T 0380/06 (Acides résiniques lubrifiantes/TOTAL FRANCE) 22-02-2008
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Utilisation d'un additif d'onctuosité pour améliorer les propriétés lubrifiantes d'un carburant pour moteurs diesel à faible teneur en soufre
Infineum International Ltd., IP Law Dept.
BP Oil International Limited
The Lubrizol Corporation
NARDINI Walter
Clarté (oui)
Nouveauté (oui)
Activité inventive (non): effet de synergie pretendu pas établi dans tout l'intervalle revendiqué ; enseignement de l'état de la technique comprend l'utilisation d'un produit commercial ayant les caractéristiques de l'additif utilisé selon le brevet
Exposé des faits et conclusions
I. Le recours fait suite à la décision de la division d'opposition de maintenir sous forme modifiée le brevet européen nº 0 915 944, concernant l'utilisation d'un additif d'onctuosité pour améliorer les propriétés lubrifiantes d'un carburant pour moteur diesel à faible teneur en soufre.
II. Quatre oppositions ont été formées à l'encontre du brevet européen précité sur le fondement, entre autre, de l'article 100(a) CBE, en particulier de l'absence de nouveauté ou d'activité inventive de l'objet revendiqué.
A l'appui des oppositions, les opposantes ont cité entre autres les documents suivants:
(1): US-A-3667152;
(2): Norme ASTM D 1984-69 "Standard specification for Tall Oil Fatty Acids";
(3): "Tall Oil and its Uses" par Tall Oil Products Division Pulp Chemicals Association, 1965, pages 1 à 3, 12 à 19 et 30 à 33;
(4): Kirk-Othmer Encyclopaedia of Chemical Technology, 3**(ème) edition, 1983, volume 22, pages 531 à 541;
(5): J.Oil Col. Chem. Assoc., 1967, vol. 50, pages 577 à 593, "Composition and fractionation of tall oil" par K.S.Ennor et J. Oxley;
(9): WO-A-9417160;
(11): US-A-2686713; et
(16): Déclaration de M. L. Germanaud du 16 décembre 2002.
Au cours de la procédure orale la titulaire du brevet a cité entre autre les documents suivants:
(40): "Petroleum Refinery Engineering", 4**(ème) édition, 1958, par W.L. Nelson, pages 48 à 51, 57 et 58; et
(41): Norme ASTM D975-68, "Standard Classification of Diesel Fuel Oils".
La titulaire du brevet a aussi soumis plusieurs jeux des revendications modifiées.
III. La division d'opposition a décidé que les revendications selon la requête 1 bis remplissaient les exigences de la CBE.
La revendication 1 selon la requête 1 bis s'énonçait comme suit:
"1. Utilisation pour améliorer les propriétés lubrifiantes de carburants diesels à faible teneur en soufre pour moteur diesel, d'un additif d'onctuosité constitué par une combinaison d'au moins un hydrocarbure aliphatique monocarboxylique, saturé ou insaturé, de chaîne linéaire comprise entre 12 et 24 atomes de carbone, et au moins un composé hydrocarboné polycyclique choisi dans le groupe constitué par les acides résiniques naturels obtenus à partir des résidus de distillation des huiles naturelles extraites des arbres résineux, notamment des conifères résineux, et les dérivés les carboxylates d'amines, esters et nitriles de ces acides, dans laquelle le carburant pour moteur diesel a une teneur en soufre inférieure à 500 ppm et correspond à au moins un distillat moyen issu d'une coupe de distillation directe de pétrole brut, de températures comprise entre 150 et 400ºC, l'additif étant utilisé à raison d'au moins 20 ppm et plus de 60 ppm lorsque l'additif est le tall oil, dans laquelle les acides résiniques sont choisis dans le groupe constitué par l'acide abiétique, l'acide dihydroabiétique, l'acide tétrahydroabiétique, l'acide dehydroabiétique, l'acide néoabiétique, l'acide pimarique, l'acide lévopimarique, l'acide parastrinique et leurs dérivés."
