J 0004/91 (Délai supplémentaire - taxe annuelle) 22-10-1991
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1. Lors du calcul du délai de six mois prévu à l'article 86(2) CBE pour le paiement d'une taxe annuelle assortie d'une surtaxe, il y a lieu d'appliquer "mutatis mutandis" la règle 83(4) CBE en se fondant à cet effet sur la règle 37(1) CBE, première phrase, ce qui signifie que le délai de six mois n'expire pas, au cours du sixième mois suivant, le jour qui correspond par son "quantième" à l'échéance au sens de la règle 37(1) CBE, première phrase, mais le jour qui, en tant que "dernier jour du mois", est assimilé à l'échéance. Compte tenu des dispositions de la règle 37(1) CBE, première phrase, l'application de la règle 83(4) au calcul du délai supplémentaire visé à l'article 86(2) CBE conduit à calculer ce délai "de dernier jour en dernier jour" (divergence par rapport à la décision J 31/89 en date du 31 octobre 1989, non publiée).
2. Le renseignement de nature juridique n° 5/80 relatif au "calcul des délais composés" (JO OEB 1980, 149) n'est pas applicable pour le calcul de la date de départ du délai supplémentaire prévu à l'article 86(2) CBE : ce délai commence à courir le dernier jour du mois visé à la règle 37(1) CBE, première phrase, même si ce jour-là l'on se trouve dans l'un des cas visés par la règle 85, paragraphes 1, 2 et 4 CBE. Par conséquent, si une telle situation se produit au début du délai de six mois, l'expiration de ce délai aura toujours lieu à la fin du sixième mois et ne sera pas reportée au septième.
Délai supplémentaire pour le paiement de la taxe annuelle - calcul
Renseignement de nature juridique n° 5/80 non applicable au cas visé à l'article 86(2) CBE
Exposé des faits et conclusions
I. Dans le cas de la demande de brevet européen n° 87 301 564.8, déposée le 24 février 1987, la taxe annuelle due pour la troisième année est venue à échéance le mardi 28 février 1989, en application de la règle 37(1) CBE, mais elle n'a été acquittée que le jeudi 31 août 1989, en même temps que la surtaxe prévue à l'article 86(2) CBE. Une requête en restitutio in integrum formulée au titre de l'article 122 CBE a été rejetée comme irrecevable par décision de la section de dépôt de l'OEB en date du 6 décembre 1990, au motif qu'elle n'avait pas été présentée dans le délai de deux mois fixé à l'article 122(2) CBE.
II. Le demandeur a formé un recours contre cette décision le 4 février 1991. La taxe de recours a été versée le 10 février et le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé le 10 avril.
III. Lors de la procédure orale du 20 juin 1991, le requérant a demandé 1°) que la décision attaquée soit annulée, 2°) qu'il soit reconnu que la taxe annuelle et la surtaxe avaient été acquittées dans les délais. A titre subsidiaire, il a demandé, au cas où sa demande 2°) susmentionnée serait rejetée, 3°) qu'il soit fait droit à sa requête en restitutio in integrum.
IV. Au cours de la procédure orale, le requérant a produit une étude qui tendait à démontrer que si l'on appliquait correctement l'article 86(2) ensemble la règle 37(1) CBE, son paiement du 31 août 1989 devait être considéré comme ayant été effectué dans les délais. Selon cette étude, l'unité de temps sur laquelle se fonde le système de calcul des échéances des taxes annuelles n'est pas le jour, mais le mois civil. Par conséquent, tant que l'unité de temps considérée n'est pas écoulée, il est toujours possible d'acquitter le montant dû. Le délai de six mois prévu à l'article 86(2) CBE court donc de fin de mois en fin de mois, quel que soit le quantième du dernier jour du mois. En revanche, dans le système instauré par la règle 83(4) CBE, le délai peut débuter n'importe quel jour du mois, et il expire en conséquence le jour ayant le même quantième. Dans ce système, c'est le "jour" qui est considéré comme la plus petite unité de temps pouvant servir de référence pour la détermination de la date d'expiration du délai, alors que selon la règle 37(1) CBE, la plus petite unité de temps est toujours le mois écoulé en tant que tel. La règle 83 n'est pas donc pas applicable. Elle est d'ailleurs superflue, car la règle 37(1) et l'article 86(2) CBE prévoient un système de délais qui se suffit à lui-même.
