G 0001/11 (Non-remboursement de nouvelles taxes de recherche /BAUER) 19-03-2014
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Exposé des faits et conclusions
I. Jusqu'à présent, il a été statué sur des recours formés contre une décision de la division d'examen ayant pour seul objet le non-remboursement de taxes de recherche au titre de la règle 64(2) CBE (ou de la règle 46(2) CBE 1973) dans les cas suivants :
i) Dans les décisions T 94/91 en date du 9 décembre 1991 et T 390/91 en date du 14 mai 1992, une chambre de recours composée de deux membres techniciens et d'un membre juriste (ci-après dénommée "chambre de recours technique") conformément à l'article 21(3)a) CBE a admis tacitement qu'elle était compétente.
ii) Dans la décision J 24/96 en date du 27 avril 2001, la chambre de recours juridique a confirmé qu'elle était compétente en précisant que la décision contestée ne concernait que le remboursement de nouvelles taxes de recherche. "Elle ne concernait donc pas le rejet de la demande ni la délivrance du brevet " (point 2 des motifs).
II. Dans l'affaire ayant donné lieu à la décision de saisine, la division d'examen avait décidé, le 25 juin 2009, après l'examen de la demande de brevet européen n° 07001768.6, de délivrer le brevet européen n° 1950353.
Au cours de la procédure d'examen, le demandeur avait acquitté quatre nouvelles taxes de recherche, après y avoir été invité conformément à la règle 64(1) CBE, et il en avait demandé en même temps le remboursement. Après que la division d'examen eut annoncé le remboursement de deux de ces taxes de recherche, le demandeur avait présenté une requête en décision susceptible de recours concernant le remboursement des deux autres taxes. Le 25 mai 2009, soit avant la délivrance du brevet européen, la division d'examen avait rendu sa décision de ne pas faire droit à la requête en remboursement des deux taxes de recherche (règle 64(2) CBE), tout en confirmant que cette décision était susceptible de recours. Elle avait indiqué, à l'appui de sa décision, qu'après l'abandon de la revendication 1 initiale pour absence de nouveauté, les cinq groupes d'invention constitués ne reposaient pas sur un seul concept inventif général (règle 44 CBE). Elle avait maintenu son objection d'absence d'unité eu égard aux taxes de recherche pour les groupes d'inventions 2 et 4, ainsi que pour les groupes d'inventions 3 et 5. Ces deux derniers groupes n'ayant toutefois entraîné qu'un travail de recherche limité, elle avait estimé que le remboursement des taxes correspondantes était justifié.
III. Le recours formé par le demandeur contre cette décision, par lequel il demandait l´annulation de la décision et le remboursement des taxes de recherche pour les groupes d'inventions 2 et 4, a été transmis par la chambre de recours technique 3.2.03, compétente pour le domaine technique concerné, à la chambre de recours juridique conformément à l'article 21(3)c) CBE. Cette dernière, par sa décision J 21/09 en date du 1er août 2011 (JO OEB 2012, 276), a soumis la question suivante à la Grande Chambre de recours en vertu de l´article 112(1)a) CBE :
"Le traitement d'un recours formé contre une décision de la division d'examen relève?t?il d'une chambre de recours technique ou de la chambre de recours juridique lorsque la décision en cause a pour objet le non-remboursement de taxes de recherche au titre de la règle 64(2) CBE et qu'elle n'a pas été rendue avec une décision relative à la délivrance d'un brevet européen ou au rejet d'une demande de brevet européen ?"
