T 2371/13 (Association de deux colorants cationiques/L'OREAL) 04-07-2017
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Utilisation pour la teinture directe des fibres kératiniques d'une association de deux colorants cationiques
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Nouveauté - (oui)
Plausibilité d'un effet allégué dans la demande de brevet -admissibilité de résultats d'essais déposés après la date de dépôt du brevet visant à prouver cet effet (oui)
Activité inventive - (non)- amélioration non crédible dans l'ensemble de la portée de la revendication
Activité inventive - alternatives évidentes
Exposé des faits et conclusions
I. Le requérant (opposant 2) a introduit un recours contre la décision de rejeter les oppositions formées contre la délivrance du brevet européen n° 1 025 834, la revendication 1 du brevet délivré s'énonçant comme suit:
"1. Utilisation à titre de colorants directs dans des, ou pour la fabrication de, compositions de teinture directe pour fibres kératiniques en particulier pour fibres kératiniques humaines et notamment les cheveux et qui ne contiennent pas de colorant autooxydable, d'une association comprenant (i) au moins un colorant cationique choisi parmi (I) le Basic Brown 17, le Basic Brown 16, le Basic Red 16 (sic), le Basic Red 118, (II) le Basic Yellow 57, (III) le Basic Blue 99 et (ii) au moins un colorant cationique de formules (IV) ou (VI) suivantes :
(ii) colorant cationique de formules (IV), (VI), suivantes :
a) les composés de formule (IV) suivante :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle :
D représente un atome d'azote ou le groupement -CH,
R7 et R8, identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène; un radical alkyle en C1-C4 pouvant être substitué par un radical -CN, -OH ou -NH2 ou forment avec un atome de carbone du cycle benzénique un hétérocycle éventuellement oxygéné ou azoté, pouvant être substitué par un ou plusieurs radicaux alkyle en C1-C4 ; un radical 4'-aminophényle,
R9 et R'9, identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène ou d'halogène choisi parmi le chlore, le brome, l'iode et le fluor, un radical cyano, alkyl en C1-C4, alcoxy en C1-C4 ou acétyloxy,
X**(-) représente un anion de préférence choisi parmi le chlorure, le méthyl sulfate et l'acétate,A représente un groupement choisi par les structures A1 à A19 suivantes : FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUEet
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans lesquelles R10 représente un radical alkyle en C1-C4 pouvant être substitué par un radical hydroxyle et R11 représente un radical alcoxy en C1-C4, sous réserve que
(i) lorsque D représente -CH, que A représente A4 ou A13 et que R9 est différent d'un radical alcoxy, alors R7 et R8 ne désignent pas simultanément un atome d'hydrogène ;
(ii) lorsque D représente un atome d'azote, que A représente A6, alors R7 et R8 ne désignent pas simultanément un radical méthyle
c) les composés de formules (VI) suivantes :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle :
R19 représente un atome d'hydrogène, un radical alcoxy en C1-C4, un atome d'halogène tel que le brome, le chlore, l'iode ou le fluor ou un radical amino,
R20 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle en C1-C4 ou forme avec un atome de carbone du cycle benzénique un hétérocycle éventuellement oxygéné et/ou substitué par un ou plusieurs groupement alkyle en C1-C4,
R21 représente un atome d'hydrogène ou d'halogène tel que le brome, le chlore, l'iode ou le fluor,
D1 et D2, identiques ou différents, représentent un atome d'azote ou le groupement -CH,
m = 0 ou 1,
étant entendu que lorsque R19 représente un groupement amino non substitué, alors D1 et D2 représentent simultanément un groupement -CH et m = 0,
X**(-) représente un anion de préférence choisi parmi le chlorure, le méthyl sulfate et l'acétate,
E représente un groupement choisi par les structures E1 à E8 suivantes :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUEFORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans lesquelles R' représente un radical alkyle en C1-C4 ;
lorsque m = 0 et que D13 [sic] représente un atome d'azote, alors E peut également désigner un groupement de structure E9 suivante :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle R' représente un radical alkyle en C1-C4."
