T 0578/09 (Additif d'onctuosité/TOTAL) 02-03-2011
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Additif d'onctuosité pour carburant
Activité inventive (requête principale et requêtes subsidiaires 2, 2B, 3, 3B): non - amélioration du pouvoir lubrifiant et effet de synergie pretendu pas établi dans tout l'intervalle revendiqué
Modification supportée (requête subsidiaire 1): non
Exposé des faits et conclusions
I. Le recours fait suite à la décision de la division d'opposition de rejeter l'opposition contre le brevet européen nº 961 820, concernant un additif d'onctuosité pour carburant.
Le brevet a été délivré avec la revendication 1 suivante:
"1. Utilisation comme additif d'onctuosité pour les carburants moteurs, Diesel et aviation, à teneur en soufre inférieure ou égale à 500 ppm, caractérisée en ce que l'additif est composé de :
? de 5 à 25% en poids d'au moins un monoester
de glycérol de formules (IA) et/ou (IB) ci-après:
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
avec R1 choisi parmi les chaînes alkyles linéaires ou faiblement ramifiées, saturées ou insaturées, comprenant de 8 à 24 atomes de carbone, et les groupements cycliques et polycycliques comprenant de 8 à 60 atomes de carbone,
? de 35 à 75% en poids d'au moins un composé de formule (II) ci-après:
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle R2 est une chaîne alkyle linéaire ou
faiblement ramifiée, saturée ou insaturée, comprenant de 8 à 24 atomes de carbone, et X est choisi parmi (i) les groupements OR0, R0 étant un reste hydrocarboné comprenant de 1 à 8 atomes de carbone, éventuellement substitué par un ou plusieurs groupements esters, et (ii) les groupements dérivant d'amines primaires et/ou secondaires, d'alcanolamines de chaîne hydrocarbonée aliphatique, linéaire ou ramifiée, comprenant de 1 à 18 atomes de carbone,
? de 0,1 à 20% en poids d'au moins un diester de glycérol de formule (IIIA) et/ou (IIIB)
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans lesquelles R3 et R4, identiques ou différents, sont choisis parmi les chaînes alkyles linéaires ou faiblement ramifiées, saturées ou insaturées, comprenant de 8 à 24 atomes de carbone, et les groupements cycliques et polycycliques comprenant de 8 à 60 atomes de carbone."
II. Une opposition a été formée à l'encontre du brevet européen précité, entre autres, sur le fondement de l'article 100(a) CBE, en particulier l'absence d'activité inventive de l'objet revendiqué.
A l'appui de l'opposition, l'opposante a cité, entre autres, les documents suivants:
(1): EP-A-635558;
(2): WO97/04044;
(3): WO94/17160;
(4): EP-A-739970;
(5): US-A-4204481.
III. La division d'opposition a décidé que le brevet litigieux remplissait les exigences de la CBE.
En particulier, elle a estimé que les exemples du brevet démontraient une amélioration synergique du pouvoir lubrifiant des compositions revendiquées par rapport aux composants lubrifiants isolés représentant les produits connus des documents (1) à (4).
Donc, même si l'homme du métier aurait pu mélanger les esters connus de l'état de la technique cité avec l'espoir d'obtenir des résultats équivalents, il n'y avait aucune suggestion dans l'art antérieur que leur combinaison était à même d'améliorer le pouvoir lubrifiant.
Par conséquent, l'objet revendiqué impliquait une activité inventive.
IV. L'opposante (ci-après indiquée comme Requérante) a formé un recours à l'encontre de cette décision et a soumis une série d'essais avec la lettre du 14 mai 2009.
La titulaire du brevet (ci-après indiquée comme Intimée) a soumis trois jeux de revendications, selon les requêtes subsidiaires 1 à 3 par lettre du 18 décembre 2009 et les jeux de revendications 2B et 3B par lettre du 25 février 2011.
Une procédure orale s'est tenue devant la Chambre le 2 mars 2011.
V. Le libellé de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 diffère du libellé de la revendication 1 du brevet tel que délivré (requête principale) seulement en ce qu'elle se termine par la phrase additionnelle "composés présents en quantité synergiques pour la lubrifiance."
Les libellés des revendications 1 figurant respectivement dans les requêtes subsidiaires 2 et 3 sont identiques et diffèrent du libellé de la revendication 1 selon la requête principale, seulement en ce que le composé de la formule (II) est un composé où R2 est une chaîne alkyle linéaire ou faiblement ramifiée, saturée ou insaturée, comprenant de 8 à 24 atomes de carbone, et X est choisi parmi les groupements dérivant d'amines primaires et/ou secondaires, d'alcanolamines de chaîne hydrocarbonée aliphatique, linéaire ou ramifiée, comprenant de 1 à 18 atomes de carbone.
