T 1732/21 12-01-2024
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PNEUMATIQUE A ADHERENCE AMELIOREE SUR SOL MOUILLE
Exclusion d'un rapport d'essais admis dans la procédure d'opposition et sur lequel se fonde la décision (non)
Activité inventive (non)
Activité inventive - alternative évidente (requête principale et subsidiaires 1-3,4bis,5bis et 6) (oui)
Activité inventive - amélioration non suggérée (requête subsidiaire 7)
Exposé des faits et conclusions
I. Les recours de la titulaire et de l'opposante se fondent sur la décision de la division d'opposition selon laquelle le brevet européen n° 2 760 930 modifié selon les revendications de la requête subsidiaire 5, remise lors de la procédure orale le 27 mai 2021, et une description adaptée, satisfaisait aux conditions de la CBE. La décision se fondait également entre autres sur le brevet tel que délivré en tant que requête principale.
II. Les moyens de preuve suivants étaient notamment cités dans la procédure d'opposition :
D4: US 2011/0144236 Al
D6: WO 2010/069559 Al
D7: JP 2006/63093 A
D7a: Traduction de D7 en Anglais
D8: US 2009/0292063 Al
D9: EP 0 872 515 A1
D11: WO 2005/090463 A1
D11a: Traduction de D11 en Anglais
D17: Rapport d'essais soumis par la titulaire par courrier du 26 mars 2021
D18: WO 2019/122605 Al
D19: WO 2018/115720 Al
D20: ASTM D5992-96
D21: "Dynamic Mechanical Analysis to improve material performance", www.kgk-rubberpoint.de, KGK Januar/Februar 2012
D22: Arlanxeo Brochure, Product Portfolio Overview.
III. Dans la mesure où ils sont pertinents pour la présente décision, les motifs de la décision contestée peuvent être résumés comme suit :
a) Les documents D17 à D22 dont la recevabilité n'avait pas été contestée étaient admis dans la procédure.
Requête principale (brevet tel que délivré)
b) La nouveauté de l'objet des revendications 1 à 17 était reconnue, en particulier vis-à-vis de D6.
c) Concernant l'activité inventive, l'état de la technique le plus proche était constitué par les compositions C.1 et C.2 de D6, l'objet revendiqué s'en différentiant par la présence, en tant que second élastomère diénique, d'un polymère du butadiène dont la température de transition vitreuse (Tg) était supérieure à -70°C. Au vu d'une comparaison au sein des essais selon D17 entre l'exemple T-1 représentant la situation de D6 et l'exemple C-1 selon l'invention revendiquée, il était conclu que le problème résolu par l'objet revendiqué était la fourniture d'une composition de caoutchouc ayant des propriétés améliorées d'adhérence sur sol mouillé. L'utilisation dudit second élastomère diénique pour résoudre ledit problème était suggérée à l'homme du métier par l'enseignement de D6, page 5, lignes 1 à 19, celui de D7 découlant d'une comparaison des exemples 3 et 4 et de D11, également au vu des exemples 3 et 4. L'objet de la revendication 1 du brevet en litige était donc dépourvu d'activité inventive.
Requête subsidiaire 5
d) Partant de l'enseignement de D6, le pneumatique selon la revendication 1 ne découlait pas de manière évidente de l'état de la technique. Les documents cités ne suggéraient pas qu'un rapport massique de résine hydrocarbonée et d'agent plastifiant liquide, sur la masse de charge inorganique renforçante compris entre 35% et 55% conduise à une composition de caoutchouc ayant une résistance au roulement réduite et une meilleure adhérence sur sol mouillé, ainsi qu'il était mis en évidence par une comparaison entre les essais T-3 et C-1 de D17.
e) Partant des exemples de D6, le pneumatique selon la revendication 2 qui était caractérisé par l'utilisation d'un agent plastifiant liquide en une quantité de 10 à 30 pce ne découlait également pas de manière évidente de l'état de la technique. Contrairement à l'affirmation de l'opposante, l'objectif de D8 ne résidait pas dans l'amélioration de l'adhérence sur sol mouillé de compositions de caoutchouc mais avait trait à l'amélioration de l'abrasion et de la résistance aux coupures. Partant de D6, la personne du métier n'aurait trouvé aucune motivation à se tourner vers D8.
f) L'objection d'activité inventive partant de D11 n'était pas convaincante, car la personne du métier ne se serait pas tournée vers D11 en tant que point de départ pour l'invention revendiquée au motif que ce document concernait principalement la fourniture d'une composition de caoutchouc écologique ayant de bonnes propriétés de résistance à l'abrasion et de stabilité de la conduite, mais ne portait pas contrairement au brevet en litige sur l'amélioration de l'adhérence sur sol mouillé ou sec, ou encore la résistance au roulement.
g) Par conséquent, les revendications 1 à 19 de la requête subsidiaire 5 impliquaient une activité inventive.
IV. Des recours à l'encontre de cette décision étaient déposés par la titulaire du brevet et l'opposante.
V. Au mémoire exposant les motifs du recours de la titulaire étaient joints neufs jeux de revendications formant des requêtes subsidiaires 1 à 9.
VI. En réponse au mémoire de recours de l'opposante, la titulaire soumettait par courrier du 15 avril 2022 une requête subsidiaire 5bis.
VII. Aux fins de la préparation de la procédure orale la Chambre a envoyé une notification dans laquelle elle a exprimé un avis préliminaire.
VIII. Par courrier du 21 décembre 2023 la titulaire soumettait une requête subsidiaire 4bis et requérait le remplacement des requêtes subsidiaires 4 et 5 par les requêtes subsidiaires 4bis et 5bis.
IX. La procédure orale a eu lieu le 12 janvier 2024.
X. Les requêtes des parties en recours étaient les suivantes:
La titulaire du brevet a demandé l'annulation de la décision contestée et le rejet de l'opposition, et à titre subsidiaire le maintien du brevet sous forme modifiée selon l'une quelconque des requêtes subsidiaires 1 à 3, 4bis, 5bis et 6 à 9 dans cet ordre, ces requêtes étant celles soumises avec le mémoire de recours, à l'exception de la requête subsidiaire 4bis soumise par courrier du 21 décembre 2023 et de la requête subsidiaire 5bis soumise par courrier du 15 avril 2022.