En particulier, la division d'opposition a estimé entre autre que
- les revendications selon la requête 1 bis remplissaient les exigences des articles 84, 123(2) et (3) CBE;
- les usages antérieurs du produit ADX 4101B invoqués par l'opposante O3 n'avaient pas été suffisamment prouvés;
- en considérant le contenu du document (41), la teneur en soufre du carburant diesel décrit dans le document (1) ne pouvait pas être inferieure à 500 ppm à la date de publication de ce document;
- par conséquent l'objet revendiqué était nouveau;
- les essais contenus dans le brevet et dans le document (16) montraient qu'un effet de synergie dans l'amélioration des propriétés lubrifiantes d'un carburant diesel à faible teneur en soufre avait été obtenu en utilisant la combinaison d'additifs choisie;
- l'art antérieur le plus proche était représenté par le document (9) qui déjà décrivait l'utilisation d'esters d'acides gras tel que le mono oléate de glycérol pour améliorer les propriétés lubrifiantes d'un carburant diesel à faible teneur en soufre;
- le problème technique à résoudre était donc de fournir des additifs alternatifs capables d'améliorer le pouvoir lubrifiant des carburants désulfurés et désaromatisés présentant une teneur en soufre inférieure à 500 ppm;
- le document (1) était le seul document de l'art antérieur décrivant l'utilisation d'un additif lubrifiant pouvant contenir des acides résiniques;
- toutefois, l'enseignement du document (1), en spécifiant que seulement le TOFA (la fraction d'acides gras séparée de l'huile de tall) été efficace pour améliorer le pouvoir lubrifiant d'un carburant diesel et que l'huile de tall même et la fraction de tête obtenue dans la distillation de l'huile de tall n'étaient pas utiles, aurait dissuadé l'homme du métier d'utiliser un produit TOFA commercial contenant encore des acides résiniques comme additif selon l'enseignement du document (9);
- par conséquent, l'objet revendiqué comportait aussi une activité inventive.
IV. La titulaire du brevet (ci-après indiqué comme requérante T) et les quatre opposantes (ci-après indiqués comme requérantes O1, O2, O3 et O4) ont formé chacune un recours à l'encontre de cette décision.
La requérante T a fourni avec les lettres, respectivement, du 02 juin 2006 et du 19 octobre 2006 les documents (66) et (67) contenant des nouveaux essais comparatifs.
La requérante O1 a elle même soumis une série d'essais avec la lettre datée du 20 décembre 2007.
Une procédure orale s'est tenue devant la chambre le 22 février 2008.
Au cours de la procédure orale la requérante T a remplacé les requêtes soumises auparavant par deux nouvelles requêtes: une requête principale contenant huit revendications et une requête auxiliaire en contenant six.
V. Le libellé de la revendication 1 selon la requête principale s'énonce comme suit:
"1. Utilisation pour améliorer les propriétés lubrifiantes de carburants diesels à faible teneur en soufre, d'un additif d'onctuosité constitué par une combinaison d'au moins un hydrocarbure aliphatique monocarboxylique, saturé ou insaturé, de chaîne linéaire comprise entre 12 et 24 atomes de carbone, et au moins un composé hydrocarboné polycyclique choisi dans le groupe constitué par les acides résiniques naturels obtenus à partir des résidus de distillation des huiles naturelles extraites des arbres résineux, notamment des conifères résineux, et les dérivés les carboxylates d'amines, esters et nitriles de ces acides, dans laquelle le carburant pour moteur diesel final a une teneur en soufre inférieure à 500 ppm et correspond à au moins un distillat moyen issu d'une coupe de distillation directe de pétrole brut, de températures comprise entre 150 et 400ºC, l'additif étant utilisé à raison d'au moins 20 ppm et plus de 60 ppm lorsque l'additif est le tall oil, dans laquelle les acides résiniques sont choisis dans le groupe constitué par l'acide abiétique, l'acide dihydroabiétique, l'acide tétrahydroabiétique, l'acide dehydroabiétique, l'acide néoabiétique, l'acide pimarique, l'acide lévopimarique, l'acide parastrinique et leurs dérivés carboxylates d'amine, esters et nitriles."
Cette revendication diffère de la revendication 1 bis acceptée par la division d'opposition seulement en ce que
- elle ne contient pas à la troisième ligne l'expression "pour moteur diesel" entre "à faible teneur en soufre" et ", d'un additif d'onctuosité";
- elle contient le mot "final" entre "pour moteur diesel" et "a une teneur en soufre" à la treizième ligne;
- elle contient dans le deux dernières lignes l'expression "carboxylates d'amine, esters et nitriles." après "leurs dérivés".
Le libellé de la revendication 1 selon la requête auxiliaire diffère du libellé de la revendication 1 selon la requête principale en ce qu'elle spécifie que l'additif est utilisé à raison de 50 à 1000 ppm et que l'additif comprend de 1 à 50% en poids d'au moins un composé hydrocarboné polycyclique, et de 50 à 99% en poids d'au moins un hydrocarbure aliphatique monocarboxylique linéaire, saturé ou insaturé, comprenant de 12 à 24 atomes de carbone.
