D 0001/86 (Cas limite - décision/examen de qualification) 07-05-1987
1. La chambre de recours statuant en matière disciplinaire sur des questions d'examen a seulement compétence pour vérifier si les décisions du jury et des commissions d'examen ne violent pas les dispositions du règlement relatif à l'examen européen de qualification (REE) ou les dispositions applicables à sa conduite ou encore des dispositions légales qui prévalent (voir D 05/82, JO OEB 5/1983, p. 175s.). Si la Chambre de recours juge que le recours est recevable et fondé, elle a uniquement compétence pour annuler la décision incriminée aux termes de l'article 23(4) 2e phrase du REE. Dans la mesure où le jury d'examen décide dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, la Chambre de recours ne peut y substituer le sien (Motifs de la décision, point 2).
2. Bien que la décision prise dans un "cas limite" par le jury d'examen en vertu le l'article 5(3), 2e phrase ensemble l'article 12(3) du REE constitue une décision discrétionnaire, elle est assujettie, aux termes de l'article 23(1) du REE, à un contrôle de l'absence d'infraction aux règles. Parmi les règles dont l'observation doit être examinée, figurent avant tout l'article 12 et les "Instructions" (JO OEB 7/1983, p. 296). L'exercice du pouvoir d'appréciation ne doit pas se faire de façon arbitraire, mais en conformité avec les règles en question (voir également D 01/85, JO OEB 11/1985, p. 341, sommaire II). Toute décision concernant un cas limite doit donc être motivée individuellement, sans qu'il soit nécessaire de citer tous les détails contenus dans le dossier d'examen: l'exposé des motifs proprement dit peut se limiter à des explications succinctes, grâce auxquelles l'application à l'espèce des principes résultant de l'article 12 REE et des "Instructions" peut être reconstituée et donc vérifiée (Motifs de la décision, points 3 et 4).
3. En cas de décision susceptibles de recours, rendues par le jury d'examen, nul ne peut s'abstenir de voter. En cas d'égalité des voix, celle du président est prépondérante. Le décompte des voix demeure secret (Motifs de la décision, point 5).
Pouvoir de contrôle/limitation
Cas limite/décisions/motivation des décisions
Votes du jury d'examen
Exposé des faits et conclusions
I. Les requérants se sont présentés au 6ème examen de qualification, dont les épreuves se sont déroulées du 17 au 19 avril 1985. Par lettre recommandée du 14 novembre 1985, postée le 15 novembre 1985, et remise le 18 novembre 1985, le président du jury de l'examen européen de qualification pour les quatre épreuves A, B, C et D (voir JO OEB 3/1984, p. 133) a communiqué aux intéressés les notes obtenues d'après le barème de notation publié au JO OEB 7/1983, p. 296, et il leur a fait savoir qu'ils avaient échoué à l'une des épreuves (mentionnée dans chaque cas), et que les résultats obtenus dans les autres épreuves ne leur permettaient pas d'atteindre au total la note requise pour l'admission. Les trois candidats ont formé recours contre ces décisions, respectivement les 7, 14 et 22 janvier 1986, en acquittant la taxe correspondante ; les mémoires exposant les motifs du recours ont été déposés respectivement le 7 janvier, ainsi que le 3 et le 19 février 1986.
II. Se fondant sur l'article 23(1) du règlement relatif à l'examen européen de qualification des mandataires agréés près l'Office européen des brevets (JO OEB 7/1983, p. 282 ; ci-après dénommé REE) les trois requérants font valoir que l'on se trouve en présence d'une "décision relative à un cas limite" au sens de l'article 5(3), 2e phrase et de l'article 12(3) du REE, prise en violation des dispositions dudit règlement et celles relatives à son application. Les recours portent tous sur le 6e examen européen de qualification. Les requérants exposent des points de vue largement identiques. Conformément à l'article 4 du plan de répartition des affaires de la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire, la composition de la Chambre de recours est donc demeurée identique dans chaque cas. En vertu de l'article 11(2) du Règlement de procédure additionnel de la chambre de recours statuant en matière disciplinaire" (JO OEB 7/1980, p. 188 et 192), les requérants ont donné leur accord à une jonction des procédures de recours.