L'opposante a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
XI. Les revendications des requêtes pertinentes pour la décision présente sont les suivantes :
Requête principale (brevet tel que délivré)
La revendication 1 qui s'énonce comme suit:
"1. Pneumatique dont la bande de roulement comporte une composition de caoutchouc comprenant au moins :
- à titre de premier élastomère diénique, 55 à 95 pce de caoutchouc naturel ou de polyisoprène de synthèse ;
- à titre de deuxième élastomère diénique, 5 à 45 pce d'un polybutadiène ou copolymère de butadiène ayant une température de transition vitreuse (Tg) qui est supérieure à -70°C mesurée par Differential Scanning Calorimetry selon la norme ASTM D3418 (1999);
- à titre de charge renforçante, plus de 90 pce et moins de 150 pce d'une charge inorganique, la charge inorganique étant une charge minérale de type siliceuse ;
- à titre de plastifiant, plus de 10 pce d'une résine hydrocarbonée thermoplastique présentant une température de transition vitreuse (Tg) supérieure à 20°C mesurée par Differential Scanning Calorimetry selon la norme AST D3418 (1999)."
Requêtes subsidiaires 1, 2, 3
La revendication 1 identique pour ces trois requêtes dont l'énoncé correspond à celui de la revendication 1 de la requête principale avec l'ajout à la fin du texte de cette dernière de la caractéristique
"- dans lequel le rapport massique de résine hydrocarbonée et d'agent plastifiant liquide, sur la masse de charge inorganique renforçante est compris entre 35% et 55%".
Requêtes subsidiaires 4bis, 5bis et 6
La revendication 1 identique pour ces trois requêtes dont l'énoncé correspond à celui de la revendication 1 des requêtes subsidiaires 1 à 3 avec l'insertion avant la caractéristique définissant le rapport massique de la caractéristique
"et plus de 5 pce d'un agent plastifiant liquide à 23°C".
Requête subsidiaire 7
La revendication 1 dont l'énoncé correspond à celui de la revendication 1 de la requête principale avec l'ajout à la fin du texte de cette dernière de la caractéristique
"et de 10 à 30 pce d'un agent plastifiant liquide à 23°C%".
XII. Les arguments des parties, dans la mesure où ils sont pertinents pour la présente décision, sont indiqués ci-dessous dans les motifs de la décision. Les points litigieux concernaient essentiellement la recevabilité du document D17 et la présence d'une activité inventive vis-à-vis de l'exemple C.2 de D6 pris en tant qu'état de la technique le plus proche pour l'objet de la revendication 1 de la requête principale et de celui de chacune des requêtes subsidiaires 1 à 3, 4bis, 5bis, 6 et 7 et en ce qui concerne l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 7, également vis-à-vis de l'exemple 4 de D11.
Motifs de la décision
Recevabilité du document D17
1. L'opposante conteste au point 5.6.2 de son mémoire exposant les motifs du recours la recevabilité du moyen de preuve D17, qui est un rapport d'essais soumis par la titulaire deux mois avant la procédure orale devant la division d'opposition. D17 fut non seulement admis dans la procédure (points 15 à 17 des motifs de la décision contestée), mais servit de fondement à la décision contestée (voir par exemple points 82 et 86 des motifs). D17 sur lequel s'appuient les soumissions de la titulaire dans la procédure de recours ne représente donc pas une modification des moyens invoqués par la titulaire au sens de l'article 12(4) RPCR 2020. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de ne pas prendre en compte ce moyen de preuve. Concernant l'absence de base juridique pour écarter dans la procédure de recours un moyen de preuve qui a été admis dans la procédure par la division d'opposition, la Chambre renvoie aux décisions T 0617/16, T 1549/07, T 1852/11, T 1201/14.
Vice substantiel de procédure allégué
2. Par ailleurs, l'opposante argue au point 5.6.2 de son mémoire exposant les motifs du recours que l'admission des essais D17 était contraire à l'équité, et donc au principe du contradictoire, ce qui, si cela s'avérait exact, serait constitutif d'un vice substantiel de procédure.
L'argument de l'opposante repose uniquement sur ses écritures en date du 21 mai 2021, celle-ci citant le dernier paragraphe de la page 5. A cette date, il était fait uniquement référence au temps extrêmement limité accordé à l'opposante, pour ne serait-ce que tenter de vérifier les nouvelles données. L'opposante n'a cependant pas requis que les essais D17 ne soient pas admis dans la procédure, celle-ci n'ayant pas d'objection quant à leur recevabilité (décision, point 17 des motifs; procès-verbal de la procédure orale, page 1, avant dernier paragraphe) ou que la procédure orale soit reportée afin qu'elle puisse disposer de plus de temps pour prendre position sur lesdits essais et/ou fournir ses propres essais. Dans ces conditions, la Chambre ne peut discerner un vice de procédure découlant de l'admission par la division d'opposition des essais D17 dans la procédure.
Requête principale
Activité inventive
Etat de la technique le plus proche
3. Indépendamment de l'objection selon laquelle l'objet de la revendication 1 serait antériorisé par la divulgation de D6 pris dans son ensemble, l'opposante argue également que son objet est dépourvu d'activité inventive en partant notamment du pneumatique dont la bande de roulement est obtenue avec la composition selon l'exemple C.2 de ce document (page 15, lignes 6-21 et page 16, tableaux 1 et 2).
4. La titulaire a tout d'abord contesté le choix de l'état de la technique le plus proche selon la décision contestée, c'est-à-dire les pneumatiques utilisant les compositions C.1 et C.2 décrites dans D6, lui préférant l'enseignement de l'exemple 4 de D7. Suite à l'opinion de la Chambre exprimée aux points 13 à 13.4 de la notification envoyée en préparation à la procédure orale selon laquelle l'enseignement de l'exemple C.2 de D6 constituait un point de départ raisonnable en sus de l'exemple 4 de D7, la titulaire a reconnu lors de la procédure orale que l'état de la technique le plus proche, en accord avec la position de l'opposante, pouvait être représenté par l'exemple C.2 de D6 (procès-verbal de la procédure orale, page 2, troisième paragraphe complet). Le pneumatique divulgué à l'exemple C.2 de D6 est donc pris comme point de départ dans l'analyse de l'activité inventive selon l'approche problème solution.
Caractéristique distinctive
5. Il n'est pas contesté que l'objet revendiqué se distingue du pneumatique selon l'exemple C.2 de D6 par la seule utilisation d'un deuxième élastomère diénique, c'est-à-dire un polybutadiène ou copolymère de butadiène ayant un Tg qui est supérieur à -70°C et dont la quantité est comprise entre 5 et 45 pce. La résine plastifiante utilisée (Silvares 600) possède un Tg de 50°C (page 11, ligne 18).