V. Le requérant a accepté par écrit que la présente décision soit rédigée en allemand (même cas que dans la décision J 18/90 du 22 mars 1991, cf. point II du sommaire et point 1 des motifs - cette décision va être publiée).
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Expiration du délai supplémentaire prévu à l'article 86(2) CBE La décision relative à la requête principale dépend de la question de savoir si, pour pouvoir être considérée comme ayant été acquittée dans les délais, la taxe annuelle venue à échéance fin février 1989 en vertu de la règle 37(1) CBE devait être payée le 28 août au plus tard, en même temps que la surtaxe prévue à l'article 86(2) CBE, ou s'il suffisait que la taxe et la surtaxe soient acquittées d'ici la fin du mois d'août, autrement dit le 31 août.
2.1 Méthode suivie jusqu'à présent pour le calcul du délai supplémentaire Dans la pratique de l'Office, dans la doctrine et dans la jurisprudence de la chambre de recours juridique, le délai supplémentaire prévu à l'article 86(2) CBE a jusqu'à présent été calculé de la manière suivante : l'on commence dans chaque cas par déterminer quel était le quantième (number - Zahl) de la date d'échéance à la fin du mois de la date anniversaire du dépôt de la demande. Ensuite, en application de la règle 83(4), l'expiration du délai est fixée au jour du sixième mois suivant "ayant le même quantième" que celui qui a ainsi été déterminé. Pour ce qui est de la pratique suivie par l'Office, à l'exception d'un seul exemple donné sans commentaires dans un avis de l'Office, il ne semble pas y avoir eu à ce sujet de déclaration officielle particulière. Dans l'exemple en question, figurant dans un avis publié dans le JO OEB 1980, 102, les six mois sont calculés du "30 juin" au "30 décembre" (et non pas du "30 juin" au "31 décembre"). Dans la doctrine, l'on parle d'un "délai raccourci" (Gall dans "Mitteilungen der Deutschen Patentanwälte", 1988, 135, 137 et 1991, 137, 138 ; cf. également le Münchener Gemeinschaftskommentar, ad. art. 86 CBE, notamment le point 92). La Chambre de recours juridique a repris ce mode de calcul dans sa décision J 31/89 - Beaver en date du 31 octobre 1989 (non publiée). Toutefois, pour justifier sa décision, la Chambre s'est bornée à signaler la "clarté" des dispositions pertinentes.
2.2 Conséquences découlant de l'interprétation littérale d'un texte apparemment sans équivoque
Parmi les douze combinaisons de mois possibles, cinq (fév./août - avr./oct. - juin/déc. - sept./mars - nov./mai) conduisent, selon la méthode appliquée jusqu'à présent, à un "raccourcissement du délai", susceptible dans 42 % des cas de mettre en péril le paiement des taxes annuelles.
Bien que peu utilisé au début de la durée du brevet, ce délai revêt une importance considérable. En effet, il y est fait de plus en plus appel lorsque des doutes surgissent quant à la valeur économique de l'invention ou à sa brevetabilité. C'est là en fin de compte un délai qui peut être important pour presque toutes les demandes de brevets et presque tous les brevets. Ce délai viendra tôt ou tard à courir pour la plupart des demandes de brevet et des brevets - qu'il en soit fait usage ou non. Actuellement, l'OEB doit déjà faire face à un volume important de demandes de brevet européen en instance, auquel viendra s'ajouter à l'avenir l'administration des brevets communautaires. La règle 37(1) CBE sera également d'application pour ces derniers (cf. règle 11 du règlement d'exécution de la Convention sur le brevet communautaire de 1989). Selon l'interprétation qui a été donnée jusqu'à présent des dispositions existant en la matière, il faudrait considérer que pour bon nombre de demandes de brevet européen en instance et de brevets communautaires dont l'administration incombera à l'avenir à l'OEB, le délai supplémentaire expire ainsi avant la fin du sixième mois. Toutes les demandes ou tous les brevets dont la date de dépôt tombe - par un fait du hasard - en février, avril, juin, septembre ou novembre seraient ainsi touchés, ceci pour toute leur durée. Pour les autres, en revanche, la fin du délai tombera le dernier jour du mois, tout comme le début du délai. Vu les conséquences qu'entraîne cette interprétation, il semble justifié de vérifier si l'on peut continuer à s'en tenir à une interprétation littérale ou purement grammaticale. 2.3 Fondements juridiques de l'interprétation donnée des dispositions concernées Il est impossible ici d'élaborer une théorie concernant l'interprétation à donner de la Convention sur le brevet européen. Du point de vue du droit unitaire européen, il conviendra d'une manière générale de se référer à Zuleeg, "Europarecht", 1969, 97 ainsi qu'à Kutscher et Dumont, dans les comptes rendus d'un colloque sur les méthodes d'interprétation qui s'est tenu les 27 et 28 septembre 1976 à Luxembourg (comptes rendus publiés par la Cour de justice des Communautés européennes). En ce qui concerne plus particulièrement la Convention sur le brevet européen, il y aura lieu de se reporter à Singer, EPÜ, "Vorbemerkung", p. 9 à 12, ainsi qu'aux nombreuses citations figurant dans cette note. Pour la présente décision, il convient avant tout de voir quelle importance il y a lieu d'attacher aux "Travaux préparatoires", et d'examiner le principe du "sens clair" et de l'interprétation "téléologique" (apparenté au principe de "l'effet utile" et de la "purposive construction").
