T 0281/86 (Préprothaumatine) 27-01-1988
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Description suffisamment claire et complète -
Macromolécules biologiques
Reproductibilité identique
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 81 201 355.5 déposée le 11 décembre 1981, a été publiée le 23 juin 1982 sous le numéro 54 331. Elle revendiquait la priorité d'une demande antérieure déposée le 12 décembre 1980. La Division d'examen 023 de l'Office européen des brevets l'a rejetée par la décision du 11 février 1986. Les revendications 1, 2, 4, 6, 8, 10, 11, 12 s'énoncent comme suit :
"1. Séquence d'ADN sélectionnée parmi le groupe comprenant i) des séquences d'ADN codant pour
a) de la préprothaumatine non traitée correspondant à la formule de la figure 2 (gène de la préprothaumatine), ou
b) de la préprothaumatine partiellement traitée, correspondant aux formules de la figure 3 (gène de la prothaumatine) et de la figure 4 (gène de la préthaumatine), et
ii) les diverses formes alléliques du gène de la préprothaumatine représentées à la figure 5, et
iii) les divers gènes alléliques ayant subi une mutation codant pour de la préprothaumatine présentant une ou plusieurs mutations aux positions 47, 507 et 513 comme le montre la figure 6.
2. Plasmides recombinants contenant
i) une séquence d'ADN telle que définie dans la revendication 1, et
ii) un régulon inductible ou constitutif qui régule l'expression desdites séquences d'ADN.
4. Plasmides recombinants selon la revendication 3, sélectionnés parmi le groupe se composant de pUR 521, pUR 522 et pUR 523.
6. Plasmides recombinants selon la revendication 5, sélectionnés parmi le groupe se composant de pUR 531, pUR 532 et pUR 533.
8. Plasmides recombinants selon la revendication 7, sélectionnés parmi le groupe se composant de pUR 541, pUR 542 et pUR 543.
10. Culture bactérienne contenant des cellules d'E.coli comprenant l'un quelconque des plasmides recombinants selon les revendications 2 à 8 avec ou sans la séquence AATT provenant du "linker" tel que décrit dans la revendication 9 et situé entre le régulon et le gène structurel du plasmide recombinant.
11. Procédé de préparation de la préprothaumatine, de la préthaumatine et de la prothaumatine ou de l'une de ses formes traitées, consistant à incorporer les plasmides recombinants selon l'une quelconque des revendications 2 à 8 dans un vecteur de clonage microbien, à transformer des cellules hôtes microbiennes avec ledit vecteur, à cultiver les cellules transformées et à isoler la protéine produite par lesdites cellules.
12. Procédé de préparation de la préprothaumatine, de la préthaumatine et de la prothaumatine ou de l'une des formes traitées consistant à incorporer les plasmides recombinants selon l'une quelconque des revendications 2 à 8 dans un vecteur de clonage microbien, à transformer les cellules hôtes d'E.coli avec ledit vecteur, à cultiver les cellules transformées et à isoler la protéine produite par lesdites cellules".
II. La demande a été rejetée au motif que :
a) le procédé décrit dans l'exemple spécifique (de la p. 8, ligne 9 à la p. 10, ligne 18) n'était pas exactement reproductible puisque le plasmide pUR 100 résultant ne pouvait être identifié parmi les autres génotypes obtenus par le procédé en question, étant donné que la séquence complète d'ADN n'avait pas été décrite ; et que
b) les autres procédés utilisant du pUR 100 décrit de la p. 10, ligne 20 à la p. 16, ligne 34 comme matériau de départ, et donnant notamment les plasmides selon les revendications 4, 6 et 8 n'étaient pas davantage reproductibles et ne réunissaient donc pas les conditions prévues à l'article 83 CBE.
La décision (cf. pages 6 et 7), a toutefois laissé en suspens les points suivants :
i) dans la mesure ou les revendications 4 et 6 portent sur les composés plasmidiques pUR 522, 523 et 531, seraient-elles recevables en vertu de la règle 28 CBE si les numéros de dépôt étaient indiqués dans les revendications ;
ii) le bactériophage RF M13-mp2 (cf. original page 11, ligne 30) était-il accessible au public comme matériau de départ à la date de dépôt et a-t-on une garantie qu'il l'est en permanence ;
iii) la description fonctionnelle du régulon donnée dans la revendication 2 est-elle recevable d'après les dispositions des articles 83 et 84 CBE, eu égard au fait que quelques variantes encore à spécifier n'étaient pas disponibles ; et
iv) la non-reproductibilité du procédé défini ci-avant sous (a) est-elle incompatible avec les revendications de procédé 11 et 12 et avec la revendication de produit 10 ?