VI. La requérante T a présenté entre autre les arguments suivants:
- les revendications sont claires et satisfont aux exigences de l'article 123(2) CBE;
- les usages antérieurs invoqués par la requérante O3 n'ont pas été suffisamment prouvées;
-l'enseignement du document (1) est de ne pas utiliser un produit contenant des acides résiniques comme l'huile de tall à cause de la dégradation de l'index de séparation d'eau (W.S.I.) et de ne pas utiliser la coupe de tête obtenue par distillation de l'huile de tall (Tall Oil Heads) à cause de sa mauvaise solubilité; le document (1) enseigne donc d'utiliser seulement un produit TOFA pur comme additif lubrifiant et de ne pas utiliser un produit TOFA commercial contenant des acides résiniques;
- de plus, la teneur en soufre du carburant diesel décrit dans ce document n'est pas spécifié et peut bien être au dessus de 500 ppm, la limitation du contenu en soufre indiquée dans le document (1) se rapportant seulement aux carburants jets;
- par conséquent, l'objet revendiqué est nouveau à l'égard du document (1);
- les essais présentés dans le brevet litigieux et dans les documents (16), (66) et (67) montrent la présence d'un effet de synergie obtenue par l'utilisation de la combinaison lubrifiante choisie;
- les requérantes O1 à O4 n'ont pas montré que l'effet de synergie ne soit pas présent dans tout l'intervalle revendiqué;
- l'homme du métier, en considérant l'enseignement du document (9), n'aurait pas eu aucune raison pour ajouter à l'additif utilisé dans ce document (9) des autres additifs lubrifiants et n'aurait pas non plus ajouté des autres additifs chimiquement similaires comme les acides gras séparés de l'huile de tall ou l'huile de tall même à l'additif lubrifiant décrit dans ce document;
- de plus, du moment que le document (1) suggère de ne pas utiliser un additif contenant des acides résiniques, l'homme du métier n'aurait pas ajouté un produit TOFA contenant des acides résiniques comme agent lubrifiant supplémentaire pour l'additif du document (9) et il n'aurait pas non plus essayé un ester d'un produit TOFA contenant des acides résiniques comme agent lubrifiant à la place du mono oléate de glycérol spécifiquement décrit dans le document (9);
- par conséquent, l'objet revendiqué comporte une activité inventive.
La requérante T a aussi soumis que la décision de la division d'opposition que le brevet tel que délivré et plusieurs requêtes subsidiaires n'étaient pas conformes aux exigences de l'article 123(2) CBE est entachée d'un vice substantiel de procédure.
VII. Les requérantes O1, O2, O3 et O4 ont soutenu entre autre que
- les revendications ne sont pas claires et contreviennent aux exigences de l'article 123(2) CBE;
- l'objet revendiqué manque de nouveauté à l'égard des usages antérieurs du produit ADX 4101B pour les raisons déjà soumises devant la division d'opposition;
- le document (1) décrit un carburant diesel substantiellement privé de soufre et qui doit avoir donc nécessairement une teneur en soufre au dessous de 500 ppm; de plus, le carburant A du document (1) contenant 230 ppm de soufre, est compris dans l'étendue de la revendication 1 du brevet litigieux;
- le TOFA utilisé selon l'enseignement du document (1) est un produit TOFA commercial qui contient nécessairement des acides résiniques;
- par conséquent, l'objet revendiqué n'est pas nouveau;
- ni les essais comparatifs contenus dans le brevet litigieux ni les essais des documents (16), (66) ou (67) montrent qu'un effet de synergie dans l'amélioration des propriétés lubrifiantes est obtenu dans tout l'intervalle revendiqué par l'usage de la combinaison lubrifiante choisie;
- l'enseignement du document (1) de ne pas utiliser l'huile de tall, laquelle contient un grand pourcentage d'acides résiniques, comme additif à cause de la dégradation du W.S.I. concerne seulement l'utilisation dans les carburants jets et pas l'utilisation dans les carburants diesels; au contraire le document (11) avait déjà enseigné que l'huile de tall pouvait être utilisé comme additif antirouille dans les carburants diesels jusqu'à une teneur de 60 ppm;
- par conséquent, en suivant l'enseignement du document (1), il était évident pour l'homme du métier d'utiliser du TOFA contenant des acides résiniques comme agent lubrifiant dans un carburant diesel en combinaison avec les esters du document (9) ou d'utiliser des esters du TOFA (qui contient aussi nécessairement des acides résiniques) comme additif selon l'enseignement du document (9);
- l'objet revendiqué ne comporte donc pas une activité inventive en considération des enseignements des documents (9) et (1).
VIII. La titulaire du brevet demande que la décision contestée soit annulée et que le brevet soit maintenu sur la base de la requête principale ou de la requête subsidiaire présentées à la procédure orale. La titulaire du brevet demande aussi le remboursement de la taxe de recours.
