T 0161/96 (Insuffisance du montant acquitté au titre de la taxe d'opposition) 03-11-1997
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I. Les exigences liées au principe de la bonne foi que l'OEB est tenu d'observer sont les mêmes à l'égard de toutes les parties à la procédure devant l'OEB, qu'il s'agisse du demandeur, du titulaire du brevet ou de l'opposant.
II. A supposer que même le paiement d'un montant insuffisant au titre de la taxe d'opposition, qui est uniquement dû à une irrégularité relevant de la responsabilité de l'opposant concerné, puisse faire obligation à l'OEB de prévenir l'opposant de la perte imminente de droits, l'existence même d'une telle obligation impliquerait (i) que l'agent des formalités de la division d'opposition ait reçu durant le délai d'opposition un bulletin de paiement du service Trésorerie et comptabilité indiquant que la taxe n'a pas été payée dans son intégralité; (ii) qu'il soit objectivement exclu que l'opposant acquitte de sa propre initiative le reliquat avant la fin du délai d'opposition; et (iii) que l'opposant soit encore en mesure d'acquitter le reliquat dans le délai d'opposition.
Montant impayé représentant plus de 40% de la taxe d'opposition - montant non minime
Il n'entre pas dans le cadre des tâches confiées aux agents des formalités de la division d'opposition d'aviser un opposant au sens de la règle 69(2) CBE, deuxième phrase
Le paiement du reliquat n'est pas considéré comme ayant été effectué en temps utile en vertu du principe de la bonne foi - la division d'opposition n'est pas tenue de signaler au requérant que le montant acquitté au titre de la taxe d'opposition est insuffisant
Saisine de la Grande Chambre de recours (non) - La Grande Chambre de recours peut uniquement être saisie de questions relatives à un point de droit particulier, et non de questions portant sur des cas individuels et qui ne peuvent pas être examinées indépendamment des faits auxquels elles se rattachent
Remboursement de la taxe d'opposition (oui) -
Opposition I réputée non formée
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n 87 307 406.6 a été déposée le 21 août 1987. La mention de la délivrance du brevet européen correspondant n 0 303 746 a été publiée le 19 novembre 1992. Le délai d'opposition de neuf mois (article 99(1) CBE) est venu à expiration le 19 août 1993.
II. Le 12 août 1993, le requérant (opposant 1) a formé opposition (l'opposition I) au moyen du formulaire EPO Form 2300, auquel il a joint un chèque d'un montant de 700 DEM seulement, alors que la taxe d'opposition s'élève au total à 1200 DEM.
Au point XI du formulaire EPO Form 2300, le bureau de réception de l'OEB a indiqué par écrit que le montant de 700 DEM avait été acquitté par chèque, lequel a été transmis au service Trésorerie et comptabilité. Le mardi 17 août 1993, un agent des formalités de la division d'opposition a envoyé le formulaire EPO Form 2316 (notification d'une opposition) avec l'acte d'opposition I. Le jeudi 19 août 1993, le service Trésorerie et comptabilité a émis un bulletin de paiement indiquant que seul un montant de 700 DEM avait été acquitté. L'agent des formalités a reçu ce bulletin le lundi 23 août 1993.
III. Par notification en date du 16 septembre 1993, établie selon la règle 69(1) CBE, le requérant a été informé que l'opposition I était réputée non formée, au motif que la taxe d'opposition n'avait pas été intégralement acquittée dans le délai d'opposition.
IV. Le 21 septembre 1993, le requérant a acquitté le montant non encore payé de la taxe d'opposition, soit 500 DEM.
V. Le 26 novembre 1993, le requérant a demandé que la taxe d'opposition soit considérée comme ayant été acquittée en temps voulu et que l'opposition I soit réputée valablement formée dans le délai d'opposition. Il a également requis une décision en l'espèce par l'OEB, conformément à la règle 69(2) CBE.