II. Le requérant et la partie de droit à la procédure (opposant 1) avaient formé chacun une opposition contre le brevet en vue d'obtenir sa révocation pour manque de nouveauté et d'activité inventive (Article 100(a) CBE), au vu des documents
(1) GB-A-2 057 019,
(2) WO-A-95/01772,
(8) WO-A-99/17730 et
(9) WO-A-99/36034.
Quant à la nouveauté par rapport au document (1), la division d'opposition a considéré que les colorants hydroxy benzaldéhydes étaient des colorants auto oxydables. De ce fait, les compositions selon le document (1) comprenant un colorant auto oxydable n'anticipaient les compositions du brevet litigieux qui en étaient exemptes. L'objet des revendications du brevet tel que délivré était donc nouveau.
Quant à l'activité inventive, l'art antérieur le plus proche de l'invention était le document (2). Le problème technique résolu par l'objet des revendications était celui de la mise à disposition de compositions tinctoriales conduisant à des colorations peu sélectives et très chromatiques. Les résultats des essais déposés par l'intimé pendant la procédure d'examen le 29 septembre 2004 (document (4)) et 23 mai 2006 (document (5)) montraient que l'association des colorants directs cationiques telle que revendiquée résultait en une amélioration de la sélectivité. Il était crédible que cet effet soit présent sur l'ensemble du domaine revendiqué car il était le résultat de l'association d'un colorant direct cationique ayant un noyau aromatique substitué par un ammonium quaternaire et d'un colorant direct cationique portant un atome d'azote quaternisé engagé dans un hétérocycle. Le document (2) enseignait de substituer des colorants de type Arianor par les colorants cationiques y décrits, mais pas de les associer avec ceux-ci. L'objet des revendications du brevet tel que délivré impliquait donc une activité inventive.
III. Selon le requérant et/ou la partie de droit à la procédure l'objet des revendications manquait de nouveauté par rapport aux documents (1), (8) et (9).
Le document (2) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention.
La partie de droit à la procédure a demandé à ce que les résultats d'essais expérimentaux déposés par l'intimé après la date de dépôt du brevet litigieux soient écartés de la discussion de l'activité inventive et par conséquent qu'ils ne soient pas pris en compte pour la démonstration de l'effet obtenu sur l'homogénéité de la coloration. La demande telle que déposée ne contenait aucune donnée expérimentale, ni sur les colorations encore moins sur la prétendue amélioration de l'homogénéité. Il n'avait donc pas été rendu plausible à la date de dépôt de la demande que les compositions selon l'invention conduisent à des colorations plus homogènes que celles de l'état de la technique. L'intimé avait reconnu dans la procédure aux Etats-Unis impliquant l'équivalent US du brevet litigieux que les exemples 1 à 4 n'étaient que des exemples virtuels et prédisaient simplement les colorations qui seraient obtenues par des compositions du brevet litigieux. La demande telle que déposée n'était que purement spéculative et aucune invention n'avait été réalisée à la date de dépôt de la demande. Puisque l'effet sur lequel s'appuyait l'intimé n'était pas suffisamment démontré dans la demande telle que déposée, l'invention revendiquée manquait prima facie d'activité inventive.
Le protocole opératoire utilisé pour déterminer la sélectivité dans les essais déposés avec le mémoire de recours (document (21)) consistant à ne blanchir qu'une moitié d'une mèche de cheveux blancs naturels et à comparer les colorations obtenues sur les deux moitiés de mèche était usuel et fiable. La méthode de calcul de la distance entre deux couleurs selon la méthode DELTAE CIE DE2000 était aussi faite dans les règles de l'art. Les résultats montraient que les colorations obtenues avec deux compositions selon l'invention étaient moins homogènes que celles obtenues avec les compositions de l'état de la technique. Les contre-essais de l'intimé présentés dans le document (22) n'étaient effectués qu'avec une seule composition. Il n'avait pas été démontré que cette amélioration puisse aussi être obtenue avec une composition selon le brevet litigieux comprenant l'association des colorants Basic Red 51 et Basic Yellow 57. Il n'était donc pas crédible que le problème technique de l'amélioration de l'homogénéité soit résolu dans toute la portée de la revendication 1. Le problème technique devait donc être reformulé en la mise à disposition d'une composition de teinture alternative. Il était connu de l'art de mélanger les colorants pour obtenir différentes couleurs. Le document (2) enseignait que la présence de colorants cationiques de formules (1) à (6) dans des compositions de teinture directe conduisait à des colorations plus homogènes que celles comprenant uniquement des colorants directs de type Arianor, mais n'excluait pas leur mélange. L'homme du métier cherchant à mettre à disposition une composition de teinture alternative, par exemple ayant une autre couleur, aurait considéré l'association d'un colorant décrit dans le document (2) avec un colorant Arianor comme une alternative évidente et serait ainsi parvenu à l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré sans faire preuve d'activité inventive. L'objet des revendications du brevet litigieux manquait donc d'activité inventive.