IV. La chambre de recours juridique a estimé que cette saisine était nécessaire, car la réponse à la question de savoir si le réexamen de la seule question tranchée par la division d'examen, à savoir le non-remboursement des autres taxes de recherche, relevait de la compétence de la chambre de recours juridique ou d'une chambre de recours technique n'était pas de prime abord évidente. Les décisions de jurisprudence pertinentes n'étaient guère nombreuses jusqu'alors et faisaient apparaître des divergences. Dans les décisions T 94/91 et T 390/91, les chambres de recours techniques avaient admis tacitement qu'elles étaient compétentes, alors que dans les décisions ultérieures J 24/96 et T 1382/08, c'est la chambre de recours juridique qui avait été considérée comme compétente en vertu de l´article 21(3)c) CBE. Dans la décision T 1382/08, toutefois, la chambre de recours technique avait finalement déclaré qu'elle était compétente, estimant que dans l'affaire en cause, la décision relative au non?remboursement de la taxe de recherche ne constituait qu´une décision accessoire à la décision contestée, laquelle portait en premier lieu sur le rejet de la demande. De l´avis de la chambre de recours juridique à l´origine de la saisine, il serait toutefois arbitraire de faire dépendre la compétence de la question de savoir si la décision de la division d´examen concernant le remboursement de la taxe de recherche a été prise isolément ou en même temps que la décision sur le sort de la demande (rejet ou délivrance), d´autant que l´instance du premier degré serait alors mise en mesure de déterminer la composition de l'instance de réexamen.
V. Au regard du régime général de la procédure de recours, notamment du rôle des membres techniciens des chambres de recours tel qu'énoncé à l'article 21 CBE dans les cas où il est nécessaire de répondre à des questions d'ordre technique, la chambre de recours juridique a exprimé des doutes quant à une interprétation de l´article 21(3)a) CBE selon laquelle l'article 21(3)c) s´appliquerait par défaut en cas de recours contre toute décision (défavorable) au titre de la règle 64(2) CBE, au simple motif qu'une telle décision ne "concerne pas le rejet d'une demande de brevet européen ( ) ou la délivrance d'un brevet européen" et serait rendue séparément. À ce sujet, la décision de saisine expose notamment les points suivants :
i) Une décision au titre de la règle 64(2) CBE nécessite une appréciation de l'unité de l'invention (des inventions) revendiquée(s), et ce conformément aux critères pertinents formulés à la règle 44(1) CBE, lesquels supposent un examen approfondi et une expertise des éléments techniques. Si les chambres de recours techniques possèdent une telle expertise grâce aux membres techniciens prévus par l'article 21 CBE, ce n'est pas le cas de la chambre de recours juridique composée, en vertu de l'article 21(3)c) CBE, de trois membres juristes. Étant donné que la décision sur le bien-fondé d'une objection d'absence d'unité peut concerner des éléments techniques extrêmement complexes dans tous les domaines, la chambre de recours juridique, afin de statuer de manière appropriée, pourrait être amenée dans certains cas à faire appel à un expert externe. Or, il est évident que cela serait complètement disproportionné par rapport à l'enjeu du recours.
ii) L'intention du législateur de confier les affaires soulevant des questions techniques à des chambres composées majoritairement de membres techniciens se retrouve, tel un fil conducteur, dans les travaux préparatoires à la CBE, tout comme sa volonté de confier à la chambre de recours juridique uniquement les affaires concernant exclusivement des questions d'ordre juridique. Cela ressort par exemple du document n° 4344/IV/63-F ("Résultats de la huitième session du groupe de travail "Brevets", tenue à Bruxelles du 22 avril au 3 mai 1963", pages 67 à 75) ainsi que du document de M. Kurt Haertel qui y est cité ("Projet n ° 2821/IV/63 du 9 avril 1963 : Propositions pour l'exécution des articles 31 à 65", pages 9 à 11).
iii) Des décisions au titre de la règle 64(2) CBE, lesquelles sont rendues "au cours de l'examen de la demande de brevet européen" sont plutôt rares et, dans l'esprit du législateur, n'ont apparemment jamais été considérées comme des décisions autonomes susceptibles de faire l'objet d'une procédure à part entière.
iv) De telles décisions ont un lien étroit avec le contenu technique de la procédure d'examen. On peut normalement partir du principe qu'une division d'examen qui refuse le remboursement de nouvelles taxes de recherche se sera d'abord assurée du bien-fondé de l'objection d'absence d'unité [soulevée par la division de la recherche conformément à la règle 64(1) CBE]. Il s'ensuit que la décision relative au remboursement semble être, sur le plan du contenu, une décision accessoire par rapport à l'objet principal de la procédure d'examen, à savoir la décision sur le fond de la demande. Le fait que, pour des raisons pratiques ou de calendrier, l'élément principal et l'élément accessoire de la procédure ont donné lieu à deux décisions strictement distinctes, n'y change rien.