Problème effectivement résolu
6. La titulaire soutient que le problème technique effectivement résolu est celui de l'amélioration aussi bien de l'adhérence sur sol mouillé, que celle du compromis des trois performances que sont l'adhérence sur sol mouillé, la résistance au roulement et l'adhérence sur sol sec. Ceci découlerait des résultats expérimentaux présentés dans le rapport d'essais D17, plus particulièrement d'une comparaison entre la composition C-1 conforme à l'invention et la composition T-1 considérée être conforme à D6.
6.1 Se basant sur le raisonnement de la décision T 939/92, l'opposante argue que les effets allégués par la titulaire ne peuvent être considérés comme obtenus sur toute la portée de la revendication en litige. La raison en serait que les pneumatiques selon la revendication 1 ne définissent que cinq composés de la composition pour la bande de roulement, alors que les compositions du rapport d'essais D17 se basent sur neufs composés supplémentaires, qui selon la revendication en litige peuvent être librement modifiés (réponse au mémoire de recours de la titulaire, page 2, lignes 3-6 et mémoire de recours, point 5.6.2).
Selon la chambre l'approche utilisée par l'opposante n'est pas conforme à la logique suivie dans la décision T 939/92 qui concerne un effet attribué aux caractéristiques énoncées dans la revendication examinée, dans le cas sous-jacent à T 939/92 une activité herbicide liée à un groupe de composés défini par une formule de type Markush, c'est-à-dire une classe de composés, correspondant à différentes alternatives sur la base de caractéristiques énoncées dans la revendication.
Il ne s'agissait donc pas dans le cas T 939/92 d'une revendication de type ouverte, telle que dans le cas d'espèce, pour laquelle la question n'est pas de savoir si l'amélioration alléguée par rapport à l'état de la technique le plus proche peut être de manière absolue obtenue, quels que soient les autres composés dont l'utilisation est rendue possible par la définition ouverte utilisée dans la revendication 1 en litige, par exemple les neufs composés additionnels auxquels se réfère l'opposante.
Il convient plutôt de déterminer si la(les) caractéristique(s) distinctive(s) apporte(nt) dans le contexte de l'état de la technique le plus proche une contribution technique pouvant justifier une protection par brevet.
6.2 L'opposante avait invoqué dans ses écritures la saisine au titre de l'article 112 CBE sous la référence G 2/21, pour laquelle une décision a été rendue le 23 mars 2023. Il découle de cette décision qu'un effet technique peut être invoqué pour justifier l'activité inventive si la personne du métier, au vu des connaissances générales et se fondant sur la demande telle que déposée, déduirait cet effet comme étant englobé dans l'enseignement technique et faisant partie de la même invention initialement divulguée. La Chambre n'a aucun doute que la titulaire puisse appuyer son argumentation sur les effets de résistance au roulement, d'adhérence sur route sèche et d'adhérence sur route mouillé, ceux-ci faisant partie de l'enseignement technique du brevet en litige (voir fascicule, paragraphe [0002] à [0004] et résultats expérimentaux décrits dans le tableau 3). Cela avait été indiqué aux point 15.2 de la notification de la Chambre et n'a pas été contesté pendant la procédure orale.
6.3 La question se pose cependant de savoir, si au vu des éléments de preuve présentés, c'est-à-dire le rapport d'essais D17, il est crédible que les effets techniques invoqués par la titulaire résultent de manière relative et non absolue de l'utilisation de la caractéristique distinctive énoncée au point 5 ci-dessus.
6.4 L'opposante se référant aux décisions T 234/03 et T 494/99 argumente que des essais comparatifs doivent être reproductibles sur la base des informations fournies, permettant ainsi une vérification directe des résultats de ces essais. Au vu du contexte de ces décisions, il peut être déduit que le sens de cette condition est que les informations fournies permettent une comparaison objective des essais en question, afin qu'il puisse être vérifié si des effets invoqués résultent d'une certaine caractéristique distinctive. Alors que pour T 234/03, la méthode utilisée pour la mesure de l'effet (frottement avec le pouce en utilisant une forte force ; point 8.4.4 des motifs) ne permettait pas une mesure objective, la comparaison considérée dans le cas T 499/99 entre les essais du brevet considéré et de l'état de la technique le plus proche n'était pas objective, car la nature de certains composés utilisés dans les essais du brevet n'était pas connue.
Il ne peut donc être déduit desdites décisions que les valeurs mesurées dans un rapport d'essais doivent pouvoir être exactement reproduites, comme le prétend l'opposante. Il n'est donc pas nécessaire dans ces conditions de considérer D21 cité par l'opposante afin de montrer la nature des paramètres influençant la mesure de la tan(delta) et D22 sensé prouver que de nombreuses caractéristiques des SBR qui ne peuvent être établies pour les élastomères utilisés dans D17 ont une influence sur les mesures reportées dans D17.
En revanche, la comparaison offerte doit permettre une comparaison objective, c'est-à-dire de déterminer l'effet de(s) la caractéristique(s) invoquée(s), conformément à la jurisprudence des chambres de recours (Jurisprudence des Chambres de Recours de l'Office européen des Brevets, 10ème édition, juillet 2022, I.D.4.3.2). Au vu de la description des compositions étudiées et de la méthode de mesure indiquée au deuxième paragraphe à la page 2 du document D17, référence étant faite à (i) la norme ASTM D52992-96 (D20), (ii) la norme ASTM D 1349-09 et (iii) la préparation des échantillons, la Chambre ne voit aucune raison de considérer que de tels essais dans la mesure où ils ne se différencieraient que par la seule caractéristique distinctive vis-à-vis de l'état de la technique le plus proche ne permettraient pas de déterminer de manière objective si un effet peut-être attribué à ladite caractéristique. Il n'est dans ce cas nullement nécessaire d'avoir connaissance du moindre détail des mesures effectuées dans D17 afin de pouvoir déterminer l'effet de la caractéristique distinctive.