VI. Par notification en date du 23 décembre 1993, un autre agent des formalités de la division d'opposition a informé le requérant que la taxe d'opposition était réputée avoir été acquittée intégralement dans le délai prescrit et qu'en conséquence, l'opposition I était réputée formée. Il était allégué que l'OEB aurait dû attirer l'attention du requérant sur le fait que la taxe n'avait pas été acquittée dans son intégralité et que par suite, le principe de la protection de la confiance légitime, tel que défini dans la décision J 13/90 (JO OEB 1994, 456), s'appliquait.
VII. Par lettre en date du 26 mai 1994, reçue par l'OEB le 30 mai 1994, l'intimé (titulaire du brevet) a soutenu que contrairement à ce qui était expressément indiqué dans la notification du 23 décembre 1993 (point VI supra), l'opposition I devait être jugée irrecevable. Selon lui, il peut ne pas être tenu compte d'un montant impayé que si les circonstances le justifient, par exemple lorsqu'une partie s'est fondée sur des informations erronées émanant de l'OEB. Or, de telles circonstances n'étaient pas réunies en l'espèce.
VIII. Par décision prise à l'issue de la procédure orale tenue le 11 décembre 1995, la division d'opposition a déclaré l'opposition I irrecevable. Le texte écrit de cette décision a été envoyé par la poste le 19 janvier 1996. Les principaux motifs du rejet sont les suivants :
- Un montant impayé représentant plus de 40% de la taxe ne saurait être considéré comme un montant minime dont l'Office peut ne pas tenir compte. Dans la décision J 27/92 (JO OEB 1995, 288), il a été estimé qu'un pourcentage de 20% au maximum de la taxe à acquitter peut être considéré comme un montant minime au sens de l'article 9(1) du règlement relatif aux taxes.
- Le principe de la bonne foi ou de l'égalité de traitement ne permet pas de traiter l'opposition comme recevable. Selon la décision J 13/90 (supra), le principe de la bonne foi implique que l'OEB signale au demandeur toute perte de droit imminente si le demandeur peut en toute bonne foi s'attendre à recevoir un tel avis. Le demandeur peut s'attendre à recevoir un tel avis s'il s'agit d'une irrégularité facile à déceler par l'OEB et si le demandeur est encore en mesure d'y remédier dans le délai prescrit.
- Lorsqu'une opposition est formée une semaine avant l'expiration du délai d'opposition, on ne saurait attendre de l'agent des formalités de la division d'opposition qu'il soit en mesure d'établir dans le temps qui reste avant l'expiration du délai d'opposition, que le montant payé au titre de la taxe d'opposition est insuffisant. Il convient au contraire de garder à l'esprit qu'il faut un certain temps avant que les pièces ne soient versées au dossier et ne parviennent sur le bureau de l'agent des formalités.
- Lorsqu'un opposant forme opposition une semaine avant l'expiration du délai d'opposition, il doit particulièrement veiller à bien remplir les conditions en matière de recevabilité. Sinon, il court le risque que l'OEB ne relève pas les erreurs susceptibles d'être corrigées au cours des quelques jours qui restent, parce qu'il ne lui a pas donné suffisamment de temps pour ce faire. De surcroît, le principe exposé dans la décision J 13/90 (supra) a été remis en question dans la décision T 690/93 en date du 11 octobre 1994 (non publiée), où il a été souligné que rien ne permet de dire que le principe de la bonne foi oblige une chambre de recours à prévenir une partie des irrégularités qui relèvent de la responsabilité de cette partie.
- Il convient en outre de tenir compte du fait que le titulaire du brevet est désavantagé, si l'on applique le principe de la bonne foi en faveur de l'opposant. Dans une procédure inter partes, l'OEB doit éviter d'entreprendre tout acte susceptible de compromettre son impartialité absolue à l'égard du titulaire du brevet. En conséquence, même si l'OEB avait relevé l'erreur en temps utile, il est douteux qu'il aurait pu en avertir l'opposant, sans porter atteinte au principe de l'impartialité et aux droits du titulaire du brevet.
