G 0002/21 (Effet technique allégué, tel qu'invoqué pour fonder l'activité inventive (plausibilité)) 23-03-2023
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I. Les moyens de preuve présentés par un demandeur ou un titulaire de brevet à l'appui d'un effet technique sur lequel il se fonde aux fins d'établir l'activité inventive de l'objet revendiqué ne peuvent être écartés au seul motif que ces moyens de preuve, sur lesquels l'effet repose, n'étaient pas accessibles au public avant la date de dépôt de la demande de brevet en cause et ont été produits après cette date.
II. Un demandeur ou un titulaire de brevet peut invoquer un effet technique comme fondement de l'activité inventive si l'homme du métier, à la lumière de ses connaissances générales et sur la base de la demande telle que déposée initialement, conclurait que ledit effet est englobé dans l'enseignement technique et fait partie de la même invention initialement divulguée
recevabilité des saisines - oui
reformulation des questions soumises - non
élargissement de la portée des questions soumises - non
principe de libre appréciation des preuves - nécessité d'une exception au principe - non
activité inventive - effet technique invoqué comme fondement - oui, sur la base de la demande initialement déposée
Table des matières
Exposé des faits et conclusions
Questions de droit soumises
Brevet en cause
Procédure de recours
Procédure devant la Grande Chambre
Résumé des principaux arguments présentés pendant la procédure
Motifs
Portée et objet de la saisine
Recevabilité de la saisine
Considérations préliminaires
Principe de libre appréciation des preuves
Jurisprudence actuelle de la Grande Chambre de recours
Appréciation des moyens de preuve devant les chambres de recours
Principe de libre appréciation dans les États contractants
Conclusion intermédiaire
Jurisprudence relative à un effet technique invoqué comme fondement de l'activité inventive
Conclusion intermédiaire
Considérations concernant la jurisprudence relative à la suffisance de l'exposé
Conclusion intermédiaire
Cadre juridique national et jurisprudence nationale relative à un effet technique invoqué comme fondement de l'activité inventive
Conclusion intermédiaire
Considérations finales
Dispositif
Exposé des faits et conclusions
Questions de droit soumises
I. Par la décision intermédiaire T 116/18, en date du 11 octobre 2021 (ci-après dénommée la "décision de saisine"), la Chambre de recours technique 3.3.02 (ci-après dénommée la "chambre à l'origine de la saisine") a soumis les questions de droit suivantes à la Grande Chambre de recours (ci-après dénommée la "Grande Chambre") pour décision, conformément à l'article 112(1)a) CBE ensemble l'article 22 RPCR 2020 :
Si, aux fins d'établir l'activité inventive, le titulaire du brevet se fonde sur un effet technique et qu'il a présenté à l'appui de cet effet des moyens de preuve, tels que des données expérimentales, qui n'étaient pas accessibles au public avant la date de dépôt de la demande de brevet en cause et qui ont été produits après cette date (moyens de preuve publiés ultérieurement) :
1. Faut-il admettre une exception au principe de libre appréciation des preuves (cf. par exemple G 3/97, point 5 des motifs et G 1/12, point 31 des motifs) en ceci que des moyens de preuve publiés ultérieurement doivent être écartés au motif que la preuve de l'effet repose exclusivement sur ceux-ci ?
2. S'il est répondu par l'affirmative à cette question (les moyens de preuve publiés ultérieurement doivent être écartés si la preuve de l'effet repose exclusivement sur ceux-ci), les moyens de preuve publiés ultérieurement peuvent-ils être pris en considération lorsqu'à la date de dépôt de la demande de brevet en cause, l'homme du métier, se fondant sur les informations contenues dans la demande de brevet en cause ou sur ses connaissances générales, aurait jugé l'effet plausible (plausibilité ab initio) ?
3. S'il est répondu par l'affirmative à la première question (les moyens de preuve publiés ultérieurement doivent être écartés si la preuve de l'effet repose exclusivement sur ceux-ci), les moyens de preuve publiés ultérieurement peuvent-ils être pris en considération lorsqu'à la date de dépôt de la demande de brevet en cause, l'homme du métier, se fondant sur les informations contenues dans la demande de brevet en cause ou sur ses connaissances générales, n'aurait vu aucune raison de juger l'effet non plausible (défaut de plausibilité ab initio) ?
Brevet en cause
II. Le brevet européen n**(o) 2 484 209 (ci-après dénommé le "brevet") porte sur des compositions insecticides et est issu de la demande de brevet européen n**(o) 12 002 626.5, qui est une demande divisionnaire de la demande de brevet européen n**(o) 05 719 327.8.
III. Le brevet tel que délivré comprend deux jeux de revendications pour différents États contractants, soit un jeu de revendications (a) pour les États contractants IS et LT et un jeu de revendications (b) pour les États contractants AT, BE, CH, DE, DK, ES, FR, GB, GR, IT, LI, LU, MC, NL et SE. Chacune des revendications 1 porte sur une composition insecticide, les deux jeux de revendications différant l'un de l'autre en ce que la revendication 1(b) contient, outre le contenu de la revendication 1(a), un disclaimer excluant certains composés. Les deux jeux de revendications contiennent aussi des revendications de procédé portant sur la lutte contre les insectes nuisibles.
Procédure de recours
IV. Le brevet a été frappé d'opposition au titre de l'ensemble des motifs d'opposition énoncés à l'article 100a) à c) CBE, à savoir pour défaut de nouveauté et d'activité inventive, pour insuffisance de l'exposé et pour ajout d'éléments.
V. L'opposant a formé un recours contre la décision de la division d'opposition de rejeter l'opposition en application de l'article 101(2) CBE.
VI. La Grande Chambre note les points suivants mentionnés dans la décision de saisine :
(1) Selon la chambre à l'origine de la saisine (points 2.1 à 2.3 des motifs de la décision de saisine), le brevet (paragraphes [0002] à [0004]) reconnaît, par référence aux documents de brevet précédemment publiés, que tant le thiaméthoxam que les composés selon la formule [Ia] revendiquée étaient connus pour leur activité insecticide avant la date de priorité du brevet. Selon ce brevet (paragraphe [0008]), les inventeurs ont découvert que des mélanges de thiaméthoxam et de composés selon la formule [Ia] revendiquée peuvent avoir une activité insecticide qui est supérieure à celle qui aurait été attendue au regard de l'activité de chaque produit pris individuellement. En d'autres termes, selon le brevet, une composition insecticide selon la revendication 1 peut présenter un effet sur-additif, c'est-à-dire synergique. Afin d'établir si une certaine combinaison d'insecticides agit de manière synergique, le brevet détermine en premier lieu les activités des différents insecticides, sachant que l'activité correspond au taux de mortalité, soit le pourcentage d'insectes morts, observé lorsqu'un nombre donné d'insectes sont exposés à une quantité donnée d'insecticide pendant un temps donné. À partir de ces activités prises individuellement, une activité attendue pour l'utilisation conjointe des deux insecticides est calculée en utilisant l'équation de Colby. Cette valeur de l'activité attendue correspond à un effet purement additif des deux insecticides. Si l'activité réellement déterminée de la combinaison des deux insecticides est supérieure à cette valeur attendue, les insecticides agissent ensemble de manière synergique. Si elle est inférieure à cette valeur, les insecticides de la combinaison agissent de manière antagoniste. Le recours à cette approche afin d'évaluer la présence ou l'absence de synergisme entre des insecticides n'a pas été contesté par les parties. Le brevet (paragraphe [0058]) comprend une liste d'exemples d'insectes nuisibles contre lesquels il est possible de lutter au moyen des compositions ci-avant. Les insectes nuisibles mentionnés incluent les espèces Spodoptera litura, Plutella xylostella et Chilo suppressalis.
(2) La chambre à l'origine de la saisine a reconnu la suffisance de l'exposé de l'invention revendiquée. Elle a considéré que la question de savoir si une synergie était obtenue ou non devait être appréciée au titre des articles 100a) et 56 CBE (point 9 des motifs de la décision de saisine), et non au titre de l'article 100b) CBE.
(3) En ce qui concerne le motif d'opposition au titre des articles 100a) et 54 CBE, la chambre à l'origine de la saisine a conclu qu'aucun des documents de l'état de la technique invoqués par l'opposant à l'appui de l'absence de nouveauté de l'objet revendiqué ne s'opposait au maintien du brevet (point 10 des motifs de la décision de saisine).
(4) En ce qui concerne le motif d'opposition au titre des articles 100a) et 56 CBE, la chambre à l'origine de la saisine a conclu (points 11 et 12 des motifs de la décision de saisine) que l'appréciation de l'activité inventive de l'objet revendiqué du brevet dépendait de la question de savoir si des moyens de preuve qui n'étaient pas accessibles au public avant la date de dépôt de la demande de brevet et qui ont été produits après cette date peuvent être pris en considération au vu de la jurisprudence relative à la "plausibilité".
En ce qui concerne l'activité inventive, le titulaire du brevet s'est notamment appuyé sur le moyen de preuve publié ultérieurement D21 (données expérimentales), au soutien d'un effet synergique. Eu égard aux positions différentes des parties sur l'applicabilité de la jurisprudence relative à la "plausibilité", elles ont toutes deux formulé des requêtes inverses sur la question de savoir si D21 devait être pris en considération.
L'opposant a également invoqué des moyens de preuve publiés ultérieurement dans le cadre de l'appréciation de l'activité inventive, à savoir D23 (données expérimentales), que la chambre à l'origine de la saisine a décidé d'admettre pour des motifs de procédure (points 3 à 6 des motifs de la décision de saisine).
La chambre à l'origine de la saisine a conclu que si seules les données dans le brevet et dans D23 étaient prises en considération, il ne serait pas fait droit à la requête principale du titulaire du brevet. En revanche, si D21 devait également être pris en considération, il serait fait droit à la requête principale du titulaire du brevet car les données expérimentales publiées ultérieurement dans D21 représentaient la preuve unique, mais déterminante, de l'effet synergique allégué (point 12.6 des motifs de la décision de saisine).
(5) Au point 13 des motifs de la décision de saisine, la chambre à l'origine de la saisine, tout en supposant que les moyens de preuve publiés ultérieurement D21 n'étaient pas écartés pour des motifs de procédure, mais qu'ils faisaient bien partie de la procédure, a examiné trois lignes divergentes de la jurisprudence des chambres de recours relatives aux conditions dans lesquelles les moyens de preuve peuvent ou non être pris en compte pour des motifs liés au fond, en fonction de la vraisemblance de l'effet technique d'après les preuves produites.
(6) La chambre à l'origine de la saisine a identifié une première ligne jurisprudentielle (point 13.4 des motifs de la décision de saisine) selon laquelle des moyens de preuve publiés ultérieurement ne peuvent être pris en considération que si, compte tenu de la demande telle que déposée et des connaissances générales de l'homme du métier à la date de dépôt, ce dernier aurait eu des raisons de supposer que l'effet technique allégué était obtenu (ligne jurisprudentielle de type I, désignée "plausibilité ab initio" par la chambre à l'origine de la saisine). Selon cette ligne jurisprudentielle, au titre de laquelle la chambre à l'origine de la saisine a analysé les décisions T 1329/04 (point 10 des motifs), T 609/02 (points 5 à 9 des motifs), T 488/16 (points 4.2, 4.5 et 4.19 des motifs), T 415/11 (points 45 à 55 des motifs), T 1791/11 (points 3.2.5 à 3.2.7 des motifs) et T 895/13 (points 15 à 17 des motifs), des données expérimentales ou une explication scientifique dans la demande telle que déposée constituent en général le fondement d'une telle supposition.
(7) La chambre à l'origine de la saisine a examiné la deuxième ligne jurisprudentielle selon laquelle les moyens de preuve publiés ultérieurement doivent toujours être pris en considération si l'effet technique allégué n'est pas dénué de plausibilité (ligne jurisprudentielle de type II, désignée "défaut de plausibilité ab initio" par la chambre à l'origine de la saisine, point 13.5 des motifs de la décision de saisine). Conformément à cette deuxième ligne jurisprudentielle, des moyens de preuve publiés ultérieurement ne peuvent être écartés que si l'homme du métier aurait eu des raisons légitimes de douter du fait que l'effet technique allégué aurait été obtenu à la date de dépôt de la demande de brevet. De tels doutes peuvent naître, par exemple, de ce que la demande telle que déposée ou les connaissances générales de l'homme du métier à la date de dépôt de la demande de brevet laissent penser que l'effet technique allégué ne peut en fait être obtenu. À cet égard, la chambre à l'origine de la saisine a cité les décisions T 919/15 (point 5.6 des motifs), T 578/16 (points 13 à 15 des motifs), T 536/07 (point 11 des motifs), T 1437/07 (point 38.1 des motifs), T 266/10 (point 37 des motifs), T 863/12 (point 7.3.3 des motifs), T 184/16 (points 2.4 à 2.7 des motifs) et T 2015/20 (point 2.7 des motifs).
(8) Enfin, la chambre à l'origine de la saisine a considéré qu'une troisième ligne jurisprudentielle rejetait entièrement la notion dite de "plausibilité" (ligne jurisprudentielle de type III, désignée par la chambre à l'origine de la saisine "non-prise en compte de la plausibilité", point 13.6 des motifs de la décision de saisine) et examiné à cet égard les décisions T 31/18 (point 2.5.2 des motifs) et T 2371/13 (point 6.1.2 des motifs).
(9) La chambre à l'origine de la saisine a poursuivi avec d'autres considérations quant aux conséquences d'une stricte application de la jurisprudence de type I ou de type III (point 13.7.1 des motifs de la décision de saisine) et aux limites de la jurisprudence de type I et de type II dans les cas où un effet doit être établi par rapport à un document de l'état de la technique qui n'a pas été, et n'aurait peut-être pas pu être, pris en compte par le titulaire ou le demandeur du brevet (point 13.7.2 des motifs de la décision de saisine). Enfin, la chambre à l'origine de la saisine a examiné l'existence d'un rapport difficile entre, d'une part, ces deux types de jurisprudence et, d'autre part, le principe de libre appréciation des preuves (points 13.7.3 et 13.7.4 des motifs de la décision de saisine).
(10) En ce qui concerne les questions soumises, la chambre à l'origine de la saisine (point 14 des motifs de la décision de saisine) a noté qu'une réponse de la Grande Chambre était nécessaire à la fois pour assurer une application uniforme du droit et parce que des questions de droit d'importance fondamentale se posaient. Les trois questions soumises à la Grande Chambre pour décision se rapportent aux trois lignes jurisprudentielles examinées ci-avant. L'issue de la saisine est déterminante pour l'affaire en instance puisque la question de savoir si le moyen de preuve ultérieur D21 peut être pris en considération dépend de cette issue, et qu'en outre, comme indiqué ci-dessus, s'il est pris en considération, D21 est pertinent quant à la décision finale sur l'activité inventive.
Procédure devant la Grande Chambre
VII. Les parties à la procédure de recours sont parties à la présente procédure au titre de l'article 112(2) CBE. La Grande Chambre a invité tant le titulaire du brevet que l'opposant à présenter par écrit leurs observations sur les questions de droit soumises à la Grande Chambre.
VIII. Conformément à l'article 9, première phrase RPGCR, la Grande Chambre a également invité le Président de l'Office européen des brevets (ci-après dénommé le "Président de l'OEB") à présenter par écrit ses observations sur les questions de droit. Ce dernier a présenté ses observations le 22 avril 2022. Le titulaire du brevet et l'opposant ont eu la possibilité de prendre position au sujet de ces observations conformément à l'article 9, seconde phrase RPGCR. L'opposant a répondu par lettre datée du 30 septembre 2022.
IX. Des observations ont été présentées par l'opposant le 29 avril 2022.
X. Par communication publiée au Journal officiel de l'OEB (JO OEB 2021, A102), la Grande Chambre a donné aux tiers la possibilité de présenter des observations écrites au titre de l'article 10 RPGCR et a reçu 20 observations d'amicus curiae et une observation de tiers :
(1) F. Carlsson, 10 décembre 2021 ;
(2) H.-R. Jaenichen, 11 janvier 2022 ;
(3) R. Kiebooms, 12 janvier 2022 (présenté comme observation de tiers) ;
(4) Beiersdorf AG, 2 mars 2022 ;
(5) E. Wunder, 17 mars 2022 ;
(6) P.H. van Deursen, 22 mars 2022 ;
(7) Fédération internationale des conseils en propriété intellectuelle (FICPI), 19 avril 2022 ;
(8) BAYER AG, 20 avril 2022 ;
(9) Institut des mandataires agréés près l'OEB (epi), 22 avril 2022 ;
(10) European Patent Litigators Association (EPLIT), 26 avril 2022 ;
(11) P. de Lange, 28 avril 2022 ;
(12) Association internationale pour la protection de la propriété intellectuelle (AIPPI), 28 avril 2022 ;
(13) Medicines for Europe, 29 avril 2022 ;
(14) Patentanwaltskammer, 29 avril 2022 ;
(15) UK BioIndustry Association (BiA), 29 avril 2022 ;
(16) Fresenius Kabi Deutschland GmbH, 29 avril 2022 ;
(17) Compagnie Nationale des Conseils en Propriété Industrielle (CNCPI), 29 avril 2022 ;
(18) Fédération européenne des associations de l'industrie pharmaceutique (efpia), 29 avril 2022 ;
(19) BASF SE, 29 avril 2022 ;
(20) IP Federation, 29 avril 2022 ;
(21) Chartered Institute of Patent Attorneys (CIPA), 29 avril 2022.
