J 0029/96 (Demande divisionnaire) 03-09-1997
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Exposé des faits et conclusions
I. Le 18 décembre 1995, le requérant a déposé la demande 95..., en laissant entendre qu'il s'agissait d'une demande divisionnaire de la demande 90... en date du 10 septembre 1990 (la "demande initiale").
II. Le 16 février 1995, une notification au titre de la règle 51(4) CBE, rédigée sur le formulaire OEB Form 2004, avait été envoyée au requérant, pour l'informer du texte dans lequel la division d'examen envisageait de délivrer un brevet pour la demande initiale ; ce dernier avait donné par lettre son accord sur ce texte.
III. Dans une lettre du 14 décembre 1995 adressée à l'Office européen des brevets au sujet de la demande initiale, le requérant a écrit ce qui suit :
"Nous vous informons que nous revenons sur l'accord que nous avions donné sur le texte contenu dans la notification officielle au titre de la règle 51(4) CBE, émise le 16 février 1995, afin que nous puissions déposer une demande divisionnaire. Si le dépôt de cette demande divisionnaire n'est pas admis, nous demandons que soit maintenu notre accord donné précédemment (le 31 mai 1995) sur le texte figurant dans la notification officielle au titre de la règle 51(4) CBE de février 1995."
Par une notification en date du 27 décembre 1995 concernant la demande initiale, le requérant a été informé que dans ce cas, le dépôt d'une demande divisionnaire n'était plus admis.
IV. Par une notification du 25 mars 1996 constatant une perte de droits conformément à la règle 69(1) CBE, le requérant a été informé que la demande litigieuse ne serait pas traitée comme une demande divisionnaire européenne, parce qu'elle avait été déposée après qu'il eut donné son accord sur le texte de la demande de brevet européen initiale encore en instance, conformément à la règle 51(4) CBE (règle 25(1) CBE). Il a été renvoyé à l'avis de la Grande Chambre de recours G 10/92. Le requérant a demandé qu'une décision formelle soit rendue, ce qui a été fait le 29 mai 1996. Dans cette décision, il a été indiqué que la demande ne serait pas traitée comme une demande divisionnaire, puisqu'en vertu de la règle 25(1) CBE, il n'est possible de déposer une demande divisionnaire que jusqu'au moment où le texte de la demande apparentée est approuvé, conformément à la règle 51(4) CBE. Ce principe a été confirmé par la Grande Chambre de recours dans son avis G 10/92.
V. Le requérant a formé un recours par lettre du 16 juillet 1996 ; il a acquitté la taxe correspondante et déposé un mémoire exposant les motifs du recours, qui a été reçu le 24 septembre 1996. Le 9 juin 1997, la Chambre a envoyé une convocation à une procédure orale, accompagnée d'une notification. Le requérant a soumis d'autres arguments dans ses lettres datées du 1er juillet 1997 et du 4 août 1997. Dans sa dernière lettre, il demandait en outre que les questions suivantes soient soumises à la Grande Chambre de recours :
"1. Les observations que la Grande Chambre a formulées au point 5 de son avis G 10/92 à propos du demandeur qui revient ultérieurement sur son accord donné conformément à la règle 51(4) doivent-elles être considérées comme un motif décisoire (et, partant, comme ayant un effet contraignant pour de futures affaires), ou simplement comme une opinion incidente (et donc, comme non contraignantes) ?
2. Si ces observations constituent une simple opinion incidente, dans quelles conditions un demandeur peut-il revenir sur un accord qu'il a donné en vertu de l'article 51(4) afin de déposer une demande divisionnaire ?"
VI. La procédure orale a eu lieu le 3 septembre 1997. S'agissant des questions encore pertinentes à cette date, les arguments soumis par écrit et lors de la procédure orale ont été essentiellement les suivants :
- La question de la dernière date à laquelle une demande divisionnaire peut être déposée revêt une très grande importance pour les demandeurs. Le requérant, une société américaine, croyait qu'il pouvait déposer une demande divisionnaire jusqu'à la date de délivrance du brevet apparenté, comme cela est le cas en vertu de la loi américaine sur les brevets. En donnant son accord sur le texte prévu pour la délivrance du brevet sur la base de la demande initiale, le requérant n'excluait donc pas la possibilité de déposer une demande divisionnaire.
- Le retrait de l'accord et l'effet qui en résulte ne sont pas couverts explicitement par la Convention, ni par son règlement d'exécution. Il n'est pas interdit à proprement parler de revenir sur son accord, alors qu'en vertu de la règle 14 CBE, il n'est pas possible de retirer une demande de brevet européen lorsqu'un tiers apporte la preuve qu'il a introduit une procédure portant sur le droit à l'obtention du brevet. Seule une interdiction catégorique pourrait empêcher les demandeurs de revenir sur leur accord, or il n'en existe aucune. Par conséquent, ce retrait doit être valable, et il y a lieu de considérer qu'aucun accord n'a été donné. Puisque le requérant était revenu sur son accord le 14 décembre 1995, il était libre de déposer une demande divisionnaire.