2.4 Lettre des dispositions et travaux préparatoires
2.4.1 Vu qu'il ne s'agit pas d'appliquer isolément la règle 83(4), mais de l'interpréter à partir de la règle 37(1) CBE, l'interprétation purement littérale commence à devenir douteuse dès qu'on l'associe à une interprétation du sens véritable. La règle 83 comporte des dispositions relatives au calcul des délais comme il en existe dans le droit civil et dans le droit procédural de nombreux pays ainsi que dans le PCT, à la règle 80.2. Comme dans ces textes, il est considéré à la règle 83 CBE que le délai commence à courir un jour donné faisant partie d'une suite de jours consécutifs. Le jour où le délai commence à courir est cependant déjà déterminé par le contexte dans lequel il s'inscrit : si le délai est calculé en semaines, il s'agit d'un jour de la semaine ; si le délai est calculé en mois, il s'agit d'un jour ayant un certain quantième. Par conséquent, la règle 83 CBE elle-même implique déjà une définition différenciée du jour qui marque le début du délai, selon le contexte dans lequel ce jour s'insère. Or, à la règle 37(1) CBE, ce jour est défini comme étant "le dernier jour du mois". Contrairement à l'interprétation qui a prévalu jusqu'à présent, il n'est donc pas évident qu'il faille "attribuer" d'emblée au jour d'échéance visé à la règle 37(1) CBE un quantième qui ne revêt plus d'importance pour l'application de la règle 37(1) CBE. Par conséquent, une analyse critique de la lettre des dispositions en question suscite déjà des doutes, qui ouvrent la porte à une interprétation.
2.4.2 Il ressort également des "Travaux préparatoires" qu'appliquée au cas visé à la règle 37(1) CBE, la règle 83(4) appelle une interprétation : l'avant-projet 1962/64 et le règlement d'exécution correspondant ne comportent aucune disposition fondée sur la notion de "fin de mois". D'après ce document (art. 120), la taxe annuelle venait à échéance au contraire "avant le début" de l'année brevet, c'est-à-dire la veille du "jour anniversaire" du dépôt. Ce jour pouvait tomber n'importe quel jour du mois. Il y avait déjà à l'époque des règles correspondant aux règles 83 et 85 CBE actuelles. Elles ne posaient aucun problème d'application étant donné justement que l'échéance pouvait tomber n'importe quel jour du mois. Or en novembre 1969, le groupe de travail I de la Conférence intergouvernementale de Luxembourg (Doc. BR/12/69 du 18 décembre 1969, p. 38, point 79) a décidé "de fixer les échéances au dernier jour de chaque mois en en limitant le nombre, pour faciliter ainsi le travail administratif." Nulle part dans les documents ultérieurs il n'est apporté de précision supplémentaire à ce sujet. L'on peut néanmoins tirer certaines conclusions de cette évolution de la rédaction des dispositions concernées. Les articles 129 à 131 de ce qu'il a été convenu d'appeler le "deuxième avant-projet de 1971" instauraient un système autonome de règles concernant les taxes annuelles. Le paragraphe 1 de l'article 130 "Echéance" ("Payment of renewal fees" - "Fälligkeit") correspond à la règle 37(1), première phrase CBE, et son paragraphe 2 à l'article 86(2) CBE. Le règlement d'exécution comportait également à l'époque les dispositions générales susmentionnées relatives au calcul des délais, dispositions qui correspondent au texte actuel des règles 83 et 85 CBE. Toutefois, dans le cas de l'article 130 intitulé "Echéance", il est difficile de penser que lorsque l'on passait de l'application du paragraphe 1 à celle du paragraphe 2 de cet article, la règle 83(4) CBE devait avoir pour effet dans 42 % des cas de "raccourcir" le délai, même si dans 58 % des cas l'échéance tombait encore à la "fin du mois". On ne peut considérer que cet article 130 intitulé "Echéance" pose en principe au paragraphe 1 que l'échéance tombe le dernier jour du mois, et prévoie ensuite au paragraphe 2 un délai supplémentaire auquel ce principe n'est plus applicable dans près de la moitié des cas. Il est donc permis d'émettre tout au moins l'hypothèse selon laquelle l'article 130 intitulé "Echéance" a été conçu comme se suffisant à lui-même, c'est-à-dire comme constituant une "lex specialis", dans laquelle la "lex generalis" de la règle 83(4) ne pouvait s'appliquer que par analogie, sans faire intervenir de jours "numérotés", ce qui revient à dire qu'il y a lieu de considérer que l'échéance prise comme point de départ du délai était caractérisée comme tombant le "dernier jour du mois". Par la suite, lorsque les dispositions de l'avant-projet ont été scindées en Convention et règlement d'exécution, l'article 130(2) est devenu l'actuel article 86(2) CBE, car l'on a ici affaire à une disposition de droit international (article 5bis de la Convention de Paris). En revanche, le paragraphe 1 de l'ancien article 130 a été repris dans la règle 37(1), première phrase du règlement d'exécution, vu qu'il s'agit dans ce cas d'une disposition d'ordre administratif qui doit pouvoir être facilement modifiée. La scission sur le plan rédactionnel des dispositions jadis réunies dans l'ancien article 130 sous l'intitulé "Echéance" ne tient nullement à une décision qui aurait été prise pour le calcul du délai supplémentaire prévu à l'article 86(2) CBE.
2.5 Le principe du "sens clair" appliqué aux règles 37(1) et 83(4) CBE
2.5.1 L'adage "in claris non fit interpretatio" remonte déjà au droit romain. Il correspond, dans la jurisprudence des cours internationales, au principe du "sens clair", selon lequel un "texte dont le sens est clair" ne laisse aucune place à l'interprétation (cf. aussi à ce sujet Zuleeg, op. cit. et Bruchhausen dans GRUR Int. 1983, 205, 209).
2.5.2 Il convient certes de suivre le principe du "sens clair" dans la mesure où il convient de se conformer à la volonté du législateur, lorsqu'elle est clairement exprimée. Cela ne signifie pas toutefois qu'il faille renoncer à une interprétation fonctionnelle de ces dispositions, faisant appel à la "ratio legis" (cf. Zuleeg, op. cit., avec des références à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes). Cette "ratio legis", c'était la volonté en l'occurrence (cf. point 2.4.2 ci-dessus) de "fixer les échéances au dernier jour de chaque mois en en limitant le nombre". Il n'y a aucune raison de supposer que ceci visait uniquement l'échéance correspondant au début du délai et non pas également l'échéance correspondant à la fin du délai. Il aurait été facile de définir ces deux échéances de la même façon en rédigeant autrement la règle 37(1) CBE. Il aurait fallu se référer, non pas au "dernier jour du mois", mais au "premier jour du mois suivant (le septième)". L'application à la lettre de la règle 83(4) CBE n'aurait alors posé aucun problème, alors que les dispositions actuelles risquent semble-t- il d'entraîner un "raccourcissement du délai" dans 42 % des cas. Il est exclu qu'une telle conséquence ait été voulue par les auteurs de la Convention. Elle serait en contradiction avec l'objectif poursuivi qui est de faciliter le travail administratif, faciliter devant ici être compris dans le sens d'une simplification du travail administratif apportée dans l'intérêt de la sécurité juridique. Force est donc de conclure que les auteurs de la Convention ne se sont pas rendu compte des conséquences que le libellé choisi pouvait avoir au niveau de la Convention ou - ce qui est plus probable - qu'ils considéraient que le régime du dernier jour du mois vaudrait par analogie lors de l'application de la règle 83(4) CBE.