Quand bien même le SBR avec une Tg de -28°C utilisé dans D17 ne serait pas suffisamment décrit pour exactement répéter à l'identique les essais de D17 comme l'a affirmé l'opposante lors de la procédure orale, il demeure que ces essais étaient réfutables. L'opposante avait loisir de s'orienter à l'aide de la méthodologie de ces essais qui est suffisamment décrite et de fournir ses propres tests utilisant un SBR ayant la même Tg ou une autre Tg possédant une valeur en accord avec la revendication 1 pour répondre aux soumissions de la titulaire, ce qu'elle n'a pas fait.
6.5 Les tableaux de D17 indiquant les compositions testées et le résultat des mesures réalisées sont reproduits ci-dessous : FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
6.6 La comparaison à laquelle se réfère l'opposante entre C-1, T-2 et T-4 ne concerne pas l'influence de la caractéristique distinctive vis-à-vis de l'art antérieur le plus proche. Elle n'est donc pas pertinente.
En revanche, la comparaison invoquée par la titulaire concerne les compositions T-1 et C-1, pour laquelle seule une partie du caoutchouc naturel de T-1 a été remplacée dans C-1 par une proportion d'un deuxième élastomère diénique tel qu'il est défini dans la revendication 1 en litige. Il ressort de cette comparaison que le remplacement d'une partie du caoutchouc naturel de T-1 par un deuxième élastomère diénique correspondant à la définition de la revendication 1 en litige entraîne une amélioration de l'adhérence sur sol mouillé (indiquée par la valeur de tan(delta)max 0°C), une légère dégradation de la résistance au roulement (indiquée par la valeur de tan(delta)max 60°C) et pas de changement concernant l'adhérence sur sol sec (indiquée par la valeur de tan(delta)max 100°C). L'argument de la titulaire que les propriétés tan(delta)max à 0°C, tan(delta)max à 60°C et tan(delta)max à 100°C sont reconnues comme étant respectivement représentatives des performances d'adhérence sur sol mouillé, de résistance au roulement et d'adhérence sur sol sec, tel que montré par les documents D18 et D19 n'est pas contesté par l'opposante.
L'opposante a argué lors de la procédure orale qu'un seul essai ne pourrait être considéré comme suffisant. Elle n'a cependant pas expliqué pourquoi il en serait ainsi et dans ce cas quel autre type d'essai serait nécessaire pour démontrer l'effet d'un polybutadiène ou copolymère de butadiène ayant une Tg qui est supérieure à -70°C. En l'absence d'arguments spécifiques en la matière, cet argument n'est donc pas jugé convaincant.
La moyenne des trois mesures indiquées par la titulaire est également améliorée, une telle amélioration étant indicative d'une amélioration d'un certain compromis entre ces trois propriétés.
6.7 Dans ces circonstances et en l'absence de preuves et d'arguments contraires, il est crédible que le problème effectivement résolu par l'objet de la revendication 1 en litige réside dans la fourniture d'un pneumatique possédant une adhérence sur sol humide et un compromis entre les trois performances que sont l'adhérence sur sol mouillé, la résistance au roulement et l'adhérence sur sol sec, améliorés.
Evidence de la solution
7. Il reste encore à déterminer si l'homme du métier souhaitant résoudre ledit problème aurait été guidé, au vu de l'état de la technique disponible, vers une modification de l'état de la technique le plus proche le menant au pneumatique selon la revendication 1 en litige.
7.1 L'opposante argumente dans son mémoire de recours (section "Optimisation of parameters" débutant en bas de la 15ème page) que l'optimisation de paramètres ne saurait reposer sur une activité inventive. Elle se réfère simplement et sans aucune explication à une citation correspondant à un extrait de la Jurisprudence (supra, I.D.9.17). L'optimisation de paramètres selon les décisions citées dans ce passage se réfère à des situations où l'influence dedits paramètres est connue de la personne du métier, celle-ci devant simplement ajuster chacun d'entre eux en fonction de leurs effets connus. Ces décisions ne sont donc par pertinentes pour le cas d'espèce, la question qui se pose étant plutôt de savoir si l'influence du deuxième élastomère diénique sur les performances indiquées dans le tableau ci-dessus était suggérée par l'art antérieur.
7.2 A cet égard, l'opposante a cité D7, en particulier les exemples 3 et 4, qui concerne des compositions de caoutchouc contenant une charge de type siliceuse et une résine plastifiante destinées à la fabrication d'un pneumatique possédant des propriétés d'adhésion sur sol mouillé et sur sol sec améliorées (paragraphes [0037], [0038], tableau 1, référence étant faite pour les passages de D7 cités à la traduction D7a). Une comparaison des exemples 3 et 4 de D7 montre qu'une amélioration des propriétés d'adhérence sur sol mouillé et sol sec est obtenue lorsque pour la composition de la bande de roulement, 20 pce de caoutchouc naturel sont remplacées par une quantité identique de SBR vendu sous la dénomination Nipol 1502 (paragraphe 0033]), c'est-à-dire un SBR possédant une Tg de -52°C (D9, page 15, ligne 25) et qui répond donc à la définition de la revendication 1 en litige. L'amélioration de l'adhérence sur route mouillée et route sèche attribuable à l'utilisation du SBR à la place du caoutchouc naturel est également indiquée au paragraphe [0005] de D11.
En accord avec la position de la division d'opposition, la Chambre en conclut qu'au regard des exemples 3 et 4 de D7, qui en outre concernent un contexte structurel similaire à celui de l'exemple C.2 de D6, c'est-à-dire celui de l'utilisation d'une charge de type siliceuse et d'une résine plastifiante, la personne du métier aurait été incitée à remplacer dans la composition de caoutchouc pour la bande de roulement du pneumatique de l'exemple C.2 de D6 une partie du caoutchouc utilisée par un SBR selon la revendication en litige, afin d'en améliorer les propriétés d'adhérence sur sol mouillé et sur sol sec. Elle aurait ainsi été guidée vers la préparation d'un pneumatique selon la revendication 1 en litige.
De plus, tel que souligné par l'opposante, D6, enseigne page 5, lignes 4-6, l'utilisation d'un élastomère diénique complémentaire qui peut être choisi notamment parmi les copolymères de butadiène-styrène et en particulier ceux ayant une Tg (température de transition vitreuse, mesurée selon ASTM D3418) entre 0°C et -70°C et plus particulièrement entre -10°C et -60°C (page 5, lignes 11-13). Tel que noté par l'opposante, le taux d'élastomère diénique éventuel complémentaire est enseigné dans D6 être préférentiellement inférieur à 60 pce, notamment compris dans un domaine de 0 à 30 pce (page 6, lignes 5-7). D6 s'il n'indique pas l'influence des SBR sur les propriétés d'adhérence, comme constaté par la titulaire, enseigne cependant à la personne du métier la compatibilité de l'enseignement de D6 avec celui d'ajouter un SBR.
