T 1314/14 25-09-2018
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Dispositif ou système tampon et système de production d'une bande de non-tissé
Nouveauté - (non)
Requêtes subsidiaires produites tardivement - requêtes clairement admissibles (non)
Requêtes subsidiaires produites tardivement - recevables (non)
Exposé des faits et conclusions
I. La requérante (opposante) a formé recours contre la décision de la division d'opposition rejetant l'opposition contre le brevet européen N° 2 128 314.
II. Les moyens de preuve invoqués par la requérante au soutien de sa requête pour la révocation du brevet sont, entre autres,
D1': EP-A-1 285 982.
III. Avec sa réplique au mémoire de recours, l'intimée (propriétaire du brevet) a demandé le rejet du recours et a soumis six jeux de revendications modifiées, constituant des requêtes auxiliaires 1 à 6.
IV. Les parties ont été convoquées à une procédure orale. Dans une notification établie en vu de la procédure orale la Chambre a indiqué entre autres que selon son opinion provisoire l'objet de la revendication 1 du brevet tel que délivré ne semblait pas être antériorisé par D1'.
V. Avec sa lettre du 22 août 2018 l'intimée a soumis quatre jeux de revendications modifiées, demandant dès lors à titre principal le maintien du brevet sous forme modifiée ou selon une des requêtes auxiliaires 1 à 3.
VI. La procédure orale a eu lieu le 25 septembre 2018. Après le rejet de sa requête principale, l'intimée a préparé et soumis une nouvelle requête auxiliaire, numérotée "4" qui devait remplacer la requête auxiliaire 1 du 22 août 2018, afin de répondre au défaut de nouveauté constaté pour l'objet de la revendication 1 de la requête principale. Cette première requête auxiliaire comportait des modifications à la revendication 1 et une description et des figures modifiées. Après discussion avec les parties et délibéré de la Chambre, la nouvelle première requête auxiliaire n'a pas été admise dans la procédure pour manque de clarté (article 84 CBE) et contravention à l'article 123(2) CBE.
À la demande de l'intimée, la Chambre lui a accordé du temps pour préparer et déposer une deuxième requête auxiliaire qui devait, selon l'intimée, remplacer la requête auxiliaire 2 du 22 août 2018. La revendication 1 de cette deuxième requête auxiliaire comportait des modifications supplémentaires pour répondre aux objections conformément aux articles 84 et 123(2) CBE considérées auparavant.
Après discussion avec les parties, délibéré de la Chambre et l'annonce par le Président de la décision de la Chambre de ne pas admettre non plus la nouvelle deuxième requête auxiliaire, faute d'admissibilité de prime abord, l'intimée a demandé du temps pour la préparation d'encore une requête auxiliaire afin de répondre aux objections au titre de l'article 84 CBE qui avaient conduit à ne pas admettre la deuxième requête auxiliaire. Après discussion avec les parties et délibéré, la Chambre a décidé de ne pas accorder du temps supplémentaire.
L'intimée a demandé ensuite que la Chambre considère à titre de troisième requête auxiliaire le jeu de revendications constituant sa requête auxiliaire du 22 août 2018 ensemble avec la description et les figures modifiées selon sa première requête auxiliaire, numérotée "4". Elle a également retiré la première et la deuxième requête auxiliaire déposées auparavant. Après discussion et délibéré, le Président a annoncé la décision de la Chambre de ne pas admettre la troisième (et seule) requête auxiliaire.
VII. Les requêtes finales des parties sont les suivantes:
La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
L'intimée a demandé le maintien du brevet sous forme modifiée selon sa requête principale du 22 août 2018, ou sur la base des revendications selon la requête auxiliaire 3 du 22 août 2018 ensemble la description et les figures déposées en tant que partie de la requête auxiliaire 4 au cours de la procédure orale devant la Chambre.