XI. En vue de la préparation de la procédure orale, la Grande Chambre a émis une notification au titre des articles 13 et 14(2) RPGCR, en date du 13 octobre 2022. Cette notification visait à attirer l'attention des parties sur certaines questions juridiques pouvant revêtir une importance particulière en ce qui concerne les questions soumises et à leur permettre de présenter leurs observations sur ces questions.
XII. Le titulaire du brevet et l'opposant ont répondu à la notification de la Grande Chambre par lettres datées, respectivement, du 10 novembre 2022 et du 8 novembre 2022. Des observations supplémentaires de tiers ont été reçues de Medecines for Europe, de Fresenius Kabi Deutschland GmbH, ainsi que sous forme anonyme.
XIII. La procédure orale s'est tenue devant la Grande Chambre le 24 novembre 2022, en présence du titulaire du brevet et de l'opposant ainsi que du Président de l'OEB.
XIV. À l'issue de la procédure orale, le Président de la Grande Chambre a annoncé que cette dernière rendrait sa décision par écrit dans les meilleurs délais.
Résumé des principaux arguments présentés pendant la procédure
Recevabilité de la saisine
XV. Le titulaire du brevet, l'opposant, le Président de l'OEB et la majorité des tiers ont, soit expressément, soit implicitement, considéré que la saisine était recevable.
BAYER AG et l'epi ont soutenu qu'il convenait de considérer la saisine irrecevable, car l'issue de la procédure de recours ne dépendait pas des questions soumises. Selon BAYER AG, les réponses ne devraient pas, en tout état de cause, avoir d'incidence sur l'issue s'agissant du principe d'égalité de traitement des parties. Les moyens de preuve publiés ultérieurement peuvent, ou non, être pris en considération selon le principe de libre appréciation des preuves. Pour cette raison, si l'opposant est autorisé à présenter des faits vérifiables pour étayer ses doutes, le titulaire du brevet doit également être autorisé à présenter des faits vérifiables pour démontrer l'effet rendu plausible dans la demande. En tout état de cause, dans l'affaire dont a été saisie la chambre à l'origine de la saisine, cela signifierait que l'objet des revendications doive être considéré comme impliquant une activité inventive. L'epi a indiqué qu'il convenait que la chambre à l'origine de la saisine prenne en considération le document D21 en application de l'approche de type I, soulignant qu'il n'existait aucune divergence de jurisprudence.
Généralités
XVI. Le titulaire du brevet a déduit de la jurisprudence des chambres de recours en général, et de la discussion dans le cadre de l'affaire ayant donné lieu à la décision de saisine qu'il existait deux critères différents.
Le premier critère vise à établir l'existence d'un effet technique, c'est-à-dire à savoir si l'effet technique allégué est ou non obtenu sur toute l'étendue revendiquée. À cet égard, le titulaire du brevet a renvoyé à la décision T 939/92 (point 2.6 des motifs) selon laquelle un effet technique ne peut être pris en considération que s'il est possible d'admettre que pratiquement tous les modes de réalisation revendiqués présentent cet effet technique. Si cette exigence est remplie, l'effet technique doit être pris en considération aux fins de la détermination d'un problème technique objectif.
Le second critère vise à établir si un document publié ultérieurement et étayant un effet technique peut être pris en considération. À cet égard, le titulaire du brevet a renvoyé à la décision T 1329/04 (point 11 des motifs) selon laquelle un tel document ne peut être pris en considération que s'il est au moins plausible qu'une solution a été trouvée au problème que la demande prétend résoudre. Ce critère rempli, le demandeur ou le titulaire du brevet peut invoquer un document publié ultérieurement pour établir que l'effet technique a été obtenu sur toute l'étendue revendiquée.
XVII. L'opposant a fait valoir que la première question soumise abordait des aspects relevant tant du droit matériel des brevets que du droit procédural, cherchant à déterminer d'une part si un effet technique allégué, pour lequel la demande telle que déposée ne contenait aucune preuve directe, pouvait être invoqué, et d'autre part si des moyens de preuve publiés ultérieurement devaient être écartés à titre d'exception au principe de libre appréciation des preuves. Il convient selon lui de distinguer clairement ces deux aspects l'un de l'autre.
XVIII. Le Président de l'OEB a estimé que les questions soumises devaient être clarifiées quant à leur portée et a indiqué qu'elles devaient être réagencées et reformulées ou bien que leur portée devait être élargie pour recouvrir la notion de plausibilité également au titre de la suffisance de l'exposé comme condition de brevetabilité en vertu de l'article 83 CBE. De même, l'efpia a suggéré qu'il convenait de clarifier les questions, mais dans une mesure moindre par rapport à la suggestion du Président de l'OEB.
L'epi, Medicines for Europe, Fresenius Kabi Deutschland GmbH et BASF SE ont également suggéré de reformuler la première question. P. de Lange a proposé que les questions soumises soient entièrement reformulées pour se concentrer sur la question de savoir si une "exigence supplémentaire de fondement technique dans la demande telle que déposée" devait s'appliquer.
Dans sa réponse à la notification émise par la Grande Chambre conformément aux articles 13 et 14(2) RPGCR, l'opposant a sollicité cette dernière à des fins d'orientation pour déterminer dans quelle mesure les principes régissant les moyens de preuve publiés ultérieurement dans le cadre de l'appréciation de l'activité inventive pouvaient également être appliqués lors de l'appréciation de la suffisance de l'exposé.
XIX. Des tiers (la FICPI, l'epi, Patentanwaltskammer) ont suggéré qu'il soit répondu aux deuxième et troisième questions soumises, quelle que soit la réponse apportée à la première question.
XX. L'opposant, le Président de l'OEB et plusieurs tiers (H.-R. Jaenichen, la FICPI, BAYER AG, l'epi, l'AIPPI, l'efpia, IP Federation, le CIPA) ont chacun rendu compte de leur position selon laquelle la "plausibilité" en tant que telle n'était pas une condition de brevetabilité, mais était liée à la question de savoir si une invention pouvait ou non être reconnue et si un demandeur ou un titulaire de brevet était réellement en possession d'une invention au moment du dépôt de la demande de brevet.
XXI. Dans une autre observation d'amicus curiae (BiA), aucune réponse spécifique aux questions soumises n'a été suggérée, mais la Grande Chambre a été invitée à envisager une approche se situant entre les deux approches extrêmes, l'une consistant à exclure entièrement les données présentées ultérieurement, et l'autre, à ne tenir aucun compte de la "plausibilité" lorsqu'il s'agit de décider d'admettre ou non de telles données présentées ultérieurement. BASF SE s'est également abstenue de proposer des réponses spécifiques, préférant faire valoir quant au fond que les effets techniques invoqués pour justifier la brevetabilité doivent être divulgués de manière vraisemblable dans les pièces de la demande initiale et de manière convaincante pour l'homme du métier, étant entendu que les éléments de fait requis comme preuve d'une divulgation vraisemblable doivent être définis au cas par cas.
Réponse négative à la première question
XXII. Des arguments généralement en faveur d'une application sans réserve du principe de libre appréciation des preuves, en ce qui concerne également les moyens de preuve publiés ultérieurement sur lesquels repose exclusivement un effet technique, ont été avancés par le Président de l'OEB et soutenus par différents tiers (F. Carlsson, Beiersdorf AG, E. Wunder, la FICPI, BAYER AG, l'epi, l'EPLIT, Patentanwaltskammer, la CNCPI, l'efpia, le CIPA).
Selon le Président de l'OEB, des moyens de preuve publiés ultérieurement pour démontrer un effet technique aux fins d'établir l'activité inventive ne peuvent pas être invoqués en remplacement d'une telle indication dans la demande telle que déposée. Cependant, cela ne nécessite pas d'admettre une exception au principe de libre appréciation des preuves. Pour cette raison, le Président de l'OEB a proposé de répondre par la négative à la première question mais, indépendamment de cela, il a présenté des arguments qui semblent généralement en faveur de l'approche visée à la deuxième question.
L'epi, soutenu par le CIPA, a en outre fait valoir que l'examen de la vraisemblance d'un effet technique à la date de dépôt de la demande était une étape à part entière qui ne pouvait en toute logique avoir lieu qu'après une évaluation libre et complète des moyens de preuve publiés ultérieurement démontrant que l'effet technique était bien obtenu. Cependant, à son sens, dans la mesure où l'effet technique démontré pour la première fois par les moyens de preuve publiés ultérieurement n'a pas été mentionné dans la demande telle que déposée, le demandeur ou le titulaire du brevet ne peut invoquer l'effet technique lors de l'examen de l'activité inventive que si cet effet est conforme à l'esprit de l'invention divulguée dans la demande telle que déposée.
De manière plus générale, la CNCPI a estimé qu'admettre une exception au principe de libre évaluation des preuves était injustifié car la question de la preuve de l'effet technique dans le cadre de l'appréciation de l'activité inventive était une construction jurisprudentielle.
Selon d'autres tiers (Beiersdorf AG, BAYER AG, l'epi, l'EPLIT, le CIPA), répondre par l'affirmative à la première question serait incompatible avec l'article 117(1) CBE qui permet de prendre un certain nombre de mesures d'instruction qui constituent, par leur nature même, des preuves ultérieures, à savoir l'audition de parties, la demande de renseignements, l'audition de témoins, l'expertise et la descente sur les lieux. Selon une autre observation d'amicus curiae (Patentanwaltskammer), il serait contraire à l'article 113(1) CBE d'établir des règles strictes en ce qui concerne la prise en considération d'informations techniques publiées ultérieurement. Il convient au contraire d'apprécier librement les moyens de preuve publiés ultérieurement pour définir leur valeur probante. Tout effet rendu plausible par les pièces de la demande initiale peut être contesté ou défendu par des preuves créées ou rendues publiques après la date de priorité de la demande de brevet.
Un autre tiers (E. Wunder) a fait valoir que, comme l'état de la technique le plus proche, l'effet technique devait être apprécié au moment où une décision était prise.
Réponse affirmative à la première question
XXIII. Des arguments généralement en faveur de l'approche consistant à admettre une exception au principe de libre appréciation des preuves en écartant des moyens de preuve publiés ultérieurement sur lesquels repose exclusivement un effet technique ont été initialement avancés par l'opposant puis soutenus par différents tiers (P.H. van Deursen, P. de Lange, Medicines for Europe, Fresenius Kabi Deutschland GmbH, IP Federation, et une observation d'un tiers anonyme).
L'opposant, soutenu par Medicines for Europe et Fresenius Kabi Deutschland GmbH, a initialement jugé inéquitable qu'une contribution technique à l'état de la technique puisse être une simple allégation comme justification d'un monopole conféré par un brevet délivré sur la base exclusive de preuves présentées des années après la date de dépôt. Cela aurait pour conséquence de permettre qu'un niveau d'exigence très bas soit requis du demandeur au moment du dépôt d'une demande de brevet puisqu'un effet technique pourrait relever d'une simple spéculation qui ne saurait apporter de contribution technique à l'état de la technique. En conséquence, selon l'opposant, le fait d'écarter des moyens de preuve publiés ultérieurement qui représentent la seule preuve d'un effet technique allégué, pour lequel aucune preuve n'existait dans la demande telle que déposée initialement et qui n'était pas plausible à la date de dépôt de la demande de brevet, ne contreviendrait pas au principe de libre appréciation des preuves.
Cependant, dans sa réponse à la notification de la Grande Chambre au titre des articles 13(2) et 14 RPGCR (point 12 de la réponse), l'opposant a partagé le point de vue de la Grande Chambre selon lequel le principe de libre appréciation des preuves ne semble pas permettre d'écarter des moyens de preuve en tant que tels dans la mesure où ils sont présentés et invoqués par une partie au soutien d'une conclusion contestée et où ils sont déterminants quant à la décision finale.
Certains tiers (P.-H. van Deursen, P. de Lange, Medicines for Europe) ont adopté une approche plus radicale qui consiste à ne pas prendre en compte les moyens de preuve publiés ultérieurement produits à l'appui d'un effet technique revendiqué, lors de l'appréciation de l'activité inventive. Selon eux, le principe de sécurité juridique des tiers veut que les preuves sur lesquelles repose l'objet revendiqué soient connues à la date de dépôt et qu'elles ne soient pas modifiées pendant la durée de validité de la revendication.
Réponse affirmative à la deuxième question
XXIV. Des arguments généralement en faveur de la prise en considération de moyens de preuve publiés ultérieurement lorsqu'à la date de dépôt de la demande de brevet en cause, l'homme du métier, se fondant sur les informations contenues dans la demande de brevet en cause ou sur ses connaissances générales, aurait jugé l'effet plausible ont été présentés par l'opposant et soutenus par différents tiers (Medicines for Europe, IP Federation). Bien que certains tiers aient suggéré de répondre par la négative à la première question, ils ont été favorables à ce qu'il soit répondu par l'affirmative à la deuxième question, soit à titre de considérations supplémentaires (la FICPI, l'epi) soit dans l'hypothèse où il serait répondu par l'affirmative à la première question (BAYER AG, le CIPA). Si le Président de l'OEB n'a pas directement proposé de répondre à la deuxième question par l'affirmative, ses arguments sont interprétés comme étant généralement en faveur de cette approche.
Selon l'opposant et des tiers (Medicines for Europe, IP Federation), le fait qu'un brevet ne puisse être délivré que si l'invention était brevetable à compter de la date de dépôt de la demande, relève essentiellement du droit matériel des brevets. Ainsi un effet technique allégué ne doit pas relever de la simple spéculation mais doit pouvoir être déduit de la demande telle que déposée initialement et constituer une contribution technique par rapport à l'état de la technique. Dans ces conditions, des moyens de preuve publiés ultérieurement au soutien d'un effet technique allégué existant dès la date de dépôt pourraient être pris en considération.
En réponse à la notification émise par la Grande Chambre conformément aux articles 13 et 14(2) RPGCR, l'opposant a suggéré de procéder au test suivant :
i) Un effet technique allégué est vraisemblable si un homme du métier connaissant les éléments de l'état de la technique, au vu de la demande telle que déposée, est convaincu que l'effet technique allégué sera obtenu.
ii) L'homme du métier doit également être convaincu que l'effet technique allégué sera obtenu sur toute l'étendue de la revendication.
iii) Si ces conditions ne sont pas remplies, les moyens de preuve publiés ultérieurement ne doivent pas être pris en considération pour apprécier l'activité inventive.
Le Président de l'OEB a souligné que la "plausibilité" ne constituait pas une condition de brevetabilité distincte et séparée, mais qu'il convenait de comprendre sur le fondement de la CBE que pour être brevetable, une invention doit permettre d'obtenir un effet technique. Ainsi, un effet technique allégué comme caractéristique intrinsèque de toute invention satisfaisant aux articles 56 et 83 CBE doit être obtenu sur la base du contenu de la demande telle que déposée, en combinaison avec les connaissances générales de l'homme du métier. La présentation de moyens de preuve publiés ultérieurement démontrant que l'effet technique allégué était bien obtenu ne peut pas remédier à une telle insuffisance de l'exposé. Des moyens de preuve publiés ultérieurement peuvent être pris en considération afin de corroborer une divulgation vraisemblable à la date de dépôt ou pour réfuter toute allégation de la part des opposants selon laquelle l'effet technique revendiqué ne pouvait pas être obtenu. Les preuves présentées par un titulaire de brevet pour démontrer un effet technique allégué, qui était déjà divulgué de manière vraisemblable à la date de dépôt, ou présentées par l'opposant pour démontrer que cet effet technique ne pouvait pas être obtenu, doivent être évaluées selon le principe de libre appréciation des preuves.
La FICPI a fait valoir que dans des circonstances exceptionnelles, lorsque l'obtention d'un effet technique particulier était mentionnée dans une revendication et faisait donc partie de l'objet de l'invention, il convenait d'examiner si l'effet revendiqué était rendu vraisemblable ou non dans la demande telle que déposée. Cependant, un effet technique revendiqué pourrait être rendu vraisemblable même s'il n'avait pas été démontré, p. ex. au moyen d'extrapolation, d'analogie ou d'un raisonnement théorique, et le principe de libre appréciation des preuves devrait être respecté afin de permettre la preuve ultérieure, le cas échéant, d'un effet revendiqué qui a été rendu vraisemblable dans la demande.