Quand bien même la personne du métier n'aurait pas eu connaissance de l'influence des SBR utilisés dans D7 sur la résistance au roulement, elle aurait été incitée en considération de l'influence bénéfique de tels composés sur l'adhérence à la fois sur sol sec et sur sol mouillé à essayer de tels composés afin de résoudre le problème mentionné ci-dessus.
7.3 La titulaire a argué lors de la procédure orale que la personne du métier au vu des résultats présentés dans le tableau 1 de D7 aurait plutôt été amenée à une autre solution plus prometteuse. Elle s'est référée à la possibilité d'utiliser comme seul caoutchouc, un caoutchouc naturel epoxydé, comme il est utilisé dans l'exemple C.2 de D6 et l'exemple 8 de D7, à celle de diminuer le taux de résine au vu des exemples 8 et 9 de D7 et enfin à celle d'augmenter la quantité de plastifiant liquide, comme l'inciteraient les exemples 3 à 9 de D7. Elle a également soumis que s'il était connu qu'utiliser un SBR était avantageux, alors il eût été plutôt évident d'utiliser le SBR en tant que seul élastomère. Ceci n'est pas convaincant. Concernant l'utilisation d'un caoutchouc naturel epoxydé, les exemples de D7 permettent tout au plus de conclure qu'un caoutchouc naturel epoxydé est préférable à un caoutchouc naturel. De plus, même si les exemples de D7 devaient suggérer une solution additionnelle à celle définie dans le brevet litigieux, ce qui resterait à démontrer, il demeure que cette dernière est enseignée par D7. Elle est donc à ce titre évidente. On ne saurait reconnaître une activité inventive sur la base d'une solution suggérée par l'art antérieur au motif que la personne du métier considérerait une autre solution plus flagrante.
7.4 En conséquence, l'homme du métier partant du pneumatique constitutif de l'état de la technique le plus proche et voulant résoudre le problème défini au point 6.7 ci-dessus parviendrait de manière évidente à un pneumatique selon la revendication 1 en litige.
8. Il en découle que la requête principale, dont la revendication 1 ne remplit pas les conditions de l'article 56 CBE, n'est pas admissible.
Requête subsidiaire 1
9. Le pneumatique selon la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 diffère de celui selon la revendication 1 de la requête principale en ce que la composition de caoutchouc utilisée pour la bande de roulement possède un rapport massique de résine hydrocarbonée et d'agent plastifiant liquide, sur la masse de charge inorganique renforçante compris entre 35% et 55%. Les parties s'accordent sur le fait que cette caractéristique représente une différence additionnelle par rapport à l'état de la technique le plus proche, également constitué par le pneumatique divulgué à l'exemple C.2 de D6 pour lequel ledit rapport massique est de 31.8%.
En l'absence d'indication que ces deux caractéristiques distinctives agissent en synergie, les parties conviennent que leur contribution inventive respective peut être analysée séparément.
Concernant la première caractéristique distinctive, c'est-à-dire la présence d'un deuxième élastomère diénique, celle-ci ne peut contribuer à une activité inventive, tel que démontré ci-dessus en relation avec la requête principale.
10. Concernant la contribution inventive de la deuxième caractéristique distinctive, la titulaire prétend que celle-ci conduit à une amélioration simultanée des trois performances que sont l'adhérence sur sol mouillé, la résistance au roulement et l'adhérence sur sol sec. Elle s'est référée au rapport d'essais D17 qui selon ses dires montrerait qu'une augmentation du rapport massique de résine hydrocarbonée et d'agent plastifiant liquide, sur la masse de charge inorganique renforçante dans la plage de 35% et 55% résultant d'une augmentation de la quantité de plastifiant liquide conférerait aux pneumatiques revendiqués l'amélioration alléguée.
10.1 Indépendamment de la question de savoir si une augmentation du rapport massique de résine hydrocarbonée et d'agent plastifiant liquide, sur la masse de charge inorganique renforçante dans la plage de 35% et 55% par le truchement d'une augmentation de la quantité de plastifiant liquide mène effectivement aux effets prétendus, la Chambre partage l'avis de l'opposante selon laquelle il peut être également arrivé à un tel rapport massique par une baisse de la quantité de charge de type siliceuse ou une augmentation de la quantité de résine plastifiante par rapport aux quantités respectives utilisées dans l'état de la technique le plus proche (mémoire exposant les motifs du recours, section 5.6.2.1).
En d'autres termes, la revendication 1 présente couvre avec cette caractéristique distinctive des modes de réalisation différents de la revendication 1, chacun d'entre eux correspondant à une modification différente de l'état de la technique le plus proche. Considérant que l'étendue du monopole conféré par le brevet doit être fonction de la contribution qu'il constitue par rapport à l'état de la technique, il est dans ces conditions légitime d'examiner si la modification du pneumatique divulgué à l'exemple C.2 de D6 par une diminution de la quantité de charge de type siliceuse ou une augmentation de la quantité de résine plastifiante par rapport aux quantités respectives utilisées dans l'état de la technique le plus proche repose sur une activé inventive.
10.2 Les essais selon D17 ne portent cependant pas sur des comparaisons destinées à démontrer une effet quelconque résultant d'une augmentation de la quantité de résine plastifiante. L'argument de la titulaire selon lequel il ne serait pas justifié de fournir des essais supplémentaires lorsque l'opposante n'a pour sa part pas soumis d'essais ne tient pas. Le nombre d'essais nécessaire dans le cas présent découle de l'existence de différent modes de réalisation couverts par la revendication 1. Concernant une diminution de la quantité de charge de type siliceuse, la Chambre souscrit à la position de la titulaire exprimée dans le cadre des soumissions concernant la requête subsidiaire 7 (lettre du 15 avril 2022, page 21, quatre derniers paragraphes et page 22, deux premiers paragraphes), que D17 met en évidence avec une comparaison des essais C-1 et T-6 qu'une augmentation de la quantité de silice entraîne une amélioration de l'adhérence aussi bien sur sol humide que sur sol sec (voir point 34.2 de la notification de la Chambre). A contrario il en est déduit que partant de l'exemple C.2 de D6 une diminution de la quantité de silice conduisant à un rapport massique de résine hydrocarbonée et d'agent plastifiant liquide, sur la masse de charge inorganique renforçante compris dans le domaine revendiqué s'accompagne d'une dégradation de l'adhérence sur sol mouillé et de l'adhérence sur sol sec.
