T 0499/00 (Papier pour plaques de plâtre/LAFARGE PLATRES) 28-01-2003
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Papier utile comme papier de revêtement pour les plaques de plâtre est ses procédés de fabrication
BPB Industries Plc
Gebr. Knauf Westdeutsche Gipswerke
Suffisance d'exposé - oui ; objections basées sur des arguments non convaincants et sur des affirmations non prouvées
Vices substanciels de procédure - non
Exposé des faits et conclusions
I. Ce recours est formé à l'encontre de la décision rendue par la Division d'opposition révoquant le brevet européen n° 0 521 804. La décision est relative aux revendications 1 à 12 modifiées (annexées à la lettre du 1. mars 2000) de l'unique requête, dont la seule revendication indépendante s'énonce comme suit :
"1. Plaque de plâtre comportant un corps de plâtre revêtu d'une feuille de papier de parement, elle-même revêtue d'une couche pigmentaire de couchage à base d'au moins une charge minérale de couleur claire et comportant au moins un liant, caractérisée en ce que le jet supérieur de la feuille de papier, sur lequel est déposée ladite couche pigmentaire, présente avant couchage un degré de blancheur supérieur à 50, par exemple supérieur à 60 (NNF Q 03-039), et est à base d'au moins une charge minérale de couleur claire, et de fibres cellulosiques, neuves ou de récupération, blanchies, majoritairement chimiques, en ce que la charge minérale de la couche pigmentaire est de nature chimique identique ou différente à celle composant ledit jet supérieur, et le grammage de la couche pigmentaire déposée est compris entre 8 et 30 g/m2 (NFQ 03-019), et en ce que la feuille de papier ainsi couchée revêtissant à titre de parement la plaque de plâtre, présente une perméabilité à l'air (Porosité Gurley : NFQ 03-061) ; avant qu'il ne subisse une opération de séchage et dans des conditions de températures similaires à celles utilisées lors du séchage de la plaque de plâtre, de 100 s à 150 s."
II. Deux oppositions ont été formées à l'encontre du brevet aux motifs énoncés à l'article 100a) CBE, à savoir pour défaut de nouveauté au sens de l'article 54 CBE et défaut d'activité inventive au sens de l'article 56 CBE. Ces objections s'appuyaient sur divers documents cités par les Opposantes (Intimées).
De plus, l'opposante I (intimée I) a soulevé le motif d'opposition tiré de l'article 100b) CBE, c'est-à-dire que l'invention ne serait pas suffisamment exposée dans la demande de brevet au sens de l'article 83 CBE.
III. Dans sa décision, la Division d'opposition a conclu que la condition de suffisance de description de l'invention n'était pas remplie. Elle a, avant tout, constaté que, compte tenu des connaissances techniques dans l'art papetier et des exemples donnés dans le brevet, en particulier l'exemple 14, bobine 3 (Tableau VI), l'exemple 13 et les exemples 5 et 8 (Tableau III), il existe de sérieux doutes sur la faculté de l'homme du métier de mettre en oeuvre l'invention dans la totalité de sa portée telle que définie dans la revendication 1 ou, du moins, de l'exécuter sans difficultés excessives.
IV. Avec son mémoire de recours, la requérante (titulaire du brevet) a fourni entre autres en annexe 3 le document
Th. Woodward et al, "The Effect of Base-Sheet Properties on Coated Alkaline Paper", 1984 Coating Conference, Tappi Press, pages 157 à 165.
V. Par lettre en date du 27 décembre 2002, la requérante a soumis une requête subsidiaire qui ne diffère de celle considérée dans la décision contestée que par une restriction dans la revendication 1 de la plage relative au grammage de la couche pigmentaire déposée qui est désormais compris entre 10 et 15 g/m2.
VI. Une procédure orale a eu lieu le 28 janvier 2003, au cours de laquelle les seuls points débattus ont été l'insuffisance de l'exposé et le vice substantiel de procédure.
VII. Les arguments présentés par la requérante pendant la procédure de recours peuvent être résumés comme suit :
- Les caractéristiques ayant une influence sur la perméabilité à l'air du papier étaient bien connues dans l'art papetier et du brevet contesté, à savoir les caractéristiques du papier de base, le poids de la couche pigmentaire, le taux d'extrait sec de la sauce pigmentaire, la composition de la sauce, en particulier du liant y contenu, et la méthode d'application de la sauce sur le papier de base.
