T 0803/03 21-04-2004
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Composition contenant un polyamide et procédé de fabrication de celle-ci
Bayer AG
BASF Aktiengesellschaft, Ludwigshafen
Ordre d'abandon signé par une personne non habilitée
Ordre d'abandon manquant de clarté de nature à susciter un doute sur l'intention réelle du titulaire
Remboursement de la taxe de recours
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 96 944 072.6 au nom de NYLTECH ITALIA et SNIARICERCHE (maintenant Rhodia Engineering Plastics S.r.l.), correspondant à la demande internationale publiée sous le n° WO 97/24388 et déposée le 27 décembre 1996, pour laquelle ont été revendiquées les priorités des dépôts antérieurs FR 9515878 (29 décembre 1995) et IT MI952779 (29 décembre 1955), a donné lieu le 31 juillet 2002 à la délivrance du brevet européen n° 0 869 987, sur la base de 20. revendications.
II. Deux oppositions ont été formées par les Sociétés Bayer AG/Bayer Polymers (opposant I) le 23 avril 2003 et BASF AG (opposant II) le 24 avril 20003 à l'encontre du brevet européen précité, dans lesquelles la révocation du brevet européen était requise au titre de motif énoncé à l'article 100a) CBE en liaison avec l'article 56 CBE et au titre de motif énoncé à l'article 100b) CBE.
III. Par lettre en date du 5 juin 2003 (OEB Form 2317A), la Division d'opposition a notifié au titulaire les oppositions formées à l'encontre de son brevet et l'a invité à présenter ses observations dans un délai de quatre mois à compter de la signification de cette notification.
IV. Le 7 juillet 2003, l'Office Européen des Brevets a reçu un courrier d'ordre d'abandon en date du 3 juillet 2003 de RHODIA CHIMIE, c/o Rhodia Services, signé par Monsieur Cédric Valentino. Ce courrier contenait un tableau qui indiquait dans la première colonne que cet abandon concernait le Luxembourg. Les deuxième et troisième phrases de ce courrier indiquaient qu'il était demandé au récepteur de ce courrier de ne pas payer des taxes, y compris des taxes de maintien en vigueur.
V. Par décision signifiée le 16 juillet 2003, l'agent des formalités a révoqué le brevet au nom de la Division d'opposition au motif que le titulaire du brevet a, dans sa déclaration reçue le 7 juillet 2003, demandé la révocation du brevet (l'abandon du brevet).
VI. Le 25 juillet 2003, le titulaire du brevet (requérant) a formé un recours contre cette décision et la taxe de recours a été acquittée le même jour. L'unique lettre formant le recours contient aussi un mémoire exposant les motifs de recours.
Le requérant a argumenté en substance de la façon suivante :
a) Monsieur Cédric Valentino n'était pas une personne habilitée conformément aux articles 133 et 134 CBE à procéder à des actes auprès de l'Office Européen des Brevets. Donc, la Division d'opposition n'aurait pas dû prononcer une décision de révocation sur la base d'un ordre d'abandon signé par une personne non habilitée. Dans ce contexte, la décision J 28/86 (JO OEB 1988, 85) a été citée.
b) Le courrier du 3 juillet 2003 manquait de clarté et comprenait des ambiguïtés qui laissaient un doute sur les intentions réelles de l'auteur de cet ordre d'abandon :
i) Il était évident du tableau (première colonne) que cet abandon concernait uniquement le Luxembourg et non le brevet européen dans son intégralité.
ii) Les deuxième et troisième phrases de ce courrier indiquaient clairement qu'il était adressé en principe à des agents nationaux compétents dans le domaine des brevets réalisant de telles opérations et non pas à des offices des brevets, tel que l'Office Européen des Brevets, qui recevaient au contraire le paiement des annuités.
iii) Il était manifeste que la nature de ce courrier et son contenu correspondait à une prise de contact avec un agent national du Luxembourg et non pas à l'Office Européen des Brevets.
iv) Le courrier du 3 juillet 2003 a été rédigé en anglais et non pas dans la langue de la procédure qui était le français. Ceci montrait encore qu'à l'origine ce type de lettre n'était pas destiné à l'Office Européen des Brevets.
Donc, la Division d'opposition aurait dû contacter le titulaire du brevet pour éclaircir la situation au vu du manque de clarté et du caractère équivoque de l'ordre d'abandon en date du 3 juillet 2003, avant de prononcer une décision de révocation du brevet. Dans tous les cas, la Division d'opposition n'aurait pas dû prononcer une révocation du brevet dans son intégralité puisque seul le Luxembourg était mentionné dans le courrier. Dans ce contexte, il est fait référence aux décisions J 11/80 (JO OEB 1981, 141), J 6/86 (JO OEB 1988, 124) et J 11/87 (JO OEB 1988, 367).