v) La décision au titre de la règle 64(2) CBE pourrait ainsi être considérée comme un "élément accessoire ex lege" de la décision relative à la délivrance ou, le cas échéant, au rejet, et l'on pourrait dès lors faire valoir que le réexamen d'une décision sur cette question accessoire incombe à la chambre compétente pour le réexamen de la décision sur le fond relative à la demande, à savoir la chambre de recours technique compétente pour le domaine technique spécifique de la demande, conformément à l'article 21(3)a) CBE. En revanche, lorsque la chambre de recours juridique est sans conteste compétente dans la composition prévue à l'article 21(3)c) CBE, les questions de droit peuvent normalement être traitées indépendamment de l'évaluation technique de l'objet de la demande.
vi) Au vu de ce qui précède, on peut également se demander s'il n'existe pas des lacunes dans les dispositions relatives à la compétence pour statuer sur des recours formés contre des décisions isolées au titre de la règle 64(2) CBE . Il est possible que le législateur en rédigeant l'article 21 CBE relatif à la composition des chambres de recours, n'ait pas envisagé un tel cas de figure puisqu'il n'est absolument pas prévu que la division de la recherche qui invite le demandeur à acquitter de nouvelles taxes de recherche, prenne des décisions susceptibles de recours.
VI. Eu égard également à la décision G 3/03, la chambre à l'origine de la saisine a indiqué qu'elle n'était pas certaine de pouvoir suivre la décision J 24/96 (supra). La Grande Chambre de recours avait estimé que c'était à la chambre de recours technique et non à la chambre de recours juridique d'examiner une requête en remboursement de la taxe de recours, transmise séparément aux chambres de recours, étant donné que cette requête constituait une question accessoire au recours d'origine qui était du ressort de la chambre de recours technique. Cette affaire, qui concernait une requête en remboursement de la taxe de recours, n'était pas sans présenter d'analogies avec l'affaire à l'origine de la saisine. De même qu'une telle requête supposait qu'un recours ait été formé initialement, la requête en remboursement de la taxe de recherche supposait qu'une objection pour absence d'unité ait été soulevée lors de la procédure d'examen. Dans ces deux cas de figure, les points litigieux qui, d'un côté, donnaient lieu à la formation d'un recours ou à une décision de rejet ou précédaient une décision de délivrance et qui, de l'autre, étaient à l'origine de la requête en remboursement de la taxe de recours ou de la requête en remboursement d'une taxe de recherche, n'étaient pas nécessairement identiques. Les deux décisions relatives au remboursement des taxes supposaient une procédure principale en soi achevée, ce qui semblait impliquer le "caractère accessoire" de la procédure.
Il en allait toutefois autrement dans l'affaire faisant l'objet de la décision G 2/90, où un recours avait été formé contre une décision de révocation prise par l'agent des formalités de la division d'opposition. Dans cette décision, la Grande Chambre de recours, qui était d'avis que le recours n'était pas du ressort de la chambre de recours juridique, avait considéré comme essentiel le fait que seules les tâches ne présentant pas de difficultés juridiques pouvaient être confiées aux agents des formalités en application de la règle 9(3) CBE 1973, si bien qu'il n'y avait aucune raison de prévoir que ces procédures de recours devaient relever de la compétence de la chambre de recours juridique. La Grande Chambre de recours avait donc bien vérifié que la chambre chargée de statuer possédait l'expertise nécessaire, ce qui devait être le cas en l'occurrence, puisqu'une chambre de recours technique comprend également un membre juriste précisément afin d'avoir l'expertise juridique nécessaire pour examiner les questions de droit.
VII. Par lettre en date du 30 septembre 2011, la Grande Chambre de recours a invité le requérant à présenter par écrit et dans un délai de trois mois ses observations sur la question soumise. Le requérant n'a toutefois pas répondu à cette invitation.