IX. Le 11 décembre 1995, le requérant a formé un recours, déposé le mémoire exposant les motifs et acquitté la taxe de recours. Le 21 mai 1996, il a produit un mémoire ampliatif.
X. L'intimé a présenté des observations le 19 juin 1996.
XI. Le 30 juillet 1997, la Chambre a envoyé aux parties, en annexe à la citation à la procédure orale, une notification dans laquelle elle a exposé son avis provisoire.
XII. Le 3 octobre 1997, l'intimé a produit d'autres moyens. Par lettre reçue le 6 octobre 1997, le requérant a répondu aux observations de l'intimé en date du 19 juin 1996. L'intimé a répondu le 23 octobre 1997 à la lettre du requérant.
XIII. La procédure orale a eu lieu devant la Chambre le 3 novembre 1997.
XIV. Dans les moyens qu'il a produits par écrit et au cours de la procédure orale devant la Chambre, le requérant a pour l'essentiel fait valoir les arguments suivants:
- L'opposition a été formée le 12 août 1993. Le délai d'opposition est venu à expiration le 19 août 1993. Au cours de la semaine qui s'est écoulée entre ces deux dates, l'OEB aurait pu lui signaler que le montant payé au titre de la taxe d'opposition était insuffisant. En fait, l'OEB avait l'obligation de le prévenir.
- L'article 9(1) du règlement relatif aux taxes autorise l'OEB à donner à la personne qui effectue un paiement insuffisant la possibilité de verser le complément. La pratique officielle de l'OEB consiste à agir conformément à l'article 9(1) du règlement relatif aux taxes. En appliquant le principe de l'égalité de traitement (article 125 CBE), l'OEB était tenu d'agir en conséquence dans la présente espèce. Il ne peut pas choisir arbitrairement d'appliquer ou non un principe généralement admis du droit procédural. Le pouvoir d'appréciation dont il dispose est limité par le principe de l'égalité de traitement.
- De par leur nature, nombre de décisions de l'OEB concernent l'intérêt public. Aussi l'OEB doit-il toujours en tenir compte. Il s'ensuit donc que les décisions rendues dans le cadre d'une procédure ex parte sont également pertinentes aux fins de la présente espèce, car lorsqu'il prend en considération l'intérêt public, l'OEB est limité de la même manière que si deux parties ou plus avaient pris part à la procédure. Il échet par ailleurs de relever que l'article 9(1) du règlement relatif aux taxes ne fait aucune distinction entre les procédures ex parte et inter partes. En conséquence, la ratio decidendi de la décision J 13/90 (supra), selon laquelle l'OEB est tenu de prévenir la partie concernée si le délai en cours le permet, s'applique également en l'espèce.
- L'article 114 CBE prévoit que l'OEB doit procéder à l'examen d'office des faits. En outre, selon la règle 60(2) CBE, la procédure d'opposition peut être poursuivie après le retrait de l'opposition. Ces deux dispositions de la CBE montrent clairement que des actes formels ne portent pas atteinte au principe de la neutralité.
- Dans nombre de décisions, l'opposition a été jugée recevable, bien que l'OEB n'ait reçu la taxe d'opposition ou l'intégralité des pièces qu'après l'expiration du délai d'opposition, cf. en particulier G 5/88, G 7/88, G 8/88 (JO OEB 1991, 137), T 214/83 (JO OEB 1985, 10).
- Il est indiscutable que l'OEB doit être neutre lorsqu'il statue sur la nouveauté et l'évidence, qui sont des questions de fond. Toutefois, il ne porte pas atteinte à ce principe lorsqu'il prend certaines mesures touchant à la procédure. C'est la raison pour laquelle la décision J 13/90 (supra) était justifiée, car en prenant des mesures de nature procédurale l'OEB n'a pas manqué à son obligation de neutralité en ce qui concerne les questions de fond.