2.6 L'interprétation téléologique
Il existe donc deux façons d'appliquer la règle 83(4) en liaison avec la règle 37(1) CBE, soit que l'on se réfère au "quantième" du dernier jour du mois précédent, soit que l'on considère qu'il s'agit du "dernier" jour du mois, définition ayant pour fonction de faciliter le travail administratif. L'on peut supposer en cet égard qu'il n'entrait pas dans les intentions des auteurs de la Convention d'appliquer au délai supplémentaire visé à l'article 86(2) CBE, qui est un délai important correspondant à celui déjà prévu dans la Convention de Paris, un système d'échéances dans lequel l'échéance tomberait à la fin du mois dans 58 % des cas, tandis que dans 42 % des cas il se produirait un raccourcissement du délai. Un tel système risque d'occasionner maintes erreurs et d'entraîner de nombreuses pertes de droits pour les demandeurs et les titulaires de brevets.
Par conséquent, la Chambre estime que les dispositions concernées ne sont pas "claires" au point de ne laisser aucune place à l'interprétation. Retenant les règles de l'interprétation téléologique, elle peut donc choisir l'interprétation qui correspond le mieux à ce qui apparaît comme étant la "ratio legis", à savoir choisir la solution qui permet une "simplification du travail administratif dans l'intérêt de la sécurité juridique des demandeurs". Cette méthode d'interprétation correspond d'ailleurs en gros à l'interprétation dite de "l'effet utile", ou "purposive construction" (cf. à ce sujet les documents cités au point 2.3).
2.7 Résultat auquel conduit l'interprétation de la règle 83(4) considérée en liaison avec la règle 37(1), première phrase CBE Le principe posé aussi bien au paragraphe 3 qu'au paragraphe 4 de la règle 83 CBE est que l'on part d'un jour défini par son "nom" ou son "quantième" pour déterminer le jour d'échéance qui lui "correspond". Or la règle 37(1) CBE mentionne comme jour d'échéance le "dernier jour du mois". Par conséquent, on est amené pour calculer le délai supplémentaire visé à l'article 86(2) CBE à appliquer "mutatis mutandis" la règle 83(4). Le fait que la règle 37(1), première phrase et l'article 86(2) CBE ont comme origine commune l'ancien article 130 intitulé "Echéance" du second avant-projet de 1971 plaide en faveur d'une telle interprétation. Par conséquent, contrairement à ce qui avait été déclaré dans la décision J 31/89 en date du 31 octobre 1989 (non publiée), la Chambre en arrive à la conclusion suivante : Lors du calcul du délai de six mois prévu à l'article 86(2) CBE pour le paiement d'une taxe annuelle assortie d'une surtaxe, il y a lieu d'appliquer "mutatis mutandis" la règle 83(4) CBE, en se fondant à cet effet sur les dispositions de la règle 37(1) CBE, première phrase, ce qui signifie que le délai de six mois n'expire pas, au cours du sixième mois suivant, le jour qui correspond par son "quantième" à l'échéance au sens de la règle 37(1) CBE, première phrase, mais le jour qui, en tant que "dernier jour du mois", est assimilé à l'échéance. Compte tenu des dispositions de la règle 37(1) CBE, première phrase, l'application de la règle 83(4) au calcul du délai supplémentaire visé à l'article 86(2) CBE conduit à considérer ce délai comme courant de "dernier jour en dernier jour". 2.8 Comment replacer cette conclusion dans le contexte général de la Convention - interprétation systématique des règles de droit Les méthodes d'interprétation utilisées ne doivent pas aller à l'encontre d'une interprétation systématique des règles de droit de la Convention. Il convient d'examiner à cet effet les dispositions de la Convention régissant d'autres cas dans lesquels il s'agit de déterminer la date d'expiration des délais prévus pour le paiement de taxes annuelles. 