BAYER AG et la CNCPI ont également fait valoir que l'applicabilité de toute approche devait être déterminée au cas par cas et dépendait de différents facteurs, tels que le domaine technique précis, l'état de la technique et le niveau de prédictibilité de l'effet technique revendiqué sans que ces facteurs soient contradictoires en tant que tels.
Arguments contre l'approche sous-jacente à la deuxième question soumise
XXV. Le titulaire du brevet a affirmé que l'approche sous-jacente à la deuxième question soumise pouvait tout au plus s'appliquer à l'appréciation de la suffisance de l'exposé (article 83 CBE) pour laquelle elle avait été initialement adoptée par la décision T 609/02, notamment lorsque l'effet technique était mentionné dans la revendication (T 939/92, point 2.2.2 des motifs). En revanche, elle ne devrait pas s'appliquer à l'appréciation de l'activité inventive (article 56 CBE) d'un objet revendiqué, car elle serait particulièrement disproportionnée en termes d'effet juridique, de niveau de connaissances du demandeur de brevet et de charge de la preuve.
Réponse affirmative à la troisième question
XXVI. Le titulaire du brevet a avancé des arguments favorables à ce que soient pris en considération des moyens de preuve publiés ultérieurement comme preuve d'un effet technique allégué, lorsqu'à la date de dépôt de la demande de brevet en cause, l'homme du métier, se fondant sur les informations contenues dans la demande de brevet en cause ou sur ses connaissances générales, n'aurait vu aucune raison de considérer l'effet non plausible, notamment en ce qui concerne les brevets portant sur une application thérapeutique. Dans de tels cas, le demandeur aurait conscience de l'importance que revêt l'effet technique dès le commencement de la procédure de délivrance du brevet et l'aurait déjà mentionné dans la demande de brevet. Ainsi, le seuil de suffisance de l'exposé devrait normalement être atteint par le demandeur. Cependant, en ce qui concerne l'activité inventive, il serait totalement impossible de prévoir quel effet technique le demandeur du brevet devrait invoquer, car la discussion relative à l'effet technique dépend du choix de l'état de la technique le plus proche, qui est généralement introduit après la date de dépôt. En conséquence, le demandeur serait souvent contraint d'avancer des arguments étayant l'effet technique d'une caractéristique distinctive qui n'a pas été mise en évidence au moment du dépôt de la demande.
Un tiers (IP Federation) a suggéré qu'il soit répondu par l'affirmative aux trois questions soumises. Il devrait être admis de prendre en considération des données présentées ultérieurement lorsqu'à la date de dépôt de la demande du brevet en cause, l'homme du métier, se fondant sur les informations contenues dans la demande du brevet en cause et/ou sur ses connaissances générales, n'aurait vu aucune raison de juger l'effet technique non plausible, y compris lorsque, en se fondant sur les informations contenues dans la demande de brevets et/ou sur ses connaissances générales, il jugeait l'effet technique plausible.
D'autres tiers, tout en suggérant qu'il soit répondu par la négative à la première question, ont été favorables à ce qu'il soit répondu par l'affirmative à la troisième question, soit à titre de considérations supplémentaires (la FICPI) soit dans l'hypothèse où il serait répondu par l'affirmative à la première question (BAYER AG, l'epi, le CIPA) afin que le demandeur puisse présenter des preuves supplémentaires à l'appui d'un effet technique associé à l'objet de l'invention, lorsque cet effet, bien qu'il ne soit pas divulgué explicitement dans la demande telle que déposée, est conforme à l'esprit et à l'essence de l'invention divulguée et n'est pas dénué de plausibilité. Le CIPA a estimé que toute exigence d'informations en ce qui concerne la plausibilité ou l'absence d'invraisemblance à la date de dépôt devait être minimale. Par exemple, il devrait suffire que l'effet technique invoqué en dernier lieu ne soit simplement "pas complètement dénué de plausibilité", en particulier si l'on garde à l'esprit qu'à la date de dépôt, le demandeur peut ne pas connaître l'état de la technique le plus proche duquel l'invention revendiquée doit être distinguée.
Arguments contre l'approche sous-jacente à la troisième question soumise
XXVII. L'opposant a fait valoir que l'approche sous-jacente à la troisième question soumise abaissait sensiblement le seuil de brevetabilité et permettait que des brevets soient délivrés sur la base d'un simple effet technique spéculatif à la date de dépôt et non sur la base d'une véritable contribution technique. À son sens, s'il est permis de définir une invention après la date de dépôt, tout ce qui est divulgué dans la demande telle que déposée peut alors être "transformé" en une invention après cette date effective. Une telle approche est incompatible avec l'exigence de l'article 52(1) CBE selon laquelle un brevet est délivré pour toute invention à condition que l'invention existe avant le dépôt de la demande de brevet.
Fresenius Kabi Deutschland GmbH a en outre fait valoir que la charge de la preuve d'un effet technique incombait normalement au demandeur ou au titulaire du brevet et que l'obstacle pour les opposants et les examinateurs induit par la troisième question était quasiment insurmontable, les plaçant dans une situation extrêmement désavantageuse et tout simplement injuste.
Motifs
Portée et objet de la saisine
1. Les questions de droit soumises à la Grande Chambre dans la présente affaire portent sur deux points : celui de savoir si le principe de libre appréciation des preuves appelle ou non des réserves en ce qui concerne certains moyens de preuve invoqués à l'appui d'un effet technique allégué lors de l'appréciation de l'activité inventive, et celui de savoir quels sont les critères pertinents devant s'appliquer eu égard à un tel effet technique.
2. La chambre à l'origine de la saisine a abordé lesdits points en trois questions, les deuxième et troisième questions ne devenant pertinentes que dans le cas d'une réponse affirmative à la première question qui appellerait une exception au principe général de libre appréciation des preuves.
3. Le Président de l'OEB et des tiers ont proposé que les questions soumises soient réagencées et reformulées de sorte qu'il soit répondu en premier lieu aux deuxième et troisième questions avant l'examen de l'applicabilité, avec ou sans réserve, du principe de libre appréciation des preuves.
4. La Grande Chambre n'est pas liée à la manière dont une chambre de recours formule des questions de droit et peut reformuler lesdites questions. Cependant, la formulation particulière choisie par la chambre à l'origine d'une saisine constitue le point de départ qui définit ce que cette dernière estime être une question de droit qui nécessite une décision de la Grande Chambre en vertu de l'article 112(1)a) CBE. La Grande Chambre peut s'écarter de cette formulation si nécessaire pour mieux rendre compte de l'objet et de la portée véritables de la saisine (voir les exemples dans G 2/08, points 1 et 3 des motifs ; G 2/10, point 1 des motifs ; G 1/12, point 16 des motifs ; G 1/13, point 1 des motifs ; G 3/14, section B des motifs ; G 1/19, section A des motifs ; G 3/19, section III. des motifs ; G 1/21, point 20 des motifs).
5. La Grande Chambre note, au vu de la formulation spécifique et sans ambiguïté des questions soumises, qu'il ne fait aucun doute que la chambre à l'origine de la saisine a considéré avec soin la hiérarchie et l'interdépendance des questions soumises, et qu'elle est prête à prendre une décision finale sur le recours, même dans l'hypothèse où la Grande Chambre répondrait par la négative à la première question, sans répondre aux deuxième et troisième questions.
6. Cela semble aussi correspondre aux arguments invoqués dans deux observations d'amicus curiae selon lesquelles toute analyse de l'effet technique allégué constitue une étape entièrement distincte qui ne pourrait en toute logique avoir lieu qu'après une évaluation libre et complète de tout moyen de preuve pertinent publié ultérieurement.
7. Ainsi, la Grande Chambre n'estime ni nécessaire ni justifié de réagencer les questions soumises ou de les reformuler. Bien que la Grande Chambre ne soit en aucune manière tenue d'ajouter des considérations sur des aspects pertinents dans le cadre de la saisine tels que ressortant des deux autres questions soumises, elle a connaissance de la suggestion provenant du Président de l'OEB et de différents tiers tendant à examiner ce qu'ils considèrent être l'aspect essentiel de la saisine, c'est-à-dire les principes pertinents devant s'appliquer en ce qui concerne l'examen d'un tel effet technique allégué comme fondement de l'activité inventive.
8. Le Président de l'OEB propose en outre d'élargir la portée des questions soumises au-delà des questions d'appréciation de l'activité inventive pour inclure l'appréciation de la suffisance de l'exposé conformément à l'article 83 CBE.
9. La Grande Chambre relève qu'il appartient principalement à la chambre à l'origine de la saisine de décider quelle question de droit elle considère être d'une importance telle qu'elle ne peut statuer sur le recours dont elle est saisie sans avoir reçu au préalable de réponse de la Grande Chambre. Une telle question de droit ne peut revêtir une importance décisive que dans le contexte particulier où elle se pose afin d'éviter que des questions de droit de nature purement théorique soient soumises à la Grande Chambre.
10. La Grande Chambre note que la chambre à l'origine de la saisine a clairement décrit le cadre factuel et juridique dans lequel la question de droit se pose, à savoir l'appréciation de l'activité inventive de l'objet revendiqué dans le cadre juridique fixé par l'article 56 CBE. La chambre à l'origine de la saisine a expressément conclu que le motif d'opposition au titre de l'article 100b) CBE n'était pas pertinent pour statuer sur le recours, comme l'avait déjà jugé la division d'opposition dans la décision attaquée. La chambre à l'origine de la saisine a manifestement estimé que la suffisance de l'exposé de l'invention revendiquée n'était pas une question déterminante, les questions de droit soumises n'ayant aucune incidence sur le fait de savoir s'il faut prévoir, et dans quelle mesure, une exception au principe de libre appréciation des preuves dans le cadre juridique fixé par l'article 83 CBE.
11. En conséquence, la portée de la question de droit définie par les questions soumises et par les motifs de la décision de saisine ne permet pas ni ne nécessite que les questions soumises soient reformulées par l'ajout d'une référence à la suffisance de l'exposé et à l'article 83 CBE.
12. Cependant, et bien que les questions soumises portent clairement sur l'activité inventive, la Grande Chambre garde à l'esprit la jurisprudence relative à la suffisance de l'exposé.
Recevabilité de la saisine
13. Conformément à l'article 112(1)a) CBE, une chambre de recours, soit d'office, soit à la requête de l'une des parties, saisit en cours d'instance la Grande Chambre lorsqu'elle estime qu'une décision est nécessaire afin d'assurer l'application uniforme du droit ou si une question de droit d'importance fondamentale se pose.
14. Dans ses motifs, la chambre à l'origine de la saisine explique en détail les raisons pour lesquelles une réponse aux questions soumises est indispensable afin qu'elle statue sur le recours en instance, la décision finale dans cette affaire étant, selon elle, subordonnée à la question de savoir si les moyens de preuve publiés ultérieurement, invoqués par le titulaire du brevet afin d'établir un effet technique, peuvent être pris en compte ou doivent être écartés. Répondre au moins à certaines des questions soumises est donc nécessaire pour permettre à la chambre à l'origine de la saisine de parvenir à une décision finale dans l'affaire dont elle est saisie.
15. La Grande Chambre est également convaincue que les questions soumises soulèvent une question de droit d'importance fondamentale, puisque les réponses auront une incidence allant au-delà de l'affaire spécifique en instance et seront pertinentes dans un grand nombre d'affaires similaires portées devant les chambres de recours, ainsi que devant la division d'examen et la division d'opposition. Une décision de la Grande Chambre sur les questions soumises permettra ainsi d'assurer une application uniforme du droit (cf. G 1/12, points 11 et 12 des motifs).
16. Certains tiers ont fait valoir que la saisine devait être déclarée irrecevable, car l'invention revendiquée devait être considérée comme impliquant une activité inventive si l'on prenait en considération les preuves présentées tant par l'opposant que par le titulaire du brevet à l'appui de leurs allégations respectives sur la question de savoir si l'invention revendiquée produisait ou non l'effet technique invoqué par le titulaire du brevet et contesté par l'opposant. Elle devait également être considérée comme impliquant une activité inventive si l'on écartait les preuves respectivement présentées par les deux parties.
17. La Grande Chambre note que la chambre à l'origine de la saisine a pris la décision relevant de son pouvoir d'appréciation d'admettre les moyens de preuve publiés ultérieurement présentés par l'opposant (données expérimentales D23), mais qu'elle a estimé ne pas être en mesure d'admettre également les moyens de preuve publiés ultérieurement présentés par le titulaire du brevet (données expérimentales D21) sans avoir reçu au préalable une réponse de la Grande Chambre à une question de droit qu'elle juge déterminante. Cette décision de la chambre à l'origine de la saisine n'étant pas susceptible d'être réexaminée par la Grande Chambre au cours de la procédure en vertu de l'article 112(1)a) CBE, elle n'entrave pas la recevabilité de la saisine en ce qui concerne précisément cette seconde question qui est de savoir si les données expérimentales du titulaire du brevet peuvent ou non être admises.
18. Un tiers a contesté l'hypothèse de divergences dans la jurisprudence émise par la chambre à l'origine de la saisine et a fait valoir que, de son point de vue, les chambres de recours appliquaient la jurisprudence de manière constante et sur la base de leur évaluation technique des faits de la cause.
19. Cependant, la Grande Chambre confirme le point de vue de la chambre à l'origine de la saisine quant aux divergences de jurisprudence, ne serait-ce qu'en raison du recours aux différentes approches conceptuelles et terminologiques sous-jacentes aux deuxième et troisième questions. Cela est confirmé par les moyens invoqués par l'opposant, par les observations du Président de l'OEB, et par plusieurs observations d'amicus curiae. Confrontée à ces approches, la chambre à l'origine de la saisine a estimé qu'elle n'était pas en mesure de parvenir à une conclusion claire dans la présente affaire.
20. En conséquence, la saisine est recevable.
Considérations préliminaires
21. La décision de saisine souligne, dans la partie introductive des questions soumises, que trois questions de droit se posent dans le cadre de l'appréciation de l'activité inventive d'un objet revendiqué.
22. Conformément à l'article 52(1) CBE, les brevets sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle.
23. Selon la jurisprudence constante des chambres des recours, l'évaluation de l'activité inventive doit avoir lieu à la date effective du brevet, sur la base des informations contenues dans le brevet et des connaissances générales dont dispose à cette date l'homme du métier (cf. T 609/02, T 1329/04, T 1545/08 ; cf. également La Jurisprudence des Chambres de recours [ci-après désignée CLB], 10**(e) édition, 2022, I.D.4.3.3, et les décisions qui y sont citées).
24. Les chambres de recours et les instances administratives de l'OEB appliquent régulièrement l'"approche problème-solution" lorsqu'elles doivent décider si l'objet revendiqué implique ou non une activité inventive et s'il satisfait aux exigences de l'article 56 CBE. Cette approche comprend essentiellement les étapes méthodologiques suivantes (cf. CLB, 10**(e) édition, I.D.2, et les décisions qui y sont citées) :
a) déterminer "l'état de la technique le plus proche" ;
b) comparer l'objet de la revendication en cause au contenu divulgué de l'état de la technique le plus proche et identifier la différence (les différences) entre les deux ;
c) déterminer l'effet (les effets) ou le(s) résultat(s) technique(s) découlant de cette différence (ces différences) ou rattaché(s) à cette différence (ces différences) ; et
d) formuler le problème technique que l'invention se propose de résoudre, l'objet de l'invention étant d'obtenir ce (ces) résultat(s) technique(s) ; et
e) examiner si, compte tenu de l'état de la technique au sens de l'article 54(2) CBE, l'homme du métier aurait ou non suggéré les caractéristiques techniques revendiquées pour parvenir aux résultats obtenus par l'invention revendiquée.
25. Le problème technique doit découler d'effets qui ont un lien de causalité direct avec les caractéristiques techniques de l'invention revendiquée. Dans la formulation d'un problème technique, un effet ne peut pas être valablement utilisé s'il nécessite des informations supplémentaires qui ne sont pas accessibles à l'homme du métier, même après prise en considération du contenu de la demande (cf. CLB, 10**(e) édition, I.D.4.1, et les décisions qui y sont citées).
26. L'étape c), qui est la plus pertinente dans le contexte de la présente saisine, nécessite, afin de déterminer le problème technique objectif, d'évaluer les résultats et les effets techniques obtenus par l'invention revendiquée par rapport à l'état de la technique le plus proche. Selon la jurisprudence constante des chambres de recours (cf. CLB, 10**(e) édition, I.D.4.2, et les décisions qui y sont citées), il incombe au demandeur ou au titulaire du brevet de démontrer correctement que les avantages allégués de l'invention revendiquée ont été obtenus avec succès.