IX. Les opposantes demandent que la décision contestée soit annulée et que le brevet soit révoqué.
Motifs de la décision
1. Requête principale
1.1 Article 84
La chambre est satisfaite que les revendications selon la requête principale remplissent les conditions de l'article 84 CBE.
En particulier, la revendication 1, concerne un usage dans un carburant diesel, c'est à dire dans un carburant pour moteur diesel, lequel se distingue d'un carburant jet (voir le document (40) (page 48 et tableaux 3-15 et 3-16), et peut être classifié selon ses qualités, par exemple, comme indiqué dans les documents (40) (pages 57 et 58) ou (41).
De plus, l'expression "le carburant diesel correspond à au moins un distillat moyen issu d'une coupe de distillation directe de pétrole brut, de températures comprise entre 150 et 400ºC" limite la revendication à un usage dans des carburants pour moteur diesel qui sont constitués par ces coupes de distillation et exclut, par exemple, un usage dans un carburant diesel constitué par des huiles végétales telle que l'huile de colza, qui n'est pas un distillat moyen issu d'une coupe de distillation directe de pétrole brut.
La revendication 1, en spécifiant que l'additif d'onctuosité est ajouté à un carburant diesel avec une faible teneur en soufre et que le carburant pour moteur diesel final doit avoir une teneur en soufre inférieur à 500 ppm, indique clairement que la teneur en soufre initiale doit être telle que la teneur en soufre du carburant diesel final est inférieur à 500 ppm après addition de tous les additifs envisagés.
L'additif utilisé est constitué d'une part d'au moins un hydrocarbure aliphatique monocarboxylique, saturé ou insaturé, de chaîne linéaire comprise entre 12 et 24 atomes de carbone, qui peut être présent aussi sous forme de son dérivé carboxylate d'amine ou ester comme expliqué au paragraphe 19 du brevet litigieux qui énonce: "... l'hydrocarbure aliphatique monocarboxylique est sous forme d'acide, de carboxylate d'amines ou d'esters."
L'autre partie de l'additif d'onctuosité utilisée est constituée par des acides résiniques polycycliques connus ou de leur dérivés qui sont donc les dérivés d'acides obtenus par modification du groupement carboxylique de l'acide de départ. La revendication ne s'étend donc pas à l'usage des dérivés d'acides résiniques polycycliques qui comprend un groupement fonctionnel, tel que le groupement nitrile, comme substituant sur un atome quelconque d'un des cycles.
Du moment que les recours des requérantes O1 à O4 sont fondés pour d'autres motifs, il n'est pas nécessaire de donner de détails supplémentaires.
1.2 Articles 123(2) et (3) CBE
La chambre est satisfaite que les revendications selon la requête principale remplissent les conditions des articles 123(2) et (3) CBE.
Les recours des requérantes O1 à O4 étant fondés pour d'autres motifs, il n'est pas nécessaire de donner de détails.
1.3 Nouveauté
1.3.1 La requérante O3 a répété pendant la procédure de recours les objections de nouveauté qui se basent sur les usages antérieures du produit ADX 4101B déjà mentionnées pendant la procédure d'opposition, sans n'y ajouter aucun fait nouveau.
La chambre n'a pas raison de se départir de la conclusion de la division d'opposition (voir point III ci-dessus) qu'il n'a pas été prouvé qu'un usage antérieur du produit ADX 4101B avec toutes les caractéristiques de la revendication 1 a eu lieu avant la date de priorité du brevet litigieux.
La chambre est donc convaincue que l'objet de la revendication 1 est nouveau à l'égard des usages antérieurs invoqués par la requérante O3.
Aux fins du présent recours il n'est pas nécessaire de donner de détails supplémentaires.
1.3.2 En ce qui concerne l'objection de nouveauté basée sur le contenu du document (1) la chambre remarque que le document (1), se rapportant à l'usage de TOFA (la fraction d'acides gras séparés de l'huile de tall) comme additif lubrifiant dans des carburants jets ou des carburants diesels (colonne 1, lignes 68 à 75), contient seulement deux passages précisant le contenu en soufre des carburants envisagés.
Le tableau I se rapporte à un carburant A contenant 230 ppm de soufre (colonne 2, ligne 69 à colonne 3, ligne 8) et le passage à la colonne 1, lignes 45 à 49, énonce que les carburants ne doivent pas être corrosifs et que, par conséquent, doivent être entre autre substantiellement sans soufre.
La chambre remarque que le carburant A est surement un carburant jet du moment qu'il a un IBP de 75ºF et un point de congélation au dessous de moins 76ºF (voir, pour comparaison, le document (40), tableaux 3-15 et 3-16) et il doit aussi passer le test d'index de séparation d'eau (W.S.I.) selon la spécification militaire MIL-J-5624F (colonne 4, lignes 7 à 42), qui est une spécification pour les carburants jets.