Le Président de l'Office européen des brevets a indiqué par lettre en date du 18 novembre 2013 qu'il ne prendrait pas position sur la question soumise, la réponse n'ayant aucune incidence sur la procédure de première instance devant l'Office européen des brevets.
VIII. Dans ses observations au titre de l'article 10 RPCR en date du 28 mai 2013, l'Institut des mandataires agréés près l'Office européen des brevets ("epi") a estimé qu'il convenait de répondre à la question soumise en ce sens que c'est une chambre de recours technique dans la composition prévue à l'article 23(3)a) ou b) qui est compétente. Une décision relative au remboursement de taxes de recherche au titre de la règle 64(2) CBE dépend du point de savoir s'il a été satisfait à l'exigence d'unité au sens de l'article 82 CBE. Ainsi qu'il ressort du texte de la règle 44(1) CBE, une telle appréciation présente un caractère très technique et exige des connaissances techniques spécialisées dans le domaine de l'invention. Les dispositions en matière de compétence prévues à l'article 21(2) à (4) CBE établissent de façon générale, conformément à la volonté manifeste du législateur, une délimitation claire entre les compétences respectives de la chambre de recours juridique pour les questions juridiques et des chambres de recours techniques pour les questions techniques. Par conséquent, même si à première vue, la condition supplémentaire visée à l'article 21(3)a) CBE ne semble pas remplie en cas de refus du remboursement de taxes de recherche, il convient d'interpréter cette disposition de manière large afin qu'elle couvre également les décisions concernant l'unité de l'invention, qui, en définitive, font partie intégrante de la procédure de délivrance. L'article 21(3)c) CBE n'est donc pas applicable et l'affaire en cause relève de la compétence d'une chambre de recours technique.
Si la chambre de recours juridique était néanmoins considérée compétente, son président, lorsqu'il détermine la composition de la chambre en application de l'article 2 du Plan de répartition des affaires, devrait tenir compte des difficultés techniques de l'affaire, telles qu'elles peuvent se poser lors d'un recours contre une décision de ne pas rembourser des taxes de recherche, et ce en désignant des membres juristes qui disposent également d'une qualification technique. À cette fin, il conviendrait d'ajouter les "difficultés techniques de l'affaire" à la liste (non exhaustive) des critères énoncés à l'article 2(2) du Plan de répartition des affaires de la chambre de recours juridique.
Motifs de la décision
Recevabilité de la saisine
1. La décision finale de la chambre à l'origine de la saisine dépend de la réponse de la Grande Chambre de recours à la question qui lui a été soumise concernant la compétence. Les décisions relatives aux recours formés contre une décision de la division d'examen de ne pas rembourser des taxes de recherche au titre de la règle 64(2) CBE, citées au point I ci-dessus, ont abouti, pour des raisons variées ou non précisées, à des conclusions différentes sur la question de savoir si la compétence pour statuer sur ces recours appartenait à la chambre de recours juridique ou aux chambres de recours techniques. En effet, comme l´a exprimé la chambre à l´origine de la saisine, les décisions de jurisprudence "ne sont guère nombreuses et font apparaître certaines divergences" en ce qui concerne la question soumise visant à déterminer si le traitement d'un recours formé contre la décision d'une division d´examen de ne pas faire droit à une requête en remboursement de taxes de recherche conformément à la règle 64(2) CBE relevait de la compétence de la chambre de recours juridique ou des chambres de recours techniques (points I et IV ci-dessus). Par conséquent, une décision de la Grande Chambre de recours est nécessaire pour assurer une application uniforme du droit au sens de l'article 112(1) CBE. En outre, la saisine soulève une question de droit d'importance fondamentale au sens de cette disposition, car l'existence de règles de compétence juridictionnelle claires est essentielle du point de vue des garanties de procédure et du fonctionnement efficace d'un système juridictionnel (point 24 de la décision de saisine citant J 12/01, point 4 des motifs). Il n'y a rien à ajouter à ces propos. La saisine est donc recevable.