- L'homme du métier savait comment chacune de ces caractéristiques, toutes choses étant égales par ailleurs, influe sur la valeur Gurley du papier couché de façon à ce que l'homme du métier puisse réaliser sans difficulté l'invention pour l'ensemble du domaine revendiqué.
- Les intimées n'ont jamais fourni une preuve quelconque pour démontrer que le sujet de la revendication 1 n'est pas obtenu en procédant selon les indications données dans le brevet.
- Au contraire de ce qu'affirme la Division d'opposition et comme cela ressort du document fourni en annexe 3, la charge contenue dans le papier de base n'avait que très peu d'influence sur la perméabilité à l'air du papier.
- La division d'opposition a commis des vices substantiels de procédure parce que la décision est insuffisamment motivée et parce que le droit de la requérante d'être entendu et le principe d'impartialité ont été violés.
VIII. Les intimées ont réfuté tous ces arguments, soutenu que la décision contestée était correcte et invoqué pour l'essentiel les arguments suivants :
- Selon la décision T 585/92, la charge de la preuve a été déplacée sur la requérante parce que le brevet litigieux a été révoqué par la Division d'opposition.
- Cependant, la requérante n'a pas fourni de preuves quelconques démontrant que les conséquences sur la perméabilité à l'air du papier, des paramètres et caractéristiques qu'elle indique comme importants sont connues dans l'art papetier.
- Le brevet contesté contient des exemples, en particulier les exemples 7 à 9, prouvant que l'invention prétendue ne peut pas être mise en oeuvre dans la totalité de sa portée telle que définie dans la revendication 1.
- Selon toute vraisemblance, l'invention telle que revendiquée ne pouvait être exécutée avec un poids de la couche dans la gamme de 20 à 30 g/m2.
- Les instructions données dans le brevet contesté ne sont pas suffisantes pour que l'homme du métier puisse mettre en oeuvre l'invention sauf avec une couche contenant comme charge le sulfate de calcium en forme d'aiguilles et dans des circonstances particulières.
IX. La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet, à titre principal sur le fondement du jeu de revendications 1 à 12 annexées à la lettre du 1 mars 2000 ou à défaut sur le fondement de la requête auxiliaire adressée le 27. décembre 2002. Elle requiert également le remboursement de la taxe de recours en raison de vices substantiels de procédure.
Les intimées ont demandé le rejet du recours.
Motifs de la décision
1. Exposé de l'invention (article 83 CBE)
Le brevet litigieux a été révoqué pour la seule raison que l'exposé de l'invention n'était pas suffisamment clair et complet pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
1.1. Les objections soulevées à ce propos concernent en principe seulement le papier de parement en tant que composante essentielle de la plaque de plâtre revendiquée. Les objectifs principaux pour un tel papier sont son apparence esthétique, à savoir la conservation de son degré de blancheur (page 4, lignes 28 à 56 et page 5, lignes 13 à 14), et sa fonction en ce qui concerne le séchage du plâtre, c'est-à-dire sa porosité (page 2, lignes 38 à 43 et page 5, lignes 15 à 17). Selon la revendication 1 de la requête principale, ce papier est constitué
- d'une feuille dont le jet supérieur présente avant couchage un degré de blancheur supérieur à 50 (mesurée selon la norme NFQ 03-039) et est à base d'au moins une charge minérale de couleur claire et de fibres cellulosiques, neuves ou de récupération, blanchies, majoritairement chimiques et
- d'une couche pigmentaire à base d'au moins une charge minérale de couleur claire et d'au moins un liant, déposée sur le jet supérieur,
de manière à ce que
- le grammage de la couche pigmentaire déposée est compris entre 8 et 30 g/m2 (mesuré selon la norme NFQ 03-019)
et la feuille de papier ainsi couchée présente,
- avant le séchage et à une température similaire à celle utilisée lors du séchage de la plaque de plâtre, une perméabilité à l'air (mesurée en porosité Gurley selon la norme NFQ 03-061) de 100 à 150 secondes.
1.2. Les objections soumises par les intimées et soulevées dans la décision contestée sont fondées sur l'argument selon lequel l'homme du métier n'obtient aucune direction générale de mettre en oeuvre l'invention dans la totalité de sa portée telle que définie dans la revendication 1
- ni des exemples contenus dans le brevet litigieux,
- ni de la description générale du brevet,
- ni des connaissances d'un homme du métier.