10.3 Le problème effectivement résolu par l'utilisation d'un rapport massique de résine hydrocarbonée et d'agent plastifiant liquide, sur la masse de charge inorganique renforçante compris entre 35% et 55%, ne peut donc pour l'ensemble des modes de réalisation qu'il englobe être formulé selon les prétentions de la titulaire, mais tout au plus comme la simple fourniture d'un autre pneumatique.
10.4 Concernant la question de l'évidence de cette caractéristique, D6 enseigne non seulement l'utilisation d'une quantité de silice entre 50 et 130 pce (page 7, 5ème paragraphe), c'est-à-dire une quantité allant jusqu'à 90 pce constituant la limite inférieure définie dans la revendication 1 en litige, mais également l'utilisation d'une quantité de résine plastifiante allant jusqu'à 60 pce (page 11, 5ème paragraphe), la revendication 1 en litige imposant uniquement une quantité minimum de résine plastifiante de 10 pce.
Partant de l'exemple C.2 de D6, une diminution de la quantité de silice jusqu'à 90 pce conduit à un rapport massique tel qu'exprimé dans la revendication 1 de 38,9%, alors qu'une augmentation de la quantité de résine plastifiante ne serait-ce que de 5 pce conduit à un rapport massique de 36,3%. Il en est déduit qu'une simple sélection opérée pour la quantité de charge de type siliceuse et/ou de résine plastifiante au sein des quantités envisagées au document D6 conduit à un rapport massique de résine hydrocarbonée et d'agent plastifiant liquide, sur la masse de charge inorganique renforçante entre 35% et 55%, tel que défini dans la revendication 1 en litige.
Compte tenu qu'un tel choix parmi les mesures préconisées dans D6 est arbitraire, car n'ayant pas été montré mener à un quelconque effet technique, il est considéré que la personne du métier qui souhaitait simplement fournir un autre pneumatique que celui divulgué dans l'exemple C.2 de D6 eût été conduite par l'enseignement général de D6 auxdites modifications de la quantité de silice ou de résine plastifiante, arrivant ainsi de manière évidente au pneumatique selon la revendication 1 en litige.
11. Dès lors qu'aucune des deux caractéristiques distinctives vis-à-vis l'état de la technique le plus proche susmentionnées ne contribue à une activité inventive, il doit être conclu que l'objet de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 est dépourvu d'activité inventive.
Requêtes subsidiaires 2 et 3
12. La revendication 1 des requêtes subsidiaires 2 et 3 est identique à celle selon la requête subsidiaire 1 dont l'objet ne fait pas preuve d'une activité inventive pour les motifs indiqués ci-dessus. Les requêtes subsidiaires 2 et 3 ne sont donc au même titre pas admissibles.
Requêtes subsidiaires 4bis, 5bis et 6
13. L'énoncé de la revendication 1 de chacune des requêtes subsidiaires 4bis, 5bis et 6 diffère de celui de la revendication 1 des requêtes subsidiaires 1 à 3 par la précision que la composition de caoutchouc de la bande de roulement comprend plus de 5 pce d'un agent plastifiant liquide à 23°C. Il n'est pas contesté que le pneumatique décrit à l'exemple C.2 de D6 représente également l'état de la technique le plus proche et que ce dernier comporte également l'utilisation d'une quantité d'agent plastifiant liquide à 23°C répondant à la revendication 1 des requêtes subsidiaires 4bis, 5bis et 6. Dans ces conditions, la modification additionnelle contenue dans la revendication 1 des requêtes subsidiaires 4bis, 5bis et 6 est jugée être sans effet sur l'analyse de l'activité inventive concernant l'objet de la revendication 1 des requêtes subsidiaires 1 à 3 et la conclusion qui en découle.
Requête subsidiaire 7
14. Les seules objections à l'encontre de cette requête subsidiaire concernent l'activité inventive du pneumatique selon sa revendication 1 partant aussi bien du pneumatique décrit à l'exemple C.2 de D6, que celui divulgué à l'exemple 4 de D11.
Objection vis-à-vis de D6
15. Le pneumatique selon la revendication 1 de la requête subsidiaire 7 diffère de celui défini selon la revendication 1 de la requête principale en ce que la composition de caoutchouc utilisée pour la bande de roulement comprend de 10 à 30 pce d'un agent plastifiant liquide à 23°C, c'est-à-dire une quantité plus élevée que les 6 pce utilisées pour le pneumatique C.2 de D6 représentant en commun accord entre les parties l'état de la technique le plus proche.
De la même manière que pour la requête subsidiaire 1 les parties s'accordent sur le fait que la contribution inventive respective de chacune des caractéristiques distinctives vis-à-vis de l'état de la technique le plus proche, c'est-à-dire d'une part l'utilisation d'un polybutadiène ou copolymère de butadiène ayant une Tg qui est supérieure à -70°C et dont la quantité est comprise entre 5 et 45 pce et d'autre part l'utilisation de 10 à 30 pce d'un agent plastifiant liquide à 23°C peut être évaluée séparément.
16. Concernant l'utilisation d'un polybutadiène ou copolymère de butadiène ayant une Tg qui est supérieure à -70°C et dont la quantité est comprise entre 5 et 45 pce, celle-ci ne saurait contribuer à une activité inventive, tel que démontré ci-dessus en relation avec la requête principale.
17. En revanche, l'utilisation de 10 à 30 pce d'un agent plastifiant liquide à 23°C contribue à une activité inventive pour les raisons suivantes:
Problème effectivement résolu
17.1 La titulaire a montré sur la base d'une comparaison au sein du rapport d'essais D17 entre les compositions T-3 et C-1, entre lesquelles seule la quantité de plastifiant liquide à 23°C varie, passant de 6 pce à 20 pce (tableau 1), que l'augmentation de la quantité de plastifiant liquide induit une amélioration notable à la fois de l'adhérence sur sol mouillé et de la résistance au roulement. Au vu de cette amélioration notable obtenue pour une quantité de plastifiant liquide au milieu de la plage de valeurs définie dans la revendication 1, il est tout à fait crédible qu'une amélioration de ces propriétés, même à un moindre degré pour la quantité minimum définie dans la revendication 1, est également obtenue pour l'objet revendiqué dans son ensemble.