VIII. Le libellé de la revendication 1 de la requête principale s'énonce comme suit:
"Système tampon pour bande de non-tissé, ledit système comprend au moins une surface de transport amont (11) et au moins une surface de transport aval (20), qui sont agencées l'une par rapport à l'autre de telle sorte que la surface de transport amont est apte à transporter une bande de non-tissé (N) à une première vitesse linéaire V1(t) jusqu'à une zone de délivrance (Zd) au niveau de laquelle la bande de non-tissé (N) quitte la surface de transport amont et est transférée sur une zone de reprise (Zr) de la surface de transport aval, laquelle surface de transport aval est apte à transporter la bande de non-tissé à une deuxième vitesse linéaire V2(t) prédéfinie pouvant être différente de la première vitesse linéaire V1(t), caractérisé en ce que ledit système tampon comprend en outre des moyens de réglage (21) aptes à modifier automatiquement, en fonction du différentiel entre lesdites première V1(t) et deuxième V2(t) vitesses, la distance entre la zone de délivrance (Zd) de la surface de transport amont et la zone de reprise (Zr) de la surface de transport aval, de manière à régler automatiquement la longueur de parcours de la bande de non-tissé."
La revendication 1 selon la troisième et seule requête auxiliaire maintenue par la requérante au cours de la procédure orale est identique à celle de la requête principale. Seules la description et les figures ont été modifiées.
IX. La requérante a argué au soutien de sa requête de révocation du brevet, entre autres, que l'objet de la revendication 1 était antériorisé par le système tampon divulgué à la figure 1 de D1'. Elle a notamment soutenu que le libellé contenu dans le préambule de la revendication "au niveau de [la zone de délivrance (Zd)] la bande de non-tissé (N) quitte la surface de transport amont et est transférée sur une zone de reprise (Zr) de la surface de transport aval" n'excluait pas la présence d'autres éléments entre les zones Zd et Zr des surfaces de transport respectives. Selon la requérante, cette interprétation était justifiée au vu du mode de réalisation divulgué à la figure 9 du brevet en litige, qui devait être considéré selon le libellé au paragraphe 51 de la description comme couvert par la revendication 1. Dans le système connu de la figure 1 de D1', la zone de délivrance était mobile et se situait à l'endroit où la bande de non-tissé quittait la bande de transport 200 pour passer sur le rouleau tampon 11. Le non-tissé était transféré par la bande intermédiaire 12 à la zone de reprise qui se situait à l'emplacement fixe du rouleau amont de la bande de transport 5 approvisionnant l'étaleur-nappeur.
S'opposant à l'admission dans la procédure de la troisième (et seule) requête auxiliaire, la requérante a argué que l'élimination de certains modes de réalisation du brevet ne pouvait pas changer l'interprétation de la revendication 1 non modifiée qui manquait alors toujours de nouveauté par rapport à D1'.
Elle s'est par ailleurs également opposée à la requête de l'intimée tendant à bénéficier de temps supplémentaire afin de préparer une nouvelle requête auxiliaire après la discussion de la première et de la deuxième requête auxiliaire déposées au cours de la procédure orale, puis retirées à la fin.
X. L'intimée a, à l'appui de sa requête principale, soutenu que le libellé crucial excluait tout élément intermédiaire entre la zone de délivrance et la zone de reprise aux deux surfaces de transport respectives. Ceci résultait déjà du sens propre des expressions "délivrance" et "reprise" qui impliquaient que la bande de non-tissé était libre et sans support entre ces deux zones. En plus, la conjonction "et" impliquait une succession immédiate de la délivrance du non-tissé par sa reprise, sinon on aurait choisi l'adverbe "puis" à sa place. Selon l'intimée, l'homme du métier comprenait du contenu total du brevet et malgré l'absence d'une indication de la position des zones de délivrance et de reprise dans le mode de réalisation de l'invention exposé à la figure 9 du brevet, que ces deux zones se situaient toujours immédiatement adjacentes l'une à l'autre, sans éléments interposés. Ainsi la variante de la figure 9 présentait la zone de délivrance au niveau du rouleau aval 12' de la bande de transport sans fin amont 11' et, à proximité de ce rouleau et se déplaçant avec celui-ci, la zone de reprise sur le brin supérieur de la bande de transport sans fin aval 200. La variation de distance entre ces deux zones se manifestait par la variation de la position angulaire d'où le non-tissé quittait la bande 11' tournant autour du rouleau aval 12'. Cette position angulaire variait avec le déplacement en translation avant-arrière du rouleau 12' dans la direction de la bande sous-jacente 200. Contrairement au libellé de la revendication, le système tampon connu de la figure 1 de D1' contenait alors des éléments intermédiaires sous forme du rouleau tampon 11 et de la bande intermédiaire 12, transportant le non tissé. En quittant la bande de transport amont 10 à la zone de délivrance au point où il était pris par le rouleau tampon 11, le non-tissé n'était jamais libre lors de son transfert à la zone de reprise qui se trouvait à l'endroit où le non-tissé était transféré sur le rouleau amont de la bande de transport aval 13. Par conséquent, dans le système tampon connu de la figure 1 de D1' la zone de délivrance et la zone de reprise telles qu'elles étaient définies au préambule de la revendication 1 du brevet se situaient respectivement au niveau du rouleau amont de la bande de transport 12 et au niveau du rouleau aval de la bande de transport 13. Comme leur distance était invariable ce système tampon connu n'antériorisait pas l'objet revendiqué.