Les revendications des requêtes subsidiaires comprenaient des limitations arbitraires qui ne modifiaient en rien les conclusions quant au manque d'activité inventive de l'objet de la requête principale.
IV. En réponse au mémoire de recours, l'intimé (propriétaire du brevet) a déposé avec une lettre datée du 18 juillet 2014 les requêtes subsidiaires 1 à 8 comportant les modifications suivantes:
La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 diffère de la revendication 1 de la requête principale en ce que D représente un atome d'azote dans la formule (IV) et que le groupent E est restreint à E1, E2 et E7 dans la forme (VI).
La revendication 1 de la requête subsidiaire 2 diffère de la revendication 1 de la requête principale en ce que le groupement A est restreint aux groupements A1, A7 à A9 et A19 dans la formule (IV) et que E est restreint au groupement de structure E1, E2 et E7 dans la formule (VI).
La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 diffère de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 en ce que le groupement A est restreint aux structures A1, A7 et A19.
La revendication 1 de la requête subsidiaire 4 diffère de la revendication 1 de la requête subsidiaire 3 en ce que le groupement A est restreint à la structure A1.
La revendication 1 de la requête subsidiaire 5 diffère de la revendication 1 de la requête principale uniquement en ce que le colorant cationique est restreint aux composés de formule (IV).
La revendication 1 de la requête subsidiaire 6 diffère de la revendication 1 de la requête subsidiaire 5 en ce que le groupement A est restreint aux structures A1, A7 à A9 et A19.
La revendication 1 de la requête subsidiaire 7 diffère de la revendication 1 de la requête subsidiaire 6 en ce que le groupement A est restreint aux structures A1, A7 et A19
La revendication 1 de la requête subsidiaire 8 diffère de la revendication 1 de la requête subsidiaire 7 en ce que le groupement A est restreint à la structure A1.
Il a également déposé des essais comparatifs en réponse aux essais déposés par le requérant avec son mémoire de recours. Ces essais sont présentés dans le document (22).
Selon l'intimé, la partie de droit à la procédure devait rester dans le cadre des motifs et moyens déjà soumis dans la procédure d'opposition.
Les compositions des exemples 4 et 5 du document (1) comprenaient un composé auto oxydable alors que leur présence était expressément exclue des compositions revendiquées. Les compositions divulguées dans les documents (8) et (9) ne comprenaient pas la combinaison d'un colorant direct cationique de type Arianor avec des colorants cationiques de formules (IV) et (VI). Par conséquent, l'objet des revendications du brevet tel que délivré était nouveau par rapport aux documents (1), (8) et (9).