Du moment que les carburants jets ont des caractéristiques qualitatives nécessairement différentes des carburants diesels, comme déjà expliqué auparavant, l'exemple du tableau I ne peut pas détruire la nouveauté de la revendication 1 selon la requête principale.
De plus, le contenu de 230 ppm de soufre du carburant jet A se rapporte à un exemple spécifique. Par conséquent, l'homme du métier ne considérerait pas le contenu de cet exemple spécifique comme une description d'une teneur en soufre applicable à tout autre carburant.
1.3.3 En ce qui concerne l'expression "substantiellement privé de soufre", le fait que le carburant A du tableau I contient 230 ppm de soufre indique que l'expression ci-dessus mentionnée ne concerne pas nécessairement des valeurs près de zéro.
En effet, aucune des requérantes O1 à O4 n'a apporté la preuve que l'homme du métier, à la date de publication du document (1), aurait nécessairement interprété l'expression "substantiellement sans soufre" comme une définition d'un carburant diesel ayant nécessairement une teneur en soufre inférieur à 500 ppm après l'ajout des additifs.
Par conséquent, la chambre considère que le document (1) ne décrit pas explicitement ou implicitement l'addition d'un additif de lubrification dans un carburant diesel ayant une teneur en soufre inferieure à 500 ppm après l'ajout des additifs.
Par conséquent, la divulgation du document (1) ne détruit pas la nouveauté de la revendication 1 selon la requête principale.
1.4 Activité inventive
1.4.1 La revendication 1 selon la requête principale concerne l'utilisation d'un additif d'onctuosité pour améliorer les propriétés lubrifiantes d'un carburant diesel ayant une teneur en soufre finale inférieure à 500 ppm.
Le brevet litigieux explique qu'il était connu de préparer par raffinage des carburants diesels moins polluants contenant des quantités de soufre minimes. Toutefois le raffinage comporte aussi une perte en composés aromatiques et polaires qui occasionne aussi une perte du pouvoir lubrifiant. Cette perte entraîne une usure majeure au niveau des pompes et du système d'injection. Il était par conséquent connu d'ajouter des additifs pour améliorer la lubrification des carburants. Toutefois les additifs devaient normalement être ajoutés dans des quantités élevées (voir paragraphes 2 et 3 du brevet litigieux).
La description du brevet litigieux indique donc que l'invention a pour but de trouver des additifs qui puissent améliorer le pouvoir lubrifiant des carburants diesels désulfurés et desaromatisés tout en restant compatibles avec les autres additifs, et qui soient efficaces à des quantités réduites, p.e. au dessous de 5000 ppm (paragraphe 13).
1.4.2 Le document (9) est le seul document cité qui se rapporte explicitement à un usage d'un additif pour améliorer le pouvoir lubrifiant des carburants diesels désulfurés et desaromatisés ayant une quantité de soufre final inférieure à 500 ppm pour éviter l'usure des pompes et du système d'injection (page 1, lignes 3 à 4; page 1, ligne 21 à page 2, ligne 2; page 2, lignes 11 à 13).
Par conséquent, comme indiqué dans la décision de la division d'opposition (voir point III ci-dessus), la chambre estime que le point de départ le plus raisonnable pour évaluer l'activité inventive de l'objet revendiqué est représenté par le document (9).
Le document (9) décrit entre autre que le pouvoir lubrifiant d'un carburant diesel distillat moyen issu d'une coupe de distillation directe de pétrole brut, de températures comprise entre 150 et 400ºC, ayant un contenu en soufre inférieur à 100 ppm est amélioré par l'addition de 100 à 200 ppm d'un ester d'acide carboxylique gras tel que le mono oléate de glycérol (voir revendications 3, 14 et 16 à 19; exemples, page 7, lignes 25 à 32; page 8, lignes 1 à 16; tableaux au pages 9 et 10). Le carburant diesel final a dans ce cas nécessairement un contenu en soufre inférieur à 500 ppm.
Du moment que, comme expliqué auparavant, l'objet de la revendication 1 selon la requête principale comprend l'utilisation d'acides gras sous forme d'ester, l'usage décrit dans le document (9) diffère de l'usage revendiqué seulement en ce qu'il ne comprend pas l'addition des acides résiniques de la revendication 1 ou de leurs dérivés carboxylates d'amine, esters et nitriles.
1.4.3 L'additif lubrifiant du document (9) étant efficace à des quantités réduites, bien au dessous de 5000 ppm, et étant compatible avec les autres additifs d'un carburant diesel (voir page 7, lignes 19 à 23), ce document a déjà résolu le problème technique indiqué dans le brevet litigieux (voir point 1.4.1 ci-dessus).