Les informations disponibles soulèvent plutôt de sérieux doutes qu'un homme de métier dispose des connaissances suffisantes pour mettre en oeuvre l'invention telle que définie dans la revendication 1, lesquels doutes n'ont pas été éliminés par la requérante à laquelle incombe la charge de la preuve selon la décision T 585/92 (JO 1996, 129).
1.3. Pourtant, les parties sont d'accord sur ce que les exemples suivants sont réalisés selon l'invention telle qu'exposée dans la revendication 1 de la requête principale : l'exemple 5 (Tableau III), bobines 1 à 4 selon l'exemple 14 (Tableau VI) et l'exemple 21 (Tableau sur la page 25 du brevet). Il n est donc pas discutable que le brevet en cause contient au moins un mode de réalisation, ce qui, selon la jurisprudence constante des Chambres de recours (voir 4ème édition 2001, page 167, chapitre II.A.3.), peut être considéré comme suffisant pour remplir les exigences de l'article 83 CBE, à condition qu'un homme du métier connaisse, grâce à l'exposé de l'invention ou aux connaissances générales dans son domaine technique, des variantes appropriées produisant le même effet pour l'invention (voir en particulier T 292/85, JO 1989, 275).
1.4. Dans le cas présent, la description contient une multitude d'enseignements supplémentaires en ce qui concerne la mise en oeuvre préférée des caractéristiques de la revendication 1, dont l'homme du métier peut choisir selon le cas d'espèce, en particulier les suivants :
- une feuille de papier de base dont le jet supérieur a une blancheur de préférence supérieure à 60 (selon la norme NFQ 03-039) (page 7, lignes 9 à 14) ;
- une sauce de couchage contenant une charge minérale choisie avantageusement parmi le sulfate de calcium dihydraté et le carbonate de calcium, éventuellement en combinaison avec d'autres matières pulvérulentes, inertes, blanches et d'origine minérale comme le talc, le kaolin et le dioxyde de titane, dont le sulfate de calcium dihydraté en forme d'aiguilles présente l'avantage de produire une couche pigmentaire d'une structure ouverte et de faible compacité à un faible poids(page 8, ligne 48 à page 9, ligne 11) ;
- une sauce à l'extrait sec (teneur en matières sèches) lequel est choisi avantageusement supérieur à 40 % en poids pour éviter la pénétration de la sauce dans le papier, ce qui dépend étroitement du système de couchage utilisé, de telle manière qu'il est possible de déposer sur le papier des sauces à extrait sec supérieur à 60 % en poids en utilisant les systèmes à lame raclante ou à barres égalisatrices, mais aussi des sauces à faible extrait sec de 20 à 30 % en poids en utilisant par exemple les systèmes à calandre de remouillage (page 8, lignes 45 à 47 et page 10, lignes 25 à 41) ;
- un extrait sec d'autant plus élevé que le poids de la couche pigmentaire est faible (page 10, lignes 22 à 24) ; et
- une épaisseur de la couche d'autant plus élevée que la porosité du papier couché est diminuée (page 4, lignes 18 à 20).
1.5. Cependant, les intimées, en se référant aux décisions T 435/91 et T 226/85, sont de l'opinion que les informations contenues dans le brevet en cause ne sont pas suffisantes au sens de l'article 83 CBE.
Selon les intimées, le papier de base P4 dans le Tableau I remplit aussi les conditions énoncées dans la revendication 1, sauf le degré de blancheur qui est légèrement au-dessous de 50 (à savoir 47,7 NFQ 03-039). Compte tenu du fait qu'il n'existe aucune relation entre le degré de blancheur et la porosité d'un papier couché ou non, cette caractéristique n'est pas significative quant à l'invention prétendue. Pourtant tous les exemples à base de ce papier tels que donnés dans le brevet litigieux (Tableau III, exemples 7 à 9) présentent une perméabilité à l'air trop faible, à savoir une porosité Gurley hors de la limite supérieure de 150 secondes selon la revendication 1. En particulier, face aux exemples 7 et 9 dans lesquels le poids de couche (7 ou 6 g/m2) est déjà inférieur au minimum de 8 g/m2 revendiqué, étant donné qu'une augmentation du poids de couche diminuerait encore la perméabilité, l'homme du métier ne savait pas comment changer les conditions de ces exemples pour atteindre une porosité dans la gamme revendiquée.