L'intimée a fait valoir au soutien de sa requête visant à bénéficier de temps supplémentaire pour la préparation d'une nouvelle requête auxiliaire, à la suite de l'échec de ses deux précédentes requêtes auxiliaires déposées au cours de la procédure orale, qu'elle aurait été autrement privée de la possibilité de réagir et de remédier aux objections soulevées pour la première fois lors de la procédure orale.
Concernant l'admission de sa seule requête auxiliaire maintenue à la fin de la procédure orale, la requérante a considéré que par l'élimination, entre autres, du mode de réalisation exposé à la figure 9, la revendication ne pouvait plus être comprise comme couvrant des systèmes tampon avec éléments intermédiaires entre les deux zones en question. Il était donc immédiatement clair que l'objection de nouveauté était surmontée et la requête était par conséquent admissible.
Motifs de la décision
Requête principale
1. Interprétation de la revendication 1
Le point crucial pour la décision à rendre dans le cas présent concerne l'interprétation du libellé souligné ci-dessous dans le préambule de la revendication 1, à savoir :
"... surface de transport amont est apte à transporter une bande de non-tissé (N) à une première vitesse linéaire V1(t) jusqu'à une zone de délivrance (Zd) au niveau de laquelle la bande de non-tissé (N) quitte la surface de transport amont et est transférée sur une zone de reprise (Zr) de la surface de transport aval ...".
Même si la Chambre n'est pas convaincue que les termes "délivrance" et "reprise" impliquent que la bande de non-tissé doit nécessairement être libre entre les deux zones correspondantes, elle peut accepter que le sens du libellé exclurait de prime abord la présence d'éléments intermédiaires entre les deux zones, Zd et Zr. Cependant le brevet divulgue à la figure 9 un système tampon constitué par deux bandes intermédiaires 11' et 11", parallèles, guidant le non-tissé d'une position amont supérieure et adjacente à une zone de délivrance d'une bande de transport en amont 11 jusqu'à une zone de réception sur une bande de transport en aval inférieure 200. Ce système constitue selon le paragraphe 51 "une variante de réalisation d'un système tampon de l'invention"; voir également à la fin du paragraphe 19 contenant la description brève des dessins.
L'intimée a admis que le système de la figure 9 était effectivement couvert par la revendication 1, mais elle contestait l'attribution de la zone de délivrance, Zd, dans ce système au niveau du rouleau aval de la bande de transport amont 11. Tandis que la localisation de Zr se trouve sur la bande de transport aval 200 au niveau du rouleau aval 12' de la bande intermédiaire 11', ce qui est accepté par les deux parties, Zd se situerait selon l'intimée, comme dans tous les autres modes de réalisation du brevet, en proximité directe de la zone de reprise en cause. La Chambre ne peut pas suivre cet argument.