Le document (2) représentait l'art antérieur le plus proche. Le problème technique à résoudre vis-à-vis de ce document était l'obtention de compositions tinctoriales conduisant à des colorations très chromatiques dont l'homogénéité était améliorée. Les essais comparatifs présentés dans les documents (4) et (5) montraient que ce problème était résolu par les compositions de l'invention. Les essais comparatifs du requérant (document (21)) devraient être écartés pour trois raisons. D'abord les essais de coloration étaient réalisés sur des moitiés de mèche. Ensuite la méthode pour déterminer l'homogénéité des colorations était différente de celle utilisée par l'intimé et enfin les valeurs des paramètres utilisés pour réaliser le calcul du DELTAE n'ont pas été mentionnées, d'où une impossibilité pour l'intimé de recalculer le DELTAE. La reproduction des essais comparatifs du requérant, en respectant les conditions expérimentales utilisées par le requérant et mettant en ½uvre la composition selon l'invention comprenant l'association de colorants Basic Yellow 87 et Basic Red 76 et la composition de l'état de la technique comprenant l'association des colorants Basic Yellow 87 et Basic Red 51 a montré que la coloration obtenu avec la composition selon l'invention avait la meilleure homogénéité lorsque le DELTAE était calculé selon la méthode classique CIE76. Ces essais montraient donc qu'une composition comprenant un mélange d'un colorant cationique portant un atome d'azote quaternisé engagé dans un hétérocycle et d'un colorant direct cationique ayant un noyau aromatique substitué par un ammonium quaternaire présentait une meilleure homogénéité qu'une composition comprenant un mélange de deux colorants d'une même famille. Cette amélioration de l'homogénéité n'était pas évidente à la lumière de l'état de la technique. Le document (2) n'enseignait pas d'associer les colorants de type Arianor avec d'autres colorant directs cationiques, mais de les remplacer par ces colorants directs cationiques. L'homme du métier cherchant à améliorer l'homogénéité des colorations directes aurait donc été amené à remplacer totalement les colorants de type Arianor par des colorants directs cationiques proposés par le document (2). Les autres documents cités ne mentionnaient pas le problème de l'amélioration de l'homogénéité de la coloration, et ne suggérait donc pas la solution proposée. L'objet des revendications du brevet tel que délivré satisfaisait donc au critère d'activité inventive.
V. Le requérant et la partie de droit à la procédure ont demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
L'intimé a demandé le rejet du recours et le maintien du brevet tel que délivré, ou subsidiairement, le maintien du brevet sur le fondement de l'une des requêtes subsidiaires 1 à 8 déposées avec une lettre datée du 18 juillet 2014.
VI. La Chambre a rendu sa décision à l'issue de la procédure orale tenue le 4 juillet 2017 en l'absence de l'intimé qui avait annoncé son intention de ne pas y participer.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
Requête principale
2. Nouveauté
Selon le requérant et la partie de droit à la procédure, l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré manquait de nouveauté par rapport aux exemples 4 et 5 du document (1) qui divulguaient des compositions tinctoriales comprenant l'association des colorants Basic Blue 99 et Basic Red 22. Le colorant Basic Red 22 était exclu de la formule (IV) du brevet litigieux par la condition (ii) : « lorsque D représente un atome d'azote, que A représente A6 alors R7 et R8 ne désignent pas simultanément un radical méthyle ». Néanmoins, il ne devait pas être tenu compte de cette exclusion dans l'interprétation de la revendication 1, puisqu'elle était en contradiction avec la présence du colorant (IV23) dans la revendication 3 dépendante de la revendication 1, alors que ce colorant était censé justement être exclu de la revendication 1 par la condition (ii).
La Chambre constate bien l'existence d'une incohérence entre les revendications 1 et 3, ce qui résulte en un manque de clarté du jeu de revendications du brevet tel que délivré. En effet, il n'est pas clair si des compositions comprenant le composé (IV23) sont incluses dans la portée des revendications. Cependant, l'Article 84 CBE n'est pas un motif d'opposition. D'autre part, l'objection de manque de nouveauté n'est pas basée sur une composition de l'état de la technique comprenant le composé (IV23).
L'incohérence évoquée ci-dessus n'affecte pas la clarté de l'objet de la revendication 1 en tant que telle puisque le libellé de la condition (ii) est claire en soi et exclu sans aucune équivoque le colorant Basic Red 22 des composés de formule (IV).
Par conséquent, les compositions divulguées dans les exemples 4 et 5 ne comprenant pas un colorant cationique de formule (IV) ou (VI) selon le brevet litigieux n'anticipe pas l'objet des revendications du brevet tel que délivré.