1.6. La Chambre ne partage pas cette opinion. Les exemples 7 à 9 ne représentent que des exemples comparatifs parce qu'ils ne correspondent pas aux caractéristiques concernant la qualité du papier de base et de la porosité du papier couché qui, tous les deux, limitent l'étendue de la protection telle que revendiquée. Ces exemples montrent plutôt qu'on n'atteint pas les objectifs du brevet (voir 1.1 ci-dessus) si l'on ne procède pas selon l'invention. L'homme du métier n'a donc aucune raison de modifier ces exemples sauf selon les conditions revendiquées ou celles préférées selon la description (voir 1.4 ci-dessus). La Chambre estime que l'homme du métier, aurait en premier lieu, modifié le papier de base de manière à ce qu'il remplisse ces conditions. Il n'a pas été démontré comment la qualité du papier de base et sa porosité après couchage seraient influencées si l'on essayait de modifier, à titre d'exemple par un blanchiment, le papier de base P4 utilisé dans les exemples 7 à 9 à un degré de blancheur au-dessus de 50, de préférence au-dessus de 60 (NFQ 03-019) tel que revendiqué. En conséquence, il n'y a pas lieu de soupçonner qu'une telle modification ne donne pas la porosité désirée. En outre, en s'en tenant aux enseignements de la description, l'homme du métier aurait aussi pu envisager d'autres modifications comme, par exemple, utiliser dans l'exemple 7 au lieu de la sauce de couchage S1, la sauce S2 à base de sulfate de calcium en aiguille (voir Tableau II) pour obtenir une couche plus poreuse et/ou adapter le système de couchage à l'extrait sec relativement faible de 35 % dans cet exemple (voir 1.4 ci-dessus). Il est hors de doute que l'homme du métier, après la lecture du brevet, a des idées concrètes pour déterminer les modifications à choisir afin d'éviter les échecs démontrés dans les exemples comparatifs. Dès lors fallait-il que les intimées démontrent à l'évidence qu'un homme de métier pouvait, malgré tout ça, ne pas réussir.
1.7. Les intimées ont aussi invoqué qu'il demeurait incertain que l'invention puisse être exécutée avec un poids de la couche dans la gamme supérieure revendiquée de 20 à 30. g/m2, comme correctement constaté dans la décision contestée.
Il était connu de l'homme du métier que plus le grammage du papier de base et le poids de la couche pigmentaire sont élevés, moins élevée est la perméabilité (c'est-à-dire plus élevé est le nombre de secondes selon Gurley) du papier couché. En tenant compte du fait que le poids de couche le plus élevé donné dans les exemples est de 19.9 g/m2 (Exemple 14, Tableau VI, bobine 3) et aboutit à une porosité Gurley de 133 secondes, il serait difficile pour l'homme du métier de travailler avec des couches ayant un poids dans la gamme de 20 à 30 g/m2 sans risquer d'outrepasser la limite supérieure de 150 secondes de la porosité Gurley.
Toutefois, la relation entre le poids de la couche et la porosité du papier couché, toutes choses étant égales par ailleurs, n'est pas connue. Même si l'on pouvait supposer que la perméabilité est plus faible lorsque le poids de la couche augmente, il n'est pas évident que cette relation soit linéaire dans la gamme revendiquée. A cet effet on ne peut que comparer les 6 essais de l'exemple 14, dont ceux qui sont référencés "bobines" 1, 2. et 3 avec un extrait sec de la sauce de couchage de 47.2. % et ceux référencés "bobines" 4, 5 et 6 avec un extrait sec de 43.4 %. Cependant, il n'est pas possible d'en déduire d'une manière fiable une relation concrète, tout simplement sur la base des trois exemples respectifs. De plus, les intimées n'ont pas démontré à l'évidence qu'il ne serait pas possible d'obtenir une porosité telle que revendiquée avec une couche de 30 g/m2 en procédant selon l'invention comme indiquée dans le brevet.
L'opinion des intimées qu'il est douteux qu'on puisse réussir avec un poids de couche dans la gamme de 20 à 30. g/m2 est donc seulement fondée sur un soupçon qui n'est pas étayé par des faits vérifiables (voir par exemple T 19/90, JO 1990, 476, point 3.3 des motifs) ce qui ne suffit pas à fonder une objection selon l'article 83 CBE.