2.8.1 Il convient tout d'abord de passer en revue les dispositions régissant 1) le délai prévu à la règle 104ter(1)e) CBE pour le paiement de la taxe annuelle due pour la troisième année, lors de l'entrée d'une demande euro-PCT dans la phase régionale auprès de l'OEB ; 2) le délai prévu à la règle 37(3) CBE pour le paiement de taxes annuelles afférentes aux années antérieures dans le cas des demandes divisionnaires ; 3) le délai visé à l'article 141 CBE pour les brevets européens passés du domaine européen au domaine national. Dans ces cas, il s'agit de dispositions spéciales applicables aux premiers paiements de taxes annuelles lors de l'entrée dans un nouveau système, ce qui exige forcément que l'on s'écarte du calcul des délais par référence au dernier jour du mois. Ces cas particuliers ne font donc nullement obstacle à l'interprétation proposée plus haut. 2.8.2 Il convient toutefois de ne pas oublier non plus une autre réglementation susceptible de constituer une dérogation au régime du dernier jour, à savoir celle figurant dans le renseignement de nature juridique n° 5/80 relatif aux "délais composés" (JO OEB 1980, 149). Dans ce texte (à la page 152), il est indiqué plutôt incidemment que les principes énoncés dans ledit renseignement de nature juridique sont en outre applicables au calcul du délai supplémentaire prévu à l'article 86(2) CBE. Par conséquent, selon ce renseignement, ce délai supplémentaire ne commence pas à courir "le dernier jour" du mois, si l'on se trouve dans l'un des cas visés à la règle 85, paragraphes 1, 2 et 4 CBE, car en pareille hypothèse, le délai supplémentaire n'expire plus à la fin du sixième mois : son expiration est reportée au septième mois, et l'on pourrait alors tomber dans l'erreur qui consisterait à appliquer à nouveau à ce septième mois le principe du dernier jour (cf. affaire J 17/90). Bien qu'en l'occurrence il n'y ait pas lieu de reporter l'échéance au septième mois, l'examen de cette question ne constitue pas un "obiter dictum". En effet, dès lors que l'on s'écarte de l'interprétation littérale de la règle 83(4) CBE, il y a lieu également de faire intervenir des considérations d'ordre systématique. S'agissant de l'interprétation de la règle 83(4), il importe en outre de ne pas ignorer les incidences de la règle 85 sur le mode de calcul du délai défini par cette règle 83(4).
3. Possibilité d'appliquer au délai supplémentaire prévu à l'article 86(2) CBE le renseignement de nature juridique n° 5/80 relatif au calcul des délais composés (JO OEB 1980, 149 à 152)
3.1 L'on notera à propos de la genèse du renseignement de nature juridique n° 5/80 qu'il a été élaboré pour l'application des anciennes règles 85bis, 85ter et 104ter(1) CBE, lesquelles ont depuis été à ce point modifiées que le renseignement précité n'est plus applicable qu'à la règle 85bis(2) CBE. Le délai supplémentaire prévu à l'article 86(2) CBE n'est mentionné qu'en passant dans ce renseignement, qui concernait surtout l'application des règles précitées dans leur version antérieure. A l'origine, il avait fallu, lors de l'instauration de ces délais supplémentaires, tenir compte du délai pour la requête en examen (règle 85ter CBE). L'on a voulu à cet égard instaurer un délai supplémentaire qui offre une possibilité de remède juridique d'un type particulier, et non un délai supplémentaire pouvant être interprété comme une prorogation du délai prévu pour la requête en examen. D'où la formulation "dans un délai supplémentaire de ... à compter de l'expiration du délai ...". Le renseignement de nature juridique visait donc à définir un mode de calcul d'un délai qui ne commence à courir qu'à "compter de l'expiration" d'un autre délai. La chambre de recours juridique n'a pas contesté l'applicabilité du renseignement de nature juridique aux délais visés par les règles antérieures (J 9/82, JO OEB 1983, 57 ; J 14/86, JO OEB 1988, 85) ; elle n'avait en effet aucune raison de le faire.
