuer des expériences aléatoires avec des chances de succès statistiquement acceptables (cf. points 7 et 8 de cette dernière décision et T 14/83, JO OEB 1984, 105). Au contraire, toutes ces décisions ont un fondement commun, à savoir que l'exposé d'une invention revendiquée n'est suffisant que si l'homme du métier peut raisonnablement s'attendre à ce que pratiquement tous les modes de réalisation de cette invention qu'il envisage sur la base de cet exposé et des connaissances générales communes pertinentes puissent être exécutés. En d'autres termes, seuls des échecs exceptionnels peuvent être tolérés. Or, en l'espèce, la possibilité d'échec est loin d'être exceptionnelle. Il s'ensuit que l'argument de l'intimé, selon lequel il devrait bénéficier d'une protection plus étendue car l'enseignement du brevet attaqué inciterait les spécialistes à entreprendre des recherches complémentaires susceptibles d'entraîner la découverte d'autres compositions adaptées, n'a aucun fondement dans la CBE et qu'il ne saurait reposer sur la jurisprudence des chambres de recours citée.
3. Première requête subsidiaire ...
4. Deuxième requête subsidiaire
4.1 Selon l'unique revendication soumise avec cette requête, la définition de l'"additif" fait l'objet d'une nouvelle limitation, à savoir qu'elle est restreinte au groupe mentionné dans la première phrase du point 3.2 supra. Cette modification ne peut donc donner lieu à aucune objection au titre de l'article 123(2) et (3) CBE.
4.2 La définition de l'"additif" indique à présent non seulement le résultat à atteindre mais également les conditions structurelles devant être satisfaites pour obtenir ce résultat. Toutefois, compte tenu du fait que, lors de la procédure orale, l'intimé n'a pas été en mesure d'indiquer, sur la base de la description, d'autres moyens pour l'homme du métier d'éviter des échecs en essayant d'exécuter l'invention que celui d'utiliser les "additifs" qui y sont expressément recommandés, la situation est sensiblement la même que pour la première requête subsidiaire. La définition en termes de structure comprend toujours un nombre pratiquement illimité de composés particuliers, et le brevet ne contient aucune indication permettant à l'homme du métier d'identifier sans effort excessif les composés particuliers appropriés. En l'espèce, pour effectuer cette identification, l'homme du métier serait obligé d'établir un diagramme de phases complet pour chaque composé, combiné à un nombre lui aussi pratiquement infini de compositions tensioactives envisageables (a). Toutefois, les diagrammes de phases contenus dans le brevet et afférents aux exemples de réalisation, en particulier lorsque l'on compare les figures 1 à 5 (où l'"additif" est de l'urée) avec la figure 6 (où l'"additif" est du toluène sulfonate de sodium"), montrent que la zone dans laquelle on trouve une forme hexagonale peut devenir très réduite. En outre, l'intimé affirme que, même si la plage de concentration dans laquelle on peut obtenir la phase hexagonale souhaitée varie de manière non systématique et par conséquent de façon imprévisible, en fonction de la structure chimique des composants, l'homme du métier peut raisonnablement s'attendre à obtenir des cristaux liquides hexagonaux avec d'autres "additifs" adaptés, en choisissant des concentrations similaires à celles correspondant au "milieu" de la zone applicable aux composants selon les exemples de réalisation ; mais cette affirmation ne s'accorde pas avec les figures mentionnées ci-dessus. Par conséquent, l'homme du métier n'a aucune possibilité d'effectuer un test "de sélection" rapide pour vérifier si, lorsque l'on choisit des concentrations convenables, un composant particulier satisfaisant aux conditions structurelles ci-dessus, définies d'une façon générale, est susceptible de forcer un mélange d'une composition tensioactive (a) et d'eau à venir dans la phase hexagonale souhaitée. En l'absence d'une telle possibilité, l'homme du métier doit, en l'espèce, non seulement sélectionner un additif adapté mais encore choisir une composition tensioactive correspondante et la concentration convenable, alors qu'il ne lui est fourni rien de plus qu'une méthode permettant d'établir si une composition déterminée est ou non dans la phase de cristaux liquides hexagonaux. Par ailleurs, il résulte des figures mentionnées ci-avant qu'en l'espèce l'homme du métier ne peut raisonnablement pas prévoir quels "additifs" ayant une structure chimique très différente de celle de l'urée ou du toluène sulfonate de sodium seraient susceptibles de forcer les compositions tensioactives (a) de la revendication 1 à venir dans la phase de cristaux liquides hexagonaux souhaitée, car le remplacement de l'urée par du toluène sulfonate de sodium réduit déjà fortement la zone dans laquelle on trouve une telle phase. La Chambre n'est donc toujours pas convaincue que dans le cas de la revendication 1 en question, la description du brevet et les connaissances générales communes de l'homme du métier permettent à celui-ci de concevoir avec des chances raisonnables de succès des variantes appropriées des modes de réalisation expressément décrits de l'invention revendiquée.