Principe de libre appréciation des preuves
27. La première question de droit soumise vise à déterminer si une chambre de recours est tenue de s'écarter du principe de libre appréciation des preuves en ce qui concerne les moyens de preuve publiés ultérieurement, présentés comme fondement exclusif d'un effet technique allégué lors de l'appréciation de l'activité inventive.
28. La structure des trois questions soumises et leur interdépendance semblent refléter l'interprétation particulière du principe de libre appréciation des preuves retenue par la chambre à l'origine de la saisine. Selon le raisonnement au point 13.7.3 des motifs de la décision de saisine, le principe de libre appréciation des preuves ne permet pas d'appliquer directement ce que la chambre à l'origine de la saisine décrit comme des critères de prise en compte de certaines preuves au soutien d'un effet technique allégué, mais fait au contraire obstacle à l'application de tels critères. La chambre à l'origine de la saisine, sans toutefois approfondir ce point, relève que :
"Le fondement juridique qui permettrait d'empêcher le titulaire du brevet de s'appuyer sur un type particulier d'éléments de preuve afin d'étayer un fait pertinent pour l'issue de la procédure n'est pas immédiatement apparent. De même, il n'apparaît pas clairement sur quel fondement il serait interdit à une chambre de prendre en considération des moyens de preuve qu'elle considère comme étant convaincants et déterminants."
29. Ni la CBE ni la jurisprudence des chambres de recours n'établissent de règles formelles en matière d'appréciation des preuves. Dans la décision G 1/12 (point 31 des motifs), citant les décisions G 3/97 (point 5 des motifs) et G 4/97 (point 5 des motifs), la Grande Chambre a rappelé que la procédure devant l'OEB est conduite conformément au principe de libre appréciation des preuves.
30. Ledit principe peut être défini de manière abstraite et générale comme permettant, et par là-même comme exigeant, que des instances juridictionnelles comme les chambres de recours décident si une allégation de fait contestée doit être considérée vraie ou fausse en exerçant leur pouvoir d'appréciation et selon leur propre conviction, en prenant en considération l'ensemble des moyens invoqués par les parties et, le cas échéant, toute preuve valablement présentée ou obtenue, mais sans observer de règles formelles.
31. Cela ne signifie pas que cette appréciation des preuves puisse être arbitraire. Au contraire, les preuves doivent être appréciées de manière exhaustive et rigoureuse. L'unique facteur déterminant est de savoir si le juge est personnellement convaincu de la véracité de l'allégation de fait, en d'autres termes, quel niveau de vraisemblance il accorde à un élément de preuve. À cette fin, le juge doit mettre l'ensemble des arguments en faveur et à l'encontre d'une allégation de fait en relation avec le niveau de preuve requis. Ce faisant, il est lié par les lois de la logique et par les probabilités tirées de l'expérience. Les motifs ayant conduit le juge à être convaincu de l'exactitude ou de l'inexactitude d'une allégation de fait contestée doivent être énoncés dans la décision.
32. Le principe de libre appréciation des preuves ne peut pas servir à écarter des preuves en tant que telles dans la mesure où elles sont valablement présentées et invoquées par une partie à l'appui d'une conclusion contestée et sont déterminantes pour l'issue de l'affaire. Ne pas prendre en considération des preuves par principe priverait la partie qui les présente et les invoque d'un droit procédural fondamental, généralement admis dans les États parties à la CBE et inscrit aux articles 113(1) et 117(1) CBE (cf. également T 1110/03, point 2 des motifs, T 1797/09, point 2.9 des motifs, T 419/12, point 2.1.3 des motifs, et T 2294/12, point 1.1.3 des motifs).
33. Cette définition, qui s'applique également aux décisions prises par les instances administratives de l'OEB lors des procédures de délivrance des brevets, est conforme à la jurisprudence constante des chambres de recours (cf. CLB, 10**(e) édition, III.G.4.1, et les décisions qui y sont citées) et se trouve étayée par divers commentaires relatifs au droit des brevets (cf. Unland dans Benkard, EPÜ, art. 117, n° 39 ; Bühler dans Singer/Stauder/Luginbühl, EPÜ, art. 117, n° 23 ; Schulte, Patentgesetz, introduction, n° 155 ; Annotated European Patent Convention de Derk Visser, art. 117, point 2, dernier paragraphe, tous avec d'autres références).
34. Les instances compétentes en vertu de la CBE pour rendre des décisions ont le pouvoir et le devoir d'apprécier au cas par cas si les faits allégués sont suffisamment établis. En vertu du principe de libre appréciation des preuves, chaque instance concernée rend sa décision sur la base de l'ensemble des preuves pertinentes, disponibles au cours de la procédure, et à la lumière de la conviction qu'elle s'est librement forgée pour apprécier si un fait allégué peut être considéré comme réel et démontré. La libre appréciation de moyens de preuve valablement présentés qui sont pertinents pour statuer sur l'affaire en instance signifie qu'il n'existe aucune règle déterminée qui définisse la force probante à attacher ou non à certains moyens de preuve.
Jurisprudence actuelle de la Grande Chambre de recours
35. Il n'existe aucune décision ni aucun avis de la Grande Chambre qui traite directement du principe de libre appréciation des preuves invoquées à l'appui d'un effet technique allégué. La Grande Chambre a évoqué le principe de libre appréciation des preuves uniquement dans d'autres contextes, à savoir ceux de la recevabilité de l'opposition formée contre un brevet européen pour le compte d'un tiers (affaires jointes G 3/97 et G 4/97) et de la recevabilité d'un recours formé par une personne qui, à première vue, ne semblait pas avoir qualité à le faire (G 1/12).
36. Dans les affaires jointes G 3/97 et G 4/97, la Grande Chambre a considéré ce qui suit (points 1a, 1b et 2 du dispositif de la décision G 3/97, et points 3a, 3b et 4 du dispositif de la décision G 4/97, gras ajouté) :
"Une opposition n'est pas irrecevable du seul fait que la personne indiquée en tant qu'opposant conformément à la règle 55a) CBE agit pour le compte d'un tiers.
Une telle opposition est toutefois irrecevable lorsque l'intervention de l'opposant doit être considérée comme un contournement abusif de la loi.
Lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a contournement abusif de la loi, il convient d'appliquer le principe de la libre appréciation des preuves. La charge de la preuve appartient à celui qui invoque l'irrecevabilité de l'opposition. L'existence d'un contournement abusif de la loi doit être établie sur la base d'une preuve claire et sans équivoque, qui emporte la conviction de l'instance appelée à statuer."
37. Dans l'affaire G 1/12, la Grande Chambre a considéré ce qui suit (dispositif, gras ajouté) :
"À la question (1) reformulée - à savoir, lorsqu'un acte de recours comporte, conformément à la règle 99(1)a) CBE, le nom et l'adresse du requérant tels que prévus à la règle 41(2)c) CBE, et qu'il est allégué qu'en raison d'une erreur, le requérant n'a pas été identifié correctement, l'intention véritable ayant été de former le recours au nom de la personne morale qui aurait dû le faire, est-il possible de corriger cette erreur en vertu de la règle 101(2) CBE au moyen d'une requête visant à substituer le nom du véritable requérant au nom mentionné par erreur ? - il est répondu par l'affirmative, à condition qu'il ait été satisfait aux exigences de la règle 101(1) CBE.
La procédure devant l'OEB est conduite conformément au principe de la libre appréciation des preuves. Cela vaut également pour les problèmes examinés dans la présente saisine.
En cas d'erreur concernant le nom du requérant, la procédure à caractère général prévue à la règle 139, première phrase CBE pour la correction d'erreurs peut être appliquée dans les conditions établies par la jurisprudence des chambres de recours."
Appréciation des moyens de preuve devant les chambres de recours
38. L'article 117 CBE est applicable aux preuves produites dans les procédures administratives devant la section de dépôt, la division d'examen et la division d'opposition, la division juridique ainsi que dans la procédure juridictionnelle devant les chambres de recours (cf. CLB, 10**(e) édition, III.G.1).
39. Les chambres de recours ont abordé dans leur jurisprudence de nombreux aspects de la recevabilité des moyens de preuve et de l'instruction. Elles ont, en outre, élaboré des principes spécifiquement destinés à régir tant l'appréciation des preuves, que le degré de conviction de l'instance et l'attribution de la charge de la preuve, afin de veiller à ce que les procédures devant l'OEB soient menées de manière équitable et cohérente (cf. CLB, 10**(e) édition, III.G.1, et les décisions qui y sont citées).
40. En application du principe de libre appréciation des preuves, tout moyen de preuve, indépendamment de son genre, est recevable (cf. T 482/89 et T 558/95). Les parties sont libres dans le choix des modes de preuve, les moyens de preuve énumérés à l'article 117(1) CBE n'ayant qu'une valeur d'exemple (cf. T 543/95 et T 142/97).
41. Les articles 113(1) et 117(1) CBE énoncent un droit procédural fondamental et généralement admis dans les États contractants, à savoir le droit de produire des preuves sous une forme appropriée, et le droit d'être entendu sur ces preuves (cf. T 1110/03). Les faits, preuves et arguments qui revêtent une importance fondamentale pour la décision doivent être traités en détail (cf. p. ex. T 278/00, cf. également CLB, 10**(e) édition, III.K.3.4.4 b), et les décisions qui y sont citées).
42. Il convient pour l'instance appelée à statuer de vérifier sur la base de tous les moyens de preuve pertinents si un fait peut ou non être considéré comme prouvé (T 474/04 et T 545/08 citant G 3/97, point 5 des motifs). L'ensemble des mesures d'instruction énoncées à l'article 117(1) CBE sont soumises au pouvoir d'appréciation de cette instance qui ne les ordonne que si elle l'estime nécessaire (T 798/93). Lorsque l'offre de preuve sur des faits contestés et essentiels à la solution du litige se réfère à un moyen de preuve décisif, l'instance est en principe tenue de la prendre en compte (cf. T 474/04). Toutes les offres de preuve appropriées soumises par les parties doivent être prises en compte (cf. T 329/02).
43. En revanche, si les moyens de preuve publiés ultérieurement sont considérés comme n'étant pas de prime abord pertinents ou nécessaires à la décision eu égard à la question qui se pose dans l'affaire en instance, il n'y a pas lieu qu'ils soient pris en considération par la chambre de recours compétente (p. ex. T 122/18 et T 1343/19 : moyens de preuve de prime abord non pertinents ; T 517/16, T 2923/18, T 2029/19, T 2963/19, T 3109/19 : moyens de preuve non requis ou non pertinents ; et T 2730/16 : effet technique allégué non contesté).
44. Le principe de la libre appréciation et de la libre administration des preuves n'est applicable qu'après la prise en compte d'une offre de preuves et ne peut être invoqué pour justifier le rejet d'une telle offre (cf. T 1363/14, T 2238/15).
45. Afin d'exercer le pouvoir d'apprécier au cas par cas si les faits invoqués sont suffisamment établis, l'instance compétente qui est appelée à statuer tranche sur la base de l'ensemble des preuves invoquées au cours de la procédure et à la lumière de la conviction qu'elle s'est librement forgée pour apprécier la réalité d'un fait invoqué (cf. p. ex. T 482/89, T 838/92, T 592/98, T 972/02, et d'autres exemples et références dans CLB, 10**(e) édition, III.G.4.1).
46. Même si plusieurs concepts relatifs au degré de conviction de l'instance ont été définis par la jurisprudence des chambres, ils ont tous en commun que les décisions doivent être prises sur la base du principe de la libre appréciation de la preuve (cf. CLB, 10**(e) édition, III.G.4.3, et les décisions qui y sont citées).
Principe de libre appréciation dans les États contractants
47. L'article 117(1) CBE concerne les mesures d'instruction et l'article 117(2) CBE ensemble les règles 4, 117 à 124, et 150 CBE déterminent la procédure relative à l'instruction. Cependant, la CBE ne comporte aucune disposition de procédure expresse concernant l'appréciation des preuves.
48. En conséquence, les principes du droit procédural généralement admis dans les États contractants doivent être pris en considération conformément à l'article 125 CBE.
49. Il apparaît que le principe de libre appréciation des preuves est admis et appliqué dans plusieurs États contractants de tradition civiliste.
Suisse
50. Le principe de libre appréciation des preuves est aussi admis en Suisse. Le code de procédure civile suisse ("Zivilprozessordnung") prévoit à l'article 157 que le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées ("Das Gericht bildet sich seine Überzeugung nach freier Würdigung der Beweise"), ce qui a été interprété par le Tribunal fédéral comme une interdiction de recourir à des règles déterminées en matière de preuve (cf. décision 5A_250/2012 du 18 mai 2012, point E. 7.4.1 avec d'autres références). Dans ses décisions, le Tribunal fédéral des brevets se réfère à ladite disposition (cf. article 27 Loi sur le Tribunal fédéral des brevets ("Bundesgesetz über das Bundespatentgericht - Patentgerichtsgesetz").
Allemagne
51. En Allemagne, le principe de libre appréciation des preuves est prévu par la Loi sur les brevets (§ 93(1) "Patentgesetz") ainsi que par le code de procédure civile (§ 286 "Zivilprozessordnung"). En vertu de ladite Loi, le juge statue selon l'intime conviction qu'il s'est forgée au vu de l'ensemble des éléments de la procédure ("Das Patentgericht entscheidet nach seiner freien, aus dem Gesamtergebnis des Verfahrens gewonnenen Überzeugung").
France
52. En règle générale, la procédure française est également régie par le principe de libre appréciation par le juge des preuves présentées par les parties ("appréciation souveraine par le juge des éléments de preuve qui lui sont soumis" ; cf. J. Passa, Traité de droit de la propriété intellectuelle, Tome 2, Brevets d'invention, protections voisines, 2013, point 151, pages 202 et 203 ; J. Schmidt-Szalewski, Fasc. 4260 du Jurisclasseur Brevets, paragraphe 48 "appréciation de la preuve des antériorités"). En ce qui concerne la nouveauté, toutefois, la date, le contenu d'un document qui divulguerait l'invention et son accessibilité au public doivent être établis avec certitude.
Pays-Bas
53. Aux Pays-Bas, la libre appréciation des preuves est régie par l'article 152(2) du Code de procédure civile néerlandais ("Wetboek van Burgerlijke Rechtsvordering"), sauf disposition contraire prévue par la loi ("De waardering van het bewijs is aan het oordeel van de rechter overgelaten, tenzij de wet anders bepaalt"). Cette exception concerne les règles relatives au caractère concluant et à la force probante des moyens de preuve invoqués. Le tribunal est tenu de reconnaître la véracité de certains moyens de preuve ; toutefois, ceux-ci peuvent également être réfutés par des preuves. Bien que le système juridique néerlandais ne donne pas d'orientations méthodologiques aux juges concernant la libre appréciation des preuves, la définition du principe de libre appréciation des preuves donnée par C.H. van Rhee, selon laquelle le juge se prononce sur la preuve selon son "intime conviction" mais dans les limites fixées par les parties dans leur exposé des faits, semble être généralement admise dans le droit procédural civil néerlandais.
Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles)
54. Au Royaume-Uni, selon le système de Common Law, il n'existe pas de principe général de libre appréciation des preuves. La question des preuves relatives à l'activité inventive (évidence) est considérée comme étant "de type jury" si bien qu'elle doit être tranchée sur la base des faits de l'espèce (cf. Terrel on the Law of Patents par C. Birss et al, 19**(e) édition, 2020, pages 390 à 400, [12-177]-[12-212], avec de nombreux exemples et références). Deux types de preuves ont été définis et différenciés par la Cour d'appel dans l'affaire Mölnlycke c. Procter & Gamble [1994] R.P.C. 49 [112] : les preuves principales (dépositions d'expert) et les preuves secondaires (toutes les autres preuves), sachant qu'aux fins d'établir l'évidence, qui est soumise à l'application d'un test objectif, les preuves principales semblent être les plus pertinentes, bien que les preuves secondaires puissent également être considérées comme "déterminantes le cas échéant" (Accord c. Medac [2016] EWHC 24 (Pat) au point [116] ; cf. également Schlumberger c. EGMS [2010] EWCA Civ 819 [84]-[85] ; Hospira UK Ltd c. Cubist Pharmaceuticals Ltd [2016] EWHC 1285 (Pat) ; Positec Power Tools Europe Ltd c. Husqvarna AB [2016] EWHC 1061 (Pat) ; Cantel Medical (UK) Ltd c. Arc Medical Design Ltd [2018] EWHC 345 (Pat)).
Conclusion intermédiaire
55. La Grande Chambre conclut au vu de ces considérations que le principe de libre appréciation des preuves peut être considéré comme un principe universellement applicable à l'appréciation de tout moyen de preuve par une chambre de recours.