Le requérant a de plus objecté la nouveauté par rapport aux documents (8) et (9). Ces documents divulguent des compositions tinctoriales comprenant les colorants Basic Brown 16, Basic Brown 17, Basic Blue 99, Basic Red 76, Basic Yellow 57 (document (8), page 15, lignes 1 à 15, revendication 21; document (9), page 15, lignes 16 à 30, revendication 24), ainsi que des colorants directs cationiques couverts par les formules (IV) et (VI) selon le brevet litigieux (document (8), page 15, ligne 17 à page 39, ligne 5, revendication 22 ; document (9), ligne 31 de la page 15 à ligne 3 de la page 39, revendication 25).
Cependant, la revendication 22 du document (8) n'est pas dépendante de la revendication 21 et la revendication 25 du document (9) n'est pas dépendante de la revendication 24. Dans les documents (8) et (9), les colorants couverts par les formules (IV) et (VI) du brevet litigieux ne sont pas divulgués en combinaison avec les colorants Basic Brown 16, Basic Brown 17, Basic Blue 99, Basic Red 76, Basic Yellow 57, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par le requérant.
L'objet des revendications du brevet tel que délivré, qui requiert l'association des deux types de colorants, est donc nouveau par rapport aux documents (8) et (9).
Activité inventive
3. Art antérieur le plus proche
Selon les parties, le document (2) représente l'état de la technique le plus proche de l'invention et donc le point de départ pour l'analyse de l'activité inventive. La Chambre constate par ailleurs que le document (2) a été également considéré par la Division d'Opposition comme étant l'art antérieur le plus proche. Ce document divulgue des compositions tinctoriales comprenant des associations de colorants directs cationiques couverts par les formules (IV) et (VI) du brevet litigieux (voir exemples 80 à 83, revendication 21). L'exemple 1 du document (2) divulgue le colorant Basic Yellow 87 et l'exemple 4 le Basic Red 51.
4. Problème technique
Selon l'intimé le problème technique à résoudre vis-à-vis du document (2) était la mise à disposition de compositions tinctoriales conduisant à des colorations peu sélectives (homogènes) et très chromatiques, dont l'homogénéité est améliorée par rapport aux compositions du document (2).
5. Solution proposée
La solution proposée par le brevet en litige est la composition selon revendication 1 caractérisée par l'association du colorant cationique direct de formule (IV) ou (VI) avec un colorant cationique choisi parmi le Basic Brown 17, le Basic Brown 16, le Basic Red 76, le Basic Red 118, le Basic Yellow 57 ou le Basic Blue 99.
6. Succès
6.1 Admissibilité des essais comparatifs dans la procédure de recours
6.1.1 La partie de droit à la procédure a demandé à ce que tous les résultats d'essais expérimentaux déposés par l'intimé après la date de dépôt du brevet litigieux soient écartés de la discussion de l'activité inventive, et par conséquent, qu'ils ne soient pas pris en compte pour la démonstration d'un l'effet sur l'homogénéité de la composition. La demande telle que déposée ne contenait aucune donnée expérimentale, ni sur les colorations encore moins sur la prétendue amélioration de l'homogénéité. Il n'avait donc pas été rendu plausible à la date de dépôt de la demande que les compositions selon l'invention conduisent à des colorations plus homogènes que celles de l'état de la technique. L'intimé avait reconnu dans la procédure aux Etats-Unis impliquant l'équivalent US du brevet litigieux que les exemples 1 à 4 n'étaient que des exemples virtuels et prédisaient simplement les colorations qui seraient obtenues par des compositions du brevet litigieux. La demande telle que déposée n'était que purement spéculative et aucune invention n'avait été réalisée à la date de dépôt de la demande. Dans ces circonstances, l'invention revendiquée manquait prima facie d'activité inventive.
6.1.2 Cette ligne d'argumentation est incompatible avec l'appréciation de l'activité inventive selon l'approche problème/solution qui requiert en premier lieu l'identification de l'état de la technique le plus proche de l'invention, et la définition d'un problème technique par rapport à cet état de la technique qui est résolu par l'objet revendiqué. Il est usuel de faire valoir au titre de l'activité inventive un effet technique qui n'est pas explicitement mentionné dans la demande telle que déposée.