III. Le requérant s'est pourvu contre cette décision le 21 avril 1986 en acquittant la taxe correspondante et il a présenté le 21 juin 1986 un mémoire exposant les motifs du recours assorti de nouveaux jeux de revendications subsidiaires.
Le requérant a, en substance, avancé les arguments suivants à l'appui de son recours :
a) le procédé de préparation du plasmide pUR 100 est entièrement divulgué dans la description. Bien que ce procédé ne soit pas exactement reproductible en raison de légères variations possibles, l'homme du métier aurait cependant constaté que le plasmide ainsi obtenu contient également la séquence de nucléotides représentée à la figure 2 ou bien une séquence associée à une forme allégique du gène de la préprothaumatine. Ces séquences auraient également comporté des extrémités dC et dG terminales supplémentaires de longueur variable. Toutes ces formes de plasmide devraient pareillement convenir pour préparer de la préprothaumatine et les autres précurseurs de la thaumatine qui en dérivent.
b) Le procédé de préparation des plasmides suivants (pUR 101) etc. est entièrement décrit par référence aux figures. Toute différence de séquence pourrait être corrigée à l'aide d'enzymes de restriction appropriés correspondant à différents sites de restriction. Ainsi, ces différences de structure n'empêcheraient pas l'homme du métier d'exécuter l'invention revendiquée.
IV. S'agissant des points laissés en suspens par la Division d'examen, le requérant a fait valoir les arguments suivants au sujet des points i) à iv) mentionnés sous II :
i) Des souches d'E.coli contenant différents plasmides décrits dans la demande avaient été déposées par mesure de sécurité à l'American Type Culture Collection, conformément aux dispositions de la règle 28 CBE. La date de dépôt de la demande de brevet européen est déterminante si aucune publication n'est intervenue entre temps.
ii) S'agissant de l'existence de certains microorganismes appropriés, le fait que la souche RF M 13-mp2 ait été effectivement utilisée pour préparer les plasmides en question n'a pas d'importance. Il existait en effet de nombreuses autres souches pouvant être utilisées à cette même fin.
iii) En ce qui concerne l'existence d'autres régulons de nature différente non décrits dans la demande, le requérant aurait droit à une large protection et il ne pourrait l'obtenir que s'il était autorisé à proposer une définition fonctionnelle. Les brevets couvrant des catalyseurs et des polymères sont délivrés bien que certains de ces composés ne soient pas entièrement décrits afin de préserver des secrets de marque, au risque même de voir certains produits commercialisés disparaître du marché.
iv) Puisque la préparation de différentes protéines semblables à la thaumatine est reproductible, il n'y aurait pas lieu d'émettre une objection à l'encontre des revendications 10, 11, 12, compte tenu des explications fournies sous III a) et b).
V. Le requérant sollicite l'annulation de la décision et la délivrance du brevet sur la base du jeu de revendications III sur lequel se fondait la décision attaquée ou sur la base des requêtes subsidiaires (jeu I ou II).
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 ; il est donc recevable.
2. Aucune objection de forme ne peut être soulevée à l'encontre du texte des revendications qui se fonde de manière satisfaisante sur la description.
3. La revendication 1 du jeu III porte sur des séquences d'ADN (gènes) codant pour de la prépo-, de la pré- et de la prothaumatine et sur certaines formes alléliques du premier gène ou de certains de ces gènes ayant subi une mutation. Tous ces gènes sont définis de façon précise dans la revendication par référence aux figures 2, 3, 4, 5 et 6. Les définitions sont précises ("consistant en"), ce qui exclut l'ajout de toute caractéristique structurelle non spécifiée. Il ressort de la figure 5 que le gène de la préprothaumatine (séquence 32-736) est le plus long et qu'il comprend les structures codant pour les variantes plus courtes de pré- et de prothaumatine (séquence 32-718 et 98-736). Les emplacements et le caractère des variations alléliques et des formes ayant subi une mutation sont spécifiés avec précision aux figures 5 et 6. La revendication 2 porte en revanche sur des plasmides contenant les séquences indiquées ci-dessus de même que sur un régulon fonctionnel.
Description suffisamment claire et complète
Il ressort clairement de la description que toutes ces séquences de nucléotides et les plasmides correspondants doivent être préparés à partir du plasmide pUR 100 "contenant une réplique presque parfaite de la thaumatine ARNm" (page 10, lignes 17 et 18). Cela signifie néanmoins que ce plasmide comporte la séquence complète d'ADN de la préprothaumatine puisqu'il donne naissance à un fragment 32-795 même plus long après avoir été clivé par du Pst I (cf. figure 10 et page 10, ligne 25s). Le procédé conduisant à ce précurseur génétique primaire peut naturellement donner lieu à des variations suivant le matériau de départ utilisé et les différences existant au sein d'une population de plasmides.