56. Par conséquent, les moyens de preuve présentés par un demandeur ou un titulaire de brevet à l'appui d'un effet technique sur lequel il se fonde aux fins d'établir l'activité inventive de l'objet revendiqué ne peuvent être écartés au seul motif que ces moyens de preuve, sur lesquels l'effet repose, n'étaient pas accessibles au public avant la date de dépôt de la demande de brevet en cause et ont été produits après cette date.
57. Toutefois, cela n'entraîne pas nécessairement une réponse par la négative à la première question soumise, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les deuxième et troisième questions qui dépendent d'une réponse par l'affirmative à la première. Nonobstant le libellé précis des questions soumises, la Grande Chambre admet que l'essence de l'affaire ayant donné lieu à la présente saisine va au-delà de la formulation littérale de la première question.
58. La Grande Chambre considère que la notion conceptuelle inhérente au terme "plausibilité", souvent utilisé comme terme générique, n'est pas une condition distincte de brevetabilité ni de validité d'un brevet, mais un critère permettant de se fonder sur un effet technique allégué. En ce sens, cette notion ne constitue pas une exception spécifique au principe de libre appréciation des preuves, mais correspond plutôt à une allégation de fait et à un élément qu'un demandeur ou un titulaire de brevet doit démontrer pour pouvoir valablement se fonder sur un effet technique allégué mais contesté. Il semble à la Grande Chambre que les parties, le Président de l'OEB et la majorité des tiers ont une interprétation similaire de cette notion.
59. La Grande Chambre reconnaît la nécessité, telle que suggérée par les parties et par le Président de l'OEB, de donner des orientations sur l'application du principe de libre appréciation des preuves en ce qui concerne des moyens de preuve publiés ultérieurement invoqués à l'appui d'un effet technique allégué mais contesté.
Jurisprudence relative à la prise en considération d'un effet technique invoqué comme fondement de l'activité inventive
Considérations générales
60. Avant d'examiner la jurisprudence des chambres de recours, la Grande Chambre prend note de la décision dans l'affaire T 578/06, point 13 des motifs, dans laquelle la chambre de recours fait observer que la CBE ne subordonne la brevetabilité à aucune preuve expérimentale et que pour démontrer qu'un objet revendiqué résout le problème technique objectif, il n'est pas toujours requis de fournir des données expérimentales ou des résultats de tests dans la demande telle que déposée et/ou des preuves publiées ultérieurement. La chambre de recours, en se référant aux décisions T 893/02 et T 1329/04, souligne au point 15 des motifs que cette jurisprudence ne juge pertinent d'établir le caractère plausible d'un effet technique allégué dans l'examen de l'activité inventive "que lorsque l'espèce permet sérieusement de douter que l'invention revendiquée est propre à résoudre le problème technique formulé, et qu'il est loin d'être évident que l'invention revendiquée résout ledit problème. Ce principe ressort d'autant plus clairement des décisions où il a été conclu à l'absence d'activité inventive au motif que le problème formulé n'était pas résolu."
61. Dans de nombreuses décisions, les chambres de recours n'ont pas pris en considération les moyens de preuve publiés ultérieurement car l'homme du métier ne disposait pas du contenu des preuves à la date pertinente (T 1791/11 : les moyens de preuve étaient la base unique pour établir que la demande avait effectivement résolu le problème qu'elle prétendait résoudre ; T 125/12 : les moyens de preuve étaient invoqués à l'appui d'un effet qui n'était pas plausible dans la demande telle que déposée ; T 1285/13 : l'évaluation de l'activité inventive devait avoir lieu à la date effective du brevet, sur la base des informations contenues dans le brevet et des connaissances générales dont disposait à cette date l'homme du métier ; des preuves publiées ultérieurement pour prouver que l'objet revendiqué résolvait le problème technique que le brevet en litige entendait résoudre pouvaient être prises en compte si l'exposé du brevet faisait déjà ressortir de manière plausible que le problème avait effectivement été résolu ; T 2348/13 : D42 et D43, des articles publiés ultérieurement, ne représentaient pas les connaissances générales ; T 488/16 : les documents publiés ultérieurement constituaient la première divulgation montrant que le prétendu problème technique avait effectivement été résolu et n'ont donc pas été pris en considération aux fins de l'appréciation de l'activité inventive ; T 1099/19 : l'effet technique revendiqué n'avait pas été rendu plausible à la date effective du brevet, et les documents publiés ultérieurement n'ont pas été pris en compte puisqu'ils constituaient la première divulgation allant au-delà d'une simple spéculation).
62. Il existe également des décisions dans lesquelles la chambre de recours compétente a pris en considération des moyens de preuve publiés ultérieurement présentés dans le cadre de l'évaluation d'un effet technique revendiqué, sans toutefois parvenir à un résultat différent sur la question de l'activité inventive (T 179/16, T 978/16, T 1499/16, T 229/17, T 334/18, T 1306/18).
63. Dans l'affaire T 108/09, des moyens de preuve publiés ultérieurement ont été pris en compte, la chambre de recours ayant estimé qu'ils n'étaient pas la seule source d'information concernant l'effet technique revendiqué, de sorte que les données qu'ils contenaient pouvaient être utilisées afin d'évaluer si le problème à l'origine de l'invention en cause était ou non résolu de manière plausible.
Analyse de la jurisprudence
64. La Grande Chambre a connaissance de la jurisprudence citée par la chambre à l'origine de la saisine illustrant différentes approches s'agissant d'admettre ou non qu'un demandeur ou un titulaire de brevet se fonde sur un effet technique allégué (voir points VI.(6) à (8) ci-dessus et points 13.4 à 13.6 des motifs de la décision de saisine). Étant donné qu'il n'est pas possible d'examiner en détail les nombreuses décisions relatives à la pertinence des moyens de preuve publiés ultérieurement, comme les données expérimentales, pour prouver un effet technique allégué aux fins d'établir l'activité inventive dans le cadre de l'article 56 CBE, la Grande Chambre se concentre sur une sélection de décisions plus récentes, qui semble refléter l'aboutissement de l'évolution de la jurisprudence antérieure.
65. Dans la décision T 31/18, point 2.5.2 des motifs, considérée par la chambre à l'origine de la saisine comme relevant de la jurisprudence de type III (voir point 13.6 des motifs de la décision de saisine, qui se réfère également à la décision T 2371/13, point 6.1.2 des motifs), la chambre de recours a considéré que l'effet technique invoqué comme fondement de l'activité inventive selon l'approche problème-solution doit être expressément mentionné dans la demande telle que déposée ou, à tout le moins, pouvoir en être déduit, mais ne doit pas nécessairement être corroboré par des preuves expérimentales. Il ne peut être attendu d'un demandeur de brevet qu'il inclue un grand nombre de preuves expérimentales correspondant à toutes les caractéristiques techniques susceptibles d'être revendiquées dans la demande telle que déposée et de constituer une caractéristique distinctive future par rapport à l'état de la technique le plus proche, puisque ledit état de la technique le plus proche et sa divulgation technique peuvent ne pas être connus du demandeur à la date de dépôt de la demande".
Décisions considérées comme relevant de la jurisprudence de type I
66. La chambre à l'origine de la saisine mentionne la décision T 1329/04 comme exemple clé de la notion conceptuelle sous-jacente à la deuxième question soumise (type I, voir point 13.4 des motifs de la décision de saisine). Dans l'affaire T 1329/04, la chambre de recours n'a pas pris en considération les moyens de preuve publiés ultérieurement et a finalement refusé de reconnaître l'activité inventive de l'objet revendiqué parce que la demande telle que déposée initialement ne contenait pas suffisamment de preuves permettant de rendre au moins plausible qu'une solution ait été trouvée au problème que la demande prétendait résoudre. Le raisonnement pertinent se trouve aux points 10 et 11 des motifs (gras ajouté) :
"[...] dans la demande [...], il est admis que "[...], la séquence du GDF-9 s'écarte sensiblement des séquences des autres membres de la famille [...]". Cependant, les fonctions des membres de la superfamille des TGF-Bêta, précédemment isolés du liquide folliculaire ovarien (inhibines) ou dont il a été démontré qu'ils inhibaient le cancer de l'ovaire (MIS), sont citées et attribuées à titre spéculatif et sur la base de présomptions au GDF-9. D'autres rôles possibles sont également suggérés concernant le GDF-9, recouvrant certains des effets observés avec les TGF-Bêta. [...] Aussi la question en l'occurrence est-elle plutôt de savoir quel poids peut être accordé aux spéculations dans la demande lors de l'appréciation de l'activité inventive, appréciation qui requiert d'établir les faits avant de commencer le raisonnement pertinent. Selon la chambre, énumérer les fonctions présumées d'un composé donné n'équivaut pas à apporter la preuve technique d'une fonction spécifique.
En conséquence, étant donné qu'une caractéristique structurelle importante n'est pas identique dans le TGF-9 et dans les membres de la superfamille des TGF-Bêta, et qu'aucune caractérisation fonctionnelle du TGF-9 n'est prévue dans la demande, on peut conclure que la demande n'identifie pas suffisamment ce facteur comme étant un membre de cette famille, c'est-à-dire que la demande ne contient pas suffisamment de preuves permettant de rendre au moins plausible le fait qu'une solution ait été trouvée au problème que la demande prétend résoudre."
67. Selon les décisions T 235/13, T 787/14, T 488/16, T 2200/17, T 377/18, T 391/18 et T 1442/18, des moyens de preuve publiés ultérieurement peuvent être pris en compte à l'appui d'un effet technique que la chambre de recours compétente a jugé plausible déjà sur la base de la demande telle que déposée initialement. Les passages suivants des décisions susmentionnées apparaissent déterminants pour les conclusions de la chambre de recours concernée :
Décision T 235/13, point 2.6 des motifs :
"[...] La présente demande [...] n'indique pas, que ce soit dans l'exposé de l'invention ou dans la présentation de l'état de la technique, une quelconque amélioration d'une thérapie, et encore moins une amélioration de la biodisponibilité du composé thérapeutique. Par conséquent, cet effet supplémentaire modifie bien le caractère de l'invention et ne peut pas être pris en compte précisément pour cette raison."
Décision T 787/14, points 19 à 21 et 23 des motifs (gras ajouté) :
"Ainsi, à partir des informations fournies dans le brevet concernant l'essai clinique V59P2, l'homme du métier ne peut pas conclure que les patients ont été pré-immunisés au moins six mois au préalable et dans l'année qui a suivi leur naissance avec un conjugué d'un saccharide capsulaire, d'un organisme autre que N. meningitidis, et d'une anatoxine diphtérique ou de CRM197 [...].
Par conséquent, tout effet avantageux de la composition qui pourrait être observé dans l'essai clinique V59P2 ne peut être pris en compte dans l'appréciation de l'activité inventive. Le requérant ne peut pas non plus s'appuyer sur des documents publiés ultérieurement [...] : "L'évaluation de l'activité inventive doit avoir lieu à la date effective du brevet, sur la base des informations contenues dans le brevet et des connaissances générales dont dispose à cette date l'homme du métier. Il convient de vérifier si la solution revendiquée résout effectivement le problème, autrement dit si l'objet revendiqué produit réellement l'effet désiré, en se fondant sur les données de la demande afin d'éviter qu'une invention ne soit fondée sur des connaissances disponibles seulement après la date effective. Des preuves publiées ultérieurement pour prouver que l'objet revendiqué résout le problème technique posé ne peuvent être prises en compte que si l'exposé du brevet faisait déjà ressortir de manière plausible que le problème a effectivement été résolu. [...]
La chambre déduit de l'analyse ci-dessus que le problème à résoudre ne peut pas être défini comme le propose le requérant, à savoir comme consistant à fournir une composition améliorée, qui induit une meilleure réponse immunitaire à chacun des sérogroupes. [...]
Néanmoins, de l'avis de la chambre, l'homme du métier n'aurait aucune raison de douter que la composition revendiquée induit également une réponse immunitaire pouvant être renforcée chez ces patients, puisqu'il n'y avait aucun préjugé dans l'état de la technique selon lequel une pré-immunisation avec l'anatoxine diphtérique ou la CRM197 entraînerait une suppression du vecteur, [...]."
Décision T 488/16, points 4.5, 4.9 et 4.19 des motifs (gras ajouté) :
"La chambre a jugé que la formulation d'une simple affirmation selon laquelle "l'activité des composés a été constatée" en l'absence de toute indication technique vérifiable, n'est pas suffisante pour rendre vraisemblable le fait que le problème technique que la demande prétend résoudre [...] est effectivement résolu, en particulier dans la présente affaire, où l'invention porte sur une classe de composés définie de manière très vaste qui englobe des millions de candidats assez différents du point de vue de leur structure et dont les propriétés sont inconnues, où même les exemples présentent une grande disparité structurelle et où il est par nature improbable pour tout homme du métier que la totalité, ou, à tout le moins, une importante partie des composés de l'invention exercent l'activité inhibitrice alléguée sur les PTK. Dans la présente affaire, le dossier ne contient aucune preuve démontrant que, à la date du dépôt, l'homme du métier était en possession de connaissances générales qui, même en l'absence de données, rendaient plausible le fait que les composés de l'invention, en particulier le dasatinib, pouvaient exercer une activité inhibitrice sur les PTK. L'argument du requérant selon lequel un certain nombre de composés structurellement différents sont connus en tant qu'inhibiteurs de PTK et font l'objet d'essais cliniques ou sont sur le point de faire l'objet d'un développement clinique [...] n'est pas pertinent dans ce contexte, étant donné qu'aucune conclusion concernant l'inhibition de PTK par le dasatinib ne peut être tirée de ces connaissances en l'absence de toute corrélation entre caractéristiques structurelles et fonction. [...]
[L]e document publié ultérieurement (9) [...] ne se contente pas de confirmer l'effet technique, mais divulgue plutôt un profil PTK spécifique, qui identifie le dasatinib comme inhibiteur présentant une puissante activité antitumorale [...]. Une telle divulgation ne figure pas dans la demande telle que déposée. [...]
[L]es documents publiés ultérieurement (9) et (10) constituent la première divulgation montrant que, du moins pour certains thiazoles, en particulier le dasatinib, le prétendu problème technique était effectivement résolu. Conformément à la jurisprudence constante, ces documents ne sont donc pas pris en considération aux fins de l'appréciation de l'activité inventive."
Décision T 2200/17, point 9.6 des motifs :
"Dans le contexte de la question de savoir si l'intimé était autorisé à invoquer des moyens de preuve publiés ultérieurement [...], le requérant 1 a contesté au cours de la procédure orale que la demande telle qu'elle avait été déposée avait rendu plausible le fait que le composé revendiqué conduisait à une substance parentale enrichie par rapport à D4. Cependant, ce qui importe ici est une substance parentale enrichie par rapport à TD et TDF et non par rapport à D4. En outre, la demande telle qu'elle a été déposée contient les mêmes exemples 9 à 11 que ceux figurant dans le brevet. La conclusion ci-dessus selon laquelle le brevet montre et rend donc plausible le fait que le composé revendiqué conduit à une puissance accrue et à un enrichissement de la substance parentale par rapport à TD et TDF s'applique donc également à la demande telle qu'elle a été déposée. Par conséquent, l'argument du requérant 1 doit être rejeté."
Décision T 377/18, point 3.3.1 des motifs :
"Le document (14) est donc traité comme un document publié ultérieurement. Selon l'intimé, ce document montre que "le régorafénib a même été efficace chez les patients qui ont montré une réponse insuffisante au traitement avec le sorafénib" (point 42 du document (5)). Le requérant a déclaré que le document (14) ne montrait pas de supériorité du régorafénib par rapport au sorafénib. [...] Toutefois, en l'absence de toute indication dans la demande telle que déposée selon laquelle le régorafénib pourrait être utilisé en cas d'échec d'un traitement avec d'autres substances actives de la même classe chimique, c'est-à-dire les diaryl-urées examinées dans la partie relative au contexte en référence au document (5), un tel moyen de preuve publié ultérieurement ne peut pas être pris en considération pour évaluer l'activité inventive."
Décision T 391/18, points 8.3 et 8.4 des motifs :
"[D26] a divulgué les résultats d'un essai clinique de phase III dénommé C209 [...] qui comparait deux traitements de l'infection par le VIH administrés une fois par jour. [...] En résumé, le document D26 a montré qu'un traitement selon la revendication 1, dans lequel l'INNTI (E-TMC278) est administré à une dose de 25 mg, équivaut en termes d'efficacité et d'innocuité à un traitement tel que divulgué dans le document D15, dans lequel l'INNTI (efavirenz) est administré à une dose de 600 mg. Il est donc évident que le traitement selon la revendication 1 réduit considérablement le nombre de comprimés par rapport au traitement de l'état de la technique le plus proche. [...] D26 prouve qu'une combinaison de TMC278, d'emtricitabine et de fumarate de ténofovir disoproxil réduit considérablement le nombre de comprimés à prendre par rapport à une combinaison thérapeutiquement équivalente d'efavirenz, d'emtricitabine et de fumarate de ténofovir disoproxil. [...]