- Le principe de la bonne foi prime la neutralité de la division d'opposition. Aussi toutes les parties doivent-elles être traitées de la même manière, et ce qu'il s'agisse de l'opposant ou du titulaire du brevet.
- Dans la notification en date du 23 décembre 1993, il a été admis que dans l'intervalle de temps qui précédait l'expiration du délai d'opposition, l'OEB aurait pu prévenir l'opposant. Le fait que la division d'opposition en ait décidé autrement enfreint donc le principe tiré de la maxime "venire contra factum proprium".
- En outre, selon la décision T 231/85 (JO OEB 1989, 74), les parties peuvent se fier à ce que des pièces décisives soient transmises à l'instance concernée de l'OEB dans un délai de quelques jours suivant leur réception.
- La toute première personne qui s'est occupée des pièces de l'opposition pouvait aisément déceler que le montant acquitté était insuffisant, et ce d'autant plus qu'il était indiqué au point XI de l'acte d'opposition que seul un montant de 700 DEM avait été acquitté.
- La taxe a été acquittée par chèque. Le montant a été débité du compte du requérant le 20 août 1993. Cela signifie qu'en fait, l'OEB a traité auparavant le chèque et le formulaire correspondant afférent au paiement des taxes, soit au cours du délai d'opposition. L'OEB aurait donc pu aisément prévenir le requérant.
XV. Dans les moyens qu'il a présentés par écrit et au cours de la procédure orale devant la Chambre, l'intimé a essentiellement fait valoir les arguments suivants :
- Il ressort clairement du mot "peut" utilisé à l'article 9(1) du règlement relatif aux taxes que cette disposition confère une faculté. Elle n'oblige pas l'OEB à signaler en toutes circonstances à une partie qu'un montant n'a pas été acquitté dans son intégralité, mais se borne à lui permettre de le faire dans certaines circonstances.
- L'article 114 CBE autorise l'OEB à examiner les faits d'office, et la règle 60(2) CBE autorise la division d'opposition à poursuivre la procédure après le retrait de l'opposition. Ces dispositions permettent donc à l'OEB d'agir, le cas échéant, dans l'intérêt public. Elles sont toutefois muettes sur les obligations de l'OEB à l'égard d'un opposant potentiel qui n'a pas satisfait aux exigences de la CBE.
- Selon la règle 56 CBE, le paiement insuffisant et le non-paiement de la taxe d'opposition sont explicitement exclus des irrégularités qui doivent être portées à l'attention d'un opposant potentiel. En conséquence, l'OEB n'est pas tenu de prévenir ce dernier lorsque le montant acquitté au titre de la taxe d'opposition est insuffisant.
- Signaler à l'opposant l'insuffisance du montant acquitté au titre de la taxe d'opposition avantagerait l'opposant et désavantagerait le titulaire du brevet. Un tel avis porterait donc atteinte au principe fondamental de l'égalité de traitement des parties.
- Il est normal que l'OEB autorise une partie à corriger le paiement d'une taxe, lorsque l'erreur résulte d'un acte émanant de l'OEB. Or, en l'espèce, absolument rien ne suggère que l'OEB est à l'origine de l'erreur commise lors du paiement de la taxe.
- La décision J 13/90 (supra) a été rendue dans un contexte juridique entièrement différent. Ainsi, il est bien précisé au point 4 des motifs que l'irrégularité en question ressortait d'emblée d'une lettre reçue quatre semaines avant l'expiration du délai. Par conséquent et contrairement à la présente affaire, l'OEB avait eu suffisamment de temps pour signaler cette irrégularité. En outre, la décision J 13/90 (supra) n'enseigne pas que l'OEB est tenu d'émettre une notification à chaque fois qu'une perte de droits se produit. Elle est au contraire fondée sur le principe de la protection de la confiance légitime (tel qu'expliqué dans les décisions G 5/88, G 7/88 et G 8/88 [supra]) et énonce au point 5 de ses motifs que "l'OEB ne doit pas omettre d'accomplir un acte sur lequel la partie à la procédure était en droit de compter ...".