Composition de la chambre de recours compétente
2. Dans le cas d'un recours formé contre une décision d'une division d'examen composée de moins de quatre membres, comme dans l'affaire à l'origine de la saisine, l'article 21(3)a) CBE prévoit que la chambre de recours se compose de deux membres techniciens et d'un membre juriste lorsque la décision est relative au rejet d'une demande de brevet européen ou à la délivrance d'un brevet européen (/ ".... concerns ...." / "... betrifft"). "Dans tous les autres cas", c'est une chambre de recours composée de trois membres juristes qui est compétente (lettre c de la disposition). La compétence d'une chambre de recours composée de deux membres techniciens est donc déterminée par un critère spécifique lié à la décision à examiner proprement dite, alors que toutes les autres dispositions relatives à la composition prévues à l'article 21 CBE se fondent sur le seul critère de l'instance qui a rendu la décision contestée.
3. Une décision au titre de la règle 64(2) CBE nécessite une appréciation de l´unité de l'invention ou des inventions revendiquées dans la demande généralement dans sa version initiale, telle que déposée et ce conformément aux critères pertinents formulés à la règle 44(1) CBE, lesquels impliquent un examen approfondi et une expertise des éléments techniques (point V. i), ci-dessus). Par conséquent, pour des raisons juridiques et factuelles (voir ci-après), il serait opportun qu'une telle décision relève de la compétence d'une chambre de recours technique.
Cependant, l'opportunité manifeste d'une solution s'appuyant exclusivement sur des éléments factuels ne suffit pas pour justifier la compétence des chambres de recours techniques. Il convient plutôt de se fonder sur les dispositions pertinentes de la CBE pour trancher cette question. En ce qui concerne la délimitation des compétences entre les chambres de recours techniques et la chambre de recours juridique, on ne saurait s'écarter d'une décision claire du législateur et donner à une disposition légale sans ambiguïté un sens différent au motif qu'une telle disposition offre certains avantages pratiques (cf. décision G 2/90, JO OEB 1992,10, points 3.3 et 3.4 des motifs). Cela découle notamment des principes d'interprétation énoncés aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, en date du 23 mai 1969 (voir décisions G 1/83, point 4 des motifs et G 1/08, point 4.3 des motifs). Selon l'un de ces principes, il est possible de tenir compte des travaux préparatoires de la Convention, lorsque le sens résultant de l'application des principes d'interprétation conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable (voir la décision G 1/83, point 4(5) des motifs ainsi que les points 12 et 13, ci?dessous).
4. L'article 21(3)a) CBE, tel que formulé, n'indique pas clairement si la compétence des chambres de recours techniques se limite aux recours formés contre des décisions de rejet et de délivrance au titre de l'article 97 CBE (il est fait abstraction ci?après de la limitation et de la révocation de brevets européens, certes également mentionnées à l'article 21(3)a) CBE, mais qui ne sont pas pertinentes pour trancher la question de droit de la présente espèce). En revanche, il ressort clairement du texte de l'article 21(3)a) CBE qu'une chambre de recours technique n'est pas compétente lorsque la décision contestée porte sur le retrait valable d'une demande ou sur la constatation au titre de la règle 112(2) CBE que la demande est réputée retirée. Dans ces cas, la compétence par défaut de la chambre de recours juridique est justifiée et reflète l'intention du législateur de faire réexaminer par une chambre de recours composée exclusivement de juristes les questions sans lien avec la brevetabilité, mais d'ordre principalement juridique (Gori/Löden dans Münchner Gemeinschaftskommentar sur l'article 21, point 80), étant donné qu'aucune expertise technique n'est requise pour le réexamen de telles décisions - à l'instar des décisions de la section de dépôt et de la division juridique qui relèvent de la compétence exclusive de la chambre de recours juridique en vertu de l'article 21(2) CBE. Cependant, au regard de la formulation de la condition (positive) de compétence à l'article 21(3)a) CBE, ce n'est pas pour cette raison que les chambres de recours techniques ne sont pas compétentes, mais parce que ces décisions n'ont pas pour objet (ni de rapport avec) le rejet d'une demande (ou la délivrance d'un brevet). Il s'agit plutôt de décisions constatant qu'il y a eu de la part du demandeur une déclaration d'intention pertinente ou une omission à laquelle est attachée la fiction juridique d'une telle déclaration. Aussi la compétence des chambres de recours techniques est-elle exclue en vertu de l'article 21(3)a) CBE pour les affaires qui concernent la constatation de la perte d'un droit, même si une telle constatation peut entraîner la perte définitive de la demande.