Sur la base de ce qui précède, la chambre conclut que, conformément aux indications figurant dans le brevet aux paragraphes [0003], [0009] et [0012], le problème technique objectif est de fournir un traitement efficace et sûr de l'infection par le VIH dans le cadre d'une administration une fois par jour, le traitement nécessitant un nombre réduit de comprimés. La chambre a estimé que l'objet de la revendication 1 résout le problème."
Décision T 1442/18, point 7.1 des motifs :
"Contrairement à l'argument du requérant, la chambre estime donc plausible qu'une invention basée sur une ou plusieurs de ces caractéristiques ait déjà été mise au point à la date de dépôt de la demande ayant donné lieu au brevet litigieux. Les documents publiés ultérieurement, présentés dans ce contexte par les intimés, doivent donc être pris en compte en l'espèce dans l'appréciation de l'activité inventive."
68. Il existe également des décisions dans lesquelles des moyens de preuve publiés ultérieurement n'ont pas été pris en compte au motif qu'ils constituaient la seule base permettant d'établir que le problème technique était effectivement résolu. Selon ces décisions, des moyens de preuve publiés ultérieurement produits au soutien de ce que l'objet revendiqué résoudrait le problème posé ne peuvent être pris en compte que si cela était déjà crédible sur la base de l'exposé du brevet :
Décision T 415/11, points 51 et 54 des motifs :
"Les circonstances de l'espèce sont les suivantes : i) ni le brevet ni l'état de la technique ne comportent d'éléments indiquant que la stabilité d'une formulation contenant des polysaccharides MenC est améliorée par le saccharose et un tampon organique amorphe et ii) le brevet indique que les problèmes de stabilité sont causés par des protéines. [...]
Outre l'argument selon lequel le problème technique n'est pas résolu, aucun autre argument n'a été présenté par les parties, par exemple en ce qui concerne la reformulation du problème technique ou la question de savoir si un problème reformulé et résolu peut être considéré comme évident au vu de l'état de la technique."
Décision T 1791/11, points 3.2.6 et 3.2.7 des motifs (gras ajouté) :
"[...] [L]e brevet ne fournit aucune donnée expérimentale concernant les variantes revendiquées (ou l'une quelconque des nombreuses variantes énumérées) et, par conséquent, aucune caractérisation fonctionnelle des variantes par un avantage allégué ne devrait être prise en compte lors de la formulation du problème technique. En effet, si le problème technique était formulé de manière à inclure un tel avantage, il ne serait pas possible, en l'absence de données expérimentales dans la demande de brevet, de conclure que ce problème avait été résolu de manière plausible : il faudrait donc reformuler le problème technique de manière moins ambitieuse, ce qui aboutirait au problème tel que formulé par la chambre.
Les données expérimentales du document D10 publiées ultérieurement, qui montrent effectivement que les variantes revendiquées ont une meilleure performance de lavage que la BLSAVI mère (tableau 2), pourraient uniquement être prises en compte si elles ne servaient qu'à confirmer ce qui avait été rendu plausible par la demande de brevet. [...] Comme examiné ci-dessus [...], il ressort de la demande de brevet elle-même que l'on ignorait quelles variantes résolvaient le problème et qu'il convenait encore de procéder à un essai afin de confirmer l'avantage allégué. La chambre conclut donc qu'il n'est pas plausible, sur la base du brevet, que l'objet revendiqué résolve le problème technique tel qu'il a été formulé par le requérant-titulaire, et que les preuves expérimentales du document D10 publiées ultérieurement sont en réalité la seule base permettant de conclure que le problème a été résolu de manière plausible."
Décision T 1322/17, point 4.4.7 des motifs :
"Étant donné qu'un effet technique lié à une réduction de fracture plus élevée n'a pas été rendu plausible dans la demande telle qu'elle a été déposée pour la dose spécifique de 150 mg d'acide ibandronique administrée dans un quelconque intervalle de dosage, les moyens de preuve publiés ultérieurement, en l'occurrence le document (22), ne peuvent pas être pris en considération. [...] Les données publiées ultérieurement ne confirment donc pas une déclaration faite dans la description, mais se rapportent à des effets techniques fondés, au moins partiellement, sur des caractéristiques techniques qui n'ont pas été divulguées comme étant liées à l'effet considéré."
Décisions considérées comme relevant de la jurisprudence de type II
69. Les décisions T 536/07, T 1642/07, T 1677/11, T 919/15, T 2097/15, T 184/16 et T 2015/20 sont des exemples de décisions prenant en considération des moyens de preuve publiés ultérieurement uniquement lorsqu'à la date de dépôt de la demande de brevet en cause, l'homme du métier n'aurait vu aucune raison de juger l'effet non plausible, comme l'envisage la troisième question soumise (type II, voir le point 13.4 des motifs de la décision de saisine).
Décision T 536/07, points 9 et 11 des motifs :
"Malgré l'absence d'exemples probants pour l'objet revendiqué dans le brevet contesté et bien que cet objet n'ait pas été divulgué en tant que mode de réalisation préféré de l'invention, l'homme du métier n'a a priori aucune raison de considérer qu'il ne s'agit pas d'une solution plausible au problème technique susmentionné. Des preuves publiées ultérieurement qui démontrent la faisabilité de la solution proposée figurent également au dossier (cf. documents D21 et D22).
La présente situation diffère de celle qui est à l'origine de la décision T 1329/04 du 28 juin 2005, dans laquelle la chambre qui était alors compétente a considéré que l'objet revendiqué n'apportait pas de solution plausible au problème technique identifié. [...] Dans la présente affaire, rien ne permet de penser qu'il existe un préjugé dans l'état de la technique ou que l'on peut s'attendre à des difficultés pour réaliser la solution proposée. Bien que l'objet revendiqué ne soit pas divulgué en tant que mode de réalisation préféré dans le brevet contesté, aucune information supplémentaire ne figure dans les moyens de preuve publiés ultérieurement qui n'ait pas déjà été mise à la disposition de l'homme du métier par le brevet contesté [...]."
Décision T 1642/07, points 18, 21 et 22 des motifs (gras ajouté) :
"[...] Toutefois, la chambre observe qu'il n'existe aucune exigence dans la CBE, et encore moins dans l'article 56 CBE, selon laquelle une demande de brevet doit inclure des preuves expérimentales à l'appui de la brevetabilité ou d'un effet technique revendiqué. Par conséquent, le fait que la divulgation dans une demande de brevet soit purement théorique et ne soit pas étayée par des données expérimentales ne constitue pas en soi un obstacle à la brevetabilité ou à la reconnaissance de l'existence d'un effet technique.
La chambre constate qu'une telle dichotomie est apparue entre, d'une part, la divulgation dans la demande de brevet à l'origine de la décision T 1329/04 (absence des sept résidus de cystéine avec leur espacement particulier requis pour qu'une protéine (le GDF-9 en l'espèce) appartienne à la superfamille des TGF-bêta - voir T 1329/04, point 7 des motifs - et l'absence de caractérisation fonctionnelle du GDF-9 - voir ibidem, point 9 des motifs -) et, d'autre part, l'enseignement dans le document publié ultérieurement (4) selon lequel le GDF-9 était bien un facteur de différenciation de croissance (voir T 1329/04, point 12 des motifs). Par conséquent, la chambre compétente de l'époque a conclu que la demande ne contenait pas suffisamment de preuves permettant de rendre au moins plausible le fait qu'une solution avait été trouvée au problème que la demande prétendait résoudre.
En résumé, les arguments défavorables produits par la division d'examen ne s'appliquent plus au problème moins exigeant exposé au point 13 supra. La chambre ne voit donc aucune raison de douter que l'administration combinée du HSV et d'un agent chimiothérapeutique provoquant des lésions de l'ADN permette d'augmenter le niveau de destruction des cellules au-delà de ce qui est observé pour une modalité de traitement seule. Dans ces circonstances, les documents publiés ultérieurement [...] peuvent être pris en compte."
Décision T 1677/11, point 9.5 des motifs (gras ajouté) :
"Toutefois, les faits de la présente affaire diffèrent considérablement de ceux qui sont à l'origine de la décision T 1329/04. [...] Dans la présente affaire, la structure du sel de sodium d'(-)-oméprazole revendiqué est entièrement compatible avec celle de la classe connue des inhibiteurs de la sécrétion d'acide gastrique. Cela se distingue clairement de la situation dans l'affaire T 1329/04 où il s'est avéré que les caractéristiques structurelles du polypeptide étaient incompatibles avec celles attendues de la superfamille. [...] Face à ces informations, la chambre ne voit a priori aucune raison pour que l'homme du métier envisage un défaut de plausibilité, et aucun argument n'a été avancé à cet effet. [...] Dans le brevet en cause, les éléments essentiels d'une structure spécifique et le bénéfice thérapeutique correspondant sont divulgués de manière cohérente et vérifiable. Dans ces circonstances, la chambre considère qu'il est approprié de prendre en compte les moyens de preuve publiés ultérieurement présentés aux fins d'apprécier si l'effet identifié est effectivement observé."
Décision T 919/15, point 5.6 des motifs :
"La chambre ne voit donc pas pourquoi, après avoir étudié la demande initiale, une interaction synergique entre les herbicides (A) et (B) mentionnés dans la revendication 1 ne serait pas plausible pour l'homme du métier. L'opposant 3 n'a pas non plus avancé d'arguments à cet égard. [...] Par conséquent, en l'absence de preuve du contraire dans les connaissances générales de l'homme du métier en matière de combinaisons herbicides contenant l'herbicide (A), il ne saurait être simplement supposé qu'une interaction synergique serait en soi dénuée de plausibilité pour les combinaisons qui n'ont pas été testées dans la demande telle que déposée. [...] Pour les raisons susmentionnées, la chambre reconnaît qu'une synergie semble plausible dans la présente affaire. Par conséquent, les documents publiés ultérieurement [...] sont pris en compte par la chambre dans l'appréciation de l'activité inventive."
Décision T 2097/15, points 2.2 et 2.2.2 des motifs :
"Dans la demande initiale et dans les rapports d'essais D19 et D20, le titulaire du brevet a démontré que la combinaison de glufosinate-ammonium, c'est-à-dire un herbicide (A) selon la revendication 1, agit en synergie avec chacun des herbicides (B) mentionnés dans la revendication 1 dans des conditions définies. [...]
Par analogie avec la décision T 919/15, on ne peut donc pas considérer, en l'absence de preuve du contraire dans les connaissances générales de l'homme du métier en matière de combinaisons herbicides contenant l'herbicide (A) qu'une interaction synergique serait en soi dénuée de plausibilité pour les combinaisons qui n'ont pas été testées dans la demande telle que déposée. Pour les raisons susmentionnées, une synergie semble plausible. Par conséquent, les documents publiés ultérieurement [...] sont pris en compte dans l'appréciation de l'activité inventive."
Décision T 184/16, points 2.5 à 2.9 des motifs :
"Dans la présente affaire, la demande telle que déposée ne contient aucune preuve expérimentale en ce qui concerne le caractère plausible contesté, c'est-à-dire le caractère plausible de la capacité des composés revendiqués à inhiber le SGLT2. Il convient donc de déterminer si le caractère plausible peut néanmoins être reconnu au regard des connaissances générales de l'homme du métier et de l'état de la technique.
Rien n'indique à la chambre qu'il existe des doutes sérieux concernant la possibilité d'obtenir l'effet thérapeutique revendiqué, et le requérant n'a fait valoir aucune indication de ce type. En outre, les connaissances générales de l'homme du métier ne donnent pas à penser ni ne suggèrent a priori que l'effet thérapeutique revendiqué ne peut pas être obtenu.
[...] Au vu de ce qui précède, la chambre considère qu'il est plausible que l'effet thérapeutique défini dans la revendication 12 soit effectivement obtenu.
La présente affaire se distingue de l'affaire T 1329/04 (points 11-12), dans laquelle la plausibilité n'a pas été acceptée [dans laquelle la plausibilité a été rejetée] et les moyens de preuve publiés ultérieurement n'ont pas été pris en compte.
Dans ces conditions, le document D4 publié ultérieurement peut être pris en considération à l'appui de l'exposé de l'invention figurant dans la demande de brevet."
Décision T 2015/20, points 2.6, 2.7 et 5 des motifs (gras ajouté) :
"La section II.C.7.2 de la jurisprudence des chambres de recours [...] présente les considérations exposées dans la décision T 609/02 et la jurisprudence qui a suivi cette décision [...] Plus particulièrement, ni la décision T 609/02 ni la jurisprudence ayant fait suite à cette décision ne manifestent de déviation par rapport à la jurisprudence constante ou d'interprétation divergente des Directives, en particulier concernant la condition préalable de doutes sérieux pour une objection convaincante concernant une insuffisance de l'exposé.
[...] Dans ce contexte, la chambre estime que la déclaration dans la demande selon laquelle le traitement des troubles respiratoires, notamment l'asthme et la MOPC, avec de l'aclidinium est plus efficace avec l'administration par inhalation d'un dosage d'approximativement 400 myg [...] représente un enseignement technique substantiel, qui est loin de représenter une invitation à réaliser un programme de recherches et qui, de prime abord, n'est pas dénué de plausibilité. Cet enseignement est en lui-même falsifiable, à savoir qu'il est susceptible d'être contesté, et est par conséquent considéré comme représentant une information sous la forme d'une contribution technique spécifique allant au-delà de la formulation insuffisante d'une simple affirmation. Conformément à la jurisprudence constante telle qu'examinée ci-dessus [...], la chambre estime qu'il n'y a pas lieu de juger l'exposé de l'invention revendiquée insuffisant après avoir constaté comme indiqué ci-dessus [...] qu'aucun doute sérieux n'est apparu en ce qui concerne l'utilité définie.
[...] [L]es approches développées dans la jurisprudence des chambres de recours de l'OEB concernant l'évaluation de la suffisance de l'exposé et de l'activité inventive prennent spécifiquement en compte la contribution technique effectivement divulguée dans une demande de brevet afin d'éviter une protection par brevet résultant d'une spéculation déraisonnable sur la base de propositions qui sont, de prime abord, dénuées de plausibilité."
Conclusion intermédiaire
70. La Grande Chambre prend note de la classification effectuée par la chambre à l'origine de la saisine en ce qui concerne la jurisprudence des chambres de recours relative à la pertinence des moyens de preuve publiés ultérieurement pour prouver un effet technique invoqué aux fins d'établir l'activité inventive (voir points 13.4 à 13.6 des motifs de la décision de saisine).
71. Toutefois, après une analyse plus détaillée de la jurisprudence et indépendamment des terminologies conceptuelles employées pour les deux approches distinctes de la plausibilité visées dans les deuxième et troisième questions de saisine, la Grande Chambre comprend comme faisant consensus dans la jurisprudence des chambres de recours que la question centrale consiste à déterminer ce que l'homme du métier considère, à la date de dépôt de la demande telle qu'elle a été déposée initialement et en s'appuyant sur ses connaissances générales, comme étant l'enseignement technique de l'invention revendiquée.
72. Appliquant cette interprétation aux décisions susmentionnées, non pas pour les réexaminer mais pour vérifier sa propre conception, la Grande Chambre est convaincue que le résultat dans chaque affaire n'aurait pas été différent de la conclusion à laquelle la chambre concernée est effectivement parvenue. Indépendamment de l'emploi de la notion terminologique de plausibilité, les décisions citées semblent montrer que chacune de ces chambres s'est concentrée sur la question de savoir si l'homme du métier pouvait ou non déduire l'effet technique invoqué par le demandeur ou le titulaire du brevet de l'enseignement technique figurant dans les pièces de la demande.
Considérations concernant la jurisprudence relative à la suffisance de l'exposé
73. Tel que relevé aux points 11 et 12 ci-dessus, les questions soumises ne nécessitent pas de réponse à la question de la suffisance de l'exposé et de l'article 83 CBE. Toutefois, étant donné que la notion terminologique de plausibilité, sur laquelle la chambre à l'origine de la saisine s'appuie dans les deuxième et troisième questions de saisine, et les raisons qui justifient le recours à cette notion, se retrouvent principalement dans la jurisprudence des chambres de recours relative à la suffisance de l'exposé comme condition de brevetabilité, la Grande Chambre admet l'opportunité d'une analyse comparative et de considérations comparatives à cet égard.