III. Les copies des requérants ont été notées comme suit, conformément aux "Instructions à l'intention des commissions d'examen pour la notation des copies" (JO OEB 7/1983, p. 296) ci-après dénommées "Instructions" :
Requérant I
Les copies des épreuves A, B et C ont obtenu des nombres de points correspondant au niveau moyen de la note 4 (passable), qui a donc été attribuée dans chaque cas. La situation de "cas limite" résulte de l'attribution de la note 5 (légèrement insuffisant) à l'épreuve D : les (deux) examinateurs ("totaux X/Y") ont donné 37/37,5 points à la partie I et 17/20 points à la partie II, soit un total de 54/57,5 points pour I + II. Or, l'éventail allait de 46 à 55 points pour la note 5 et de 56 à 65 points pour la note 4. Il y a donc eu un "alignement des notes" (cf. décision D 05/82, JO OEB 5/1983, pp. 175 s.). Le nombre de points adjugé à la partie II est donc devenu 17/17, soit un total I + II de 54/54,5 ; la note 5 - qui frisait en l'espèce le 4 - a été attribuée.
Requérant II
Les copies des épreuves A, C et D ont reçu la note 4. Le nombre de points attribués à l'épreuve A correspond au niveau inférieur à moyen de cette note, tandis que celui obtenu aux épreuves C et D corresponde à des niveaux plus élevés, proches de la note 3. La situation de cas limite résulte de l'attribution de la note 5 (légèrement insuffisant) à l'épreuve B, les examinateurs ayant donné 19/21 points. Les marges de notation relatives aux notes 5 et 4 allaient respectivement de 14 à 20 points et de 21 à 27 points. La note 5 - qui frisait là encore le 4 - a été attribuée.
Requérant III
Les copies des épreuves A et B ont reçu la note 4 (passable). Le nombre de points attribués aux épreuves A et B se situe respectivement aux niveaux moyen et inférieur de cette note. L'épreuve D a reçu la note 3 (bien), le nombre de points obtenus se situant toutefois au niveau inférieur de cette note. L'assimilation à un cas limite résulte de la note 5 (légèrement insuffisant) attribuée à l'épreuve C, les examinateurs ayant donné respectivement 37/38 points. La marge relative à la note 5 allant de 35 à 49 points, le nombre de points obtenus se situe donc au niveau inférieur de cette note.
IV. Les décisions incriminées ont été rendues lors de la réunion du jury d'examen, les 13 et 14 novembre 1985. Il s'agissait de trancher la question de savoir si l'examen de l'ensemble des réponses, requis aux termes de l'article 12(3) du REE et des "Instructions" dans les cas limite, pouvait conduire à la décision d'admettre le candidat.
Dans le cas du requérant I, le jury d'examen a pris sa décision négative à l'unanimité, dans celui du requérant II par trois voix contre deux et une abstention, et dans celui du requérant III par quatre voix contre deux.
Les décisions du jury d'examen ont été communiquées par écrit à chacun des requérants le 14 novembre 1985. Dans l'exposé des motifs de la décision statuant sur un cas limite il était uniformément déclaré pour tous les cas examinés que "Vous avez échoué à l'épreuve ... et les résultats que vous avez obtenus dans les autres épreuves ne suffisaient pas pour atteindre au total la moyenne requise pour l'admission." Les comptes rendus de réunion du jury d'examen contiennent, dans chaque cas, la même observation suivante : "Le candidat étant à la limite de l'admissibilité, le jury a examiné soigneusement l'ensemble de ses résultats, et il a estimé que les carences constatées permettaient de douter réellement de la capacité d'exercer du candidat. Il a par conséquent décidé à regret de déclarer son ajournement."
V. Dans les mémoires exposant les motifs du recours, tous les requérants allèguent une violation du REE, notamment de son article 12(3) en liaison avec les "Instructions". Le texte reproduit ci-dessus aurait en effet une valeur seulement formelle, et ne saurait être considéré comme un motif suffisant de la décision.
Le requérant I souligne qu'à l'épreuve D, il n'a manqué que de peu l'obtention du nombre de points nécessaires à l'attribution de la note 4 (passable), ses résultats aux autres épreuves étant par ailleurs "nettement satisfaisants". Le résultat relativement mauvais qu'il a obtenu à l'épreuve D serait dû à la partie II de cette dernière et principalement à la question 2 ("divulgation de l'état antérieur"), pour laquelle aucun point ne lui a été attribué sur les onze qui pouvaient l'être. Or, sa défaillance à cette question aurait son origine dans une erreur évidente concernant l'un des sujets. Il a cependant montré une telle connaissance des dispositions spéciales de la Convention et "de la question des expositions internationales" qu'il estime injuste de n'avoir obtenu aucun des onze points attribuables. Du reste, il met également en cause la notation d'autres réponses particulières.