5. Il en va de même pour les décisions au titre de la règle 64(2) CBE, bien que celles?ci ne portent pas sur la constatation d'une possible perte de droit et qu'une expertise technique soit nécessaire pour les réexaminer. L'unité de la demande de brevet, en tant que condition pour le remboursement de nouvelles taxes de recherche au titre de la règle 64(2) CBE, doit être appréciée au regard de la version de la demande sur laquelle se fondait l'invitation à acquitter de nouvelles taxes de recherche émise par la division de la recherche (qui, en vertu de l'article 17 CBE 2000, demeure compétente pour la recherche ). Sont donc sans importance pour cette appréciation : le texte dans lequel le brevet est délivré par la suite, la question de savoir si la demande a été ou sera rejetée, et ce quelle qu'en soit la raison, ou le fait qu'aucune décision relative à la demande n'a été ou ne sera prise au motif que celle-ci a été ou est réputée retirée. Autrement dit, la décision concernant le remboursement de nouvelles taxes de recherche ne dépend pas du sort de la demande et ne constitue pas une question à régler avant la délivrance ou le rejet (cf. décision de saisine, point 10) ; elle ne présente pas non plus un quelconque autre lien de fait ou de droit avec la décision sur le fond relative à la demande. Or, l'existence d'un tel lien est posée comme condition à l'article 21(3)a) CBE. En revanche, cette disposition n'exige nullement la présence d'un contenu technique ni la nécessité d'une expertise technique (de la même manière que l'article 21(3)c) CBE, qui régit la compétence par défaut de la chambre de recours juridique, ne prévoit pas qu'un tel contenu ne soit pas présent ou qu'une telle expertise ne soit pas nécessaire - cf. point 13, ci?dessous).
6. Au vu de ce qui précède, il ne semble pas non plus possible de fonder la compétence des chambres de recours techniques sur le fait que la décision relative au remboursement de taxes de recherche supplémentaires constitue sur le plan du contenu, une décision accessoire par rapport à l'objet principal de la procédure d'examen, à savoir la décision sur le fond de la demande. (cf. décision de saisine, point 10 et suiv.). Une telle distinction qui se fonde essentiellement sur l'importance subjective de la décision pour le demandeur ou sur la charge de travail liée à la procédure ne fait ressortir aucun lien du point de vue juridique et/ou factuel entre les deux décisions et, à ce titre, aucune hiérarchie au sens juridique entre objet principal et objet accessoire.
7. La question de la compétence des chambres de recours techniques ou de la chambre de recours juridique a également été abordée dans la décision G 3/03. Cette affaire portait sur une requête en remboursement de la taxe de recours soumise à l'appréciation de la chambre à la suite d'une révision préjudicielle par l'organe de première instance (article 109 CBE) (cf. point VI, supra). La Grande Chambre de recours a estimé qu'une telle requête représentait une question accessoire par rapport au recours initial auquel il avait été fait droit par voie de révision préjudicielle et que, partant, la compétence pour statuer sur cette requête appartenait à la chambre de recours qui aurait été compétente en vertu de l'article 21 CBE pour statuer sur le recours au fond s'il n'y avait pas été fait droit par voie de révision préjudicielle. Cette conclusion ne fait toutefois que confirmer la constatation selon laquelle les règles de compétence énoncées à l'article 21(2) à (4) CBE sont applicables à de telles requêtes isolées, mais elle ne permet pas de délimiter clairement les compétences entre les chambres de recours techniques et la chambre de recours juridique.
