W 0011/89 (Voile en fibres) 09-10-1989
Défaut d'unité - Mise en évidence de termes par leur simple soulignement dans l'énumération des inventions
Enoncé insuffisant des raisons
Invitation à payer également non justifiée quant au fond
Exposé des faits et conclusions
I. Le 13 janvier 1989, le demandeur a déposé auprès de l'Office européen des brevets la demande internationale PCT/EP ... .
II. Le 8 mai 1989, l'Office européen des brevets, agissant en qualité d'administration compétente chargée de la recherche internationale (ACRI), ayant estimé que la demande ne satisfaisait pas à l'exigence d'unité de l'invention, a adressé au demandeur une invitation à payer une taxe additionnelle, telle que prévue à l'article 17(3)a) et à la règle 40.1 PCT.
Pour indiquer la raison du défaut d'unité de l'invention, l'OEB a énuméré dans cette invitation une première invention, correspondant aux revendications 1 à 8 et 10, et une seconde invention, correspondant à la revendication 9, la première invention concernant une "utilisation d'un voile en fibres servant de filtre" et la seconde un "voile en fibres comportant d'un côté un film et servant de doseur pour agent de lavage liquide".
Hormis le fait que les termes "filtre" et "doseur" étaient soulignés aux fins de les mettre en évidence dans l'indication des inventions qu'elle dénombrait dans la demande en cause, l'invitation à payer la taxe additionnelle ne précisait aucune autre raison justifiant son envoi.
III. Par un télex du 29 mai 1989, le demandeur a procédé au paiement, sous réserve, de la taxe additionnelle demandée pour la recherche, déclarant simplement comme motif de sa réserve que l'objet de la revendication 9 consistait lui aussi à améliorer le processus de lavage de façon simple. A titre subsidiaire, le demandeur a ajouté que, selon lui, le montant de la taxe additionnelle était excessif, en invoquant le fait que les domaines techniques étaient très proches l'un de l'autre.
Le 31 mai 1989, le demandeur a produit un document confirmant le contenu du télex.
Motifs de la décision
1. Conformément aux dispositions de l'article 154(3) CBE, les chambres de recours de l'OEB sont compétentes pour statuer sur une réserve formulée par le demandeur à l'encontre de la fixation de taxes additionnelles.
2. La réserve répond aux conditions énoncées à la règle 40.2 c) PCT ; elle est donc recevable.
3. Selon la jurisprudence constante, l'indication de raisons dans une invitation à payer telle que prévue à l'article 17(3)a) et à la règle 40.1 PCT est une condition essentielle pour qu'une telle invitation puisse être valablement établie (cf. W 4/85 et W 7/86, JO OEB 1987, 63 et 67 ; W 9/86, JO OEB 1987, 459 ; W 7/85, JO OEB 1988, 211).
La décision de principe W 4/85, en date du 22 avril 1986, énonce les exigences minimales à remplir pour que l'invitation soit suffisamment motivée : c'est ainsi que les considérations essentielles qui ont amené l'administration chargée de la recherche à constater le défaut d'unité de la demande doivent être présentées dans une suite logique, afin de permettre au demandeur et à l'instance de recours d'examiner cette constatation. C'est uniquement dans le cas d'affaires simples qu'il peut suffire d'énumérer les objets concernés, dans la mesure où il ressort immédiatement de cette énumération qu'il n'y a pas dans la demande un seul concept inventif général. Toutefois, dans la décision ultérieure W 7/86 en date du 6 juin 1986, il est expressément indiqué qu'il ne peut s'agir que de rares exceptions, particulièrement dans le domaine de la chimie.