- Les Directives (D-IV 1.3.3), que connaissent bien tous les mandataires agréés, indiquent clairement que l'OEB n'est pas tenu de signaler à l'opposant que le montant acquitté au titre de la taxe d'opposition est insuffisant. En outre, elles précisent qu'il convient de ne pas compter sur l'établissement d'une telle notification. Une partie ne saurait donc légitimement s'attendre à être prévenue.
- La décision T 214/83 (supra) ne suggère en aucune façon que l'OEB est tenu de signaler à une partie le paiement insuffisant d'une taxe. Aussi est-elle dénuée de pertinence.
- Au point 3.3 des motifs de la décision T 690/93 (supra), la chambre a déclaré que rien ne permet de dire que le principe de la protection de la confiance légitime implique qu'il faille prévenir une partie des irrégularités qui relèvent de la responsabilité de cette partie. Par conséquent, vu que le paiement de la taxe d'opposition relève de la responsabilité du requérant, il n'était pas nécessaire de lui signaler qu'il n'avait pas acquitté l'intégralité de la taxe.
- En outre, il n'aurait pas été possible d'émettre un tel avis en l'espèce. En effet, le bulletin de paiement avait été établi le 19 août 1993 (soit le dernier jour du délai d'opposition). Etant donné que c'est à l'agent des formalités qu'il appartient de signaler l'insuffisance du montant acquitté, il est évident qu'il n'aurait pas été en mesure de le faire avant l'expiration du délai d'opposition.
- La décision T 231/85 (supra) n'a fixé aucun délai précis. En particulier, elle ne suggère en aucune façon qu'il convient de traiter certaines pièces avec une célérité particulière lorsqu'elles sont déposées peu avant l'expiration du délai, au cas où une partie à la procédure aurait commis une erreur.
- Il s'était écoulé seulement quatre jours ouvrables entre la réception de l'opposition et le traitement du chèque. Il est raisonnable de compter quelques jours supplémentaires pour envoyer le bulletin de paiement au service des formalités par le courrier interne et pour le traiter. Aussi, en l'espèce, les pièces avaient-elles été traitées avec toute l'efficacité à laquelle on pouvait raisonnablement s'attendre.
La notification de l'agent des formalités en date du 23 décembre 1993 (point VI supra) est dénuée de pertinence au regard des faits.
XVI. Le requérant a demandé que la décision entreprise soit annulée et que l'opposition I soit réputée recevable, et il a également requis la révocation du brevet européen n 0 303 746 ou le renvoi de l'affaire à la division d'opposition aux fins de poursuivre la procédure (requête principale).
A titre subsidiaire, le requérant a demandé que la question suivante soit soumise à la Grande Chambre de recours :
"Une opposition doit-elle être réputée valablement formée en vertu du principe général de la protection de la confiance légitime (principe de la bonne foi) lorsque :
- la taxe d'opposition n'a pas été acquittée dans son intégralité au cours du délai d'opposition, mais que le reliquat ne peut être considéré comme minime,
- l'OEB a disposé d'environ une semaine avant l'expiration du délai d'opposition pour signaler à l'opposant qu'il devait acquitter le reliquat, mais ne l'a pas prévenu de la perte de droit imminente à laquelle il devait s'attendre,
- le reliquat a été acquitté après réception d'une notification de l'OEB selon la règle 69(1) CBE, et que
- l'agent des formalités a établi une brève notification indiquant que la taxe d'opposition était réputée acquittée dans son intégralité conformément au principe de la bonne foi, eu égard à la décision J 13/90?"