74. Bien que les questions de suffisance de l'exposé (article 83 CBE) et d'activité inventive (article 56 CBE) ainsi que leur évaluation doivent clairement être traitées séparément et individuellement, comme l'a souligné à juste titre la chambre à l'origine de la saisine au point 13.3.1 des motifs de la décision de saisine, la Grande Chambre a connaissance de la jurisprudence, en particulier en ce qui concerne les revendications relatives à une seconde application thérapeutique, où la notion de "plausibilité" a été utilisée. Pour ces revendications, la question du recours à des moyens de preuve publiés ultérieurement pour démontrer un effet technique allégué se pose en particulier dans le contexte de la suffisance de l'exposé.
Un effet technique, en général un effet thérapeutique dans le cas, par exemple, d'une revendication relative à une seconde application thérapeutique, est une caractéristique de la revendication, de sorte que la question de savoir s'il a été démontré que cet effet est obtenu relève de la suffisance de l'exposé au titre de l'article 83 CBE.
Par conséquent, étant donné que l'objet des revendications relatives à une seconde application thérapeutique est généralement limité à un agent thérapeutique connu destiné à être utilisé dans une nouvelle application thérapeutique, il est nécessaire que le brevet, à la date de son dépôt, rende crédible le fait que l'agent thérapeutique connu, c'est-à-dire le produit, est adapté à l'application thérapeutique revendiquée. La Grande Chambre a expliqué le contexte juridique et historique de la brevetabilité d'applications thérapeutiques ultérieures dans sa décision G 2/08.
75. Dans la décision T 609/02 (points 5 à 9 des motifs, gras ajouté), citée par la chambre à l'origine de la saisine et dans certaines décisions examinées dans le contexte de l'activité inventive, la chambre de recours a motivé comme suit sa conclusion sur l'insuffisance de l'exposé :
"Le fascicule de brevet ne fournit aucune preuve relative à l'invention de la revendication 6 [...]
Le requérant a présenté des moyens de preuve publiés ultérieurement montrant que des hormones stéroïdiennes telles que celles nécessaires pour exécuter l'utilisation selon la revendication 6 avaient été par la suite identifiées structurellement et qu'elles avaient effectivement un effet sur la transcription stimulée AP-1. [...]
Sur le fondement des divulgations de ces documents publiés ultérieurement, le requérant a fait valoir qu'en exécutant l'invention revendiquée, on obtenait nécessairement des compositions pharmaceutiques puisque c'était en suivant les enseignements du brevet en cause que les résultats publiés ultérieurement avaient été obtenus. En conséquence, selon le requérant, la suffisance de l'exposé devait être reconnue. La chambre ne partage pas cet avis. Il doit être satisfait à la condition de suffisance de l'exposé à la date effective du brevet, c'est-à-dire sur la base des informations contenues dans la demande de brevet combinées avec les connaissances générales de l'homme du métier disponibles à cette date. Reconnaître la suffisance de l'exposé sur la base d'informations techniques pertinentes produites seulement après cette date conduirait à délivrer un brevet pour un enseignement technique qui était obtenu, et donc pour une invention qui était réalisée, à une date postérieure à la date effective du brevet. Il convient de rappeler le principe général selon lequel l'étendue du monopole conféré par un brevet doit être fonction de la contribution technique qu'il apporte à l'état de la technique, cette contribution constituant la justification dudit monopole [...].
[...] Il est exigé que le brevet fournisse des informations sous la forme, par exemple, d'essais expérimentaux montrant que le composé revendiqué a un effet direct sur un mécanisme métabolique qui est impliqué de façon spécifique dans la maladie, ce mécanisme étant soit connu de l'état de la technique soit démontré dans le brevet en soi. [...] Dès lors que la demande de brevet contient des indications dans ce sens, les éventuelles "dépositions d'expert" publiées ultérieurement peuvent être prises en considération, mais uniquement pour corroborer les constats de la demande de brevet concernant l'utilisation du composé en tant que produit pharmaceutique, et non pour établir à elles seules la suffisance de l'exposé."
76. D'autres décisions conformes à la décision T 609/02 ont, par exemple, été rendues dans les affaires suivantes :
Décision T 1599/06, points 6, 7.1, 7.2 et 8 des motifs (gras ajouté) :
"[...] Pour qu'une application thérapeutique soit reconnue comme suffisamment exposée, la demande ou le brevet, respectivement, et/ou les connaissances générales de base doivent fournir des informations rendant techniquement plausible pour l'homme du métier que les composés revendiqués peuvent être appliqués pour l'utilisation thérapeutique revendiquée (T 219/01 du 15 décembre 2004 ; T 609/02 du 27 octobre 2004). [...]
Dans la décision attaquée, la division d'examen a considéré qu'aucune conclusion démontrant un effet immunoprotecteur pour la protéine 30 kDa ou la protéine 32A kDa ne pouvait être tirée des données figurant dans la demande. Elle a étayé son point de vue en se référant aux moyens de preuve contenus dans le document D1 décrivant les propriétés immunologiques différentes des protéines 30 kDa et 32A kDa dans un test cutané visant à évaluer l'induction d'une hypersensibilité retardée [...].
Cependant, les auteurs du document D1 voient une raison possible à cette différence dans le fait que la protéine 32A kDa est "plus efficacement libérée par les bacilles, et la dose de cet antigène peut donc être nettement réduite par l'utilisation de cellules stérilisées pour la sensibilisation" (page 381, colonne de gauche). Ainsi, l'incapacité à induire une réaction n'est pas nécessairement imputable aux capacités immunologiques de la protéine, mais aux faibles quantités présentes dans les bactéries stérilisées utilisées pour la sensibilisation. Par conséquent, la chambre estime que les résultats du document D1 mentionnés par la division d'examen ne constituent pas un moyen de preuve établissant de manière concluante une différence entre les réactivités immunologiques des deux protéines. Il s'ensuit que l'extrapolabilité à la protéine 32A kDa des données figurant dans la demande concernant l'effet immunoprotecteur de la protéine 30 kDa ne peut être mise en doute par la divulgation contenue dans le document D1."
Décision T 754/11, point 25 des motifs (gras ajouté) :
"Comme l'a indiqué la division d'opposition [...], il n'est pas nécessaire de fournir des preuves expérimentales pour les utilisations médicales revendiquées dès lors que les mécanismes physiologiques sous-jacents rendent une telle utilisation plausible (cf. entre autres, T 609/02 du 27 octobre 2004, point 9 des "Motifs de la décision"). La dégradation de l'ARN spécifique à la cible est suffisamment divulguée dans les exemples 1 à 3 de la demande de brevet pour rendre également crédible la dégradation spécifique à la cible des ARN associés à la maladie mentionnés dans les revendications 13 à 16. En outre, le passage de la page 8, ligne 30, à la page 9, ligne 26, donne des orientations sur la manière de préparer une composition pour des applications thérapeutiques. Enfin, de nombreux moyens de preuve publiés ultérieurement confirmant cette conclusion figurent au dossier (cf. entre autres, page 159, tableau 1 du document D36). Ces moyens de preuve peuvent être pris en compte puisqu'ils se bornent à étayer les conclusions et l'exposé du brevet (cf. T 609/02, supra)."
Décision T 760/12, points 3.3, 3.10 et 3.15 des motifs (gras ajouté) :
"Ces [revendications 6 et 7] étant des revendications relatives à une seconde application thérapeutique, l'effet technique, qui est l'effet thérapeutique, est indiqué dans la revendication. Lorsque l'effet technique est indiqué dans la revendication, la question de savoir si cet effet est effectivement atteint dans toute l'étendue de la revendication est une question de suffisance de l'exposé (G 1/03, JO 2004, 413, point 2.5.2 des motifs). Ainsi, conformément à l'article 83 CBE, la demande doit par conséquent montrer que le produit peut être fabriqué pour l'utilisation thérapeutique revendiquée, à moins que cet enseignement ne fasse déjà partie des connaissances de l'homme du métier à la date de priorité (T 609/02, point 9 des motifs). Afin d'établir si la condition de suffisance de l'exposé est remplie, il convient donc de déterminer si la demande divulgue la capacité potentielle de la substance définie dans la revendication à exercer un effet thérapeutique sur une tumeur ou un trouble lié à l'angiogenèse qui est associé à l'activation de c-met. [...]
Par conséquent, le brevet enseigne essentiellement d'antagoniser la chaîne bêta afin d'interférer avec l'activation de c-met, mais cet enseignement pouvait déjà être déduit de l'état de la technique, y compris du document D5, qui avait divulgué que la sous-unité bêta de l'HGF était "cruciale pour l'activation optimale du récepteur Met induite par HGF/SF" (D5, page 7446, colonne de droite, lignes 11 à 13). Toutefois, le brevet ne démontre pas qu'un anticorps monoclonal présentant les caractéristiques fonctionnelles définies dans la revendication (liaison à la chaîne bêta de l'HGF activée et inhibition de la liaison à c-met de ladite chaîne bêta de l'HGF activée) inhiberait l'activation de c-met. L'homme du métier serait donc amené à se lancer dans un programme de recherche sans que la demande lui enseigne comment parvenir à l'effet souhaité d'inhibition de l'activation de c-met avec un seul anticorps monoclonal (T 1466/05, point 16 des motifs). La chambre conclut donc qu'il n'est pas suffisamment exposé dans le brevet qu'un seul anticorps monoclonal, tel que défini dans la revendication, peut potentiellement avoir l'effet thérapeutique revendiqué. [...]
Quant aux documents D30 et D41, il s'agit de documents publiés ultérieurement dont ne disposait pas l'homme du métier à la date effective du brevet. En outre, ils n'établissent pas que les enseignements du brevet permettaient la production d'anticorps présentant les caractéristiques fonctionnelles telles que revendiquées, en particulier l'effet thérapeutique revendiqué, car les anticorps divulgués dans le brevet ne sont pas dirigés contre la chaîne bêta activée."
Décision T 895/13, points 15 à 18 des motifs (gras ajouté) :
"Cependant, en réalité, le vaccin revendiqué, qui est basé sur l'anatoxine tétanique en tant que vecteur, ne fait pas l'objet d'exemples dans le brevet. Le brevet ne fait état d'aucune donnée concernant des conjugués méningococciques utilisant l'anatoxine tétanique en tant que vecteur.
Compte tenu du phénomène bien établi de suppression du vecteur, en particulier dans le contexte de l'anatoxine tétanique [...], et de l'imprévisibilité connue de la suppression du vecteur dans le contexte des vaccins conjugués ([...]), les résultats obtenus dans le brevet avec CRM197 en tant que vecteur ne rendent pas plausible le fait que les conjugués méningococciques utilisant l'anatoxine tétanique en tant que vecteur sont adaptés à l'immunisation réussie de patients qui avaient été pré-immunisés avec l'anatoxine tétanique.
Dans ces circonstances, les moyens de preuve publiés ultérieurement ne peuvent être pris en compte pour établir le caractère suffisant de l'exposé [...].
Au vu des considérations ci-dessus et à la lumière de la décision T 609/02, l'objet de la revendication 1 de la requête principale ne satisfait pas aux exigences de l'article 83 CBE et, par conséquent, il ne peut être fait droit à la requête."
Décision T 1045/13, points 3.2 et 3.3 des motifs (gras ajouté) :
"En résumé, le requérant a choisi de s'appuyer uniquement sur des preuves expérimentales au soutien du traitement thérapeutique tel que revendiqué dans la revendication 1. Les preuves expérimentales figurant au dossier ne permettent cependant pas de prouver les effets revendiqués. Les exemples ne couvrent pas toute la portée de la revendication et ne fournissent pas de preuves d'efficacité thérapeutique répondant aux critères scientifiques (nombre de patients statistiquement significatif, groupe témoin). L'efficacité du traitement des pathologies considérées n'a donc pas été démontrée.
Par conséquent, la chambre conclut que l'objet de la revendication 1 n'est pas suffisamment exposé (article 83 CBE)."
Décision T 2059/13, points 4.5.3 et 4.6 des motifs (gras ajouté) :
"Pour ces raisons, rien dans le dossier ne prouve qu'à la date de dépôt de la demande de brevet en cause, l'homme du métier aurait conclu directement et sans ambiguïté, en s'appuyant sur ses connaissances générales de base associées à l'exposé de la demande telle que déposée, que les agonistes des récepteurs 5-HT1A en général, ou l'un quelconque des composés, en particulier de la formule 1, sont utiles dans le traitement de tout type de trouble bipolaire.
Partant, la demande telle que déposée, combinée aux connaissances de base disponibles à la date de dépôt, ne mentionne pas que l'un quelconque des composés de la formule 1 est indiqué pour le traitement de troubles bipolaires, quels qu'ils soient. Par conséquent, les exigences minimales énoncées dans la décision T 609/02 pour que des preuves publiées ultérieurement puissent être prises en compte ne sont pas remplies."
Décision T 887/14, points 3.6.11 à 3.6.13 des motifs :
"En ce qui concerne la question de savoir s'il est plausible que d'autres lactones macrocycliques de la même classe que celle mentionnée dans la revendication 1 présentent également une synergie avec le spinosad, la chambre note que le brevet lui-même fournit une explication mécanique plausible de la raison pour laquelle cela serait le cas [...]. En l'absence de toute preuve contraire, la chambre ne voit aucune raison de ne pas accepter cette explication comme supposition raisonnable. La chambre ne voit pas non plus de raison de la rejeter pour absence de données in vivo dans le brevet, comme le suggère le requérant, puisque, comme indiqué ci-dessus, le test in vitro selon l'exemple 2 du brevet peut être considéré comme in vivo, du moins en ce qui concerne les puces.
Au vu de ce qui précède, les tests de l'exemple 2 du brevet et les documents D12, D13, D14, D15 et D26 démontrent de manière plausible qu'une synergie est présente dans la majorité des rapports testés, la seule exception concrète étant le rapport 1:1 décrit dans le document D12 (cf. "Conclusions"), ce rapport étant censé "refléter une interaction purement additive" (entre le spinosad et la milbémycine).
Par conséquent, la chambre ne doute pas qu'il relèverait d'un travail de routine pour l'homme du métier de parvenir sans effort excessif à des rapports synergiques appropriés entre le spinosad et la macrolactone spécifique mentionnée dans la revendication 1."
Décision T 321/15, points 3.2.5 et 3.3 des motifs (gras ajouté) :
"Compte tenu de l'ensemble de ces faits, la chambre reconnaît qu'à la date de priorité du brevet en cause, l'administration de la composition nutritionnelle revendiquée à des nourrissons risquant de développer une obésité plus tard dans leur vie pouvait de manière plausible/crédible produire les effets thérapeutiques revendiqués. En ce qui concerne les documents D15 et D16 publiés ultérieurement, il n'est pas nécessaire de les prendre en compte pour l'évaluation de la suffisance de l'exposé, plus particulièrement pour évaluer si les compositions nutritionnelles revendiquées sont propres à produire les effets thérapeutiques revendiqués. Selon la jurisprudence des chambres de recours de l'OEB, de tels documents publiés ultérieurement ne peuvent que confirmer les attentes de l'homme du métier lisant le brevet en cause et ayant connaissance des documents de l'état de la technique D1 et D2 (T 609/02, points 9 et 13 des motifs). Il n'y a pas lieu de trancher la question de savoir si ces documents confirment effectivement les attentes raisonnables de l'homme du métier puisque la chambre est déjà convaincue de la plausibilité invoquée, comme indiqué ci-dessus."
Décision T 1680/17, point 3 des motifs (gras ajouté) :
"Par conséquent, les données présentées dans la demande telle qu'elle a été déposée et décrites dans le brevet publié rendent plausible le fait que la composition revendiquée convient pour une utilisation dans le traitement du cancer du sein. Des moyens de preuve publiés ultérieurement, sous la forme du document (35), ont été produits à titre de confirmation. Par conséquent, l'invention telle que définie dans les revendications est suffisamment exposée dans le brevet et le motif d'opposition au titre de l'article 100b) CBE ne s'oppose pas au maintien du brevet."
Décision T 1571/19, points 1.2 et 1.16 des motifs (gras ajouté) :
"L'obtention des effets thérapeutiques revendiqués est une caractéristique technique fonctionnelle caractérisant la revendication 1. Ainsi, pour satisfaire à l'exigence de suffisance de l'exposé, le brevet doit rendre plausible le fait que la composition alimentaire revendiquée est appropriée pour traiter les maladies indiquées dans la revendication [...]
Pour ces raisons, et compte tenu du fait que la teneur en acides gras n-3, en EPA en particulier, était considérablement plus élevée dans le régime CMS que dans le régime de référence, il est plausible que, comme énoncé aux paragraphes [0009], [0010], [0011] et [0061] du brevet attaqué, les compositions comprenant des acides gras n-3 dans les proportions revendiquées soient appropriées pour le traitement et la prévention des troubles en question. [...] Rien ne prouve que l'homme du métier, se fondant sur les informations données dans le brevet attaqué et sur ses connaissances générales, n'aurait pas été en mesure de préparer une composition telle que décrite dans la revendication 1 qui convienne pour le traitement des maladies concernées. Il a donc été conclu que l'invention revendiquée est suffisamment exposée (article 83 CBE)."
