T 0770/95 15-09-1997
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Utilisation d'un extrait de coleus pour la pigmentation de la peau
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet 90 912 872.0 a été déposée le 14. août 1990 et accordée par décision du 28. décembre 1994, la mention de la délivrance ayant été publiée le 8 février 1995.
II. Par courrier du 6 avril 1995, la Requérante a demandé des corrections portant sur des passages de la description présentant, selon elle, des erreurs typographiques.
III. La Division d'examen a refusé ces corrections par décision signifiée par voie postale le 5 mai 1995 aux motifs que les conditions de la règle 89 CBE n'étaient pas remplies s'agissant d'erreurs commises par la Requérante elle-même dès le dépôt.
IV. La Requérante a formé un recours le 3 juillet 1995.
V. Son argumentation au stade du recours peut être résumée ainsi :
La demande de correction ne vise pas un texte particulier de la Convention et laisse le soin à l'instance saisie de déterminer celui-ci.
Si aucun texte n'interdit les corrections, il faut les accorder.
Que le type de corrections demandé n'est pas interdit ressort de l'existence du formulaire 2054.1 créé par l'Office européen des brevets et de son application à des cas précédents. Ce formulaire ne vise aucun texte de la Convention en particulier. Il envisage toutefois, d'une part, la correction d'erreurs affectant ou non le brevet lui-même, d'autre part, la correction d'erreurs d'imprimerie.
Si le texte à envisager est la règle 88 de la Convention, il peut être appliqué car, d'une part, ce texte est général et peut donc s'appliquer même après délivrance du brevet, d'autre part, il a pour but de permettre la délivrance de brevets corrects, ce qui forme l'obligation principale de l'Office européen des brevets.
Si le texte à envisager est la règle 89 de la Convention, il s'applique également car la correction est possible dès qu'il y a erreur manifeste dans une décision indépendamment de l'auteur de l'erreur, qu'il s'agisse du demandeur ou de l'Office européen des brevets.
Par ailleurs, la pertinence des corrections quant au fond n'a jamais été contestée.
Finalement, deux vices de procédure sont invoqués : d'abord, le fait que la première instance n'a pas pris en compte le formulaire 2054.1, ensuite, le fait qu'elle a, soit fait une application erronée de la règle 89 en considérant que cette règle ne peut s'appliquer aux erreurs des demandeurs eux-mêmes, soit omis d'appliquer la règle 88 CBE.
VI. La Requérante sollicite, d'une part, que les corrections demandées lui soient accordées avec effet au 6. avril 1995, à défaut, au 5 mai 1995, et, à titre subsidiaire, une procédure orale selon l'article 116 CBE et, d'autre part, que la taxe de recours lui soit remboursée.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. La Chambre considère que le texte du brevet tel qu'accordé par décision du 28 décembre 1994 fait partie intégrante de cette décision et applique dès lors aux rectifications demandées la Règle 89 de la CBE.
2.1. Elle considère également que la Règle 89 CBE ne fait pas de distinction selon l'origine des fautes ou erreurs.
3. En l'espèce, les passages visés contiennent effectivement, sinon des fautes d'expression ou de transcription, du moins des erreurs manifestes.
3.1. En effet, les expressions dont la rectification est demandée, à savoir "10-8 mole" et ">g/ml", vues dans le contexte spécifique, n'ont aucune signification pour l'Homme du métier.
4. Dès lors qu'une erreur est reconnue comme manifeste, toute rectification qui y porte remède est acceptable si elle respecte les stipulations de la Convention.
Tel est bien le cas en l'espèce.
La première rectification, à savoir le remplacement de "10-8 mole" par "10-8 M", qui représente la concentration du ß-MSH comme témoin positif dans l'essai de l'exemple 6, se fonde sur le dernier passage du texte du même exemple ainsi que sur le tableau II.