On relève par exemple la présence d'extrémités dC et dG terminales supplémentaires de longueurs différentes. Des tests ont cependant été effectués pour déterminer la nature exacte des inserts (cf. de la page 9, ligne 30 à la page 10, ligne 18). Etant donné que l'insert doit contenir un code `préprothaumatine' conformément à la figure 2, tout plasmide contenant cette partie structurelle essentielle peut être identifié. Il peut ainsi être établi si le plasmide obtenu à ce stade correspond ou non au précurseur génétique primaire défini comme pUR 100 utilisé dans le procédé suivant l'invention. Le plasmide pUR 100 proprement dit n'est pas revendiqué.
Reproductibilité identique
Alors que l'on considère comme improbable que le plasmide obtenu à partir de la description spécifique soit identique au pUR 100 initialement préparé, il ne fait aucun doute que ces produits conviendraient pareillement à un traitement complémentaire et qu'ils devraient tout autant donner par expression les trois précurseurs de la thaumatine ainsi que les variantes de protéines proposées.
En chimie, les expériences donnent toujours des résultats caractérisés par des variations de rendement, de qualité, etc., qui n'entrent pas en ligne de compte pour déterminer si la description est suffisamment claire et complète, à moins que l'invention ne doive comporter des caractéristiques spécifiques à cet égard. Si seuls les conditions et les moyens utilisés pour mettre en oeuvre un procédé montrent d'inévitables variations, celles-ci ont encore moins d'importance, aussi longtemps que le résulat final reste identique. Tel est le cas des variantes portant la désignation pUR 100.
6. La Chambre estime donc qu'aucune disposition de l'article 83 CBE ne prescrit qu'un exemple de procédé spécifiquement décrit doit être exactement reproductible. Des variations intervenant dans la composition d'un agent utilisé dans un procédé ne préjugent pas du caractère suffisamment clair et complet de la description dès lors que le procédé revendiqué permet d'obtenir à coup sûr le produit désiré. Dans la mesure où la description du procédé est suffisamment claire et complète, c'est-à-dire ou le procédé revendiqué peut être mis en oeuvre au prix d'un effort raisonnable par l'homme du métier, et compte tenu également des connaissances générales communes, aucune insuffisance ne peut être dénoncée à ce égard.
7. En l'absence de la preuve du contraire, la Chambre admet que tous les nombres finis de séquences d'ADN spécifiées dans la revendication 1 du jeu III pourraient être obtenus en suivant les instructions figurant dans la demande, indépendamment des inévitables variations de structure du pUR 100 primaire ou de ses équivalents proches obtenus par le procédé. Il ressort des explications données par le requérant (mémoire exposant les motifs du recours, p. 4, ligne 19 s) que toute différence de séquence peut être traitée par l'homme du métier de manière appropriée, c'est-à-dire en utilisant différents enzymes de restriction, etc. Dans ce domaine particulier de la génétique, le caractère suffisamment clair et complet de la description d'un plasmide intermédiaire dépend principalement de l'existence exploitable de structures d'ADN de base et d'autres composés nécessaires à l'obtention d'autres plasmides et, en définitive, de l'expression d'un polypeptide recherché au terme d'un procédé complexe. Tant que ces conditions sont vérifiables et que le plasmide ne comporte aucun élément ou composé prouvant le contraire, la description n'est pas jugée insuffisamment claire ou incomplète.
8. Etant donné que le précurseur génétique primaire servant aux procédés de préparation décrits de la page 10, ligne 20 à la page 16, ligne 34 - revendication 9, jeu III - d'autres plasmides (y compris ceux sur lesquels portent les revendications 4, 6 et 8) et des protéines visées aux revendications 11 et 12, est disponible, la Chambre estime que l'homme du métier est en mesure d'exécuter également ces aspects de l'invention.