Conclusion intermédiaire
77. Les conclusions motivées des chambres de recours dans les décisions susmentionnées indiquent clairement que la possibilité de recourir à des moyens de preuve publiés ultérieurement est beaucoup plus étroite dans le cadre de la suffisance de l'exposé (article 83 CBE) que dans le cadre de l'activité inventive (article 56 CBE). Afin de satisfaire à l'exigence selon laquelle l'invention doit être exposée d'une manière suffisamment claire et complète pour que l'homme du métier puisse l'exécuter, la preuve d'un effet thérapeutique revendiqué doit être fournie dans la demande telle qu'elle a été déposée, en particulier si, en l'absence de données expérimentales dans la demande telle qu'elle a été déposée, il ne serait pas crédible pour l'homme du métier que l'effet thérapeutique est obtenu. Une lacune à cet égard ne peut être comblée par des moyens de preuve publiés ultérieurement.
Cadre juridique national et jurisprudence nationale relative à un effet technique invoqué comme fondement de l'activité inventive
78. Bien que, selon l'étude de l'AIPPI 2019 sur la plausibilité, aucun des cadres législatifs des États parties à la CBE mentionnés ci-après ne prévoie expressément de condition de brevetabilité rattachée aux notions de plausibilité telles que visées dans les deuxième et troisième questions de la décision de saisine (voir les rapports de groupe pour la Suisse, l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles) et les Pays-Bas), la Grande Chambre a connaissance de la jurisprudence et de la littérature nationales de chaque État. Les différentes approches concernant la prise en compte d'un effet technique allégué au soutien de l'activité inventive et la pertinence de moyens de preuve publiés ultérieurement sont présentées ci-après à titre d'exemple.
Suisse
79. Les tribunaux suisses n'ont apparemment pas développé de critère spécifique à cet égard, comme le confirme l'AIPPI 2019 - Question à l'étude - Plausibilité.
La Grande Chambre prend note de la décision plus récente du Tribunal fédéral (4A_149/2021) qui statue sur un recours contre une décision du Tribunal fédéral des brevets, tout en se référant à la jurisprudence des chambres de recours selon laquelle les avantages dans la formulation du problème à résoudre ne peuvent être pris en compte que si l'homme du métier peut déduire l'effet allégué des documents déposés initialement dans le contexte de l'état de la technique le plus proche ou si cet effet est implicite dans les documents déposés initialement. En l'absence d'une telle suggestion dans ces documents, les tribunaux peuvent supposer que l'invention n'est qu'une alternative et non une amélioration par rapport à l'état de la technique, et que toute tentative ultérieure du titulaire du brevet de prouver qu'il s'agit d'une invention originale n'est pas pertinente.
Allemagne
80. Selon un avis dans la littérature relative au droit allemand des brevets (cf. Ackermann, GRUR 2021, 3), la jurisprudence allemande ne permet pas d'invoquer des moyens de preuve postdatés si les avantages qui y sont démontrés apportent une contribution significative à l'invention voire même en constituent le c½ur. Le problème objectif auquel l'homme du métier est confronté ne peut être influencé par un enseignement technique allant au-delà de la divulgation initiale.
Dans un autre avis (T. Exner/A. Hüttermann, GRUR 2018, 97), il est ressorti de l'examen de la jurisprudence des chambres de recours depuis l'affaire T 1329/04 que l'exigence de plausibilité de l'effet revendiqué était plutôt étrangère à la conception allemande classique.
81. Selon l'interprétation que la Grande Chambre fait de la décision "Erlotinib hydrochloride" (3 Ni 20/15, point II.3.c.5) des motifs) du Tribunal fédéral des brevets, qui renvoie à une décision des chambres de recours (T 390/88) et à deux décisions de la Cour fédérale de justice (X ZB 3/69 - Anthradipyrazol ; X ZB 2/71 - Imidazoline), les moyens de preuve publiés ultérieurement concernant un effet technique allégué peuvent être pris en considération. Le tribunal a estimé qu'il suffisait que l'objet de l'invention revendiquée ait effectivement apporté une amélioration au sens d'une avancée thérapeutique ou qu'un besoin public jusqu'alors non satisfait l'ait été à la date pertinente. Il n'était pas nécessaire que l'amélioration alléguée soit documentée à la date de dépôt, des documents à l'appui de cette amélioration pouvant être présentés ultérieurement.
France
82. La ligne jurisprudentielle pertinente en France semble être suivie en particulier dans le contexte de la suffisance de l'exposé comme condition de brevetabilité et dans le domaine de la chimie, plus spécifiquement de la pharmacie (p. ex. Cour de cassation, 15-19726 - Merck c. Teva ; Tribunal de grande instance de Paris 07/16446 - Teva c. Sepracor, et 16/01225 - Ethypharm c. MSD ; cf. également Étude AIPPI 2019 - Rapport sur la plausibilité du groupe français). Les moyens de preuve publiés ultérieurement sont parfois pris en compte, mais sans qu'aucun critère spécifique ne soit expressément défini. De tels documents sont considérés comme pertinents en particulier lorsqu'ils sont invoqués pour corroborer les constats de la demande de brevet, plutôt que pour compenser une lacune intrinsèque. La grande majorité de la jurisprudence française ne contient aucune discussion expresse sur les critères rattachant la recevabilité de documents publiés ultérieurement à la notion de "plausibilité".
Pays-Bas
83. De même, les tribunaux néerlandais semblent ne pas appliquer la notion de plausibilité en tant que concept distinct, mais l'examinent plutôt, si nécessaire, en tant qu'élément d'évaluation de l'activité inventive de l'objet revendiqué ou de la suffisance de l'exposé. Dans la décision de la Cour d'appel de La Haye sur l'affaire Leo Pharma c. Sandoz (200.195.459/01), il a été considéré que la contribution à l'état de la technique doit être évaluée du point de vue de l'homme du métier de compétence moyenne à la date de la demande, et que tout effet que l'homme du métier de compétence moyenne aurait considéré comme non plausible à la date de la demande doit être écarté dans le cadre de l'évaluation de l'activité inventive. La Cour a déclaré qu'il n'existait pas de critère général de plausibilité et que le titulaire du brevet n'était pas tenu de fournir des preuves complètes de l'effet allégué dans la demande. Toutefois, les déclarations relatives à l'effet ne doivent pas être purement spéculatives. Si l'effet était évident pour l'homme du métier de compétence moyenne à la lecture du brevet, compte tenu de ses connaissances générales, il n'était pas nécessaire de divulguer et d'étayer l'effet technique dans la demande. Toutefois, si l'effet n'était pas évident pour l'homme du métier de compétence moyenne, le seuil de divulgation de l'effet était plus élevé. Une décision ultérieure dans l'affaire Astrazeneca c. Sandoz, rendue par la Cour d'appel de La Haye (200.237.828/01), ne s'écarte pas de cette approche, la Cour ayant estimé que le brevet en cause rendait plausibles les effets allégués. Toutefois, dans l'affaire plus récente Bristol-Myers Squibb c. Sandoz, le tribunal de La Haye (C/09/627925 / KG ZA 22-326 - Bristol-Myers Squibb Holdings Ireland c. Sandoz) semble faire référence à ce que la chambre à l'origine de la saisine a considéré comme une "plausibilité de type II" dont elle n'était pas convaincue concernant la demande de brevet.
Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles)
84. La décision de la Haute Cour dans l'affaire Sandoz Ltd and another c. Bristol-Myers Squibb Holdings Ireland Unlimited Co and another [2022] EWHC 822 (Pat) fournit un résumé de la jurisprudence sur ce que la chambre à l'origine de la saisine examine au titre de la terminologie relative au concept de plausibilité, tant devant les juridictions nationales (Warner-Lambert c. Generics [2018] UKSC 56, Fibrogen c. Akebia [2021] EWCA Civ 1279) que devant les chambres de recours (notamment T 609/02). L'approche adoptée dans l'affaire Warner-Lambert c. Generics [2018] a essentiellement été confirmée dans les décisions de la Cour d'appel Illumina Cambridge Ltd c. Latvia MGI Tech SIA and others ([2021] EWCA Civ 1924) et FibroGen Inc. c. Akebia Therapeutics Inc. and another company ; Astellas Pharma Inc. c. Akebia Therapeutics Inc. and other companies ([2021] EWCA Civ 1279).
85. Des moyens de preuve publiés ultérieurement ne peuvent être invoqués que pour confirmer l'existence d'un effet technique plausible à la lumière du fascicule de brevet et des connaissances générales de l'homme du métier, et non pour établir l'existence d'un effet technique pour la première fois (cf. C. Floyd, GRUR 2021, 185 ; P. Johnson, GRUR 2019, 524 ; A. Slade, Intellectual Property Law Quarterly 2020, 180 ; A.J.K. Wells, Journal of intellectual property law & practice 2019, Vol 14 issue 10, 784 ; voir également, dans une perspective plus critique, R. Jacob, Bio-Science Law Review 2020, 17(6), 223 ; tous avec de nombreuses autres références). Un exemple de décision dans laquelle des moyens de preuve (données) publiés ultérieurement ont été pris en compte est celle de la Cour suprême dans l'affaire Warner-Lambert Company LLC c. Generics (UK) Ltd t/a Mylan and another ([2018] UKSC 56), laquelle traitait toutefois de la question de la suffisance de l'exposé. Dans cette décision, Lord Hodge (point 184 de la décision) a estimé que le test de plausibilité dans le contexte de la suffisance de l'exposé permettait au tribunal de tenir compte de ces moyens de preuve ultérieurs pour confirmer la prédiction si celle-ci trouvait un fondement dans le brevet. Lord Hodge a rejoint Lord Justice Floyd dans l'arrêt faisant jurisprudence rendu par la Cour d'appel (Warner-Lambert Company LLC c. Generics (UK) Ltd, [2016] EWCA Civ 1006, point 133 et également point 39) et a considéré que le résultat de ces tests corroborait la conclusion du juge selon laquelle le brevet contenait une prédiction plausible. Lord Sumption (point 41 de la décision) et deux autres juges ont estimé que ces moyens de preuve acquis ultérieurement étaient uniquement recevables dans la mesure où ils confirmaient des résultats rendus plausibles par le fascicule de brevet. Cette approche se retrouve également dans les décisions du Tribunal des brevets dans l'affaire Actavis Group PTC EHF & Anr c. Eli Lilly & Co ([2015] EWHC 3294 (Pat), point 181 de la décision) et dans l'affaire Saint-Gobain Adfors SAS c. 3M Innovative Properties Co ([2022] EWHC 1018 (Pat)). Toutefois, il existe également des exemples de décisions dans lesquelles de tels moyens de preuve (données) publiés ultérieurement n'ont pas été pris en considération, par exemple par le Tribunal des brevets dans l'affaire Eli Lilly and Co and other companies c. Genentech, Inc ([2019] EWHC 387 (Pat), point 578) et dans l'affaire Generics (UK) Ltd trading as Mylan and another c. Yeda Research and Development Company ([2017] EWHC 2629 (Pat), points 197 et 200).
Conclusion intermédiaire
86. À l'instar de la CBE, aucun des systèmes juridiques des États parties à la CBE ne prévoit de condition de brevetabilité expresse en ce qui concerne la notion de plausibilité telle qu'abordée dans la décision de saisine au sens des deuxième et troisième questions soumises.
87. Même si les décisions susmentionnées ont été prises sur la base des faits déterminants de chaque espèce et des moyens spécifiques invoqués par les parties à ces procédures, la Grande Chambre reconnaît un certain degré de consensus selon lequel les tribunaux des États parties à la CBE, lorsqu'ils sont confrontés à l'examen d'un effet technique invoqué dans le cadre de l'évaluation de l'activité inventive et à la question de savoir si un titulaire de brevet peut invoquer des moyens de preuve publiés ultérieurement pour confirmer cet effet technique, s'interrogent sur l'enseignement technique de l'objet revendiqué que l'homme du métier, s'appuyant sur ses connaissances générales, déduit de la demande de brevet.
Considérations finales
88. Comme cela a déjà été mentionné aux points 55 à 59 ci-dessus, les procédures dans le cadre de la CBE sont régies par le principe de libre appréciation des preuves, qui est également connu dans divers États parties à la CBE de tradition civiliste.
89. Le principe de libre appréciation des preuves est un principe universellement applicable du droit procédural et du droit matériel dans le cadre de l'évaluation de tout moyen de preuve présenté par une partie dans une procédure au titre de la CBE, que ce soit devant une instance administrative de l'OEB ou une chambre de recours, en tant qu'instance juridictionnelle compétente pour réexaminer les décisions des instances administratives conformément à l'article 106(1) CBE.
90. Le principe de libre appréciation des preuves étant consacré par le droit de chaque partie à une procédure dans le cadre de la CBE de fournir des moyens de preuve sous une forme appropriée conformément aux articles 113(1) et 117(1) CBE, il ne peut être utilisé pour écarter des moyens de preuve en tant que tels dans la mesure où ils sont présentés et invoqués par une partie à l'appui d'une conclusion dont la plausibilité est contestée et sont déterminants pour la décision finale.
91. Par conséquent, les moyens de preuve présentés par un demandeur ou un titulaire de brevet à l'appui d'un effet technique allégué sur lequel il se fonde aux fins d'établir l'activité inventive de l'objet revendiqué ne peuvent être écartés au seul motif que ces moyens de preuve, sur lesquels l'effet repose, n'étaient pas accessibles au public avant la date de dépôt de la demande de brevet en cause et ont été produits après cette date.
92. Le terme "plausibilité", que l'on trouve dans la jurisprudence des chambres de recours et qui est employé par la chambre à l'origine de la saisine dans les deuxième et troisième questions de la saisine ainsi que dans les motifs de celle-ci, ne constitue pas un concept juridique distinctif ou une exigence spécifique du droit des brevets en vertu de la CBE, en particulier en vertu des articles 56 et 83 CBE. Il s'agit plutôt d'un mot-clé générique retenu par la jurisprudence des chambres de recours, par certaines juridictions nationales et par les utilisateurs du système européen des brevets.
93. Le critère pertinent pour invoquer un effet technique allégué lors de l'évaluation de la question de savoir si l'objet revendiqué implique ou non une activité inventive consiste à déterminer ce que l'homme du métier, s'appuyant sur ses connaissances générales, comprendrait à la date de dépôt, à la lecture de la demande telle qu'elle a été déposée initialement, comme étant l'enseignement technique de l'invention revendiquée. L'effet technique invoqué, même à un stade ultérieur, doit être englobé dans cet enseignement technique et incarner la même invention, car un tel effet ne change pas la nature de l'invention revendiquée.
94. Par conséquent, un demandeur ou un titulaire de brevet peut invoquer un effet technique comme fondement de l'activité inventive si l'homme du métier, à la lumière de ses connaissances générales et sur la base de la demande telle que déposée initialement, conclurait que ledit effet est englobé dans l'enseignement technique et fait partie de la même invention initialement divulguée.
95. La Grande Chambre est consciente du caractère abstrait de certains des critères susmentionnés. Toutefois, outre le fait que la Grande Chambre, dans le cadre de la fonction qui lui est assignée en vertu de l'article 112(1) CBE, n'est pas appelée à se prononcer sur une affaire particulière, ce sont les circonstances pertinentes de chaque affaire qui constituent la base sur laquelle une chambre de recours ou une autre instance appelée à statuer doit se prononcer, et l'issue effective peut bien, dans une certaine mesure, être influencée par le domaine technique de l'invention revendiquée. Indépendamment des circonstances de chaque espèce, les principes directeurs énoncés ci-dessus devraient permettre à la chambre de recours compétente ou à une autre instance appelée à statuer d'établir si des moyens de preuve publiés ultérieurement peuvent ou non être invoqués à l'appui d'un effet technique allégué lorsqu'il s'agit d'évaluer si l'objet revendiqué implique ou non une activité inventive.
Dispositif
Par ces motifs, il est répondu comme suit aux questions de droit soumises à la Grande Chambre de recours :
1. Les moyens de preuve présentés par un demandeur ou un titulaire de brevet à l'appui d'un effet technique sur lequel il se fonde aux fins d'établir l'activité inventive de l'objet revendiqué ne peuvent être écartés au seul motif que ces moyens de preuve, sur lesquels l'effet repose, n'étaient pas accessibles au public avant la date de dépôt de la demande de brevet en cause et ont été produits après cette date.
2. Un demandeur ou un titulaire de brevet peut invoquer un effet technique comme fondement de l'activité inventive si l'homme du métier, à la lumière de ses connaissances générales et sur la base de la demande telle que déposée initialement, conclurait que ledit effet est englobé dans l'enseignement technique et fait partie de la même invention initialement divulguée.