3.2 Dans la présente espèce, il suffit d'examiner si, comme il l'indique incidemment, le renseignement de nature juridique est effectivement applicable au délai supplémentaire prévu à l'article 86(2) CBE. Dans la présente affaire, il ne s'agit pas, comme dans les règles susmentionnées, d'un délai supplémentaire qui commence à courir à l'expiration d'un délai antérieur, mais d'un "délai de grâce" ("Schonfrist" - "period of grace") qui commence à courir à compter de l'échéance visée à la règle 37(1) CBE. Si cette échéance tombe un samedi ou un dimanche, les taxes dont le paiement a effectivement été reçu le jour ouvrable suivant ne doivent pas être assorties d'une surtaxe. De l'avis général, la règle 85(1) CBE est applicable par analogie dans un tel cas, ce qui est effectivement correct, bien que, si l'on s'en tient strictement à la lettre, elle ne puisse jouer en l'occurrence : une "échéance" ne saurait constituer un "délai" susceptible d'être "prorogé". Certes, la règle 85 CBE, comme il est dit plus haut, est applicable lorsque le paiement est effectué le jour ouvrable suivant un week-end ou un jour férié ou la fin d'une grève postale ou d'une perturbation dans le fonctionnement normal de l'Office européen des brevets, mais cela ne signifie nullement que l'échéance soit "reportée". La règle 85 CBE vise les cas où l'OEB ne peut recevoir de paiements ou de dépôts de pièces en raison de la fermeture de l'Office le week-end ou les jours fériés (paragraphe 1), d'une interruption de la distribution du courrier (paragraphe 2) ou d'une perturbation survenue dans le fonctionnement normal de l'Office européen des brevets (paragraphe 4). Certes, la règle 85 CBE prévoit littéralement que dans ces cas le délai "est prorogé", mais la prorogation n'intervient pas alors automatiquement : une autre condition indispensable pour que cette règle puisse s'appliquer est qu'il ait été effectivement tenté d'effectuer un paiement ou de déposer des pièces pendant que se produisait la perturbation. Il suffit de prendre l'exemple d'une grève postale pour se convaincre que dans ce cas la date à laquelle commence à courir le délai supplémentaire prévu à l'article 86(2) CBE n'est pas affectée par cette perturbation.
Peu importe donc pour le calcul du délai supplémentaire de six mois prévu à l'article 86(2) CBE que l'on se trouve ou non dans l'un des cas visés par la règle 85 CBE. En effet, il ne semble pas qu'il y ait lieu d'appliquer la règle 85 pour ce qui concerne la date à laquelle le délai supplémentaire commence à courir. En revanche, pour ce qui concerne la date d'expiration de ce délai de six mois, la règle 85 CBE est applicable, même à la lettre, car l'on a affaire alors à l'expiration d'un délai susceptible d'être "prorogé" conformément à cette règle.
3.3 Possibilité d'appliquer le renseignement de nature juridique n° 5/80 relatif au "calcul des délais composés" dans le cas du délai supplémentaire prévu à l'article 86(2) CBE : conclusions La conclusion à tirer des considérations qui précèdent est la suivante :
Le renseignement de nature juridique n° 5/80 relatif au "calcul des délais composés" (JO OEB 1980, 149) n'est pas applicable pour la détermination de la date à laquelle le délai supplémentaire prévu à l'article 86(2) CBE commence à courir, ce qui revient à dire que ce délai commence à courir le dernier jour du mois visé à la règle 37(1) CBE, première phrase, même si ce jour-là l'on se trouve dans l'un des cas énumérés à la règle 85, paragraphes 1, 2 et 4 CBE. Par conséquent, si l'on se trouve dans un tel cas au moment où le délai de six mois commence à courir, l'expiration de ce délai a toujours lieu à la fin du sixième mois et n'est pas reportée au septième.
3.4 La solution que la Chambre vient de dégager risque toutefois de mettre en difficulté les demandeurs qui auraient été considérés comme ayant payé les taxes dans les délais, si l'on avait appliqué les règles énoncées dans le renseignement de nature juridique. Dans l'intérêt de la protection de la bonne foi, il conviendrait donc de considérer que ce renseignement de nature juridique est applicable au délai supplémentaire prévu à l'article 86(2) CBE aussi longtemps que l'OEB n'a pas fait connaître officiellement que ce n'est plus le cas, et aussi longtemps que dans les remarques relatives au délai supplémentaire figurant sur les formulaires de l'OEB, il sera indiqué des échéances calculées d'après les règles énoncées dans ce renseignement de nature juridique (c'est-à-dire des échéances tombant pendant le septième mois). En outre, dans certains cas, il resterait encore la possibilité de faire jouer la restitutio in integrum.
4. Requête subsidiaire et taxe de restitutio in integrum Vu qu'il est possible de faire droit à la requête principale, la Chambre a pu se dispenser d'exposer et d'examiner les faits et motifs invoqués par le demandeur à l'appui de sa requête en restitutio in integrum. Ladite requête ayant été présentée à titre subsidiaire, il y a lieu de rembourser la taxe de restitutio in integrum (cf. la décision T 152/82, JO OEB 1984, 301).
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Il est constaté que dans le cas de la demande de brevet européen n° 87 301 564.8, la taxe annuelle due pour la trosième année et la surtaxe correspondante ont été acquittées dans les délais le 31 août 1989.
3. Il est ordonné le remboursement de la taxe de restitutio in integrum.