Les libellés des revendications 1 figurant respectivement dans les requêtes subsidiaires 2B et 3B sont identiques et diffèrent des libellés des revendications 1 selon les requêtes subsidiaires 2 et 3, seulement en ce que l'utilisation revendiquée est limitée pour les carburants moteurs Diesel définis par la norme ASTM D-975 et la quantité d'additif est limitée à 25 à 2500 ppm en poids dans ledit carburant.
VI. La Requérante a soutenu, par écrit et oralement, entre autres, que
- les essais du brevet litigieux et ceux soumis avec la lettre du 14 mai 2009 montrent qu'une amélioration du pouvoir lubrifiant par rapport à l'état de la technique cité n'est pas obtenue pour toute l'étendue de l'utilisation revendiquée;
- de plus, il n'était pas démontré que le choix des concentrations pour les composants de l'additif utilisé selon la revendication 1 est critique pour l'obtention d'un effet lubrifiant;
- par conséquent, le problème technique à résoudre peut être défini comme étant seulement l'utilisation d'un additif de lubrification alternatif;
- en partant de l'enseignement du document (2), il aurait été évident pour l'homme du métier d'essayer comme alternative, des combinaisons des mélanges d'esters de glycol, tel que l'additif A du document (2), avec d'autres additifs lubrifiants connus, tels que les esters d'acides gras cités dans les documents (1) et (3) ou les produits de réaction d'acides gras avec la diéthanolamine du document (5);
- par conséquent, l'objet revendiqué serait dépourvu d'une activité inventive;
- la phrase "composés présents en quantité synergique" contenue dans la requête subsidiaire 1 ne serait pas supportée par les documents originaux de la demande de brevet et contreviendrait donc aux dispositions de l'article 123(2) CBE;
- de plus, les requêtes subsidiaires 2B et 3B seraient tardives et irrecevables.
VII. L'Intimée a contesté tous les arguments de la Requérante et a exposé, entre autres, que
- les essais du brevet montrent bien l'effet synergique des additifs utilisés selon l'invention;
- les essais de la Requérante ne seraient pas à prendre en considération;
- l'état de la technique ne suggèrerait pas les additifs spécifiques de l'invention et ne suggèrerait pas d'utiliser les produits de réaction d'acides gras avec la diéthanolamine, dans un carburant Diesel, dans les concentrations de la revendication 1;
- la phrase "composés présents en quantité synergique" serait supportée par les paragraphes [40] et [9] du brevet;
- les requêtes subsidiaires 2B et 3B auraient été soumises en réaction à la lettre de la Requérante du 21 février 2011, dans laquelle la discussion de l'activité inventive était fondée pour la première fois sur la décision T 215/03.
VIII. La Requérante demande que la décision contestée soit annulée et que le brevet soit révoqué.
IX. L'Intimée demande le rejet du recours ou subsidiairement le maintien du brevet sur la base d'une des requêtes subsidiaires 1 à 3 annexées à la lettre du 18 décembre 2009 ou 2B ou 3B annexées à la lettre du 25 février 2011.
Motifs de la décision
1. Requête principale de l'Intimée (brevet tel que délivré)
1.1 Activité inventive
1.1.1 La revendication 1 selon la requête principale concerne l'utilisation d'un additif d'onctuosité spécifique afin d'améliorer les propriétés lubrifiantes des carburants Diesel ou aviation à teneur en soufre inférieure ou égale à 500 ppm. Cet additif est composé d'un monoester de glycérol (ci-après AD1), un ester et/ou un amide d'acides gras (ci-après AD2) et un diester de glycérol (ci-après AD3) dans les concentrations spécifiées dans la revendication 1 et, comme admis par l'Intimée lors de la procédure orale devant la Chambre, cet additif peut aussi comprendre de sous-produits obtenus dans la préparation des composants spécifiés ci-dessus, tels que le triester de glycérol (voir paragraphe [27] du brevet litigieux), lesquels sous-produits, toutefois, n'ont pas un effet lubrifiant.
Le brevet litigieux expose que les carburants diesels et les carburants aviations doivent posséder des aptitudes à la lubrification pour la protection des pompes, des systèmes d'injection et de toutes les parties en mouvement, avec lesquels ces produits entrent en contact dans un moteur à combustion interne.
