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J 0047/92 (Poursuite de la procédure) 21-10-1993
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1. La poursuite de la procédure, telle que prévue à l'article 121 CBE, n'est possible que pour les délais impartis par l'OEB, qui en détermine la durée.
2. S'il est vrai que la date effective d'expiration du délai supplémentaire visé à la règle 85ter CBE dépend de la date à laquelle l'OEB accomplit un certain acte, l'on ne saurait pour autant en conclure que ce délai est imparti par l'OEB.
Délais - délai supplémentaire pour la requête en examen
Poursuite de la procédure (non)
I. La publication du rapport de recherche relatif à la demande de brevet européen n 90 310 967.6 a été mentionnée dans le Bulletin européen des brevets du 24 avril 1991. Le délai de six mois prévu à l'article 94(2) CBE pour formuler la requête en examen a expiré le 24 octobre 1991 sans que la taxe d'examen ait été acquittée.
II. Le 29 novembre 1991, la section de dépôt a envoyé au demandeur une notification en application de la règle 85ter CBE, l'informant qu'il n'avait pas payé la taxe d'examen et lui offrant la possibilité de remédier à cette irrégularité en payant cette taxe, majorée d'une surtaxe, dans un délai supplémentaire d'un mois. Or ni la taxe, ni la surtaxe n'ont été acquittées pendant ce délai supplémentaire, qui est venu à expiration le 9 janvier 1992. En conséquence, une notification établie conformément à la règle 69(1) CBE a été envoyée le 24 janvier 1992, indiquant que la demande de brevet européen no 90 310 967.6 était réputée retirée.
III. Le 26 mars 1992, le demandeur a requis la poursuite de la procédure relative à la demande, en application de l'article 121 CBE, et a effectué l'acte qu'il avait omis d'accomplir. Selon lui, le délai supplémentaire visé à la règle 85ter CBE était un délai imparti par l'Office européen des brevets au sens de l'article 121 CBE, si bien qu'il devait être possible d'obtenir la poursuite de la procédure.
IV. Par décision en date du 23 juillet 1992, la section de dépôt a rejeté la requête en poursuite de la procédure présentée par le demandeur, au motif que le délai supplémentaire visé à la règle 85ter CBE n'était pas un délai imparti par l'Office européen des brevets au sens de l'article 121(1) CBE, mais un délai prévu par la Convention sur le brevet européen. En conséquence, la section de dépôt a confirmé que la demande était réputée retirée et a ordonné le remboursement des taxes qui avaient été acquittées à tort.
V. Le 11 septembre 1992, le demandeur a formé un recours contre la décision de la section de dépôt. Dans le mémoire exposant les motifs du recours et lors de la procédure orale qui s'est tenue le 21 octobre 1993, le demandeur a reconnu que la taxe d'examen n'avait pas été payée dans le délai imparti. Il a admis également que, vu les circonstances, les dispositions de l'article 122(5) CBE excluaient en l'espèce l'octroi de la restitutio in integrum. En revanche, il a réaffirmé que le délai supplémentaire prévu pour le paiement de la taxe d'examen était un délai imparti par l'OEB et non par la Convention sur le brevet européen et qu'il devait être possible par conséquent d'obtenir la poursuite de procédure. A l'appui de ses dires, il a fait valoir essentiellement les arguments suivants :
a) L'OEB n'avait pas été capable au départ de déterminer avec exactitude la date à laquelle expirait le délai supplémentaire. Ce n'est qu'après avoir été contactée par le requérant que la section de dépôt avait admis que la date d'expiration était le 9 janvier 1992 et non le 10 janvier 1992, ce qui montrait bien que ce délai supplémentaire n'était pas fixé par la Convention, mais imparti par l'Office européen des brevets, par envoi de la notification visée à la règle 85ter CBE. Le délai supplémentaire visé par cette règle était donc un délai imparti par l'OEB au sens de l'article 121(1) CBE.
b) La première instance avait, pour réfuter cet argument, fait valoir à tort la décision J ../87 (JO OEB 1988, 177) de la chambre de recours juridique dans laquelle il est indiqué, au point 7 des motifs, que "les délais prévus à l'article 94(2) et à la règle 85ter CBE représentent des délais légaux et non des délais impartis par l'Office européen des brevets". Cette décision avait été rendue avant le 1er avril 1989, date à laquelle avait pris effet une modification de la règle 85ter CBE qui faisait passer le délai réglementaire de deux mois prévu pour le paiement de la taxe d'examen (moyennant versement d'une surtaxe) à un mois à compter de la signification d'une notification par l'Office européen des brevets. De l'avis du requérant, cette décision n'était donc pas applicable dans la présente espèce.