Le brevet litigieux énonce aussi que la combinaison d'additifs utilisée entraîne une amélioration du pouvoir lubrifiant bien supérieure à celle prévisible par ajout de chacun de ces composants pris séparément, c'est à dire que la combinaison choisie montre un effet de synergie (paragraphe 16).
La chambre remarque que, pour considérer ce prétendu avantage dans la définition du problème technique à résoudre par l'invention, l'existence d'un effet de synergie doit être établi (voir La Jurisprudence des Chambre de recours de l'OEB, 5**(e) édition 2006, I.D.4.2 à la page 147).
La charge de la preuve incombe à la requérante T pour tout fait qu'elle allègue (voir, par exemple, la décision T 97/00, point 3.1.6 des raisons).
Par conséquent, bien que la division d'opposition ait accepté dans sa décision l'existence d'un effet de synergie (voir point III ci-dessus), la chambre est tenue de vérifier si la conclusion de la division d'opposition était correcte.
De plus, la chambre considère, que dans le cas présent où les revendications ont une étendue très large et comprennent chaque combinaison possible de ses composés et une utilisation dans une multitude des carburants diesels ayant des quantités de soufre très différentes, il faut que l'effet de synergie allégué soit supporté par une preuve expérimentale.
1.4.4 Les exemples du brevet comparent trois additifs selon le brevet litigieux, dénommés Y1, Y2 et Y3, qui consistent en une combinaison d'acides gras, renfermant 50 à 55% d'acide oléique, 30 à 40% d'acide linoléique, 3 à 5% d'acide palmitique et 1 à 2% d'acide linolénique, et d' acides résiniques obtenus par distillation de l'huile de tall, avec des additifs comparatifs C1, C2 et C3, qui correspondent respectivement à l'acide oléique, au colophane (un mélange d'acides résiniques correspondant au résidus de distillation des gemmes de pins) et à un mélange d'acides dimères obtenus à partir d'acides gras insaturés (paragraphe 28).
La chambre remarque que les additifs Y1, Y2 et Y3 selon le brevet litigieux comprennent un mélange d'acides gras différant substantiellement de l'additif de comparaison C1, lequel comprend seulement l'acide oléique. Les comparaisons des résultats obtenus avec les additifs Y1, Y2 et Y3 avec ceux obtenus avec l'additif C1 ne peuvent donc pas donner aucune information sur l'existence d'un effet de synergie des composants des Y1, Y2 et Y3.
De plus, les additifs Y1, Y2 et Y3 comprennent un mélange d'acides résiniques obtenu par distillation de l'huile de tall, sous produit de fabrication de la pulpe de bois par le procédé sulfate, c'est à dire par une méthode très différente de celle utilisée pour obtenir l'additif de comparaison C2 (colophane), qui est le résidu de distillation des gemmes de pins; par conséquent, le mélange des acides résiniques dans les additifs Y1, Y2 et Y3 doit être nécessairement très différent du mélange d'acides résiniques de l'additif C2.
Il suit que les comparaisons des résultats obtenus avec les additifs Y1, Y2 et Y3 avec ceux obtenus avec l'additif C2 ne peuvent donc pas non plus donner aucune information sur l'existence d'un effet de synergie des composants des Y1, Y2 et Y3.
De plus, aucun des composés des additifs Y1, Y2 ou Y3 ne correspond à l'additif de comparaison C3.
Par conséquent, la chambre conclut qu'aucune des comparaisons du brevet litigieux ne peut montrer que l'effet de synergie allégué par la requérante T existe.
1.4.5 La requérante T s'est basée aussi sur les essais contenus dans les documents (16), (66) et (67).
Considérant les essais du document (16), les tableaux 5c et 5d à la page 11, montrent des comparaisons avec deux carburants diesels différents ayant, respectivement, 48 et 27 ppm de soufre. Comme indiqué dans ce document la différence significative selon la méthode de mesure HFFR utilisé est de 60 mym (page 12, lignes 13 à 15). Dans ces tests seule l'addition d'un acide gras (acide oléique) ou de l'acide abiétique (acide résiniques) est comparée avec l'addition des quatre mélanges de ces acides selon le brevet qui contiennent respectivement 2%, 4,5%, 10% et 25% d'acide abiétique, le reste étant l'acide oléique.
La chambre remarque, en considérant le tableau 5c, que, au contraire de ce qui est rapporté à la page 12, ligne 13 à 15, du document (16) les résultats ne présentent pas tous une amélioration significative; au contraire, seulement la combinaison de 90% d' acides gras et 10% d'acide abiétique montre une amélioration significative d'au moins 60 mym, bien au delà de la valeur obtenue avec l'acide gras ou l'acide abiétique seuls, tandis que les autres trois essais ne montrent pas cette différance.