L'Article 56 CBE énonce en effet qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique. Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, l'appréciation de l'activité inventive est accomplie selon l'approche problème/solution qui permet une reformulation du problème technique, et, dans certaines circonstances l'impose même, puisque pour la détermination objective du problème, seul compte le résultat effectivement atteint par rapport à l'état de la technique le plus proche (voir T0181/82; point IV de l'exposé; points 4 à 6 des motifs ; JO OEB 1984, 401). La formulation d'un problème technique plus ambitieux que celui initialement divulgué, à savoir exigeant une amélioration, doit être admise lorsqu'un nouveau document représentant l'état de la technique le plus proche est opposé. Ainsi, dans le cas d'espèce, ne pas tenir compte d'essais destinés à démontrer une amélioration de l'homogénéité des colorations serait incompatible avec l'approche problème/solution qui demande de définir un document de l'état de la technique le plus proche, qui n'est pas forcément celui cité dans la demande de brevet.
L'objection de la partie de droit à la procédure selon laquelle l'invention restait à faire après le dépôt de la demande semble plutôt être une question de l'exposé de l'invention dans la demande de brevet qui est couverte par l'Article 83 CBE. Ainsi, un brevet européen peut être opposé au motif que de brevet n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter (Article 100(b) CBE). Cependant, ce motif d'opposition n'a pas été soulevé dans les notices d'opposition et donc son admission dans la procédure de recours est subordonnée à l'accord du propriétaire du brevet, qui s'est opposé à l'introduction de nouveaux moyens dans la procédure de recours.
6.1.3 Par conséquent, la requête de la Partie de droit visant à écarter de la procédure de recours les résultats des essais déposés par l'intimé au cours de la procédure d'examen (documents (4) et (5)), ainsi que ceux déposés en réponse au mémoire de recours (document (22)), doit être rejetée.
6.2 Les résultat des essais comparatifs présentés pendant la procédure d'examen (documents (4) et (5)) ne sont pas pertinents pour démontrer une amélioration de l'homogénéité par rapport au document (2), car ils comparent l'homogénéité de compositions selon l'invention comprenant deux colorants directs cationiques à des compositions tinctoriales n'en comprenant qu'un seul, alors que le document (2) divulgue des compositions tinctoriales comprenant des associations de colorants directs cationiques (voir revendication 21; exemples 80 à 83).
6.3 Le requérant a soumis dans son mémoire de recours des résultats d'essais comparatifs (document (21)) visant à montrer qu'aucune amélioration de l'homogénéité n'était obtenue avec des composition comprenant des associations de colorants directs cationiques de l'invention par rapport aux compositions de l'art antérieur.
L'homogénéité des colorations obtenues avec des compositions selon le brevet litigieux comprenant, d'une part l'association des colorants cationiques Basic Yellow 87 et Basic Red 76, et, d'autre part, l'association des colorants directs Basic Red 51 et Basic Yellow 57 a été comparée à celle obtenue avec une composition représentant l'état de la technique et comprenant l'association des colorants Basic Red 51 et Basic Yellow 87. Les résultats présentés indiquent que la meilleure homogénéité est obtenue avec la composition de l'état de la technique, ce qui tendrait à démontrer que le problème de l'amélioration de l'homogénéité n'est pas résolu par les compositions tinctoriales de l'invention.
6.4 Selon l'intimé, les essais comparatifs du requérant (document (21) devaient être écartés pour trois raisons. D'abord les essais de coloration sont réalisés sur des moitiés de mèche. Ensuite la méthode pour déterminer l'homogénéité des colorations est différente de celle utilisée par l'intimé et enfin les valeurs des mesures utilisées pour réaliser le calcul du DELTAE n'ont pas été communiquées, d'où une impossibilité pour l'intimé de recalculer le DELTAE.