Le requérant II considère qu'il y a un manquement au principe de l'uniformité de la notation. En effet, pour son épreuve C, seuls les totaux des points attribués par les deux examinateurs concordent, alors que les points attribués par chacun d'eux diffèrent considérablement. S'il y avait eu un alignement des notes, il aurait pu facilement aboutir à un 3 (satisfaisant). D'après les chiffres cités en exemple, il allègue que, tout au moins dans les cas limites comportant des nombres de points très différents, il n'y a pas lieu de se dispenser d'aligner les notes, simplement parce que les totaux sont similaires.
Il y aurait également un manquement au principe d'uniformité de la notation visé à l'article 12(1) du REE, du fait que des résultats globaux comparables de part et d'autre de la limite entre les notes 4 et 5 sont traités différemment. Un candidat totalisant de justesse aux quatre épreuves le nombre minimum de points requis pour obtenir la note 4 est ainsi reçu à l'examen, sans que son cas soit réexaminé. En revanche, un candidat ayant reçu un 5 à une épreuve pourrait avoir obtenu de bien meilleurs résultats aux autres épreuves. Une telle contradiction résulterait du caractère aléatoire de la compensation ou de la non compensation des différentes notes attribuées par les examinateurs à une même épreuve.
Le requérant III fait valoir que les motifs exposés par le jury d'examen ne font pas clairement ressortir pourquoi les carences relevées dans ses réponses à l'épreuve C ont été jugées d'une gravité telle qu'elles ont conduit à une décision négative de la part du jury d'examen, bien que trois parties de l'examen aient été jugées satisfaisantes. Les Instructions (I, 3e phrase) suggèrent à son avis qu'il existe un principe d'équivalence des différentes parties des épreuves. Ainsi qu'il ressort desdites Instructions (VI, possibilité de compenser même la note 6), un 5 peut en tout cas être compensé par un 3.
VI. Le jury d'examen a examiné les recours en vertu de l'article 23(3) du REE, sans toutefois modifier ses décisions. Les recours ont été soumis par écrit à la Chambre de recours le 7 février, le 3 mars et le 7 mars.
VII. Par notification en date du 7 novembre 1986, le rapporteur a communiqué à chaque requérant l'avis formulé à son sujet par le jury d'examen, en précisant les faits et les aspects juridiques susceptibles de revêtir une importance pour la décision.
VIII. Dans leurs réponses, les requérants ont renoncé à une procédure orale. Le requérant II a souligné qu'une évaluation globale des résultats de l'examen était essentielle dans le cas d'une décision sur un cas limite, conformément à l'article 12 du REE. Selon ce point de vue, la décision du jury d'examen est incompréhensible. Le requérant III a soutenu qu'un 3 pouvait toujours compenser un 5.
IX. Le Président de l'Office européen des brevets a transmis un avis formulé par l'agent compétent, avis auquel s'est rallié le Président de l'Institut des mandataires agréés près l'Office européen des brevets. Aux termes de cet avis, les décisions du jury d'examen ne doivent pas être accompagnées d'un exposé des motifs, qui ne serait de toute façon d'aucune utilité pour les intéressés. A l'inverse d'une décision du jury d'examen sur le rejet d'une candidature (article 18(1) 3e phrase REE), la décision concernant la réussite à l'examen n'est aucunement soumise à une obligation d'en exposer les motifs. Cela ressort du texte du REE et se trouve confirmé par le texte des "travaux préparatoires" s'y rapportant. En droit national, les décisions en matière d'examen ne sont pas non plus assujetties à l'obligation d'en exposer les motifs.
X. Une notification du Président de l'Office européen des brevets en date du 23 décembre 1986 précise que le requérant III a depuis été déclaré admis à l'examen européen de qualification de 1986.
XI. Tous les requérants demandent l'annulation des décisions incriminées. Suivant la requête principale du requérant I, l'admission de ce dernier à l'examen européen de qualification de 1985 doit être reconnue par la Chambre de recours. Au demeurant, tous les requérants (le requérant I à titre subsidiaire) demandent une nouvelle évaluation globale de leurs résultats d'examen en supposant manifestement que ceux-ci seront renvoyés au jury d'examen - ainsi que le remboursement de la taxe de recours.