c) S'agissant de la nouvelle règle 85ter CBE, il convenait de signaler l'intérêt tout particulier que présentait en l'occurrence la décision J 16/90 (JO OEB 1992, 260) de la chambre de recours juridique. La chambre juridique reconnaissait que la modification apportée à la règle 85ter CBE avait pu modifier la situation juridique et que la poursuite de la procédure devait être autorisée dans une situation telle que celle qui venait d'être décrite. La Grande Chambre de recours ne s'est pas déclarée d'un avis contraire, puisque dans sa décision G 3/91 (JO OEB 1993, 8), elle n'avait pas exclu la poursuite de la procédure en cas de non-respect des délais supplémentaires visés par les règles 85bis et 85ter.
d) Par ailleurs, la décision J 42/89 (non publiée) qui concluait que la poursuite de la procédure est exclue dans le cas de l'inobservation du délai supplémentaire visé à la nouvelle règle 85ter CBE était fondée sur une interprétation erronée de cette règle et de l'article 121 CBE. Lorsqu'elle avait interprété ces dispositions, la chambre n'avait pas tenu compte du fait que la nouvelle règle 85ter CBE conduit à prévoir des délais indéterminés (puisqu'ils sont fonction de la date à laquelle la notification visée à la règle 85ter CBE est envoyée), si bien que le risque d'erreur et de non-respect de ces délais est plus grand que lorsque c'était l'ancienne règle 85ter CBE qui s'appliquait. Par conséquent, ainsi que l'avait reconnu la Chambre dans la décision J 4/91 (JO OEB, 1992, 402, point 2.6), lorsque l'on interprète ces dispositions, l'on doit être conscient du fait que la nouvelle règle 85ter CBE risque d'occasionner maintes erreurs et d'entraîner de nombreuses pertes de droits.
e) En tout état de cause, le délai visé à la règle 85ter CBE n'était pas, comme l'avait affirmé la première instance (point 5 de l'exposé des motifs), un délai fixé par la Convention sur le brevet européen, puisqu'il avait en fait été introduit par le Conseil d'administration.
VI. S'appuyant sur les arguments exposés ci-dessus, le requérant a conclu à l'annulation de la décision de la première instance et à la poursuite de la procédure. Il a en outre demandé à titre subsidiaire que la question de la recevabilité d'une requête en poursuite de la procédure dans le cas du non-respect du délai visé à la règle 85ter CBE soit soumise à la Grande Chambre de recours.
1. Le recours est recevable.
2. Le requérant n'a jamais contesté les conclusions de la section de dépôt qui avait déclaré dans sa notification du 24 janvier 1992 que la demande de brevet européen était réputée retirée, la taxe d'examen n'ayant pas été payée dans le délai prévu à l'article 94(2) et à la règle 85ter CBE. Il n'a notamment pas fait jouer la règle 69(2) CBE pour requérir une décision en l'espèce au sujet de cette conclusion. Sa lettre datée du 8 juillet 1992, considérée comme une telle requête par la première instance (point 1 des motifs), n'est pas parvenue à l'OEB dans le délai de deux mois prévu par la règle 69(2) CBE. C'est donc à tort que la première instance a estimé qu'il avait (valablement) requis une décision en l'espèce en application de la règle 69(2) CBE.
3. Le requérant a toutefois présenté en temps utile une requête en poursuite de la procédure conformément à l'article 121 CBE et a effectué dans le délai imparti l'acte qui n'avait pas été accompli. La section de dépôt a rejeté cette requête pour les motifs qui viennent d'être rappelés (point IV).
La seule question que doit examiner la chambre de recours juridique est donc en l'espèce celle de savoir s'il peut être fait droit à la requête en poursuite de la procédure. La question de droit soulevée par le requérant dans cette affaire est avant tout celle de savoir si le délai supplémentaire prévu par la règle 85ter CBE est ou non un délai imparti par l'Office européen des brevets, au sens où l'entend l'article 121 CBE.