6.4.1 L'intimé a contesté la validité des essais du requérant en prétendant que le protocole opératoire consistant à faire subir uniquement à la moitié de la mèche de cheveux un traitement de dégradation en vue de déterminer la sélectivité de la coloration entre les cheveux naturels et les cheveux dégradés par un traitement de blanchiment serait inadapté pour mettre en évidence la sélectivité puisque les mesures de coloration sur la partie non traitée et la partie dégradée de la mèche de cheveux seraient faussées en raison d'une diffusion aléatoire du colorant dans la fibre. De plus, la délimitation de la dénaturation ne serait pas nette, de sorte que les résultats sur la sélectivité obtenues par cette méthode seraient extrêmement variables et discutables.
Cependant l'objection de l'intimé ne semble pas être fondée puisque le protocole opératoire des essais du document (21) prévoit 6 mesures de coloration par moitié de mèche. Ainsi, 12 mesures de coloration ont été effectuées par mèche, permettant d'exclure toute anomalie des résultats à la jonction de la partie non traitée et celle blanchie. D'autre part, deux mèches ont été colorées pour chaque composition de teinture et c'est la valeur moyenne qui a été prise en compte.
Par conséquent, en absence de preuve du contraire, la Chambre n'a aucune raison de remettre en cause la fiabilité de l'évaluation de l'homogénéité des colorations à partir d'un procédé mettant en ½uvre des mèches de cheveux dont la moitié a été sensibilisée.
6.4.2 Selon l'intimé la méthode CIE DE2000 d'évaluation de l'homogénéité utilisée par le requérant n'est pas conventionnelle et n'existait pas à la date de dépôt du brevet.
Cependant, l'intimé a cité des extraits d'encyclopédie qui indiquent que la méthode utilisé par le requérant pour mesurer les écarts de couleur a été mise au point par la commission internationale de l'éclairage (C.I.E.) dans une démarche d'amélioration de l'évaluation des différences de couleurs mettant en ½uvre des formules plus avancées. La méthode CIE DE2000 est donc une évolution des méthodes précédentes qui est également adaptée à évaluer les différences de couleur des colorations obtenues. Le fait que cette méthode ait été mise à disposition après la date de priorité du brevet n'est pas pertinent, puisque sa seule finalité est d'évaluer correctement les différences de couleur. D'ailleurs le brevet ne contient aucune description d'une méthode d'évaluation de l'homogénéité des colorations.
6.4.3 Enfin, l'intimé reproche au requérant de ne pas avoir communiqué les valeurs des paramètres SL, SC et SH l'empêchant ainsi de recalculer le DELTAE. Cet argument n'est pas convaincant puisque des spectrocolorimètres dotés de système de calcul CIE DE2000 sont commerciaux et intègrent les facteurs de pondération en luminosité (SL), saturation (SC) et teinte (SH) dans leur calcul. L'absence d'indication de la valeur de ces paramètres n'empêche donc pas l'intimé de recalculer le DELTAE DE2000 des colorations.
6.4.4 En conséquences, les raisons invoquées par l'intimé pour écarter les essais comparatifs présentés dans le document (21) par le requérant ne convainquent pas la Chambre.
6.5 L'intimé en réponse aux essais effectués par le requérant les a reproduit en respectant les conditions expérimentales utilisées par le requérant, mais en mesurant l'écart de coloration DELTAE à l'aide de la méthode de calcul CIE 76 (voir document (22)).
Les résultats de ces essais indiquent que la coloration obtenue avec la composition selon l'invention comprenant l'association du basic Yellow 87 et du Basic Red 76 est plus homogène que celle obtenue avec la composition représentant l'état de la technique et comprenant l'association du basic Yellow 87 et du Basic Red 51, ce qui est contraire à la conclusion du requérant.
6.6 Même si en faveur de l'intimé, on considère qu'une amélioration de l'homogénéité a été obtenue avec la composition selon l'invention comprenant le basic Yellow 87 et du Basic Red 76, il ne serait pas pour autant crédible que cet effet soit présent pour l'ensemble des associations de colorants directs cationiques telles que revendiquées.