VII. Par lettre en date du 2 octobre 2003, le requérant a sollicité une prolongation du délai de deux mois pour répondre à la notification d'oppositions (voir point III, ci-dessus).
VIII. Par lettre en date du 3 novembre 2003, la chambre de recours a informé le requérant que, par sa décision de révocation du brevet, la Division d'opposition avait mis fin à la procédure d'opposition. Le délai concerné était donc devenu sans objet et ne savait être prolongé, ni dans le cadre de la procédure d'opposition clôturée, ni dans le cadre de la procédure de recours dont il ne constituait pas l'objet.
IX. Dans les lettres en date des 17 novembre 2003 et 27. novembre 2003, l'intimée 01 (opposante 01) et l'intimée 02 (opposante 02) ont soumis qu'elles n'avaient pas l'intention de s'exprimer dans cette affaire.
X. Le requérant a demandé l'annulation de la décision contestée et la poursuite de la procédure d'opposition. Il a demandé également un traitement rapide de la procédure de recours et un remboursement de la taxe de recours, conformément à la règle 67 CBE.
Les intimées n'ont pas formulés de demandes.
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106 à 108 CBE ainsi qu'à règle 64 CBE et est donc recevable.
2. Le titulaire du brevet concerné est Rhodia Engineering Plastics S.r.l. Il est évident depuis l'entrée dans la phase régionale devant l'OEB agissant en qualité d'Office désigné ou élu (OEB Form 1200.1), que Monsieur Jean-Pierre Esson de Rhodia Services (pouvoir général enregistré sous le n° 36581) est le mandataire de la titulaire. En outre, Monsieur Daniel Jacques Delos est inscrit dans la liste nominative du pouvoir général n°36581. Le nom de Monsieur Noël Vignally a été rayé de cette liste le 14 mai 2000.
2.1. Donc, seuls Messieurs Jean-Pierre Esson et Daniel Jacques Delos pouvaient représenter le demandeur/le titulaire en qualité de mandataires agréés pour ce qui concerne les affaires de brevets dans toute procédure instituée par la CBE au-delà du 14 mai 2000 et, à ce titre, agir en son nom. Monsieur Jean-Pierre Esson a d'ailleurs signé toute la correspondance au nom du demandeur pendant la procédure d'examen quant au fond.
2.2. Il est à noter que le courrier en date du 3 juillet 2003 contenant l'ordre d'abandon a été déposé par Rhodia Services et a été signé par Monsieur Cédric Valentino. Selon le requérant, Monsieur Cédric Valentino est un employé de Rhodia Services. Il n'a en tout cas jamais été établi que Monsieur Cédric Valentino ait été une personne employée par le titulaire Rhodia Engineering Plastics S.r.l. Monsieur Cédric Valentino n'était pas non plus inscrit dans la liste nominative du pouvoir général n° 36581 ni même ne figurait sur la liste des mandataires agrées.
2.3. Il en ressort que Monsieur Cédric Valentino n'est pas une personne habilitée conformément aux articles 133 et 134 CBE à procéder à des actes auprès de l'Office Européen des Brevets au nome de Rhodia Engineering Plastics S.r.l.
2.4. D'après le requérant, il est de jurisprudence constante de considérer comme non avenu un acte de procédure effectué par une personne non habilitée à assurer la représentation du titulaire, conformément aux articles 133 et 134 CBE.
2.4.1. Il est vrai que, dans le cadre de l'affaire J 28/86 (supra), la chambre de recours juridique a jugé non valable une requête en examen présentée par une personne non habilitée à assurer la représentation de la titulaire selon l'article 134 CBE.
2.4.2. Néanmoins, dans l'affaire T 665/89 du 17 juillet 1991 (non publiée au JO OEB) la façon dont la chambre a abordé ce problème était plus modérée. Dans ce cas, la chambre a examiné la question de la recevabilité d'une opposition formée par un opposant domicilié dans un État contractant, dans le cas où l'acte d'opposition a été signé par une personne qui n'était ni mandataire agréé (article 134(1) ou (7) CBE), ni employé de l'opposant (article 133(3) CBE). Elle a conclu que l'on devait considérer comme non signés les actes effectués par la personne non autorisée mais qu'il était possible de remédier à cette irrégularité (point 1.4 des motifs de la décision).