Motifs de la décision
1. Les recours sont conformes à l'article 23(2) du REE ; ils sont donc recevables. Le recours du requérant III a également été formé et motivé en temps voulu, puisque la "règle des dix jours" visée à la règle 78(3) de la CBE est également applicable à la notification des décisions susceptibles de recours en matière disciplinaire. Cela ressort de l'article 23(4) du REE ainsi que de l'article 21(2) du "Règlement en matière de discipline des mandataires agréés" (JO OEB 2/1978, pp. 91 et 97 ; voir également la décision D 06/82 JO OEB 8/1983, pp. 337 et 338, Motifs, point 2).
2. Aux termes de sa requête principale, le requérant I exige que la Chambre de recours le déclare admis à l'examen européen de qualification de 1985. Or, en matière d'examen, les compétences de la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire se limitent à vérifier si les décisions des commissions et du jury d'examen n'enfreignent pas le "Règlement relatif à l'examen européen de qualification" (JO OEB 7/1983, pp. 282 et 289 ; REE), les dispositions relatives à son application ou toute autre disposition légale qui puisse prévaloir (cf. D 05/82 JO OEB 5/1983, p. 175). L'article 23(4), 2e phrase du REE dispose que la Chambre de recours est seulement habilitée à annuler la décision incriminée. Pour les questions relevant du pouvoir d'appréciation, la Chambre de recours ne peut substituer sa propre décision à la décision attaquée. Une telle éventualité ne serait envisageable que dans des conditions particulières, par exemple dans un cas cessant de relever du pouvoir d'appréciation (par exemple à la suite d'une erreur prouvée dans le calcul des points) ou s'il n'a pas été tenu compte de la force obligatoire d'une décision antérieure (voir article 111(2) CBE ensemble l'article 22(3) du Règlement en matière de discipline des mandataires agréés et l'article 23(4) REE).
3. Conformément à la requête subsidiaire du requérant I et aux requêtes des requérants II et III, la Chambre de recours est cependant tenue de vérifier la conformité juridique des décisions incriminées en vertu de l'article 23(4) du REE. Les décisions du jury d'examen concernant les cas limites visés à l'article 5(3), 2e phrase et à l'article 12(3) du REE relèvent certes du pouvoir d'appréciation de celui à elles sont néanmoins assujetties à l'observation de tous les principes et règles qui peuvent découler soit directement de l'article 12 REE, soit indirectement des Instructions à l'intention des commissions d'examen (JO OEB 7/1983, p. 296).
3.1. En ce qui concerne l'article 12 REE, le premier principe qui se dégage est celui de l'uniformité de la notation, que l'on doit selon toute vraisemblance interpréter comme s'appliquant également aux décisions concernant les cas limites.
L'article 12(3) du REE pose également deux autres principes: le principe de la compensation mutuelle, dans certaines limites, de copies d'examen, et celui de l'examen de l'ensemble des réponses pour les candidats à la limite de l'admissibilité.
3.2. En ce qui concerne les "Instructions", le jury d'examen a publié à l'intention des commissions d'examen, et de façon indirecte à sa propre intention, des directives tout à fait appropriées et conformes aux principes du REE. En cas de décision portant sur un cas limite, l'exercice du pouvoir d'appréciation est donc régi non seulement par les principes découlant de l'article 12 du REE, mais aussi par leurs modalités d'application décrites dans les "Instructions". Le principe de la compensation conditionnelle peut se concrétiser par exemple dans la possibilité de compenser un 6 (mais non un 7), uniquement par des résultats particulière ment satisfaisants aux autres épreuves (Instructions, points VI et VII). Quant à la compensation d'un 5, les "Instructions" laissent une marge d'appréciation particulièrement importante, le point V prévoyant la pleine application du principe de l'examen de l'ensemble des réponses. La question posée au point I des Instructions, à savoir si le candidat semble qualifié pour exercer l'activité de mandataire agréé près l'Office européen des brevets, doit être posée de nouveau, cette fois en considération des résultats globaux de l'intéressé.