Toutefois la réglementation de nombreux pays a imposé de limiter la teneur maximale en composés soufrés dans les carburants à 500 ppm, afin de diminuer les émissions en gaz de combustion polluants (voir paragraphe 2 du brevet litigieux).
Cependant, on a observé que l'élimination des composés soufrés entraine également l'élimination des composés aromatiques et polaires souvent associés, ce qui occasionne une perte du pouvoir lubrifiant de ces carburants et favorise les phénomènes d'usure et de rupture de pièces en mouvement au niveau des pompes et des systèmes d'injection (paragraphe 3).
Il a donc été proposé d'utiliser plusieurs types d'additifs pour résoudre ce problème, comme par exemple des esters d'acides gras et des dimères d'acides gras non saturés, des amines aliphatiques, des esters d'acides gras et de diéthanolamine, des acides monocarboxyliques aliphatiques à chaîne longue; toutefois, la plupart de ces additifs présente un pouvoir lubrifiant faible à une concentration inférieure à 0,5% en poids (5000 ppm) et a un effet satisfaisant à des concentrations bien trop élevées, ce qui est très défavorable économiquement (voir paragraphes 4 et 8).
Par conséquent, selon la description du brevet litigieux, l'invention vise à résoudre les problèmes rencontrés avec les additifs proposés par l'art antérieur, c'est-à-dire à améliorer le pouvoir lubrifiant des carburants désulfurés et partiellement désaromatisés, tout en restant compatibles avec les autres additifs et en diminuant le coût de revient par une teneur moindre en additif, nettement inférieure à 0,5% en poids (paragraphe 9).
1.1.2 Il n'était pas contesté par l'Intimée que les documents (1) à (4) visent à résoudre le même problème technique indiqué dans le brevet litigieux (voir les documents (1) page 2, lignes 1 à 49; page 3, lignes 6 à 14; page 4, lignes 43 à 51 et 56 à 58; (2) page 1, lignes 1 à 32; page 6, lignes 19 à 21 et 34 à 37; page 7, lignes 18 à 23; page 8, lignes 16 à 17 et 27 à 28; page 24, lignes 11 à 15; (3) page 1, lignes 3, 4 et 28 à 36; page 2, lignes 11 à 13; page 6, lignes 4 à 6, 35 et 36; page 7, lignes 18 à 23; (4), page 2, lignes 7 à 9, 13 à 38 et 44 à 51; page 5, lignes 3 à 5; page 6, lignes 43 à 48; page 7, lignes 38 à 41).
Du moment que les documents (1) à (4) visent à résoudre un problème technique similaire, l'état de la technique à partir duquel l'activité inventive peut être appréciée de façon objective est celui qui exige le moins de modifications structurelles et fonctionelles (voir la Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 6**(e) édition 2010, chapitre I.D.3.2).
La Chambre observe que l'additif utilisé dans le document (1) comprend seulement un ester d'acides gras (AD2); l'additif du document (2) est un monoester de glycérol qui peut comprendre une proportion mineure
d'autres esters (page 5, lignes 13 à 16 et 24 à 30; page 6, lignes 5 à 7) et l'additif A utilisé dans ses exemples comprend en effet un monoester et un diester de glycérol (AD1 + AD3); l'additif du document (3) peut être un ester ou un mélange d'esters et l'additif D spécifique est un ester de glycérol (AD1) (page 5, lignes 16 à 17 et 29 à 33; page 7, ligne 32); l'additif du document (4) comprend un monoester et un diester de glycérol (AD1 + AD3) (voir page 2, ligne 52 à page 3, ligne 18 et revendication 1).
Par conséquent, les documents (1) et (3), qui divulguent spécifiquement un additif ayant seulement un des composants de l'additif utilisé dans le brevet litigieux, ont moins de caractéristiques en commun avec l'objet revendiqué que les documents (2) et (4) et doivent être écarté dans le choix du point de départ pour l'évaluation de l'activité inventive.
La Chambre observe également que l'effet lubrifiant de l'additif utilisé est mesuré dans le document (2) au moyen d'une méthode HFFR à 60º C similaire à la méthode HFFR du brevet litigieux (voir page 24, lignes 26 à 29 et page 28, ligne 5 du document (2) et paragraphes [23] et [29] du brevet litigieux), tandis que le document (4) utilise une méthode différente à 25º C, laquelle méthode n'est pas comparable avec la méthode HFFR (voir page 9, dernière ligne à page 10, ligne 4). Par conséquent, les résultats techniques obtenus par l'invention du document (2) sont de manière réaliste plus proches des résultats techniques du brevet litigieux.