2.4.3. Sur base de la décision J 28/86 (supra) l'ordre d'abandon en date du 3 juillet 2003 signé par Monsieur Cédric Valentino serait un acte de procédure non avenu. Dans ce cas, la Division d'opposition n'aurait pas dû prononcer une décision sur la base d'un document non valable. Sur base de la décision T 665/89 (supra) la signature de Monsieur Cédric Valentino représenterait une irrégularité et l'agent des formalités aurait dû inviter le titulaire à remédier à cette irrégularité dans un délai que l'agent des formalités lui aurait imparti.
2.5. En toute hypothèse, la Division d'opposition n'aurait pas dû prononcer une décision de révocation du brevet européen sur la base d'un ordre d'abandon signé par une personne non habilitée.
3. Par ailleurs, le courrier d'ordre d'abandon en date du 3. juillet 2003 comporte certains points manquant de clarté de nature à susciter un doute sur l'intention réelle du titulaire, respectivement de l'auteur de cet ordre d'abandon.
3.1. Si le titulaire déclare sans ambiguïté à l'OEB qu'il renonce au brevet (ou qu'il l'abandonne), il convient d'interpréter cela comme l'équivalent d'une requête en révocation du brevet (cf. T 237/86, JO OEB 1988, 261). Si la déclaration du titulaire n'est pas claire, la possibilité doit lui être donnée de formuler une requête en révocation du brevet ou de déclarer qu'il n'est plus d'accord avec le maintien du brevet tel qu'il a été délivré. Cela entraîne la révocation du brevet (Directives (dans la version d'octobre 2001), D-VIII, 1.2.5). Cette instruction dans les Directives concorde avec la jurisprudence constante qui demande à une déclaration de retrait d'une demande de brevet européen que cette déclaration ne comporte aucune réserve et soit formulée sans équivoque (cf. J 11/80, supra ; J 6/86, supra ; J 11/87, supra).
3.2. En l'espèce, la première phrase de ce courrier (Please note that we have decided to abandon the following patent application(s) and/or patent(s).) est une formule type indiquant l'intention d'abandonner une demande de brevet et/ou un brevet. Le tableau au bas de la page précise que cet abandon concerne le brevet européen n° 0 869 987 (cinquième colonne) mais uniquement le Luxembourg (première colonne), c'est-à-dire pas l'abandon du brevet européen dans son intégralité. Cette limitation de l'abandon au Luxembourg met en doute l'intention réelle du titulaire d'abandonner le brevet européen dans son intégralité. En outre, ce courrier donne instructions à son destinataire de ne plus accomplir de formalités ni de paiements pour le maintien des titres concernés (Therefore, please do not proceed with any further formalities or payments for the maintenance of each of these files. In particular, do not pay further fees related thereto, including maintenance fees or the like.). Ce type d'instruction crée à tout le moins un doute quant à la qualité de l'Office Européen des Brevets en tant que destinataire de ce courrier. Des éléments susmentionnés, il apparaît que ce courrier pouvait en particulier être raisonnablement interprété comme une prise de contact avec un agent national du Luxembourg envoyée par erreur à l'Office Européen des Brevets.
3.3. Ceci établit clairement que l'ordre d'abandon n'aurait pas dû être interprété, sans demande de précision, comme un abandon du brevet dans son intégralité.
4. Par conséquent, la chambre estime que ce n'est pas à juste titre que l'agent des formalités de la Division d'opposition a interprété la lettre en date du 3 juillet 2003 comme une déclaration valable d'abandon du brevet. De ce fait, la décision attaquée doit être annulée et l'affaire renvoyée à la Division d'opposition pour continuer la procédure d'opposition.
5. Puisqu'il est fait droit au recours, il convient d'examiner si la taxe de recours est à rembourser d'après la règle 67 CBE. Une des conditions pour le remboursement est, d'après la règle 67 CBE, l'existence d'un vice substantiel de procédure. Sous le terme "vice de procédure" on comprend, en principe, que des règles de procédure n'aient pas été appliquées comme prescrit par la Convention (J 6/79, JO OEB 1980, 225, point 8 des motifs de la décision). Dans le cas d'espèce, la Division d'opposition, respectivement l'agent des formalités, avait pour obligation de vérifier la validité de la signature de l'ordre d'abandon en date du 3 juillet 2003 et d'essayer d'éclaircir la situation au vu du manque de clarté et du caractère équivoque de cet ordre d'abandon. Étant donné que l'omission de ces tâches a eu une importance déterminante dans le fondement de la décision attaquée, cette omission doit être considérée comme un vice substantiel de procédure, justifiant au nom de l'équité le remboursement de la taxe de recours sur la base de la règle 67 CBE.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré pour continuer la procédure d'opposition.
3. Le remboursement de la taxe de recours est ordonné.