8. Par conséquent, si la compétence des chambres de recours techniques pour statuer sur des recours formés contre des décisions au titre de la règle 64 CBE ne peut être fondée sur l'article 21(3)a) CBE, la question se pose de savoir si l'article 21(3)c) CBE s'applique par défaut (/"dans tous les autres cas"/"in allen anderen Fällen"/"in all other cases"), autrement dit si la chambre de recours juridique est compétente sans exception pour statuer sur tous les recours contre de telles décisions de la division d'examen (sauf compétence d'une chambre de recours composée de cinq membres en vertu de l'article 21(3)b) CBE).
9. La volonté du législateur de confier de préférence à des chambres composées majoritairement de membres techniciens les affaires qui soulèvent des questions techniques, laissant à la chambre de recours juridique le soin de trancher les affaires qui soulèvent exclusivement des question d'ordre juridique, découle clairement des travaux préparatoires (références citées par la chambre à l'origine de la saisine, point V, ii), ci-dessus ; Gori/Löden loc. cit., point 4, ci-dessus). Il ressort également de ces travaux que la compétence des chambres de recours techniques ou de la chambre de recours juridique en tant qu'instances juridictionnelles doit être établie selon des critères objectifs et non sur une base "ad hoc" (document n° 4344/IV/63-F, p. 72-73).
Un autre principe d'organisation, reflété de manière logique à l'article 21(2) à (4) CBE, est celui du tribunal spécialisé selon lequel les chambres de recours, dans la mesure où elles sont composées d'experts, devraient pouvoir résoudre toutes les questions techniques pertinentes pour la décision, sans faire appel à des spécialistes externes. Ceci est rendu possible grâce au nombre de chambres de recours techniques et à la répartition des recours entre elles suivant la classe principale selon la CIB (cf. article 1(1) du Plan de répartition des affaires des chambres de recours techniques, dont la dernière version a été arrêtée pour 2014). Ce mode d'organisation, ainsi que la compétence (exclusive) dévolue à la chambre de recours juridique pour instruire les recours formés contre les décisions de la section de dépôt ou de la division juridique (article 21(2) CBE), lesquelles, par définition, ne sauraient soulever de questions d'ordre technique, permettent de garantir une composition des chambres de recours "efficace" et adaptée aux questions pertinentes pour la décision, y compris en termes d'économie de la procédure. Étant donné que l'expertise juridique nécessaire pour traiter des questions d'ordre juridique est également assurée dans une chambre de recours technique de composition "mixte", une telle composition optimale des chambres de recours n'est toutefois ni juridiquement, ni matériellement impérative, et elle n'a pas été retenue pour les recours contre des décisions de la division d'opposition (article 21(4) CBE, cf. G 2/90, JO OEB 1992,10).
10. Toutefois, la règle par défaut serait juridiquement contestable et, en tout état de cause, contraire à sa finalité, si elle avait pour effet de rendre la chambre de recours juridique, qui ne comprend aucun membre technicien, compétente pour statuer également sur des recours susceptibles de soulever des questions techniques. Cela est particulièrement vrai pour les décisions au titre de la règle 64 CBE, lesquelles à l'instar d'une décision sur la délivrance du brevet nécessitent une appréciation experte de la condition purement technique d'unité de la demande au sens de l'article 82 CBE selon les critères pertinents formulés à la règle 44(1) CBE (point V. i), ci-dessus). Les décisions ayant pour objet le non-remboursement de taxes de recherche supplémentaires ne pourraient alors pas faire l'objet d'un réexamen par une instance de recours suffisamment qualifiée. Or, cela constitue un élément essentiel d'une protection juridique adéquate et conforme aux exigences d'un État de droit, telle qu'elle doit être garantie en vertu de la CBE par la voie du recours à toutes les parties à la procédure de délivrance et d'opposition. S'agissant du montant et du nombre de nouvelles taxes de recherche susceptibles d'être acquittées, les intérêts en jeu pour les demandeurs ne sont pas non plus négligeables, comme en témoigne la position de l'epi selon laquelle la ou le(s) chambre(s) compétente(s) pour statuer sur des recours contre de telles décisions devraient être composée(s) d'experts techniciens (cf. point