A l'aune d'une comparaison entre les compositions T-3 et T-4 du rapport d'essais D17, l'opposante affirme cependant qu'une augmentation de la quantité de plastifiant liquide à 23°C ne résulte pas nécessairement en une telle amélioration. Ceci n'est pas convaincant, car la comparaison à laquelle se réfère l'opposante concerne deux compositions qui diffèrent non seulement par l'utilisation d'une autre quantité de plastifiant liquide, mais également par l'utilisation de SBR possédant des Tg différentes, un tel changement de SBR ayant également une influence sur les propriétés devant être mises en évidence. Ceci est illustré par une comparaison des essais T-4 et C-1 qui ne diffèrent que par l'utilisation d'un SBR possédant une autre Tg.
Dans ces conditions, le problème objectif technique résolu vis-à-vis du pneumatique selon l'exemple C.2 de D6 par l'utilisation de 10 à 30 pce d'un agent plastifiant liquide à 23°C peut être tout au moins formulé comme la fourniture d'un pneumatique possédant une adhérence sur sol mouillé et une résistance au roulement améliorées.
Evidence de la solution
17.2 Selon l'opposante la solution à ce problème serait suggérée aussi bien par l'enseignement de D8 dans ses paragraphes [0002], [0052] et [0092], que par celui de D11, référence étant faite à ses paragraphes [0002], [0005] et [0049] et aux exemples 3 et 4 (les passages cités se rapportent à la traduction D11a).
17.3 Selon l'opposante les passages de D8 précités montreraient que cette antériorité est concernée par les propriétés d'adhérence sur sol mouillé et de résistance au roulement, celle-ci divulguant de plus explicitement la quantité de 10 à 30 pce de plastifiant liquide, tel que l'huile de tournesol, de colza ou végétale, correspondant à la teneur préférée selon le brevet en litige pour obtenir des performance d'adhérence.
Cependant, le paragraphe [0002] de D8 tel quel ne précise ni le type d'agent plastifiant concerné, ni le contexte précis de son utilisation, en particulier celui de l'utilisation d'une charge de type siliceuse, tel que dans l'état de la technique le plus proche. Concernant le paragraphe [0052], celui-ci n'indique pas l'influence des plastifiants liquides sur la résistance au roulement, mais seulement que pour l'obtention d'un pneumatique à faible résistance au roulement, la charge inorganique renforçante utilisée, en particulier s'il s'agit de silice, doit avoir de préférence une certaine surface BET. Quant au paragraphe [0092], il enseigne l'utilisation d'une quantité de 5 à 35 pce de certaines huiles spécifiques pour une conservation dans le temps des performances d'adhérence, mais pas pour augmenter les performances d'adhérence à temps constant.
17.4 Quant à D11, la réduction de la résistance au roulement des pneumatiques est abordée uniquement dans le paragraphe introductif [0002] lorsqu'il est indiqué que cette propriété contribue au respect de l'environnement. Les autres passages de D11 cités par l'opposante ne concernent pas cette propriété. D11 ne permet donc pas d'établir un lien entre l'augmentation de la quantité de plastifiant liquide à 23°C et l'amélioration de la résistance au roulement. Concernant les propriétés d'adhérence, l'invention selon D11 est certes concernée par l'adhérence sur sol mouillé, tel que le montrent le paragraphe [0049] et les exemples 3 et 4. Cependant, ni ces exemples portant sur des compositions comprenant comme plastifiant liquide une même quantité d'huile végétale, ni les autres passages de D11 cités par l'opposante, ne mettent en évidence un lien entre la quantité de plastifiant liquide à 23°C et les propriétés d'adhérence sur sol mouillé.
Dans ces conditions, la Chambre ne peut conclure en l'absence d'arguments supplémentaires que les passages de D8 et de D11 cités par l'opposante amèneraient la personne du métier à augmenter la quantité de plastifiant liquide à 23°C dans la composition de caoutchouc utilisée pour la bande de roulement du pneumatique selon l'exemple C.2 de D6 afin d'en améliorer non seulement l'adhérence sur sol mouillé, mais également la résistance au roulement.
17.5 L'objection selon laquelle l'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 7 ne serait pas inventif vis-à-vis du pneumatique décrit à l'exemple C.2 de D6 ne peut donc aboutir.
Objection vis-à-vis de D11
18. Le brevet en litige a pour but d'améliorer les propriétés d'adhérence des pneumatiques, particulièrement sur sol mouillé, sans pénaliser tout au moins notablement la résistance au roulement, ce qui selon le paragraphe [0004] du brevet litigieux reste une préoccupation constante des concepteurs de pneumatiques. En conséquence, la Chambre ne partage pas l'avis de la titulaire selon lequel l'homme du métier ne se tournerait pas vers D11 en tant que point de départ pour la présente invention. Ce document souligne au paragraphe [0053] que les performances d'adhérence sur sol mouillé obtenues avec la composition de caoutchouc de son exemple 4 sont comparables à celles obtenues avec 100% de SBR conventionnels, lesquels SBR sont connus selon le paragraphe [0005] de ce même document pour améliorer les performances d'adhérence sur sol mouillé et sol sec. Il est également indiqué dans son paragraphe [0042] qu'il concerne des compositions possédant des performances aussi élevées qu'avec les SBR.
Caractéristiques distinctives
18.1 L'opposante reconnaît que l'objet de la revendication 1 diffère du pneumatique dont il est question à l'exemple 4 de D11 en ce que la composition de caoutchouc comprend outre (i) une quantité de charge de type siliceuse plus importante dans un quantité de 90 à moins de 150 pce, (ii) une résine hydrocarbonée selon la revendication 1 en litige au lieu d'une résine à base de colophane. Il n'est également pas contesté que la contribution inventive respective de chacune de ces caractéristiques distinctives vis-à-vis de l'état de la technique le plus proche peut-être évaluée individuellement.