En effet, l'unique comparaison d'une composition particulière selon le brevet litigieux avec une composition particulière selon l'état de la technique ne permet pas d'extrapolation à d'autres compositions. L'extrapolation faite par l'intimé visant à attribuer l'amélioration de l'homogénéité à l'association d'un colorant cationique portant un atome d'azote quaternisé engagé dans un hétérocycle et d'un colorant direct cationique ayant un noyau aromatique substitué par un ammonium quaternaire reste spéculative. En effet le colorant Basic Yellow 87, tout comme le colorant Basic Red 76, possèdent bien d'autres caractéristiques structurales que celles isolées par l'intimé et qui pourraient tout aussi bien être à l'origine de l'effet sur l'homogénéité obtenu avec une seule composition.
De plus, le requérant a montré que la coloration obtenue à l'aide d'une autre composition selon l'invention qui comprend l'association du colorant cationique Basic Red 51 et du Basic Yellow 57 était moins homogène que celle obtenue avec une composition représentant l'état de la technique et comprenant l'association du colorant cationique Basic Red 51 et du Basic Yellow 87 (voir document (21)).
La Chambre arrive donc à la conclusion qu'il n'est pas crédible que le problème de l'amélioration soit résolu dans l'ensemble de la portée de la revendication 1. Le problème technique résolu doit donc être formulé sans tenir compte de l'amélioration, c'est-à-dire en la mise à disposition de compositions tinctoriales conduisant à des colorations homogènes très chromatiques.
7. Evidence de la solution
La seule question en suspens est, par conséquent, de déterminer s'il était évident pour l'homme du métier d'associer les colorants directs cationiques de type Arianor, tels le Basic Brown 16, Basic Brown 17, le Basic Red 76, le Basic Yellow 57,le Basic Blue 99 ou le Basic Red 118, aux colorants directs cationiques divulgués dans le document (2) en vue de mettre à disposition de nouvelles compositions tinctoriales aboutissant à des colorations homogènes très chromatiques.
Les colorants directs cationiques comme le Basic Brown 16, Basic Brown 17, le Basic Red 76, le Basic Red 118, le Basic Yellow 57 et Basic Blue 99 sont des colorants directs cationiques classiquement utilisés dans les compositions tinctoriales pour cheveux (voir document (2), page 1, 3**(ème) paragraphe). Il est commun dans le domaine de la teinture d'associer plusieurs colorants pour varier les teintes de coloration. Ainsi, l'association d'un colorant de type Arianor, tel le Basic Blue 99 et le Basic Brown 16, et d'un colorant direct cationique de formule I selon le document (1), à savoir le Basic Red 22, est connu de l'état de la technique (voir document (1), exemples 4 et 5).
Par conséquent, l'utilisation de colorants directs colorants directs cationiques classiques tels le Basic Brown 16, Basic Brown 17, le Basic Red 76, le Basic Red 118, le Basic Yellow 57 et Basic Blue 99 dans une composition de teinture directe du document (2) comprenant des colorants des formule (IV) et (VI) est évidente pour l'homme du métier souhaitant mettre à disposition d'autres compositions de teinture homogènes et chromatiques.
Par conséquent, l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré manque d'activité inventive. La requête principale doit donc être rejetée.
Requêtes subsidiaires 1 à 8
8. L'intimé a indiqué la nature des modifications dans les requêtes subsidiaires, mais n'a pas expliqué leur implication en ce qui concerne l'activité inventive. La Chambre note, d'autre part, que la revendication 1 de requête subsidiaire 8, qui est la plus restreinte, ne comprend même plus la composition selon l'invention à la base de l'unique comparaison des essais comparatifs présentés par l'intimé.
Au contraire la revendication 1 de la requête subsidiaire 8 comprend l'association du colorant cationique Basic Red 51 et du Basic Yellow 87 pour laquelle le requérant a déposé des essais comparatifs visant à montrer qu'elle conduisait à des colorations moins homogènes que celles de l'état de la technique.
Par conséquent, les conclusions négatives quant à l'activité inventive en relation avec l'objet de la revendication 1 de la requête principale s'appliquent, mutatis mutandis, à l'objet de la revendication 1 des requêtes subsidiaires 1 à 8.
Les requêtes subsidiaires 1 à 8 doivent donc également être rejetées.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.