La deuxième rectification nécessite les considérations suivantes. L'invention vise l'utilisation d'un extrait de Coleus pour la préparation d'une composition cosmétique ou pharmaceutique. Le principe actif de cet extrait consiste dans un mélange de substances telle que la forskoline. Selon la revendication 4, la concentration en extrait de Coleus, exprimée en poids sec, dans la préparation de ladite composition est comprise entre 0,001 % et 2 %, ce qui correspond à la concentration de 10 µg/g et 20000 µg/g (ou, avec une certaine approximation de 10 µg/ml à 20000 µg/ml si la composition est sous forme liquide). Selon les exemples 10 à 18, cette concentration est comprise entre 0,01 % et 0,03 % (c'est-à-dire 100 µg/g et 300 µg/g). Au vu de ces concentrations de l'extrait dans la composition finale, on doit donc s'attendre à ce que la concentration du principe actif, notamment de la forskoline soit inférieure à celle de l'extrait mais, néanmoins, dans le domaine des microgrammes par gramme (ou millitre) de composition. Donc, il apparaît correct que l'expression ">g/ml" soit rectifiée en "µg/ml".
D'après la requérante, l'erreur résulte d'une faute de frappe classique due au traitement de textes de l'époque.
La Chambre note que, de tous les sous-multiples décimaux du gramme, à savoir le milligramme, le microgramme, le nanogramme, le picogramme etc, le microgramme est le seul a être représenté par une lettre grecque (µ), qui n'étant pas un caractère des claviers courants, peut poser des problèmes au niveau de la reproduction graphique.
Enfin, l'intention de la requérante d'écrire "µg" et non d'autres unités de mesure ressort également du document de priorité dans lequel la même unité (µg) est utilisée.
En conclusion, la Chambre considère que l'expression >g/ml, indépendamment du contexte dans lequel elle apparaît, c'est-à-dire en relation avec la forskoline dans l'exemple 6 ou avec la mélanine dans les tableaux I, II et III, est le résultat de la même erreur et que la rectification proposée s'applique à tous les passages concernés du brevet.
5. Dans la mesure où une rectification d'erreur rétablit les choses en l'état qui aurait toujours dû être le leur, elle a un effet retroactif au moment de la première existence de l'erreur, à savoir ici la date de dépôt.
Les effets particuliers sollicités sont partant superflus.
6. Le remboursement de la taxe de recours requiert l'existence d'un vice de procédure.
Le premier vice invoqué est la méconnaissance du formulaire 2054.1, le deuxième, l'application erronée de la règle 89 CBE, à défaut, la non-application de la règle 88 CBE.
Plus particulièrement quant au formulaire 2054.1, la Chambre constate que celui-ci ne porte pas mention de sa cause juridique et est ainsi utilisable par les instances de l'OEB en fonction des dispositions de la CBE qu'elles envisagent. Ce formulaire n'est donc qu'un instrument d'application de la règle de droit choisie et y est subordonné.
Dans les deux cas, la Chambre considère que la Division d'examen a fait un usage normal de la liberté d'appréciation inhérente à sa fonction d'instance appliquant le droit aux faits, ce qui, quelle que soit cette appréciation, ne peut former vice de procédure, à savoir un vice affectant les formes selon lesquelles se créent, se développent et se terminent les instances judiciaires on apparentées.
Le remboursement de la taxe de recours est donc refusé. La tenue d'une procédure orale n'ayant été requise qu'en relation avec la requête en correction, accordée par ailleurs, il est alors inutile de l'envisager.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Le texte de la description du brevet est rectifié comme suit :
- à la page 6, ligne 10 : l'expression "10-8 mole" est remplacée par "10-8 M"
- à la page 6, lignes 11, 13 et 20 (tableau I) et à la page 7, aux tableaux II et III : l'expression ">g/ml" est remplacée par "µg/ml".
2. La demande de remboursement de taxe de recours est rejetée.
3. Le dossier est renvoyé à la Première Instance pour exécution du présent dispositif.