Malgré l'absence d'une indication explicite notamment de la position des deux zones en cause à la figure 9 et aux paragraphes 51 et 52, contrairement à tous les autres exemples, l'hypothèse d'une proximité directe entre les deux zones, Zd et Zr, au niveau du rouleau aval 12' n'est pas convaincant. La variation de la distance entre la zone de reprise Zr et une zone de délivrance Zd à l'endroit identifié par l'intimée, laquelle variation devrait être, selon le libellé de la revendication 1, à l'origine du réglage automatique de la longueur du parcours de la bande de non tissé (en fonction du différentiel de vitesses), paraîtra à l'homme du métier insignifiante à cette fin. Selon l'intimée, la variation devrait en effet résulter d'une déformation des côtés d'un triangle imaginé et formé par un premier point sur la bande intermédiaire 11' au niveau duquel le non tissé quitte celle-ci, un deuxième point projeté perpendiculairement sur la bande de transport aval sous-jacente 200 et un troisième point où le non-tissé est repris sur ou touche cette dernière bande 200. La déformation du triangle et, par conséquent, la variation de distance entre les deux zones, due alors au mouvement latéral du rouleau 12', est néanmoins trop petite pour qu'elle vienne à l'esprit de l'homme du métier, considérant la figure 9 et tenant compte de la description, comme étant associée au réglage de la longueur de parcours de la bande de non-tissé. Elle est notamment trop petite pour être considérée comme une telle source de réglage quand on la compare à la variation de la distance, immédiatement perceptible à la figure 9, entre les deux zones, Zr et Zd, où notamment Zd se situe au niveau du rouleau aval de la bande de transport 11, laquelle bande se trouve alors en amont des bandes intermédiaires 11' et 11", et Zr, en accord avec le point de vue de l'intimée, se situe effectivement au niveau de la bande aval 200.
La mention au paragraphe 51 du brevet que la bande intermédiaire 11' transporte le non-tissé avec la vitesse V1(t), ne peut pas non plus changer cette conclusion, car ce fait ne s'oppose en rien à une localisation de Zd en amont des bandes intermédiaires 11' et 11".
En conséquence, la Chambre conclut que le libellé en cause doit être entendu de manière à ne pas exclure la présence d'éléments intermédiaires entre la zone de délivrance et la zone de reprise.
2. Nouveauté au vu de D1'
2.1 D1' divulgue à la figure 1 un système tampon pour une bande de non-tissé, ledit système comprenant au moins une surface de transport amont sous forme du brin supérieur de la bande de transport amont 10 et au moins une surface de transport aval sous forme du brin supérieur de la bande de transport aval 13. Les deux surfaces sont agencées l'une par rapport à l'autre de telle sorte que la surface de transport amont 10 est apte à transporter une bande de non-tissé à une première vitesse linéaire V1(t), implicite à sa fonction, jusqu'à une zone de délivrance située à la position momentanée du rouleau tampon 11. Au niveau de cette zone de délivrance la bande de non-tissé quitte la surface de transport amont 10 et est transférée, par l'intermédiaire (voir point 1 ci-dessus) du rouleau tampon 11 et de la bande de transport intermédiaire 12, sur la zone de reprise, située au niveau du rouleau amont de la bande de transport aval 13 constituant la surface de transport aval, laquelle surface de transport aval est apte à transporter la bande de non-tissé à une deuxième vitesse linéaire V2(t) prédéfinie pouvant être différente de la première vitesse linéaire V1(t). Ledit système tampon de D1' comprend en outre des moyens de réglage aptes à modifier automatiquement, en fonction du différentiel entre lesdites première V1(t) et deuxième V2(t) vitesses, la distance entre la zone de délivrance de la surface de transport amont (au niveau de la position variable du rouleau tampon 11) et la zone de reprise de la surface de transport aval (au niveau de la position fixe du rouleau amont de la bande 13), de manière à régler automatiquement la longueur de parcours de la bande de non-tissé. En fait, selon les paragraphes 30 à 36 de D1', la fonction bien spécifique du rouleau tampon 11 est de se déplacer en fonction du différentiel de vitesses entre celle de la bande 10, variable en fonction de l'étirage voulu de la bande de non-tissé (voir paragraphe 35) et celle, constante, de la bande intermédiaire 12 (voir paragraphe 34), qui doit correspondre à la vitesse de la bande aval 13 afin de transporter le non-tissé sans refoulement ou étirage supplémentaire à l'étaleur-nappeur (voir à chaque fois la fin des paragraphes 30 et 31). En somme, la variation de la position de la zone de délivrance qui se déplace avec la position du rouleau tampon 11, résulte en une variation de la distance entre Zd et Zr en fonction du différentiel des vitesses, de manière à régler automatiquement la longueur du parcours de la bande de non-tissé, la longueur du parcours étant variable selon les positions extrêmes du mouvement en translation de va-et-vient du rouleau tampon 11.