VIII, ci-dessus), et comme il ressort de l'article 154(3) CBE 1973, qui tenait compte de ces intérêts en disposant que "les chambres de recours" seraient compétentes pour statuer sur une réserve formulée à l'encontre de la fixation d'une taxe de recherche additionnelle pour la recherche internationale (en raison de l'absence d'unité d'une demande internationale). La compétence des chambres de recours techniques pour de tels cas découle de leur Plan annuel de répartition des affaires, dont la note 1 en bas de page indique que le "plan vaut également pour la procédure de réserve selon le PCT". En outre, comme la chambre à l'origine de la saisine l'a indiqué à juste titre (point V. i), ci-dessus), pour être certaine de statuer de manière appropriée sur des recours contre des décisions au titre de la règle 64 CBE, la chambre de recours juridique serait amenée à faire appel à un expert externe. Cela serait non seulement complètement disproportionné par rapport à l'enjeu du recours, mais irait aussi totalement à l'encontre du principe voulu par le législateur, et reflété de manière conséquente dans la CBE, selon lequel la composition des chambres de recours (ainsi que des divisions d'examen et d'opposition) doit permettre à ces instances d'examiner toutes les questions d'ordre technique pertinentes pour la décision sur la base de leur propre expertise technique, sans faire appel à des experts externes.
11. Contrairement à la disposition énoncée à l'article 21(3)a) CBE et relative à la compétence des chambres de recours techniques, la règle par défaut ne formule aucun critère de compétence spécifique lié à la nature de la décision contestée, si bien que rien dans cette disposition n'appelle ni même ne suggère une interprétation selon laquelle la compétence par défaut de la chambre de recours juridique serait applicable sans exception, même si une expertise technique est (également) nécessaire pour statuer sur le recours au vu de son contenu technique et des questions techniques qu'il soulève. Il n'existe par ailleurs aucune indication selon laquelle le législateur avait envisagé un tel cas de figure - en particulier en ce qui concerne les recours formés contre des décisions au titre de la règle 64(2) CBE quelle qu'en ait été concrètement la raison (cf. explication plausible mais finalement non concluante de la chambre de recours à l'origine de la saisine, point V. vi), ci?dessus).
12. Pour ces motifs et compte tenu des autres règles de compétence énoncées à l'article 21 CBE et de leur raison d'être sur le plan juridique et matériel, la règle par défaut telle que libellée à l'article 21(3)c) CBE ne s'applique pas aux décisions portant sur le remboursement de taxes de recherche au titre de la règle 64 CBE.
13. Par conséquent, les décisions prises par une division d'examen composée de trois membres et ayant pour objet le refus de rembourser de nouvelles taxes de recherche au titre de la règle 64 CBE ne sont couvertes ni par l'article 21(3)a) CBE, car elles ne concernent pas la délivrance ou le rejet (cf. point 5., ci-dessus), ni par l'article 21(3)c) CBE, car leur réexamen par les chambres de recours ne se limite pas à des critères juridiques (points 10 et 11, ci-dessus). La CBE ou le Plan de répartition des affaires ne prévoit par ailleurs aucune autre règle de compétence pertinente en la matière. La question de savoir laquelle des deux compétences entrant en ligne de compte est applicable, révèle une lacune réglementaire non intentionnelle et, de ce fait, un vide au sens juridique. Au regard des objectifs et principes juridiques relevant du droit matériel et de l'économie de procédure énoncés ci-dessus, tels qu'ils sous-tendent les règles de compétence des chambres de recours et notamment la délimitation des compétences entre les chambres de recours techniques et la chambre de recours juridique, cette lacune réglementaire peut être comblée aisément et sans ambiguïté conformément au dispositif qui suit.
Dispositif :
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Il est répondu comme suit à la question soumise à la Grande Chambre de recours :
Le traitement d'un recours formé contre une décision de la division d'examen est du ressort d'une chambre de recours technique lorsque la décision en cause a pour objet le non-remboursement de taxes de recherche au titre de la règle 64(2) CBE et qu'elle n'a pas été rendue avec une décision relative à la délivrance d'un brevet européen ou au rejet d'une demande de brevet européen.