L'intimé a demandé que le recours soit rejeté ou, si la Chambre juge l'opposition I recevable et admissible, que l'affaire soit renvoyée à la division d'opposition pour suite à donner.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Le requérant a requis une décision de l'OEB, conformément à la règle 69(2) CBE, première phrase. Par notification en date du 23 décembre 1993, il a été avisé au sens de la règle 69(2) CBE, deuxième phrase par un agent des formalités de la division d'opposition. Or, un tel acte ne fait pas partie des tâches confiées aux agents des formalités des divisions d'opposition en vertu des pouvoirs transférés au Vice-Président en charge de la Direction générale 2 de l'OEB par décision du Président de l'OEB en date du 6 mars 1979, conformément à la règle 9(3) CBE (cf. Communiqué en date du 15 juin 1984, tel que révisé et complété le 1er février 1989 [JO OEB 1984, 319; 1989, 178], point 4), ce que le requérant était censé savoir.
En outre, le comportement de la division d'opposition n'a en aucune façon laissé entendre que l'opposition I était réputée formée. En effet, elle n'a pas contesté l'avis et les arguments exposés par l'intimé dans sa lettre du 26 mai 1994, selon laquelle l'opposition I devait été jugée irrecevable. En outre, la division d'opposition s'est abstenue d'examiner l'opposition I quant au fond et rien, objectivement parlant, ne suggérait le contraire.
Il s'ensuit que le requérant n'était pas fondé à se fier à la notification en date du 23 décembre 1993, selon laquelle il ne s'était produit aucune perte de droits. Le fait que la division d'opposition en ait décidé autrement n'a donc pas enfreint le principe généralement admis tiré de la maxime "venire contra factum proprium".
3. En application de l'article 9(1) du règlement relatif aux taxes, un délai de paiement n'est, en principe, considéré comme respecté que si la totalité du montant de la taxe a été payée dans le délai prévu. Toutefois, la quatrième phrase de cette disposition permet à l'OEB, si cela paraît justifié, de ne pas tenir compte des parties minimes non encore payées de la taxe, sans qu'il en résulte pour autant une perte de droits pour la personne qui a effectué le paiement.
Il est justifié de ne pas tenir compte d'un montant non encore payé d'un peu plus de 10% (cf. T 130/82 [JO OEB 1984, 172], J 11/85 [JO OEB 1986, 1]). En outre, dans le cas où une partie acquittant des taxes cherche par erreur à bénéficier de la réduction de 20% qui peut être accordée au titre de l'article 14(2) et (4) CBE, conformément à la règle 6(3) CBE et à l'article 12(1) du règlement relatif aux taxes, un montant impayé de 20% au plus peut être considéré comme minime au sens de l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes (cf. J 27/92 [supra]). A l'inverse, un montant impayé de plus de 40%, comme en l'espèce, ne saurait être considéré comme un montant minime dont l'OEB peut ne pas tenir compte, au sens de l'article 9(1), quatrième phrase du règlement relatif aux taxes.
Il s'ensuit donc que le délai de paiement de la taxe d'opposition n'est pas considéré comme ayant été respecté par le requérant.
4. Au cours du délai d'opposition, la division d'opposition n'a accompli aucun acte susceptible d'être mal compris par le requérant et ainsi de conduire à la présente perte de droits. Il se pose toutefois la question de savoir si la division d'opposition a omis d'accomplir des actes sur lesquels le requérant pouvait légitimement compter et qui auraient permis d'éviter ladite perte de droits.
La réponse à cette question dépend essentiellement de la définition des exigences liées au principe de la bonne foi que l'OEB est tenu d'observer, ces exigences étant les mêmes à l'égard de toutes les parties à la procédure devant l'OEB, qu'il s'agisse du demandeur, du titulaire du brevet ou de l'opposant.