La Chambre est donc de l'avis que, dans les circonstances de l'invention présente, le document (2) doit être choisi comme point de départ pour l'évaluation de l'activité inventive (voir aussi la Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 6**(e) édition 2010, chapitre I.D.3.4).
1.1.3 L'additif A du document (2), contenant les composants AD1 et AD3 du brevet, est efficace à des quantités bien au dessous de 5000 ppm dans un carburant Diesel ayant seulement 4,5 ppm en soufre (voir page 25, ligne 19 et tableau 2 à la page 28) et peut être mélangé avec d'autres additifs selon l'enseignement de ce document (page 8, lignes 16 à 17 et 27 à 28; page 24, lignes 11 à 15); par conséquent, le document (2) avait déjà résolu le problème technique indiqué dans le brevet litigieux.
Il reste donc à évaluer si, comme argumenté par l'Intimée et indiqué dans le paragraphe [40] du brevet litigieux, la caractéristique distinctive de l'invention revendiquée, c'est à dire la combinaison des composants AD1 et AD3 avec le composant AD2 selon la revendication 1 du brevet litigieux, entraîne une amélioration supplémentaire ou synergique, c'est à dire bien supérieure à celle prévisible par ajout de chacun des composants pris séparément, du pouvoir lubrifiant par rapport à l'additif A du document (2) contenant un mélange AD1 + AD3.
Dans les exemples figurant au tableau II du brevet litigieux on peut comparer le pouvoir lubrifiant des deux additifs X1 et X2 selon l'invention, qui consistent en un mélange de 2 grammes d'additif T2 contenant un amide AD2 (le produit de réaction d'un acide de tall-oil avec la diéthanolamine) ou T1 contenant aussi un amide AD2 (le produit de réaction de l'acide oléique avec la diéthanolamine) avec 1 gramme d'un mélange d'esters du glycérol T3 contenant AD1 et AD3 et principalement du monooléate de glycérol AD1 (voir paragraphes 25 à 27) avec le pouvoir de T3, qui représente un mélange d'esters similaire à l'additif A du document (2).
Les essais ont été conduits sur trois gazoles A, B et C différents (dans le tableau II, gazoles 1, 2 et 3), qui ont une teneur en soufre respective de 480, 270 ou 455 ppm (paragraphe 38) et révèlent un diamètre d'usure selon la méthode HFFR utilisée dans le brevet respectivement de 425, 772 (dans le brevet est mentionnée la valeur erronée 712) et 550 mym.
Bien que les essais du brevet ne montrent pas un additif qui comprend seulement un ester d'acide gras à la place d'un amide comme composant AD2, l'Intimée a déclaré lors de la procédure orale que les essais représentent aussi ce type de mélange de l'invention, parce que les esters et les amides d'acides gras ont un pouvoir lubrifiant similaire. En effet, même le paragraphe [4] du brevet et, par exemple, le document (1) (page 2, lignes 51 à 53) citent ensemble ces composants comme lubrifiants de l'état de la technique. Par conséquent, la Chambre n'a pas de raisons pour douter de cette affirmation de l'Intimée.
En ce qui concerne la valeur statistique de la mesure HFFR effectuée, le brevet ne donne aucune indication explicite à ce sujet et les deux parties étaient lors de la procédure orale d'opinion divergente. Cependant, ainsi qu'il ressort de ce qui suit, il n'est pas nécessaire dans le cas présent d'évaluer et discuter cette valeur statistique ou la décision T 215/03 citée par la Requérante, pour évaluer l'activité inventive de l'objet revendiqué.
1.1.4 Les essais du brevet litigieux montrent pour les gazoles 1 et 2 une amélioration du pouvoir lubrifiant des mélanges de l'invention X1 et X2 par rapport à T3, exprimé par des mesures en numérique du diamètre d'usure (en mym) et par la pourcentage de gain par rapport au diamètre d'usure mesuré, comparé au gain du gazole sans additif. Pour le gazole 3, le mélange X1 montre aussi une amélioration tandis que le mélange X2 montre une perte en pouvoir lubrifiant par rapport à T3. Toutefois la valeur d'usure et le gain pour le mélange X2 se situe entre les valeurs déterminées pour T1 et T3 et plus proche des valeurs pour T3, ce qui pourrait être considéré comme un effet supérieur à ce qui était prévisible pour un mélange de deux parts de T1 avec une part de T3.