1.8. Les intimées ont, en effet, partagé le point de vue de la décision contestée, mais elles ne se sont pas expressément appuyées sur les deux autres arguments y émis. Ces arguments qui concernent des connaissances prétendues d'un homme du métier pour lesquelles aucune preuve quelconque n'a été jamais fournie sont, pour être complet, tranchés comme suit :
1.8.1. Le premier argument était qu'il était connu dans l'art papetier que la charge dans le papier de base augmente sa réceptivité à la sauce de couchage ce qui conduit à une diminution de la porosité du papier couché d'autant que la teneur de charge est plus élevée. Le bon résultat de l'exemple 5 selon l'invention avec 35 % de charge dans le papier de base par rapport à l'exemple 8 avec 10 à 15 % de charge mais qui est hors de l'invention, était donc surprenant et inexplicable pour l'homme du métier.
Outre le fait qu'il n'est pas possible de comparer les exemples 5 et 8 parce que les papiers de base (P5 et P4) ne se distinguent pas seulement par le poids de la charge, mais aussi par plusieurs autres paramètres tels que le degré de blancheur, le grammage, la porosité Gurley, la valeur Cobb et la rugosité Bendtsen (voir Tableaux I et III), la requérante, en s'appuyant sur le document fourni en annexe 3 (page 158, colonne droite, lignes 43 à 45), a démontré que, selon les connaissances dans l'art papetier, le poids de la charge du papier de base n'avait que très peu d'influence sur la perméabilité à l'air du papier couché.
Cet argument n'a pas été réfuté par les intimées.
1.8.2. Le deuxième argument était qu'il était de plus connu qu'un extrait sec de 35 % était considéré comme peu concentré dans l'art papetier, que cela favorisait la pénétration de la sauce dans le papier de base et que l'homme du métier s'attendrait donc à moins d'obturation et à une meilleure perméabilité du papier de base avec une sauce ayant une teneur en matières sèches élevée. La mauvaise perméabilité de 244 secondes Gurley de l'exemple 13 avec un extrait sec de 55 % n'était donc pas compréhensible.
Même si cela n'a pas été mentionné dans la décision contestée, il est clair que ladite incompréhensibilité ressort d'une comparaison avec un exemple d'extrait sec faible de 35 %, comme l'exemple 12 qui est exécuté avec le même papier de base (P2) et un poids de couche comparable (7 g/m2 au lieu de 8 g/m2 selon l'exemple 13), mais qui a une perméabilité beaucoup plus faible de 93.3 secondes Gurley.
Toutefois, le raisonnement dans la décision contestée n'est pas convaincant, tout simplement parce que tous les exemples exécutés avec une sauce à l'extrait sec de 35. %, utilisent une sauce de couchage entièrement différente de celle dans l'exemple 13 (S1 au lieu de S2).
Il n'est pas non plus plausible qu'il existe un principe fondamental selon lequel un papier quelconque doit être pénétré et obturé par une sauce quelconque à un extrait sec de 35 %. Un tel principe ne peut pas être déduit du brevet litigieux. Le papier P2 utilisé dans les exemples 12. et 13 a un degré de blancheur très faible (27,6), est à base de pâte chimique thermomécanique (90 %), ne contient que 10 % de fibres cellulosiques chimiques et ne contient pas du tout de charge quelconque. Il ne correspond pas du tout à la qualité telle que revendiquée ou à celles des autres papiers (P1, P3 et P4 ; Tableaux I) décrits dans le brevet, mais aussi hors de l'invention. Les exemples 12 et 13 ne sont donc pas comparables avec tous les autres exemples contenus dans le brevet.
1.9. Les intimées n'ont jamais fourni un exemple quelconque ou une opinion d'expert qui démontrerait que le sujet de la revendication 1 n'est pas obtenu en procédant selon les connaissances techniques dans le domaine papetier et selon les indications données dans le brevet. Elles n'ont pas, par conséquent, étayé, par des faits vérifiables, leur "doutes" que l'homme du métier ne peut pas exécuter l'invention dans la totalité de sa portée.
Pour cette raison, le cas d'espèce n'est pas comparable à la situation à l'origine de la décision T 226/85 où les opposantes ont fourni des preuves convaincantes au moyen d'essais comparatifs (voir 6. et 7. des motifs).