4. La présente affaire ne constitue pas un cas exceptionnel ; en effet :
4.1 La mise en évidence des termes "filtre" et "doseur" lors de l'énumération des inventions considérées par l'OEB comme étant différentes ne donne l'impression d'un défaut d'unité que si l'on prend les revendications isolément, c'est-à-dire détachées du problème qui découle de la description. Or, la question de savoir si, en l'espèce, il existe ou non un seul concept inventif général ne peut être véritablement appréciée si l'on ne fait pas entrer ce problème en ligne de compte. C'est sous cet aspect qu'il y a lieu d'incriminer l'invitation en cause. Cette dernière se borne à affirmer le défaut d'unité sans analyser le problème ni la solution apportée par l'invention. Cette omission fait que l'on ignore totalement si les éléments des deux groupes d'inventions mentionnés dans l'invitation à payer sont réellement si différents l'un de l'autre que l'on ne puisse constater aucune cohésion ou interaction du point de vue technique. L'invitation de l'ACRI est dépourvue d'effet juridique ne serait-ce que parce qu'elle n'indique aucune raison logique d'exclure, dans ce cas concret, tout rapport ou interaction technique. On pourrait à la rigueur se dispenser d'analyser le problème à résoudre par l'invention, s'il ressortait d'emblée de l'énumération des faits techniques mentionnés dans l'invitation à payer qu'il n'y a raisonnablement pas lieu de les fondre dans la solution d'un problème global.
4.2 La description mentionne au contraire que le problème qui est à la base de la présente invention consiste à améliorer le processus de lavage de façon simple. Ce problème est résolu par la mise en place, dans la lessive ou un autre produit analogue, d'un voile en fibres servant de filtre. Un côté du voile en fibres est pourvu d'un film imperméable aux liquides, ce qui permet d'étendre son domaine d'utilisation, c'est-à-dire de l'employer à la fois comme doseur pour les agents de lavage et comme filtre. Un voile en fibres de ce type, qui a pour propriété de retenir les liquides, remplit aussi, simultanément ou de façon différée, la fonction d'un filtre (cf. page 1, lignes 12 à 18 ; page 3, lignes 9 à 11 et 31 à 34; page 6, lignes 17 à 22).
Par conséquent, le voile en fibres retenant les liquides qui est l'objet de la revendication 9 remplit aussi la fonction d'un filtre. Mais même sans cette indication explicite dans la description, un tel voile en fibres, qui serait décrit exclusivement comme doseur pour agent de lavage liquide, devrait également résoudre le problème posé, à savoir celui d'améliorer de façon simple le processus de lavage. L'invention revendiquée conserve ainsi sa cohésion du point de vue technique.
Au demeurant, l'ACRI devrait avoir reconnu, en ne soulevant pas d'objections aux revendications de produit 6 et 7 dépendantes de la revendication 1, que le voile en fibres retenant les liquides est tout simplement un mode de réalisation particulier, remplissant la fonction d'un filtre tout comme le mode principal de réalisation faisant l'objet de la revendication 1. Quoi qu'il en soit, étant donné qu'aux fins du dosage de l'agent de lavage on exploite uniquement le fait qu'un tel voile en fibres est en outre approprié pour retenir les liquides, sans pour autant résoudre un autre problème que celui de l'amélioration du processus de lavage, les deux utilisations du voile en fibres font nécessairement partie d'un seul et unique concept inventif.
Le rapport de recherche ne cite aucun document à l'encontre du voile en fibres selon la revendication 6 ; cette revendication est donc admissible, du moins à ce stade. Aussi ne voit-on pas pourquoi il ne serait pas possible de revendiquer dans la même demande deux ou plusieurs utilisations en relation avec une revendication de produit valide.
Dans ces conditions, force est à la Chambre d'estimer qu'en l'espèce la condition d'un seul concept inventif général au sens de la règle 13.1 PCT est remplie.
5. Il ressort de ce qui précède que l'invitation à payer la taxe additionnelle de recherche, en date du 8 mai 1989, est dépourvue d'effet juridique et que, par conséquent, la taxe acquittée doit être remboursée.
Il est inutile de s'étendre davantage sur le point de vue émis, à titre subsidiaire, par le demandeur, selon lequel le montant de la taxe additionnelle serait excessif.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le remboursement de la taxe additionnelle acquittée pour la recherche est ordonné.