Aussi l'exposé de l'invention dans la description demeure-t-il insuffisant pour la plupart des modes de réalisation couverts par l'actuelle revendication 1, et il ne peut non plus être fait droit à cette requête.
5. Troisième requête subsidiaire ...
6. Quatrième requête subsidiaire
6.1 La revendication 1 au titre de cette requête est basée sur les revendications 1, 6, 7 et 9 de la demande telle que déposée et du brevet tel que délivré, ensemble la description de ces mêmes demande et brevet (cf. page 5, lignes 2 à 4 et lignes 21 à 25 de la description, qui ont déjà été traitées à propos de la troisième requête subsidiaire), et elle n'étend pas la protection conférée par la revendication 1 du brevet tel que délivré. Par conséquent, la modification satisfait aux conditions de l'article 123(2) et (3) CBE.
6.2 Selon l'actuelle revendication 1, l'"additif" est choisi dans une liste limitée de composés chimiques particuliers dont la structure est très proche de celle des "additifs" utilisés dans les exemples de réalisation. L'homme du métier ne se voit donc plus imposer le "double effort" qu'exigent les définitions larges et "fonctionnelles" des additifs adaptés et qui consiste à devoir établir par tâtonnements quels composés sont en principe adaptés et, en même temps, à déterminer les concentrations convenables de tous les composants des compositions revendiquées selon la requête principale et les deux premières requêtes subsidiaires. Le requérant n'a pas contesté le fait qu'il est très probable que, pour l'ensemble des "additifs" revendiqués à présent, il existe une plage de concentration dans laquelle on peut obtenir, selon la nature chimique du tensioactif (a), une phase de cristaux liquides hexagonaux. De plus, vu que les additifs énumérés dans l'actuelle revendication 1 qui ne sont pas utilisés dans les exemples ont une structure très proche de celle de l'urée ou du toluène sulfonate de sodium, pour lesquels des plages de concentration convenables peuvent être déduites des figures 1 et 6, la détermination exacte des limites de concentration à l'intérieur desquelles la phase de cristaux liquides hexagonaux souhaitée se forme lorsque l'on utilise les autres "additifs" ne peut être considérée comme nécessitant un effort excessif de la part de l'homme du métier. Au contraire, du fait qu'il peut raisonnablement s'attendre à ce que, dans ces cas-là, à peu près les mêmes concentrations que celles utilisées dans les figures mentionnées ci-dessus seront applicables, il aura uniquement à effectuer des expériences de routine. Ainsi, la Chambre estime qu'au regard de l'objet actuellement revendiqué, la condition de l'article 83 CBE est satisfaite et que l'article 100 b) CBE ne s'oppose donc pas au maintien du brevet attaqué, sur la base de l'actuelle revendication 1.
6.3 La Chambre est convaincue que l'objet de l'actuelle revendication 1 est nouveau. Ce fait n'a pas été contesté par le requérant.
6.4 Il reste à déterminer si l'objet de l'actuelle revendication 1 implique ou non une activité inventive. ...
6.4.4 Ainsi, l'état de la technique cité ne rend pas l'objet de l'actuelle revendication 1 évident pour l'homme du métier. Le brevet peut donc être maintenu sur la base de cette revendication.
7. Dans ces conditions, point n'est besoin d'examiner la cinquième requête subsidiaire.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la division d'opposition pour maintien du brevet sur la base de la revendication 1 de la requête subsidiaire 4 après adaptation des autres revendications et modification correspondante de la description.