3.3. On doit en outre s'attendre à d'autres conséquences logiques de l'application des principes découlant de l'article 12 du REE et des Instructions. Il résulte en effet de ces derniers, que la décision à prendre en présence d'un cas limite amène à répondre à la question de la qualification professionnelle, telle qu'elle est posée au point I des Instructions, sur la base d'une évaluation de l'ensemble des résultats (voir point V des Instructions). La question décisive est donc de savoir si l'on doit dénier la qualification professionnelle au candidat, compte tenu de ses résultats globaux. Dans les cas limites, la réponse ne saurait être établie de façon purement arithmétique en fonction du nombre de points obtenus et des notes correspondantes. Il convient plutôt de déterminer la nature et l'étendue de la défaillance observée, afin de pouvoir apprécier si elle a pour effet de disqualifier le candidat pour l'exercice de l'activité considérée. En présence d'un cas limite, il y aura par exemple lieu de considérer l'incidence de la défaillance en question sur l'exercice de la profession. Cela découle de la finalité même de l'examen et du fait que tout examen comporte inévitablement des aspects ayant plus ou moins trait à la pratique, différence qui disparaît dans le calcul non moins inévitable des points.
3.4. Les réflexions ci-dessus ne signifient pas que la limite nécessairement fixée à un niveau donné est simplement dé placée, de pair avec les inévitables cas difficiles. La limite est définie par l'article 12 du REE en liaison avec les Instructions, et se situe entre les notes 4 (passable) et 5 (légèrement insuffisant). C'est à ce niveau que le système des points compense arithmétiquement, voire automatiquement - s'il n'y a pas alignement des notes - les mauvais résultats par les bons, dans le cadre de chaque épreuve. Un candidat, qui a tout juste obtenu la note 4 à toutes les épreuves parce que ses résultats bons et mauvais se sont toujours compensés arithmétiquement à l'intérieur de la même épreuve a réussi l'examen. On peut toutefois se demander si un tel candidat est plus qualifié pour exercer qu'un candidat qui a frisé un 5 dans une épreuve, mais dont les résultats aux autres épreuves ont été pleinement satisfaisants.
3.5. Un examen oral, qui permettrait de faire apparaître un résultat équitable, ne serait guère réalisable à l'intérieur du système de l'examen européen de qualification. En outre, l'article 12(2) du REE dispose qu'un candidat ayant obtenu tout juste la note 4 à toutes les épreuves, est déclaré admis même s'il a échoué particulièrement à des épreuves plus importantes pour l'exercice de la profession que celles auxquelles il a obtenu ses meilleurs résultats. Dans ces conditions, le type de candidat qui réussit de justesse l'examen sans être un cas limites, devient pratiquement un critère du pouvoir d'appréciation à exercer dans les décisions concernant les cas limite, qui doivent rétablir l'égalité parmi les candidats et l'uniformité du jugement formulé à leur égard. Pour qu'il en soit ainsi, une décision limite négative doit faire ressortir que le candidat ajourné paraît moins qualifié pour exercer que le candidat limite de référence. En conséquence, si un candidat a obtenu au moins un 4 net (passable) ou plus dans trois épreuves, et si la quatrième épreuve est seulement à peine moins bonne que "passable", il devrait être plausible qu'il paraît moins qualifié que le candidat limite de référence.
4. En résumé l'exercice du pouvoir d'appréciation dans les décisions concernant des cas limites est régi dans une certaine mesure par les principes énoncés à l'article 12 du REE, par les critères qui se dégagent des Instructions, ainsi que par la logique que l'on est en droit d'attendre dans l'application de ces principes et critères. Dans ses décisions D 12/82 (JO OEB 6/1983, p. 233 (Motifs, point 4) et D 01/85 (JO OEB 11/1985, p. 341 (Motifs, point 3), la Chambre de recours demandait déjà que la décision discrétionnaire à examiner soit "cohérente" et "transparente". Cela signifie que chaque décision concernant un cas limite exige un exposé des motifs suffisamment complet pour permettre au requérant et à la Chambre de recours de déceler et de juger une infraction au règlement, au sens de l'article 23(1) du REE. Cette nécessité découle simplement des dispositions de l'article 12 du REE et des Instructions. Une disposition explicite s'avère donc inutile, et une comparaison avec les lois nationales est dépourvue de pertinence (voir avis formulé par l'OEB ; point IX).
4.1. En substance, l'exposé des motifs demandé peut se limiter à une indication ou à un simple commentaire rendant en l'espèce l'exercice du pouvoir d'appréciation suffisamment compréhensible aux fins de l'article 23(1) REE, et par conséquent vérifiable. Il pourrait suffire par exemple d'indiquer une défaillance particulièrement disqualifiante.