1.1.5 La Requérante a soumis avec la lettre du 14 mai 2009 des essais dans lesquels le pouvoir lubrifiant selon la méthode du brevet litigieux d'un additif correspondant à T3 (A3 dans ces essais) est comparé avec le pouvoir des mélanges correspondants à X1 et X2 (Y1 et Y2 dans ces essais) dans un gazole contenant moins de 5 ppm de soufre.
L'Intimée a soulevé pendant la procédure orale l'objection selon laquelle le carburant utilisé dans les essais de la Requérante ne serait pas un carburant Diesel selon l'invention parce que les essais du brevet litigieux utilisent des gazoles ayant un point final d'ébullition entre 357,5 et 373 ºC tandis que le carburant utilisé par la Requérante a un point final d'ébullition de 290,7 ºC.
La Chambre observe que la revendication 1 du brevet ne contient aucune limitation pour le point d'ébullition final du carburant Diesel à traiter et comprend l'utilisation de l'additif dans tous les types de carburants moteurs Diesel. L'Intimée n'a pas non plus fourni la preuve que le carburant de l'essai de la Requérante n'est pas un carburant Diesel. Au contraire, le document (2) utilise dans ses essais, comme carburant Diesel, un carburant de la classe I ayant un point d'ébullition final de 294,1 ºC (voir page 25, ligne 24) du même ordre que le carburant utilisé par la Requérante dans son essai.
Par conséquent, la Chambre est convaincue que les essais de la Requérante étaient conduits sur un carburant Diesel selon la revendication 1 du brevet litigieux.
Les résultats de ces essais montrent que les valeurs d'usure pour les mélanges de l'invention sont toujours plus importantes que les valeurs pour le composant A3 qui correspond à T3 du brevet litigieux (représentatif pour l'additif A du document (2)) et qu'il n'y a donc pas d'amélioration du pouvoir lubrifiant; de plus, la valeur d'usure pour 100 ppm du mélange Y2 est plus importante que les valeurs obtenues séparément avec ses composants A1 et A3 et la valeur d'usure pour 200 ppm du mélange Y1 est plus importante que les valeurs obtenues séparément avec ses composants A2 et A3. Par conséquent, ces essais ne montrent pas non plus un effet synergique.
Même en ne considérant pas les résultats d'usure supérieurs à 460 mym, qui selon la Requérante serait la valeur maximale acceptable retenue par l'industrie, et donc en ne considérant pas les résultats pour le gazole 2 des essais du brevet litigieux et ceux avec 100 ppm d'additif dans les essais de la Requérante, il demeure, comme expliqué ci-dessus, que les résultats d'usure inferieurs à 460 mym des essais sur 200 ppm d'additif Y1 et Y2 selon l'invention sont plus importantes que les valeurs obtenues pour le composant A3 qui correspond à T3 du brevet litigieux; par conséquent, ils ne montrent pas une amélioration du pouvoir lubrifiant par rapport à l'additif du document (2); de plus, la valeur d'usure pour le mélange Y1 est plus importante que les valeurs pour ses composants A2 et A3. Par conséquent, cet essai ne démontre certainement pas non plus l'effet synergique prétendu.
De l'examen des essais du brevet litigieux et des essais de la Requérante la Chambre conclut, même sans considérer aucune valeur statistique des mesures effectuées, qu'il y a certainement des utilisations selon l'invention qui apportent une amélioration du pouvoir lubrifiant par rapport à un additif tel qu'utilisé dans le document (2) ou un effet synergique, mais il est clair que ces effets ne peuvent pas être obtenus dans toute l'étendue de la revendication 1 qui inclut une utilisation d'une quantité non limitée d'additif dans tous les types des carburants Diesel ayant une quantité en soufre inférieure ou égale à 500 ppm.
Par conséquent, les essais discutés ci-dessus ne démontrent aucun avantage technique supplémentaire existant pour toute l'étendu de la revendication 1 par rapport à la divulgation du document (2).
1.1.6 La Chambre conclut que le problème technique à résoudre, sous-jacent à l'invention peut être défini seulement dans la formulation d'un additif de lubrification alternatif pour les carburants Diesel et aviation, à teneur en soufre inférieure ou égale à 500 ppm, lequel additif peut être utilisé dans des quantités nettement inférieures à 5000 ppm et qui est compatible avec d'autres additifs, mais qui ne doit pas être nécessairement équivalent en pouvoir lubrifiant à l'additif du document (2).