3.1 Avant d'examiner plus précisément cette question, la Chambre juge bon de faire quelques remarques d'ordre général concernant la notion de délai au sens de l'article 120 et des règles 83 à 85ter CBE. Selon ces dispositions, un délai se définit par :
- l'événement qui sert de point de départ pour le calcul du délai (cf. règle 83(2) CBE) : il peut s'agir soit d'une étape de la procédure, soit de l'expiration d'un autre délai, et par
- sa durée à compter de l'événement en question. Cette durée détermine la date à laquelle le délai expire (cf. règle 83(2) à (5) CBE). Ce délai peut être fixé en années, mois, semaines ou jours entiers (cf. règle 83(1) CBE).
En vertu de l'article 120(b) et de la règle 84 CBE, la Convention ou le règlement d'exécution peuvent déterminer "la durée minimale et maximale des délais qui sont impartis par l'Office européen des brevets". Autrement dit, l'Office européen des brevets peut fixer lui-même la durée de ces délais, ainsi qu'il ressort clairement de la règle 84 CBE, intitulée "Durée des délais". Les délais de ce type se reconnaissent à ce qu'il est indiqué explicitement dans la Convention qu'un délai "est imparti" par l'OEB (cf. règles 51(4) et (6), article 96(1) CBE) ou à ce que, selon la Convention, la fixation de la durée du délai est laissée, dans certaines limites, à la discrétion de l'OEB (cf. règle 71(1) CBE).
De toute évidence, dans le cas de l'application de l'article 120(b) et de la règle 84 CBE, le délai ne se définit pas par rapport à un événement choisi comme point de départ.
3.2 En ce qui concerne à présent l'article 121 CBE, dans le cas où des "time limits set by the European Patent Office" n'ont pas été observés, il est possible selon cet article d'obtenir la poursuite de la procédure. Eu égard aux remarques générales qui ont été faites ci-dessus au sujet de la notion de "délai" (cf. point 3.1), il apparaît évident que l'article 121(1) CBE renvoie aux délais dont la durée est déterminée par l'OEB, comme le prévoient l'article 120(b) et la règle 84 CBE.
L'on trouve une confirmation de cette analyse dans les versions allemande et française de la Convention : les textes allemand et français de l'article 121(1) CBE ("einer vom Europäischen Patentamt bestimmten Frist" ; "d'un délai imparti par l'Office européen des brevets") correspondent respectivement aux textes allemand et français de l'article 120(b) et de la règle 84 CBE. Même si l'on relève dans la version anglaise de ces dispositions quelques différences mineures dans le libellé (article 121(1) CBE : "a time limit set by the European Patent Office ; article 120(b) et règle 84 CBE "time limits ... determined by the European Patent Office"), il ne fait aucun doute que les termes "set" et "determined" ont le même sens dans ce contexte (cf. également par exemple la règle 51(4) et l'article 96(1) CBE).
La poursuite de la procédure conformément à l'article 121 CBE n'est donc possible que pour les délais impartis par l'OEB, qui en détermine la durée. Cette interprétation de l'article 121 CBE trouve une confirmation dans les principaux ouvrages de référence sur la Convention (cf. P. Mathély, Le droit européen des brevets d'invention, Paris 1978, page 354 ; R. Singer, Europäisches Patentübereinkommen, Cologne 1989, N.3 ad article 121 CBE, page 554 et N.2 ad article 120 CBE, page 537 ; G. Paterson, The European Patent System, Londres 1992, page 279).
3.3 S'agissant du délai supplémentaire prévu par la règle 85ter CBE, l'on notera que sa durée est fixée à un mois par la règle en question, mais que cette règle n'indique pas si ce délai doit être imparti par l'OEB ou si sa durée est fixée librement par celui-ci. Ce délai supplémentaire ne fait donc manifestement pas partie de la catégorie des délais définis par l'article 120(b) et par la règle 84 CBE (cf. point 3.1 supra). La Chambre en conclut par conséquent que dans le cas où le délai supplémentaire visé par la règle 85ter CBE n'est pas observé, il n'est pas possible d'obtenir la poursuite de la procédure conformément à l'article 121 CBE.