4.2. Sur le plan formel, on ne peut appliquer à l'exposé des motifs les mêmes exigences qu'à une décision de rejet d'une candidature aux termes de l'article 18(1), 3e phrase du REE. Les explications nécessaires à une meilleure compréhension de la décision discrétionnaire pourraient être également reprises dans le procès-verbal de la réunion du jury d'examen.
4.3. Puisque de telles explications font défaut dans les présentes espèces, ni les requérants ni la Chambre de recours ne peuvent reconstituer le raisonnement suivi par le jury d'examen lorsqu'il a exercé son pouvoir d'appréciation dans chaque cas concret. Aussi ces décisions doivent-elles être annulées en vertu de l'article 23(1) et (4), 2e phrase du REE, faute d'un exposé des motifs. Les recours I et II doivent donc être renvoyés au jury d'examen pour qu'il statue de nouveau. Quant au recours III, une nouvelle décision est de toute façon superflue ; le requérant a entre temps été reçu à l'examen européen de qualification, et une nouvelle étude de son cas ne semble plus désormais présenter un quelconque intérêt pour la défense de ses droits.
5. En ce qui concerne le requérant II, l'annulation de la décision s'avère toutefois nécessaire, puisqu'une décision "par 3 voix contre 2 et une abstention" est de nature essentiellement contraire à celle d'une décision portant sur un cas limite, au sens de l'article 12(3) du REE.
5.1. Le jury d'examen a différentes tâches à accomplir et à ce titre doit prendre plusieurs types de décisions. Dans certaines d'entre elles, il est possible - comme au Conseil d'administration de l'OEB - de s'abstenir. Cependant, une décision en vertu de l'article 12(3) du REE constitue une application du droit susceptible de recours dans le cas d'espèce. Par analogie avec l'usage en vigueur dans les instances disciplinaires et les Chambres de recours, une abstention ne saurait donc être admise. A cet égard, il convient d'attirer l'attention sur le Règlement de procédure additionnel des instances disciplinaires (JO OEB 7/1980, p. 176) et sur le Règlement de procédure des Chambres de recours (JO OEB 9/1983, p. 7). Aux articles intitulés "Ordre à suivre pour le vote", il est spécifié dans chaque cas au paragraphe 2 que nul ne peut s'abstenir. Une autre raison qui fait que l'abstention ne peut être autorisée es que, si elle pourrait être simultanément exercée par tous les membres.
5.2. Du fait que le jury d'examen prend ses décisions relatives aux cas limites avec un nombre de membres pair (6), il lui faut prévoir une règle en cas d'égalité des voix. On ne saurait admettre en l'occurrence qu'une décision favorable au candidat puisse dépendre uniquement de l'abstention de la majorité numérique (soit 4 voix contre 2). Il n'est guère plus juridiquement fondé de considérer l'égalité des voix comme une décision en faveur du candidat. Par analogie avec les articles 18(2), 5e phrase et 19(2), 6e phrase de la CBE, on doit nécessairement admettre que la voix du président est prépondérante.
5.3. La Chambre ayant dû se prononcer sur les questions d'abstention et d'égalité des voix en ce qui concerne le cas du requérant II, il semble à propos d'examiner également s'il y a lieu de continuer à communiquer le décompte des voix aux candidats. De l'avis de la Chambre, seule la décision doit figurer dans le procès-verbal, le nombre de voix devant être tenu secret. Il est nécessaire de préserver en toutes circonstances le secret des délibérations, requis par l'article 22 du REE, et plus particulièrement si le président doit faire usage de sa voix prépondérante. Par ailleurs, il convient de signaler que l'article 13 du Règlement de procédure des Chambres de recours et l'article 15(3) du statut des fonctionnaires prescrivent également de ne pas divulguer le nombre de voix obtenues ; enfin, les dispositions concernant les délibérations et les votes du Règlement de procédure additionnel des instances disciplinaires doivent aussi être interprétées dans ce sens.
6. L'ordre de remboursement se fonde sur l'article 23(4), 3e phrase du REE.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Les procédures de recours D 01/86, D 02/86 et D 03/86 sont liées.
2. Les décisions du jury d'examen pour l'examen européen de qualification du 14 novembre 1985 concernant les trois requérants sont annulées. Dans le cas des requérants I et II, l'affaire est renvoyée au jury pour un nouvel examen.
3. Le remboursement de la taxe de recours est accordé dans les trois cas.