Les essais contenus dans le brevet litigieux et les essais de la Requérante montrent que les additifs selon l'invention améliorent le pouvoir lubrifiant d'un carburant Diesel pauvre en soufre sans additif. Par conséquent, la Chambre est de l'avis que l'objectif technique mentionné ci-dessus a été effectivement résolu par l'additif de la revendication 1 du brevet litigieux.
1.1.7 Il n'est pas contesté que les seules différences entre l'objet revendiqué et l'additif A du document (2) sont la présence du composant AD2 et les concentrations spécifiques pour les composants AD1, AD2 et AD3.
Bien que le document (2) vise principalement l'utilisation de composants AD1 spécifiques, ce document est une amélioration du document (3) (page 2, lignes 13 à 23; page 27, lignes 8 à 9 et page 28, ligne 13 du document (2)), et dans le document (3), les diesters de glycérol AD3 sont explicitement indiqués à coté des monoesters AD1 comme additifs lubrifiants pour les carburants Diesel pauvres en soufre (voir page 5, lignes 31 à 33).
Par conséquent, il aurait été évident pour l'homme du métier que le pouvoir lubrifiant de l'additif A du document (2) soit aussi du en partie au contenu en composant AD3.
De plus, en suivant l'enseignement spécifique du document (2), il aurait aussi été évident pour l'homme du métier d'essayer alternativement une combinaison d'un additif spécifique tel que l'additif A avec des co-additifs connus comme divulgués dans la description (page 8, lignes 16 à 17). Parmi les additifs connus l'homme du métier aurait donc certainement essayé les esters méthyliques d'acides gras AD2 qui sont décrits comme additifs lubrifiants utiles à des concentrations également nettement inferieures à 5000 ppm dans le document (3), dont le document (2) est une amélioration (voir page 5, lignes 21 à 25 et page 7, ligne 1 à 2 du document (3)), et dans le document (1) (revendication 1; page 4, lignes 49 à 50). Des documents (1), (2) et (3) il était également connu que les composants AD1, AD2 et AD3 sont aussi compatibles avec d'autres additifs (voir les documents (1), page 4, lignes 56 à 58; (2), page 8, lignes 27 à 28 et page 24, lignes 11 ä 15; (3) page 7, lignes 17 à 23).
En ce qui concerne les concentrations spécifiques des composants AD1, AD2 et AD3, il n'était pas démontré par les essais du brevet litigieux que les concentrations choisies sont critiques pour obtenir une amélioration du pouvoir lubrifiant d'un carburant Diesel sans additif. De plus, le document (2) avait déjà montré que le mélange des composants AD1 et AD3 avec une quantité majoritaire de AD1 est plus que suffisant pour obtenir une large amélioration du pouvoir lubrifiant (voir tableau 2 à la page 28), fait qui est confirmé par les valeurs obtenues avec T3 dans les essais du brevet litigieux et A3 dans les essais de la Requérante.
Par conséquent, il aurait été évident pour l'homme du métier, d'essayer à titre d'alternative, l'additif A du document (2) modifié avec l'addition d'un autre additif lubrifiant connu du type AD2 dans les concentrations exigées par la revendication pour résoudre le problème technique indiqué ci-dessus.
1.1.8 La Chambre conclut que la revendication 1 selon la requête principale n'implique pas une activité inventive.
2. Requête subsidiaire 1 de l'Intimée
2.1 Article 123(2) CBE
2.1.1 Le libellé de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 diffère du libellé de la revendication 1 selon la requête principale seulement en ce qu'elle se termine avec la phrase additionnelle "composés présents en quantité synergiques pour la lubrifiance."
Il n'est pas contesté que les documents originaux de la demande ne contiennent pas explicitement ce membre de phrase.
Selon l'Intimée, le support pour le membre de phrase contesté par la Requérante serait donné par le paragraphe [40] du brevet (page 10, ligne 3 à page 11, ligne 1 de la demande de brevet originale publiée comme WO 99/33938) suivant le tableau II, indiquant que les mélanges de l'invention X1 et X2 ont des caractéristiques d'usure plus faible que celles de T1, T2 et T3, ce qui traduit l'effet de synergie d'onctuosité selon l'invention, et par le paragraphe [9] du brevet (page 5, lignes 3 à 10 du WO 99/33938) indiquant que l'invention vise à réduire le coût de revient du fait d'une teneur moindre en additif.