5. La jurisprudence des chambres de recours n'est pas uniforme quant à ces exigences. Ainsi, il a été estimé dans la décision J 13/90 (supra) que le principe de la bonne foi implique que l'OEB signale à la partie concernée toute perte de droit imminente, s'il s'agit d'une irrégularité facile à déceler et s'il peut encore y être remédié dans le délai prescrit, tandis que la décision T 690/93 (supra) énonce que rien ne permet de dire que le principe de la bonne foi implique qu'il faille prévenir une partie des irrégularités qui relèvent de la responsabilité de cette partie.
6. Selon les motifs essentiels de la décision T 690/93 (supra), la division d'opposition n'est pas tenue de signaler au requérant que la taxe d'opposition n'a pas été acquittée dans son intégralité, car il s'agit clairement d'une irrégularité qui relève de la responsabilité du requérant.
7. Il se pose encore la question de savoir si, sur la base des motifs essentiels de la décision J 13/90 (supra), une telle obligation existe en l'espèce. Il convient à cet égard de prendre en considération ce qui suit :
Dans le cadre des responsabilités de la division d'opposition, l'agent des formalités de la division d'opposition est chargé d'envoyer à l'opposant des notifications relatives aux irrégularités visées à la règle 56(1) CBE (cf. communiqué [point 2 supra], point 5), en particulier dans le cas où l'opposition n'est pas conforme aux dispositions de l'article 99(1) CBE, troisième phrase. En conséquence, tout avis signalant que la taxe d'opposition n'a pas été acquittée dans son intégralité devrait être établi soit par l'agent des formalités de la division d'opposition, soit pas la division d'opposition elle-même (cf. communiqué [point 2 supra], dernière phrase).
Selon la décision J 13/90 (supra), une partie doit être prévenue d'une perte de droits imminente, si l'irrégularité est facile à déceler et si la partie peut encore y remédier en temps voulu. A supposer que le paiement d'un montant insuffisant au titre de la taxe d'opposition, qui est uniquement dû à une irrégularité relevant de la responsabilité de l'opposant concerné, puisse fonder une telle obligation, les exigences susmentionnées impliqueraient nécessairement, selon la Chambre, que :
(i) l'agent des formalités de la division d'opposition ait reçu durant le délai d'opposition un bulletin de paiement du service Trésorerie et comptabilité, indiquant que la taxe n'a pas été payée dans son intégralité;
(ii) il soit objectivement exclu que l'opposant acquitte de sa propre initiative le reliquat avant la fin du délai d'opposition; et que
(iii) l'opposant soit encore en mesure d'acquitter le reliquat dans le délai d'opposition.
Au vu des faits à la base de la décision J 13/90 (supra), l'irrégularité était aisément décelable en temps voulu, parce que la partie concernée a clairement indiqué bien avant l'expiration du délai prévu à l'article 122(2) CBE, première phrase, que l'acte omis ne serait pas accompli dans ledit délai, comme le requiert l'article 122(2) CBE, deuxième phrase.
En revanche, dans la présente affaire, l'irrégularité n'était pas aisément décelable. L'agent des formalités de la division d'opposition n'avait reçu le bulletin de paiement du service Trésorerie et comptabilité qu'après l'expiration du délai d'opposition. De plus, la remarque figurant au point XI du formulaire EPO Form 2300 ne saurait être assimilée, en termes de valeur probante, à un bulletin de paiement émis par le service Trésorerie et comptabilité.
Enfin, elle ne pouvait être objectivement interprétée comme excluant la possibilité que le requérant acquittât le reliquat de sa propre initiative avant l'expiration du délai d'opposition, d'autant qu'il y avait lieu de supposer que le requérant était censé faire preuve de toute la vigilance nécessitée par les circonstances.
Il résulte de ce qui précède que même si l'on se fonde sur la ratio decidendi de la décision J 13/90 (supra), la division d'opposition n'était pas tenue de signaler au requérant que la taxe d'opposition n'avait pas été acquittée dans son intégralité.