Problème effectivement résolu
18.2 Selon la titulaire, le problème résolu par l'utilisation d'une quantité de charge de type siliceuse plus importante serait l'amélioration de l'adhérence sur sol mouillé et sur sol sec sans dégrader le compromis des trois performances que sont l'adhérence sur sol mouillé, la résistance au roulement et l'adhérence sur sol sec. Ceci serait démontré dans D17 par une comparaison des compositions C-1 (conforme à l'invention) avec T-6 présentant un taux de silice de 85 pce, qui serait plus proche de l'invention que ne le serait l'exemple 4 de D11. La Chambre constate que la comparaison à laquelle se réfère la titulaire montre effectivement une amélioration de l'adhérence aussi bien sur sol humide que sur sol sec résultant d'une plus grande quantité de silice, laquelle s'accompagne cependant d'une dégradation de la résistance au roulement. La moyenne des trois mesures indiquées n'est pas modifiée par l'augmentation de la quantité de silice.
L'opposante critique que cette comparaison ne soit pas adaptée dans la mesure où en sus de la quantité de silice, la quantité d'agent de couplage a été également modifiée entre les compositions T-6 et C-1. Cet argument ne saurait convaincre, la quantité d'agent de couplage restant pour ces deux compositions proportionnelle à la quantité de silice utilisée, ce qui représente la comparaison la plus raisonnable considérant la fonction d'un agent de couplage qui est de manière connue d'établir la liaison entre la charge et l'élastomère, tel qu'il est indiqué au paragraphe [0031] du brevet et confirmé dans les documents D6 (page 7, lignes 36 à 40), D7 (paragraphe [0018] et paragraphe [0040], exemples 1 to 10) et D8 (paragraphes [0046] et [0054]).
La Chambre n'a donc pas de raison de considérer que la comparaison des compositions T-6 et C-1 proposée par la titulaire est inopérante.
Dans ces conditions le problème effectivement résolu par rapport au pneumatique selon l'exemple 4 de D11 par l'utilisation d'une quantité de charge de type siliceuse telle que définie dans la revendication 1 peut être formulée tout du moins comme la fourniture d'un pneumatique possédant une adhérence améliorée aussi bien sur sol mouillé que sur sol sec. La solution telle que revendiquée réside dans l'ajout de 90 pce et moins de 150 pce d'une charge minérale de type siliceuse.
Evidence de la solution
18.3 Se référant à l'enseignement des documents D4 (paragraphe [0029]), D7 (paragraphes [0005], [0016] et [0017]) et D11 (paragraphes [0005] et [0023]; exemples 3 et 4), l'opposante affirme que ladite solution était suggérée par l'art antérieur.
Il ressort du paragraphe [0005] de D7 qui doit être lu à la lumière des exemples de ce document au paragraphe [0040], que l'objectif de D7 est certes la fourniture de pneumatiques possédant des propriétés d'adhérence sur sol mouillé et sur sol sec suffisantes. Ces propriétés ne sont cependant pas décrites comme pouvant être améliorées par l'utilisation d'une quantité croissante de charge de type siliceuse. Comme il est indiqué au point 7.2 ci-dessus, une amélioration des propriétés d'adhérence sur sol mouillé et sur sol sec peut-être attribuée dans les exemples de D7 à l'utilisation d'un SBR possédant une Tg de -52°C. L'enseignement général de D7 et les résultats expérimentaux présentés dans le tableau [0040] ne suggèrent cependant pas une relation entre les propriétés d'adhérence sur sol mouillé et sur sol sec et la quantité de charge de type siliceuse. Concernant le paragraphe [0016] de D7, celui-ci mentionne l'utilisation de silice, mais n'indique pas ses effets sur l'adhésion sur sol sec ou sol mouillé. Enfin, le ratio de charge blanche de 100% en poids indiqué au paragraphe [0017] ne donne aucune indication sur la quantité de charge blanche par rapport à la quantité d'élastomères, ledit ratio étant exprimé par rapport à la teneur totale en charge.
Les passages du document D11 cités par l'opposante n'enseignent également pas qu'une augmentation de la charge de type siliceuse conduise à des propriétés d'adhérence améliorées. Le paragraphe [0005] ne concerne pas l'influence des charges de type siliceuse sur l'adhérence des pneumatiques, mais seulement l'influence du SBR. Le paragraphe [0023] ne concerne pas non plus une telle influence des charges de type siliceuse. Il indique uniquement la quantité de silice, c'est-à-dire jusqu'à 100 pce, mentionnant que celle-ci améliore les performances du pneumatique, sans toutefois préciser la nature desdites performances. De plus, il découle du paragraphe [0052] que l'avantage apportée par la silice concerne la résistance à l'abrasion et la stabilité de direction. Quant à la comparaison entre les résultats expérimentaux des exemples 3 et 4 qui apparaissent au tableau 1 du paragraphe [0050], celle-ci ne peut montrer l'influence de l'addition d'une quantité supplémentaire de silice, cette addition s'accompagnant de l'addition de noir de carbone, comme l'a souligné la titulaire lors de la procédure orale. De plus, ces résultats ne concernent pas l'adhérence sur sol sec.
Seul D4 suggère au paragraphe [0029] que l'addition de silice permet d'améliorer les performances d'adhérence sur sol mouillé, ce qui est confirmé au paragraphe [0028] du même document. L'opposante n'a cependant cité aucun passage de D4 qui serait sensé montrer que l'adhérence sur sol sec est également améliorée par l'augmentation de la quantité de charge de type siliceuse. Aucun argument n'a été de plus présenté établissant en quoi ces deux propriétés seraient nécessairement améliorées conjointement.
Dans ces conditions, il n'a pas été démontré que la personne du métier partant du pneumatique selon l'exemple 4 de D11 et souhaitant résoudre le problème indiqué ci-dessus trouverait dans l'état de la technique la suggestion d'utiliser une quantité de charge de type siliceuse plus importante.
18.4 Par conséquent, une contribution inventive liée à l'utilisation d'une quantité de charge de type silice telle que définie dans la revendication 1 selon la requête subsidiaire 7 est reconnue, ce qui est suffisant pour conclure que l'objet de la requête subsidiaire 7 satisfait au critère d'activité inventive. Il n'est donc dans ces conditions pas nécessaire de déterminer si tel serait le cas pour l'utilisation d'une résine hydrocarbonée selon la revendication 1 en litige au lieu d'une résine à base de colophane.
19. Il découle de ce qui précède que les objections à l'encontre de la requête subsidiaire 7 ne sauraient aboutir.
20. En l'absence d'autres objections, la Chambre conclut que l'invention telle que définie à la requête subsidiaire 7 satisfait aux exigences de la CBE.
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la division d'opposition afin de maintenir le brevet sur la base des revendications de la requête subsidiaire 7 soumise avec le mémoire de recours de la titulaire du brevet et une description à adapter.