4. Les arguments avancés par le requérant ne sauraient amener la Chambre à changer d'avis.
4.1 S'il est vrai que la date effective d'expiration du délai supplémentaire visé à la règle 85ter CBE dépend de la date à laquelle l'OEB accomplit un certain acte, l'on ne saurait pour autant en conclure que ce délai est imparti par l'OEB : cela signifie simplement que cet acte de l'OEB influe sur la date de l'événément servant de point de départ pour le calcul du délai, cela ne veut pas dire toutefois que l'OEB détermine par là la durée de ce délai (cf. supra, point 3.1).
4.2 La modification de la règle 85ter CBE, qui a pris effet le 1er avril 1989, a affecté principalement la définition par la règle 85ter CBE de l'événement choisi comme point de départ. Alors que dans l'ancienne version cet événement correspondait à l'expiration d'un autre délai, il s'agit dans la nouvelle version d'une étape déterminée de la procédure (cf. règle 83(2) CBE). Il n'en demeure pas moins que la durée du délai supplémentaire est fixée par la règle 85ter CBE elle- même (deux mois dans l'ancienne version, un mois dans la nouvelle). La modification apportée à la règle 85ter CBE n'a donc pas modifié la situation juridique en ce qui concerne la possibilité d'obtenir la poursuite de la procédure. La conclusion qu'avait tirée la Chambre dans la décision J../87 (JO OEB 1988, 177) antérieure à la modification de la règle 85ter CBE, à savoir que le délai supplémentaire visé à la règle 85ter CBE n'est pas un délai imparti par l'OEB, demeure encore valable, même depuis que la nouvelle version de cette règle est entrée en vigueur.
C'est ce que confirment les documents préparatoires établis avant la modification de la règle 85ter CBE (cf. CA/79/88, Add. 1), qui précisent que cette modification ne visait pas à changer quoi que ce soit en ce qui concerne l'impossibilité d'obtenir la poursuite de la procédure dans le cas où le délai supplémentaire n'a pas été observé.
4.3 Le requérant a signalé à la Chambre l'intérêt particulier que lui paraissait présenter en l'occurrence la décision J 16/90 (JO OEB 1992, 260). Cette décision concerne la question de savoir si dans la nouvelle version des règles 85bis et 85ter CBE, qui prévoient que le délai supplémentaire commence à courir à compter de la signification d'une notification, les délais supplémentaires restent toujours exclus de la restitutio in integrum en vertu de l'article 122(5) CBE (cf. point 6.1 des motifs). Les questions de droit qui se posaient dans cette affaire étaient toutefois tout à fait différentes de celles qui se posent dans la présente espèce. En particulier, dans l'article 122(5) CBE, à la différence de l'article 121 CBE, il ne s'agit pas de savoir si un délai est imparti par l'OEB. La décision citée par le requérant traite donc d'un cas complètement différent et ne peut nullement servir la cause du requérant.
4.4 Par ailleurs, les critiques formulées par le requérant au sujet de la décision J 42/89 (non publiée) ne semblent pas fondées. De l'avis du requérant, cette décision n'a pas suffisamment tenu compte du fait que la modification apportée à la règle 85ter CBE a créé de nouveaux problèmes dans la pratique. Toutefois, même si l'on devait rencontrer de nouveaux problèmes (ce que le requérant prétend sans produire de preuve), la Chambre ne serait pas pour autant en droit de déroger aux dispositions susmentionnées, dont le sens est clair et sans équivoque.
4.5 Peu importe à cet égard que le délai visé à la règle 85ter CBE ait été introduit par décision du Conseil d'administration. C'est uniquement sur le texte de la règle 85ter CBE elle-même qu'il convient de se fonder pour décider si le délai supplémentaire est ou non un délai imparti par l'OEB au sens de l'article 121 CBE (cf. supra, points 3.1 et 3.2).
5. La conclusion tirée par la Chambre est dans le droit fil de la jurisprudence des chambres de recours (J../87, point 7, JO OEB 1988, 177 ; J 42/89, point 5, non publiée). Il n'y a donc pas lieu de saisir la Grande Chambre de recours afin d'assurer une application uniforme du droit. Il ne se pose pas non plus dans la présente espèce de question de droit suffisamment importante pour justifier une saisine de la Grande Chambre. Aussi ne peut-il être fait droit à la demande du requérant qui avait proposé de soumettre la question litigieuse à la Grande Chambre de recours.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Le recours est rejeté.
2. La demande de saisine de la Grande Chambre de recours est rejetée.