Les passages cités font état de l'obtention d'une séquence 32-795 à partir de pUR 100. Celle-ci est à nouveau coupée, donnant le fragment A(32-108) ensuite recombiné avec un fragment B (109-791) obtenu par un procédé de fragmentation différent à partir de pUR 100 (cf. figures 10 et 11, ainsi que la description correspondante conduisant à l'obtention de pUR 101). Le plasmide qui en résulte et qui contient une séquence 32-791 peut être soumis à un traitement complémentaire soit en vue de ne contenir que la séquence préthaumatine (32-718) ou la séquence prothaumatine (98-791) (figures 13 et 14), soit afin de préparer des mutants (figures 15 et 16). Quoi qu'il en soit, les plasmides ainsi obtenus produisent également les séquences requises pouvant être incorporées dans les vecteurs appropriés pUR 201, 301 ou 401, afin d'obtenir trois nouveaux plasmides pour chaque précurseur de la thaumatine (figures 17, 18 et 19) ou d'autres formes ayant subi une mutation (figures 19 et 20). Ces plasmides ont comme propriété d'exprimer les polypeptides requis (page 17, lignes 10-37) dans des hôtes appropriés afin de produire des quantités décelables du produit final désiré. Il n'y a donc plus lieu de constater une insuffisance en vertu de l'article 83 CBE en ce qui concerne le jeu de revendications III portant sur la préparation ou l'utilisation complémentaire du plasmide pUR 100 et cela vaut également pour les autres jeux de revendications, à l'exception de la revendication 1 du jeu I (cf. alinéa 11).
Questions en suspens
9. La Division d'examen a également soulevé d'autres questions relevant des articles 83 et 84 CBE et relatives aux exigences auxquelles la descrition et les revendications doivent répondre, sans toutefois pousser le raisonnement ni prendre de décision (cf. II (i) et (iv) et conclusions correspondantes IV i) à iv)). Il est compréhensible que sur diverses questions, la Divisions d'examen n'aie pas été disposée à procéder à l'examen quant au fond dans la mesure où la demande comportait à première vue une irrégularité rédhibitoire ; cependant, même en pareil cas, du moins tous les éléments corrélatifs sur lesquel porte une même objection, par exemple l'insuffisance de la description doivent être traités de manière à éviter le risque de recours réitérés.
Il eût été préférable que la Division d'examen soulève des objections raisonnées plutôt que de se contenter d'émettre des doutes qui risquent en tout cas de nuire à la position du demandeur.
10. Compte tenu de ce qui précède et afin d'éviter au requérant la perte d'une instance, la Chambre préfère renvoyer l'affaire à la première instance pour qu'elle statue sur les questions en suspens en matière d'insuffisance de la description. Il apparaît toutefois que certaines de ces questions sont semblables ou identiques à celles tranchées par la Chambre dans la décision T 292/85 ("Expression polypeptidique/GENENTECH I", en date du 27 janvier 1988. La première instance est ainsi en mesure de résoudre quelques-uns des autres problèmes qui se posent. D'autres questions fondamentales sont de toute façon en attente d'être examinées quant au fond.
11. Dans ces conditions, la Chambre estime également qu'il est déplacé d'examiner de sa propre initiative d'autres questions qui ont été soulevées pour la première fois au stade du recours. Il convient cependant d'observer que la revendication 1 du jeu I de la demande subsidiaire est beaucoup plus étendue que celle du jeu III et porte sur un certain nombre de variantes alléliques non identifiées ou mutants de précurseurs de la thaumatine. Que la limitation fonctionnelle à des propriétés "du type thaumatine" soit suffisamment significative ou non, que les modes de réalisation de l'invention puissent ou non être exécutés par l'homme du métier sur la base de la description, le sujet soulève des questions allant au-delà des principes qui permettent de déterminer si la description est suffisamment claire et complète en ce qui concerne la revendication 1 du jeu initial III. De la même manière, les revendications 11 et 12 du jeu III renvoient à l'utilisation de vecteurs de clonage microbiens qui dépassent le cadre de l'utilisation de bactéries dont traite la décision mentionnée ci-dessus (T 292/85).
La première instance n'a jusqu'ici fait état d'aucune objection spécifique sur ce point.
12. La description, page 8, lignes 16-23, peut également susciter des questions dans la mesure où il n'apparaît pas clairement comment l'homme du métier peut identifier l'ARNm requis au prix d'un effort raisonnable. En outre, la méthode décrite de la page 12, parag. 8d, ligne 33 à la page 13, ligne 8 et figure 15 n'est assortie d'aucune référence à la littérature, alors qu'elle pourrait être considérée comme faisant partie des connaissances générales communes à la date de dépôt de la demande. Enfin, la manière dont la présence des différents produits polypeptidiques a pu être repérée sans ambiguïté (p. 17, lignes 28-37) est également obscure, à moins que l'identification d'une séquence complète n'ait déjà fait partie des connaissances générales à l'époque considérée.
13. En ce qui concerne les points soulevés aux paragraphes 11 et 12, la Chambre tient à souligner qu'elle ne tire aucune conclusion à leur sujet, et qu'elle se borne à les mentionner à titre d'observation. La première instance est entièrement libre de tirer ses propres conclusions sur ces points lors de la poursuite de la procédure.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision de la première instance est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la Division d'examen aux fins de poursuite de la procédure.