Il n'est pas non plus comparable à la situation à l'origine de la décision T 435/91, où la description du brevet ne donnait pas d'informations convenables pour identifier d'autres composés que ceux expressément mentionnés dans les exemples pour définir les "hydrotropes" de la revendication (voir 2.2.1 des motifs). Or, dans le brevet en litige, la description contient l'information nécessaire pour que l'homme du métier puisse exécuter l'invention dans différentes variantes, ce qui, en l'absence d'une preuve du contraire est suffisant en regard des buts de l'article 83 CBE. Cela s'applique aussi à l'argument des intimées selon lequel l'invention ne peut être mise en oeuvre qu'avec une couche contenant comme charge le sulfate de calcium en aiguilles, car - à part le fait que l'exemple 21 selon l'invention (voir 1.3 ci-dessus) est exécuté à base de carbonate de calcium (description du brevet, page 24, lignes 27 à 36) - la description indique plusieurs autres charges minérales qui sont appropriées pour le même but, et en particulier pour le cas où la porosité serait sinon trop élevée (voir 1.4 ci-dessus).
1.10. Conformément à la jurisprudence constante, chaque partie supporte la charge de preuve des faits qu'elle allègue. Cependant, il résulte de ce qui précède que les objections fournies aux sujets de l'article 83 CBE par les intimées et dans la décision contestée étaient toutes basées, d'une part sur des arguments non convaincants (sur des exemples incomparables) et d'autre part sur des affirmations non prouvées. Par conséquent, les allégations soulevées par les intimées ainsi que celles contenues dans la décision contestée n'ont jamais été prouvées.
La Chambre estime que la charge de la preuve ne peut pas être renversée et incomber à la requérante dans les circonstances d'espèce, où - à la différence de celles du cas T 585/92 - le brevet a été révoqué par la Division d'opposition non sur le foi d'un réel manque de divulgation des informations nécessaires pour réaliser l'objet revendiqué, mais en suivant un raisonnement que la Chambre de Recours a estimé erroné (voir ci-dessus point 1.8 et 1.9). Dans le cas présent, la charge de la preuve n'a pu être transférée au breveté puisque la révocation ne pouvait, de l'avis de la Chambre, être prononcée au vu des seuls arguments et en l'état des seuls éléments soumis par les opposantes (voir aussi T 954/93, non publié dans le JO).
Ce principe vaut également pour la requérante. Mais il ne saurait être invoqué à son encontre puisque l'argumentation et les prétentions de la requérante, susceptible d'être invalidées à ce titre, sont demeurées étrangères à la motivation et aux raisons de la présente décision.
1.11. En résumé, la Chambre estime que l'invention définie par les revendications selon la requête principale a été exposée d'une manière suffisante au sens où l'entend l'article 83 CBE.
1.12. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de se prononcer sur le jeu de revendications selon la requête auxiliaire laquelle n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucun débat lors de la procédure orale.
2. Vices substantiels de procédure
La requérante a demandé le remboursement de la taxe de recours conformément à la Règle 67 CBE sur la base de trois vices substantiels de procédure.
2.1. D'abord, la requérante a fait valoir que la décision contestée est insuffisamment motivée quant au point relatif à l'exemple 13 (voir 1.8.2 ci-dessus) qui semble avoir joué un rôle décisif en ce qui concerne l'existence des sérieux doutes émis par la Division d'opposition. La requérante a fait valoir que l'absence de clarté de la décision de la Division d'opposition sur ce point ne lui a pas permis de comprendre sans ambiguïté le raisonnement et la motivation de la Division d'opposition et l'a laissée dans l'incertitude quant à la façon d'organiser sa défense.
Toutefois, la Chambre n'a aucun mal à comprendre ce raisonnement qui est évidemment basé sur la discussion de l'exemple 13 au cours de la procédure orale devant la Division d'opposition. Selon le procès verbal (voir page 3, paragraphes 4 à 5), la requérante, pendant cette procédure orale, a expliqué le mauvais résultat de cet exemple par l'extrait sec élevé de la sauce S2 y utilisée. Pour la Division d'opposition, dans sa décision contestée, cette explication n'était pas compatible avec l'idée qu'elle avait que la perméabilité du papier doit être améliorée par un tel extrait sec élevé.
Il s'avère en conséquence, que l'incertitude alléguée par la requérante provient non d'un manque de motivation, mais d'une motivation erronée (voir T 144/94, non publié dans le JO, point 4 des motifs). Le propre de la procédure de recours étant précisément de donner aux parties une occasion de faire valoir leur désaccord avec la décision contestée et d'obtenir un contrôle de l'exactitude de l appréciation du cas par la première instance, une inexactitude ou une erreur dans un raisonnement ne peut caractériser un vice de procédure.