Le tableau 5d montre qu'un effet de synergie semble être présent pour des combinaisons avec 2%, 4,5% et 10% d'acide abiétique; au contraire la combinaison avec 25% d'acide abiétique ne montre pas l'existence de cet effet.
Par conséquent, la chambre estime que le document (16) montre qu'il y a une différence d'effet selon la quantité d'acides résiniques utilisée et selon la quantité de soufre du carburant diesel utilisée. En particulier, ces tests ne montrent pas un effet pour une combinaison ayant des quantités d'acides résiniques supérieures à 10%. De plus, il semble que le résultat avec des quantités d'acides résiniques inferieures à 10% dépende de la quantité de soufre du carburant diesel.
Par conséquent, l'existence d'un effet de synergie n'est pas établi dans tout l'intervalle revendiqué qui autorise l'utilisation, par exemple, de 50% ou 1% d'acides résiniques dans la combinaison d'additifs choisie et l'ajout de l'additif lubrifiant dans des carburants diesels ayant une teneur en soufre bien plus élevée que celle du document (16).
1.4.6 Les essais des documents (66) et (67) sont limités à l'usage d'une seule combinaison contenant 5% d'acide résinique avec un mélange d'acide gras TOFA dans un carburant ayant une teneur en soufre de 10 ou 16 ppm.
Par conséquent, ces essais ne peuvent pas non plus montrer que l'effet est présent dans tout l'intervalle revendiqué qui autorise l'utilisation, par exemple, de 50% ou 1% d'acides résiniques dans la combinaison d'additifs choisie et de carburants diesels contenant une teneur en soufre bien plus élevée que celle utilisée dans les document (66) et (67).
La chambre, par conséquence, considère que l'existence d'un effet de synergie n'a été établi par la requérante T.
Dés lors, il n'est pas nécessaire non plus de discuter les essais présentés tardivement par la requérante O1 (voir point IV ci-dessus).
1.4.7 La chambre conclut que le problème technique à résoudre sous-jacent à l'invention peut être vu seulement dans la formulation d'un additif de lubrification alternatif à l'additif du document (9), lequel soit donc compatible avec les autres additifs et efficace à des quantités réduites, p.e. au dessous de 5000 ppm (voir paragraphe 13 du brevet litigieux).
Du moment que les essais des documents (16), (66) et (67) montrent que ce problème technique était résolu par la combinaison d'acides choisie dans le brevet et que le tableau IV du brevet litigieux montre qu'aussi les dérivés carboxylates d'amines ou esters des acides entraînent l'effet de lubrification recherché, la chambre est convaincue que le problème technique mentionné ci-dessus a été effectivement résolu par la combinaison d'additifs choisie selon la revendication 1.
1.4.8 Comme indiqué auparavant, le document (9) enseigne que l'addition de 100 à 200 ppm d'un ester d'acide carboxylique gras ayant de 10 à 30 atomes de charbon tel que le mono oléate de glycérol améliore le pouvoir lubrifiant des carburants diesels ayant une teneur en soufre bien inférieure à 500 ppm. Ce document enseigne aussi que l'additif lubrifiant à utiliser peut consister en un mélange d'additifs et donc d'esters d'un mélange d'acides gras comme l'acide oléique et l'acide linoléique (revendications 3, 5, 14 et 16 à 19; page 4, lignes 12 à 20; page 5, lignes 16 à 17; exemples, page 7, lignes 25 à 32; page 8, lignes 1 à 16; tableaux aux pages 9 et 10).
Il était aussi dans les connaissance de l'homme du métier que la fraction d'acides gras séparée de l'huile de tall (TOFA) comprend un mélange d'acides gras tel qu'envisagé dans le document (9) (voir, par exemple, les documents (3), tableau 1-5 à la page 14; (4), tableau 2 à la page 532 et (5), tableau 2 à la page 581).
De plus, l'homme du métier savait du document (1) que le TOFA améliore les propriétés lubrifiantes des carburants diesels (revendication 10). Par conséquent, l'homme du métier aurait reconnu le TOFA comme un mélange d'acides gras convenant comme base pour les esters du document (9).
Par conséquent il aurait été évident pour l'homme du métier d'essayer un ester du TOFA à la place du mono oléate de glycérol utilisé dans les exemples du document (9) et d'attendre un pouvoir lubrifiant similaire à des quantités similaires.