- Même en admettant que ce retrait constitue une astuce de procédure, la décision T 186/84 (JO OEB 1986, 79), concernant une affaire dans laquelle le titulaire du brevet demandait la révocation de son propre brevet, a montré que de telles astuces procédurales étaient acceptables et utiles.
- La phrase figurant au point 5 de l'avis G 10/92, à savoir que "cette possibilité de revenir sur une telle déclaration n'implique cependant pas que le demandeur qui se rétracte se voit conférer le droit de déposer alors une demande divisionnaire", n'est pas satisfaisante au plan juridique, puisque la question n'a été examinée que partiellement par la Grande Chambre. Avant de prendre une décision défavorable au présent requérant, il conviendrait de saisir la Grande Chambre de recours.
VII. Le requérant a demandé que la décision attaquée soit annulée et que la demande de brevet européen n 95... soit traitée comme une demande divisionnaire; à titre subsidiaire, il a demandé que les questions posées dans sa lettre du 4 août 1997 (cf. point V, supra) soient soumises à la Grande Chambre de recours.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Dans sa réponse à la question posée, donnée dans l'avis G 10/92 (JO OEB 1994, 633), la Grande Chambre a déclaré ce qui suit :
"Aux termes de la règle 25 CBE, dans la version en vigueur depuis le 1er octobre 1998, un demandeur ne peut déposer une demande divisionnaire relative à une demande de brevet européen initiale encore en instance que jusqu'au moment où il donne son accord conformément à la règle 51(4) CBE."
Cette réponse confirme (cf. point 4 de l'avis) que la règle 25 CBE est compatible avec l'article 76(3) CBE, et que le délai fixé à cette règle ne saurait être contesté pour des motifs juridiques. Au point 5, la Grande Chambre a en outre précisé ce qui suit :
"La décision rendue dans les affaires J 11/91 et J 16/91 fait observer que l'approbation du texte visée à la règle 51(4) CBE ne constitue pas un événement irréversible, et il n'y a rien à objecter à cette constatation du point de vue juridique. Cette approbation est une déclaration aux fins de la procédure et donc - comme toutes les déclarations de ce type - elle peut être retirée, sauf disposition contraire de la loi. Cette possibilité de revenir sur une telle déclaration n'implique cependant pas que le demandeur qui se rétracte se voit conférer le droit de déposer alors une demande divisionnaire. En se rétractant, le demandeur ne peut au demeurant pas annuler le fait qu'il a déjà donné son accord sur le texte."
3. La Chambre partage pleinement cette opinion. Le retrait de l'accord donné sur le texte de la demande initiale, dans le seul but de permettre le dépôt d'une demande divisionnaire au-delà du délai fixé à la règle 25 CBE, comme c'est le cas en l'espèce, n'est pas valable à cette fin. Le recours à une astuce de procédure peut être justifié dans certaines circonstances, mais il n'en demeure pas moins qu'il serait contraire au sens et à la finalité explicites de la règle 25 CBE de permettre au demandeur de revenir sur son accord dans le but de rouvrir le délai de dépôt d'une demande divisionnaire ; cela ne saurait donc être autorisé.
4. Le droit européen des brevets diffère à maints égards du droit américain. Le fait que la pratique concernant le dernier jour auquel peut être déposée une demande divisionnaire, constitue l'une de ces différences, n'est pas une raison pour interpréter la règle 25 CBE autrement que selon son libellé explicite, ni pour contourner ladite règle par une astuce de procédure.
5. Questions posées à la Grande Chambre
5.1 L'article 16 du règlement de procédure des chambres de recours prévoit que "si une chambre juge nécessaire de s'écarter d'une interprétation ou d'une explication de la Convention figurant dans un avis antérieur ou dans une décision de la Grande Chambre de recours, elle en saisit cette dernière." Cet article prouve qu'il n'y a pas d'avis ou de décision de la Grande Chambre qui ait un effet strictement contraignant pour une chambre de recours. Une chambre de recours sera toujours libre de soumettre à nouveau une question à la Grande Chambre. Cet article 16 répond donc à la question 1 que la présente Chambre avait été invitée à soumettre à la Grande Chambre de recours concernant le caractère contraignant des observations formulées au point 5 de l'avis G 10/92.
5.2 La Chambre serait dès lors libre de soumettre la deuxième question relative aux conditions dans lesquelles un demandeur peut revenir sur un accord qu'il a donné en vertu de la règle 51(4) CBE, afin de déposer une demande divisionnaire. Partageant pleinement l'avis G 10/92, la Chambre estime toutefois que le retrait de l'accord donné sur le texte de la demande initiale dans le seul but de déposer une demande divisionnaire n'est pas valable. C'est la seule question qui se pose en l'espèce, et la Chambre ne spéculera pas sur les situations envisageables, qui ne se présentent pas en l'occurrence, où le retrait de l'accord pourrait être valable. Par conséquent, la Chambre est d'avis qu'il n'est pas nécessaire de soumettre quelque question que ce soit à la Grande Chambre de recours.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La requête en vue d'une saisine de la Grande Chambre de recours est rejetée.
2. Le recours est rejeté.