La Chambre conclut donc que l'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau, contrairement à l'exigence de l'article 54(1) et (2) CBE.
2.2 Les arguments contraires de l'intimée se basaient essentiellement sur l'interprétation divergente du libellé de la revendication considérée au point 1 et soutenaient en conséquence que la zone de délivrance et la zone de reprise dans le système de la figure 1 de D1' se trouvaient juxtaposées l'une par rapport à l'autre au niveau du passage du non-tissé de la bande de transport 12 sur la bande de transport 13. Ces arguments ne peuvent pas convaincre la Chambre car ils partent d'une interprétation de la revendication indûment limitée (voir point 1.1 ci-dessus).
Selon une deuxième ligne d'argumentation présentée uniquement dans les écrits de l'intimée, admettant que la zone de délivrance Zd était située au niveau du rouleau tampon 11, ce qu'elle continuait cependant à contester à titre principal, l'intimée soutenait que les positions extrêmes que le rouleau tampon 11 pouvait atteindre lors de son trajet en va-et-vient constituaient (au moins) deux zones de délivrance, tandis que la revendication mentionnait "une" (unique) zone de délivrance. La Chambre ne trouve pas cet argument convaincant. En fait, la revendication définit aussi seulement "une" zone de reprise. Pour obtenir alors une variation de leur distance il est nécessaire qu'au moins une des deux zones puisse varier sa position par rapport à l'autre. La revendication ne définit pas laquelle des deux zones doit se déplacer. Les différentes positions identifiées par l'intimée pour la zone de délivrance au système de D1' ne sont par conséquent rien d'autre que l'expression de cette variation. Le système tampon selon D1' présente par conséquent toutes les caractéristiques de la revendication 1 telle qu'elle est comprise par l'homme du métier.
Requête auxiliaire
3. La requête auxiliaire a été soumise au cours de la procédure orale et par conséquent après le délai pour répondre aux motifs de recours conformément à l'article 12(1)b) et (2) du règlement de procédure des chambres de recours (RPCR). Elle constitue par conséquent une modification des moyens invoqués au sens de l'article 13 RPCR. Selon l'alinéa (1) de cette disposition, dans de telles conditions son admission dans la procédure et son examen sont laissés à l'appréciation de la Chambre. Dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, la Chambre dispose de divers critères (justification du dépôt tardif; stade de la procédure et complexité des nouveaux moyens; principe de l'économie de la procédure).
Pour ce qui est notamment du principe d'économie de procédure, il est généralement requis que les modifications soient recevables de prime abord, en ce sens qu'elles visent à résoudre les points critiques soulevés contre les requêtes précédentes sans en soulever de nouveaux (voir par exemple La Jurisprudence des Chambres de recours, 8**(ème) édition 2016, IV.E.4.2.1 et 4.2.2)
Le libellé de la revendication 1 de cette requête auxiliaire est identique à celui soumis à titre de requête principale. La revendication est par contre accompagnée d'une description et de figures modifiées. L'intimée a notamment supprimé dans la description et les figures toutes références aux modes de réalisation des figures 7 à 9.
Selon l'intimée, de cette manière, l'interprétation du libellé crucial admise par la Chambre (point 1 ci-dessus) ne serait plus valable, excluant ainsi tout système avec éléments intermédiaires entre les deux zones en cause de la portée de la revendication 1.