8. Les deux bureaux de réception de l'OEB à Munich reçoivent en moyenne entre 1 800 et 2 500 documents par jour. Il faut apposer une date sur ces documents et les trier, envoyer les chèques et les timbres fiscaux au service Trésorerie et comptabilité, et les autres documents aux agents des formalités. Ensuite, le service Trésorerie et comptabilité doit trier et traiter les chèques ainsi que les timbres fiscaux, puis établir les bulletins de paiement correspondants, lesquels devront enfin être envoyés par le courrier interne aux agents des formalités.
Au vu de ces faits, il est évident qu'en l'espèce, le chèque en question a été traité avec toute l'efficacité à laquelle on pouvait raisonnablement s'attendre. En effet, le service Trésorerie et comptabilité a établi le bulletin de paiement cinq jours ouvrables seulement après réception du chèque, et l'agent des formalités l'a reçu deux jours ouvrables après.
9. Les décisions G 5/88, G 7/88 et G 8/88 (supra), ainsi que T 214/83 (supra) et T 231/85 (supra) citées par le requérant ne portaient pas sur la question de l'insuffisance du paiement d'une taxe et de l'éventuelle perte de droits susceptible d'en résulter. Aussi ne sont-elles pas pertinentes en l'espèce.
10. Il s'ensuit que la division d'opposition n'a pas manqué à son obligation d'agir conformément au principe de la bonne foi. En effet, elle n'était pas tenue de signaler au requérant que la taxe d'opposition n'avait pas été acquittée dans son intégralité (cf. points 6 et 7 supra) et elle n'a donc pas omis d'accomplir au cours du délai d'opposition des actes auxquels le requérant pouvait légitimement s'attendre, et qui auraient permis d'éviter la présente perte de droits (cf. point 4 supra). En outre, le requérant n'était pas fondé à se frier à la notification en date du 23 décembre 1993, selon laquelle il ne s'était produit aucune perte de droits (cf. point 2 supra).
En conséquence, le paiement du reliquat de la taxe d'opposition, qui a été effectué le 21 septembre 1993, ne peut pas, par application du principe de la bonne foi, être considéré comme ayant été effectué en temps utile. Aussi le délai de paiement de la taxe d'opposition est-il considéré comme n'ayant pas été respecté par le requérant (cf. point 3 supra), de sorte que l'opposition I est réputée non formée, conformément à l'article 99(1) CBE, troisième phrase. Il convient donc de rejeter la requête principale du requérant.
11. En vertu de l'article 112(1) CBE, la Grande Chambre de recours peut uniquement être saisie de questions relatives à un point de droit particulier et non de questions portant sur des cas individuels et qui ne peuvent être examinées indépendamment des faits auxquels elles se rattachent (cf. décision T 162/82 [JO OEB 1987, 533], point 16 des motifs; décision intermédiaire T 184/91 en date du 25 octobre 1991, non publiée). Etant donné que, selon la Chambre, la question à soumettre à la Grande Chambre de recours, conformément à la requête subsidiaire du requérant, porte sur la présente espèce et qu'elle ne peut donc pas être examinée indépendamment des faits qui lui sont propres, il y a également lieu de rejeter cette requête.
12. Une opposition réputée non formée n'existe pas. Une opposition inexistante ne saurait être irrecevable, comme l'a estimé la division d'opposition. En conséquence, il convient d'annuler la décision entreprise concernant l'opposition I. En outre, le montant acquitté au titre de l'opposition I (1 200 DEM) doit être remboursé, car il a été payé pour une opposition inexistante.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision entreprise de rejeter l'opposition I pour irrecevabilité est annulée.
2. L'opposition I est réputée ne pas avoir été formée.
3. Il est ordonné le remboursement de la taxe acquittée pour l'opposition I (soit 1 200 DEM).
4. La requête en saisine de la Grande Chambre de recours est rejetée.