L'Intimée a aussi confirmé lors de la procédure orale que la modification apportée à la revendication 1 du brevet litigieux vise à limiter l'étendue de la revendication.
2.1.2 Bien que le passage suivant le tableau II de l'invention mentionne un effet de synergie d'onctuosité selon l'invention, la revendication 1 modifiée demande des quantités synergiques des composants AD1, AD2 et AD3, c'est à dire des concentrations spécifiques de AD1, AD2 et AD3 qui donnent cet effet synergique, lesquelles concentrations doivent se trouver à l'intérieur de l'étendue originale de la revendication qui permettait toutes les combinaisons possibles des additifs AD1, AD2 et AD3 dans les plages de concentrations données. Ces quantités restreintes et synergiques ne sont pas divulguées, ni dans la description, ni dans les exemples spécifiques des compositions au moins théoriquement synergiques X1 et X2 du WO 99/33938.
De plus, même s'il était possible de déterminer les quantités de AD1, AD2 et AD3 dans les mélanges X1 et X2 sur la base de la méthode de préparation indiquée, le WO 99/33938 ne contient pas de divulgation d'autres mélanges éventuellement synergiques.
De plus, le passage à la page 5, lignes 3 à 10, se rapporte seulement à la quantité totale d'additif et non aux quantités des composants AD1, AD2 et AD3. Par conséquent, il n'est d'aucune utilité pour évaluer le support de la modification apportée à la revendication 1.
Enfin, la décision T 68/85 (JO OEB 1987, 228), citée par l'Intimée lors de la procédure orale, concerne seulement l'admissibilité de la caractéristique technique de la "quantité synergique" au sens des articles 83 et 84 de la CBE (voir point 8 des motifs) et ne concerne pas l'admissibilité au sens l'article 123(2) CBE. Des lors, elle se rapporte à une situation juridique complètement différente.
2.1.3 La Chambre conclut que la demande originale ne contient aucun support pour l'introduction dans la revendication 1 des quantités synergiques spécifiques pour tous les mélanges compris dans l'étendue de la revendication.
La modification apportée à la revendication étend donc l'invention à des compositions qui ne sont pas divulguées dans le document d'origine.
Par conséquent, la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 contrevient aux exigences de l'article 123(2) de la CBE.
3. Requêtes subsidiaires 2 et 3
3.1 Activité inventive
3.1.1 Les libellés des revendications 1 figurant respectivement dans les requêtes subsidiaires 2 et 3 sont identiques et diffèrent du libellé de la revendication 1 selon la requête principale, uniquement en ce que AD2 est seulement un composé de formule (II) où R2 est une chaîne alkyle linéaire ou faiblement ramifiée, saturée ou insaturée, comprenant de 8 à 24 atomes de carbone, et X est choisi parmi les groupements dérivant d'amines primaires et/ou secondaires, d'alcanolamines de chaîne hydrocarbonée aliphatique, linéaire ou ramifiée, comprenant de 1 à 18 atomes de carbone, c'est à dire un amide d'acides gras.
Les essais du brevet et ceux de la Requérante sont basés sur des mélanges contenant comme composant AD2 les produits de réaction d'un acide de tall-oil ou de l'acide oléique avec la diéthanolamine, qui contiennent un amide d'acide gras selon la revendication 1 (voir point 1.1.3 ci-dessus).
Par conséquent, toutes les considérations et conclusions présentées par rapport à la requête principale (points 1.1.3 à 1.1.6 ci-dessus) s'appliquent aussi à ces requêtes.
3.1.2 Pour les même raisons données au point 1.1.7 ci-dessus, il aurait été évident pour l'homme du métier qui vise à résoudre le problème technique sous-jacent à l'invention d'essayer, comme alternative à l'additif A du document (2), une combinaison de l'additif spécifique avec des co-additifs connus.
Parmi les additifs connus l'homme du métier aurait donc pu choisir, par exemple, les amides d'acides gras citées dans le document (1) (page 2, lignes 51 à 53). Bien qu'il soit vrai que le document (1) suggère dans le même paragraphe que la plupart des additifs connus étaient utilisés dans des quantités trop élevées et non économiques (page 2, lignes 54 à 56), ledit passage ne mentionne pas aucun préjugé spécifique contre l'utilisation des amides d'acide gras et n'indique pas explicitement les amides d'acides gras comme étant efficaces seulement à de grandes quantités.