1.4.9 Etant donné que les produits TOFA commerciaux contiennent normalement des acides résiniques à raison de jusqu'à 10% (voir les documents (2), tableau 1; (3), page 13, tableau 1-4; (4), page 538, tableau 6 et (5), page 578, lignes 15 à 17 du paragraphe titré "Introduction"), il reste donc à évaluer si l'homme du métier, en suivant l'enseignement du document (1), aurait utilisé un produit TOFA commercial contenant d'acides résiniques comme base pour les esters décrits dans le document (9).
Le document (1) enseigne, comme argumenté par la requérante T, que l'huile de tall n'est pas utile comme additif lubrifiant parce qu'il dégrade l'index de séparation de l'eau (W.S.I.) et que la coupe de tête obtenu par distillation de l'huile de tall n'est pas utile parce qu'elle est peu soluble dans les carburants (colonne 2, lignes 32 à 40).
Toutefois l'information technique concernant l'huile de tall, un produit comprenant un grand pourcentage d'acides résiniques (voir les documents (3), page 12, lignes 3 à 4; (4), page 532, tableau 1; et (5), page 579, lignes 16 à 20), est liée à la dégradation du W.S.I., laquelle est une propriété pertinente pour les carburants jets (voir colonne 4, lignes 7 à 31 du document (1)) mais pas pour les carburants diesels.
Par conséquent la chambre juge que cet enseignement ne s'applique pas à l'utilisation dans les carburants diesels envisagée par le document (1) et il n'aurait pas dissuadé l'homme du métier d'utiliser un produit contenant d'acides résiniques dans les carburants diesels.
De plus, la coupe de tête obtenue par distillation de l'huile de tall contient principalement des acides gras et des matériaux neutres et seulement une très petite quantité d'acides résiniques (voir les documents (3), page 17, tableau 1-8; et (5), page 584, tableau 5). Par conséquent, le problème de solubilité qu'on rencontre avec cette fraction séparée de l'huile de tall n'est pas dû à la présence d'acides résiniques.
Par conséquent, la chambre juge que le document (1) ne contient pas aucun enseignement qui aurait dissuadé l'homme du métier d'utiliser un TOFA commercial contenant des acides résiniques dans un carburant diesel.
Cette conclusion est renforcée par le fait que l'huile de tall était déjà connue comme additif antirouille pour carburants diesels où on pouvait l'utiliser dans une quantité jusqu'à 60 ppm (voir le document (11), revendication 5, et le brevet litigieux, paragraphe 5).
Par conséquent l'homme du métier n'aurait eu aucun doute que les acides résiniques, au moins en quantités ne dépassant pas les 60 ppm, étaient compatibles avec un carburant diesel.
1.4.10 La chambre est aussi convaincue que l'enseignement du document (1) ne se limite pas à l'utilisation d'un TOFA pur comme argumenté par la requérante T; au contraire, ce document se rapporte explicitement à un produit obtenu par séparation de l'huile de tall lequel ne nécessite pas une purification ultérieure (colonne 2, lignes 25 à 35), c'est à dire au produit commercial connu des documents (2) à (5) cités auparavant.
La chambre conclut que, l'homme du métier, en suivant les enseignements des documents (9) et (1), serait donc arrivé nécessairement à l'objet de la revendication 1 selon la requête principale.
Par conséquent, l'objet de la revendication 1 selon la requête principale ne comporte pas d'activité inventive.
2. Requête auxiliaire
2.1 Activité inventive
La revendication 1 selon la première requête auxiliaire diffère de la revendication 1 selon la requête principale par les spécifications que l'additif est utilisé à raison de 50 à 1000 ppm et que l'additif comprend de 1 à 50% en poids d'au moins un composé hydrocarboné polycyclique, et de 50 à 99% en poids d'au moins un hydrocarbure aliphatique monocarboxylique linéaire, saturé ou insaturé, comprenant de 12 à 24 atomes de carbone.
Du moment que, comme expliqué auparavant, l'existence d'un effet de synergie dans toute l'étendue de la revendication comprenant, par exemple, l'utilisation de 1% d'acides résiniques dans la combinaison d'additifs choisie, n'a pas été établi par la requérante T (point 1.4.6 ci-dessus), que l'additif du document (9) est utilisé dans des quantités qui tombent dans l'intervalle de 50 à 1000 ppm (point 1.4.2 ci-dessus) et que le TOFA commercial contient normalement jusqu'à 10% d'acides résiniques (point 1.4.9 ci-dessus), les arguments précédents s'appliquent mutatis mutandis à l'objet de la revendication 1 selon la requête auxiliaire.
Par conséquent, l'objet de la revendication 1 selon la requête auxiliaire ne comporte pas d'activité inventive.
3. Remboursement de la taxe de recours.
Du moment que le recours de la requérante T n'est pas fondé il n'y pas lieu à remboursement de la taxe de recours.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
La décision contestée est annulée.
Le brevet est révoqué.