2.2. Ensuite, la requérante a fait valoir que contrairement aux dispositions de l'article 113(1) CBE son droit d'être entendu a été violé. La révocation du brevet était fondée sur de nouveaux éléments relatifs aux éventuelles incohérences entre les exemples, présentés en forme de questions pour la première fois lors de la procédure orale devant la Division d'opposition. Ceci a constitué un effet de surprise pour la requérante qui n'était pas préparée à répondre correctement à ces questions sans une préparation préalable.
Il ressort toutefois du procès-verbal de la procédure orale devant la Division d'opposition que la requérante a répondu aux questions posées. Elle avait la possibilité de solliciter un renvoi de cette procédure orale si elle estimait que pour exercer pleinement son droit d'être entendu un délai était nécessaire pour préparer des réponses de manière plus approfondie. Elle ne l'a pas fait. C'est pourquoi la Division d'opposition n'avait aucune raison de penser que la requérante ne disposait pas des connaissances la mettant en mesure de faire face aux nouvelles questions soulevées par les opposantes et par la Division d'opposition. Dans ces circonstances, il ne saurait être question de violation du droit d'être entendu.
2.3. Enfin la requérante, en se référant aux décisions T 293/92 et T 223/95 (non publié dans le JO), a fait valoir que la Division d'opposition a violé le principe d'impartialité en acceptant les arguments des intimées sans avoir recueilli les preuves nécessaires de la part des intimées auxquelles incombait la charge de la preuve. De plus, la Division d'opposition ne s'est pas contentée d'examiner les requêtes des parties, mais elle est elle même intervenue dans le cours de la procédure orale.
Ainsi que cela a été analysé ci-dessus (voir points 1.8 et 1.9) d'après tant le contenu du procès-verbal de la procédure orale que celui de la décision, il apparaît que la Division d'opposition a été convaincue que les arguments des intimées étaient fondés sur des principes fondamentaux ou des connaissances générales de l'homme du métier invoquées, étant ici observé que la requérante n'a apparemment pas fait d'objection à cet égard. Dans ce contexte, ce n'était pas faire preuve d'impartialité de la part de la Division d'opposition que de ne pas réclamer de preuves, mais plutôt commettre une erreur d'appréciation.
Une erreur d'appréciation sur ce que sont les connaissances de l'homme du métier, à l'origine de la décision contestée, sanctionnée par la Chambre de recours, ne saurait être comparée aux circonstances des cas cités par les intimées dans lesquels respectivement la Division d'opposition a proposé l'énoncé d'une revendication qu'elle pourrait considérer comme recevable (T 293/92) et où la Division d'opposition a dû répondre à la question - négativement dans T 223/95 - de savoir si la Division d'opposition devait d'office prendre des mesures en vue d'établir le niveau de connaissances de l'homme du métier.
Enfin, il convient de rappeler que la Division d'opposition est tenue aux termes de l'article 102 CBE de rendre une décision. Au cours des débats et du processus décisionnel elle peut être confrontée à des points qui soulèvent un problème et qui n'a pas reçu de réponses, spontanément, des parties. L'article 114 CBE confère à cette fin à la Division d'opposition (ou l'instance concernée) le pouvoir d'investigation nécessaire.
2.4. Il s'ensuit qu'aucun des vices de procédures allégués n'est vérifié, la Division d'opposition n'ayant fait qu'exercer son pouvoir d'appréciation sans enfreindre aucun des droits reconnus aux parties.
3. Il découle de ce qui précède que la décision contestée n'est pas fondée. Cependant, les autres objections soulevées par les intimées sur le fondement des articles 54(2) et 56 CBE et en conformité avec l'article 99(1) CBE n'ont été ni tranchées dans la décision de la Division d'opposition ni discutées pendant la procédure orale devant la Chambre. La Chambre fait donc usage du pouvoir qui lui est conféré par l'article 111(1) CBE, de renvoyer l'affaire devant la Division d'opposition pour suite à donner.
DISPOSITIF
Par ces motifs il est statué comme suit :
1. La décision de la Division d'opposition est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la première instance pour suite à donner.
3. La requête en remboursement de la taxe de recours est rejetée.