La Chambre juge que de prime abord l'objection de nouveauté ne pouvait pas être considérée comme surmontée par de telles modifications qui laissaient le libellé de la revendication inchangé. Discuter pour la première fois à cet état de la procédure - après la discussion et la délibération portant sur deux autres requêtes auxiliaires avec modifications substantielles de la revendication 1, également déposées pour la première fois pendant la procédure orale et retirées au moment du dépôt de la présente requête - des implications potentielles sur la question de nouveauté (que la Chambre de prime abord ne voyait même pas) d'une élimination de certains modes de réalisations couverts par la revendication telle que délivrée, est contraire aux principes aussi bien d'économie de procédure que d'égalité des chances entre les deux parties, ceci malgré la conséquence sévère pour l'intimée de la perte du brevet.
A titre d'exemple, il convient de noter que selon la jurisprudence des Chambres de recours l'interprétation d'une revendication n'est pas normalement considérée comme étant plus limitée quand un mode de réalisation est supprimé de la description. Cette modification de la description aurait ouvert une nouvelle discussion sur le sens de la revendication 1 telle que déposée par rapport à sa forme telle que délivrée. La Chambre considère qu'une telle discussion à ce stade de la procédure est inappropriée étant contraire au principe d'économie de procédure. La Chambre note que l'intimée n'a pas argué la présence de circonstances exceptionnelles justifiant une considération éventuelle de ces modifications comme étant aptes à remédier aux objections en cause et la Chambre n'en voit pas non plus d'office. La Chambre note que tous les arguments menant finalement à sa conclusion au regard de la requête principale avaient été formulés par la requérante dans son mémoire de recours, voir notamment pages 16 et 17. La tentative de remédier à l'objection de nouveauté, fondée sur une interprétation soi-disant erronée de la revendication 1 sur la base de la figure 9 du brevet, par une élimination de ce mode de réalisation aurait clairement dû et pu être soumise à un stade bien antérieur de la procédure.
La Chambre a par conséquent décidé de ne pas admettre la requête auxiliaire dans la procédure.
Rejet de la requête de l'intimée pour l'accord de temps supplémentaire au cours de la procédure orale
4. La Chambre a décidé pendant la procédure orale de ne pas accorder de temps supplémentaire à l'intimée pour la préparation d'encore une requête auxiliaire. L'intimée avait déjà déposé une première nouvelle requête auxiliaire juste après la discussion de la requête principale et l'annonce de la conclusion de la Chambre sur ce point. Suite à la discussion et l'annonce de la conclusion de la Chambre sur cette première requête elle a déposé une deuxième nouvelle requête auxiliaire. Dans chacune de ces requêtes l'intimée avait tenté de modifier le libellé de la revendication 1, ce qui cependant a conduit à des objections selon les articles 123(2) et 84 CBE et, par conséquent, à leur non-admission dans la procédure.
L'argument que les objections en cause avaient été soulevées pour la première fois lors de la procédure orale, ce qui, par souci d'égalité, aurait alors justifié qu'il soit accordé encore une possibilité de les surmonter, n'a pas su convaincre la Chambre. Les nouvelles objections étaient clairement motivées par les nouvelles requêtes modifiées déposées tardivement. Un droit de continuer sans limite ce jeu alternant entre dépôt d'une nouvelle requête, son examen et une opportunité supplémentaire de surmonter d'éventuelles (nouvelles) objections n'a pas de base dans la CBE et ne peut se trouver justifié par aucun principe général de procédure. Comme déjà expliqué auparavant dans le contexte des modifications inappropriées pour faire face aux objections soulevées (voir point 3 ci-dessus) une telle manière de procéder se heurterait au principe d'économie de procédure mais aussi à celui d'égalité de chances entre les parties, puisque l'autre partie se trouverait dans la position ingrate de devoir faire face à une nouvelle matière à chaque fois. La procédure orale en recours après opposition est sensée représenter l'étape finale de la procédure. Même si d'autres issues sont concevables et même prévues, par exemple le renvoi de l'affaire à la division d'opposition sous certaines conditions bien définies, il devrait être clair au fil de plus de 30 ans de jurisprudence que la procédure orale n'est ni le lieu ni le moment pour la titulaire de modifier son texte sans cesse jusqu'à ce qu'il parvienne à un jeu de revendications acceptables (v. par exemple T 1617/08, T 1790/06; aussi, La Jurisprudence des Chambres de recours, 8ème édition, IV.E.4.2.6 a)).
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.