Au contraire, le passage cité renvoie au document (5), lequel divulgue que les produits de réaction des acides gras avec la diéthanolamine, c'est à dire un additif du type AD2 utilisé aussi dans les exemples du brevet litigieux, sont efficaces à des quantités préférablement de 100 à 20000 ppm et plus préférablement de 1000 à 10000 ppm (voir colonne 1, lignes 44 à 47; colonne 2, ligne 27 à colonne 3, ligne 12; colonne 4, lignes 47 à 49), c'est à dire aussi à des quantités nettement inferieures à 5000 ppm. De même, bien que le document (5) concerne principalement des carburants basés sur l'éthanol (revendication 1 et colonne 1, ligne 31 à 37), il divulgue aussi que ces amides peuvent être utilisés dans les carburants Diesel sans alcool en quantités qui améliorent le pouvoir lubrifiant, c'est à dire les quantités mentionnées auparavant dans la description (colonne 6, lignes 12 à 32).
Le document (5) précise aussi que les amides d'acides gras peuvent être utilisés en combinaison avec d'autres additifs (colonne 3, lignes 47 à 48; colonne 4, lignes 32 à 39 et 59 à 65).
Par conséquent, pour les mêmes raisons que celles données pour la requête principale, il aurait été évident pour l'homme du métier, d'essayer comme alternative l'additif A du document (2) modifié avec l'addition d'un amide d'acide gras connu du type AD2 dans les concentrations demandées par la revendication 1, afin de résoudre le problème technique indiqué ci-dessus.
3.1.3 La Chambre conclut que les objets des revendications 1 respectives selon ces requêtes n'impliquent pas une activité inventive.
4. Requêtes subsidiaires 2B et 3B
4.1 Recevabilité
La Requérante a contesté la recevabilité des requêtes 2B et 3B soumises tardivement avec la lettre du 25 février 2011, soit 5 jours avant la procédure orale.
Toutefois la Chambre est de l'avis de l'Intimée selon laquelle ces nouvelles requêtes sont à considérer comme étant une réaction aux arguments apportés tardivement et pour la première fois par la Requérante 4 jours auparavant, le 12 février 2011, selon lesquels l'objection contre l'activité inventive avait été élargie au sens de la décision T 215/03.
De plus, la prise en considération par la Chambre et la Requérante lors de la procédure orale, des modifications apportées dans ces requêtes n'a pas occasionné de difficulté et n'a pas désavantagé la Requérante.
Par conséquent, ces requêtes, bien que tardives sont considérées recevables dans les circonstances du cas d'espèce.
4.2 Activité inventive
4.2.1 Les libellés des revendications 1 figurant respectivement dans les requêtes subsidiaires 2B et 3B sont identiques et diffèrent des libellés des revendications 1 selon les requêtes subsidiaires 2 et 3, uniquement en ce que l'utilisation est limitée pour les carburant moteurs Diesel définis par la norme ASTM D-975 et en ce que la quantité d'additif est limitée à la plage de 25 à 2500 ppm en poids dans ledit carburant.
4.2.2 De la description du brevet litigieux on ne peut pas reconnaitre que l'utilisation dans un carburant Diesel pauvre en soufre selon la norme citée implique un avantage technique additionnel par rapport à l'utilisation dans d'autres carburants Diesel aussi pauvre en soufre. L'Intimée n'a pas non plus mentionné d'effet technique lié au choix de ce type de carburant Diesel.
De plus, il aurait été évident pour l'homme du métier d'appliquer l'enseignement du document (2), qui utilise l'additif A dans un carburant Diesel de la classe I très pauvre en soufre et fait référence dans la description aux carburants Diesel génériques (voir page 1, lignes 4 à 6 et page 6, lignes 11 à 28), à tout autre carburant Diesel connu, tel qu'un Diesel selon la norme indiqués dans la revendication 1.
Par conséquent, cette caractéristique additionnelle ne peut pas venir en soutien de l'implication d'une activité inventive.
4.2.3 En ce qui concerne la quantité d'additif dans la plage de 25 à 2500 ppm en poids du carburant, cette plage comprend les quantités déjà divulguées dans les documents (1), (2), (3) et (5) (voir (1) page 4, lignes 49 à 50; (2) page 6, lignes 36 à 37; (3) page 7, lignes 1 à 2 et (5) colonne 4, lignes 47 à 49).
Par conséquent, tous les arguments développés auparavant par rapport aux autres requêtes s'appliquent aussi aux objets des revendications 1 selon les requêtes subsidiaires 2B et 3B.
4.2.4 La Chambre conclut que les objets des ces revendications n'impliquent pas non plus une activité inventive.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit:
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.