T 0004/83 (Purification d'acides sulfoniques) 16-03-1983
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Activité inventive
Méthode d'essai ne faisant partie intégrante d'un procédé
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 78 300 810.5 déposée le 13 décembre 1978 et publiée le 11 juillet 1979 sous le numéro 0 002 907, pour laquelle est revendiquée la priorité d'une demande antérieure britannique déposée le 23 décembre 1977, a été rejetée par décision de l'Office européen des brevets en date du 4 août 1982, sur la base d'une unique revendication libellée comme suit:
"Procédé pour la purification d'acides sulfoniques, caractérisé par la succession d'étapes suivante: lavage d'un acide alkylaryl sulfonique brut avec de 1à 30 8.955979e-4922n poids d'eau, par rapport au poids de l'alkylat à partir duquel l'acide sulfonique est obtenu, décantation du produit aqueux et élimination de la couche aqueuse, addition d'au moins 1 en poids d'une oléfine, par rapport au poids de l'alkylat à partir duquel l'acide sulfonique est obtenu, et chauffage de l'acide sulfonique contenant l'oléfine à une température comprise entre 100°C et 150°C pendant au moins 15 minutes".
II. La demande a été rejetée au motif que l'objet de cette revendication n'impliquait pas d'activité inventive. Comme l'a admis la demanderesse, le lavage et l'élimination d'une couche aqueuse sont bien connus dans la purification des acides sulfoniques. En outre, la caractéristique consistant à chauffer à une température comprise entre 100°C et 150°C, pendant au moins 15 minutes, de l'acide sulfonique additionné d'une oléfine était connue d'après le document FR-A-2 341 565. Par conséquent, il était évident de combiner les étapes connues de façon à ramener la teneur en acide sulfurique à un niveau acceptable.
La demanderesse, sans parvenir à démontrer un quelconque avantage inattendu dans son procédé, s'est bornée à se référer à l'exemple 1. Cependant, il a été impossible de déduire de cet exemple que la combinaison des étapes procurait des effets inattendus, étant donné qu'il n'y était pas fait de distinction entre les différentes étapes quant à leurs résultats respectifs.
Il est vrai que la Division d'examen a accepté l'argument de la demanderesse selon lequel le traitement thermique décrit dans le document cité ci-dessus était utilisé au cours d'un essai de stabilité thermique de l'acide sulfonique stabilisé par une oléfine, le but de ce traitement étant alors différent de l'objectif de la demande en cause. Cependant, il n'a pas été considéré comme incompatible avec cet objectif et ne devait certainement pas inciter à ne pas s'engager dans cette voie.
III. Le 24 septembre 1982, la requérante a formé un recours contre la décision datée du 4 août 1982; elle a déposé le 29 novembre 1982 le mémoire exposant les motifs du recours, qui pour l'essentiel est repris ci-après.
Afin de démontrer le degré de purification des acides sulfoniques qui est atteint dans les différentes étapes du procédé tel que revendiqué, la requérante a réalisé trois essais comparatifs. Les résultats ont montré que le procédé de la présente invention était le seul à permettre l'obtention de la teneur requise en acide sulfurique, soit moins de 0.5 % en poids.
La requérante pense en outre que ces indications corroborent la pertinence de son second argument selon lequel le chauffage que l'on fait intervenir dans le document cité, en vue de tester la stabilité thermique de l'acide sulfonique, est manifestement tout différent de celui qui est utilisé dans le procédé de la présente invention et n'incite pas le lecteur à recourir à une combinaison dans laquelle entrent le traitement avec une oléfine, le lavage à l'eau et le traitement thermique, combinaison dont il vient à présent d'être dit qu'elle est essentielle pour la purification des acides sulfoniques riches en acide sulfurique, objet de la présente invention.
Sur l'invitation de la Chambre, la requérante a déposé un nouveau jeu de revendications; elle a demandé l'annulation de la décision attaquée et la délivrance du brevet. Les nouvelles revendications s'énoncent comme suit:
"1. Procédé pour la purification d'acides sulfoniques riches en acide sulfurique, caractérisé par la succession d'étapes suivante: lavage d'un acide alkylaryl sulfonique brut avec de 1 à 30 % en poids d'eau, par rapport au poids de l'alkylat à partir duquel l'acide sulfonique est obtenu, décantation du produit aqueux et élimination de la couche aqueuse. addition d'au moins 1 % en poids d'une oléfine, par rapport au poids de l'alkylat à partir duquel l'acide sulfonique est obtenu, et chauffage de l'acide sulfonique contenant l'oléfine à une température comprise entre 100°C et 150°C pendant au moins 15 minutes.
2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que l'acide sulfonique brut contient plus de 3 % en poids d'acide sulfurique.
3. Procédé selon l'une des revendications 1 ou 2, caractérisé en ce que l'acide sulfonique a été préparé par sulfonation à l'oléum.
4. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que le groupe alkyle contient de 20 à 30 atomes de carbone.
5. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que l'on utilise de 2 à 10 % en poids d'oléfine.
6. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que l'oléfine a un poids moléculaire de 294 à 336 et l'acide sulfonique est un acide alkyl (en C24)-benzène sulfonique.
7. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que l'on effectue le traitement thermique à une température comprise entre 120°C et 140°C pendant environ 30 minutes".
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 de la CBE; il est donc recevable.
2. La version actuelle des revendications ne soulève aucune objection du point de vue formel, car elle est suffisamment étayée par les documents initialement déposés. La revendication 1 se fonde sur la revendication 1 initiale en combinaison avec la page 2, paragraphes 2 et 4, et la page 6, paragraphe 4. Les revendications 2 à 7 correspondent aux revendications 2, 3 et 5 à 8 telles que déposées. Les revendications 3 et 6 sont modifiées dans le sens qui est celui de la page 2, dernière phrase et de la page 4, paragraphe 3. Il n'y a pas d'objection à ce que les sous-revendications soient réintroduites à ce stade de la procédure.
3. Comme elle l'indique au début de la demande en cause, la demanderesse part du document DE-A-2 707 414, qui est équivalent au document français cité et concerne la production d'acides alkylaryl sulfoniques de couleur stable et de
bonne stabilité thermique, par addition à ceux-ci d'au moins 1 % en poids d'une oléfine et, le cas échéant, également par addition de la même quantité d'eau (cf. page 1, paragraphe 1, page 2, paragraphe 3, page 3, lignes 33 et 34 en combinaison avec les revendications 11 et 12). L'utilisation de l'oléfine réduit en même temps la quantité de boue et d'acide sulfurique (cf. page 6, lignes 8 à 14).
Bien que ce procédé se soit montré normalement satisfaisant, la demanderesse a trouvé la teneur en acide sulfurique après le traitement à l'oléfine exagérément élevée lorsque l'acide sulfonique destiné à être purifié était particulièrement riche en acide sulfurique. Il est donc clair qu'elle s'attaquait de ce fait au problème de l'amélioration du procédé ancien de telle manière que l'acide alkylaryl sulfonique riche en acide sulfurique puisse être purifié.
Pour résoudre ce problème technique, la demanderesse propose un procédé tel qu'exposé dans la revendication 1, comprenant sous forme simplifiée la succession d'étapes suivante:
a) lavage de l'acide sulfonique brut avec de l'eau (y compris l'élimination de la couche aqueuse)
b) addition d'oléfine
c) traitement thermique.
4. Lorsqu'on procède à l'examen de la nouveauté, il faut tenir compte de ce que toute information contenue dans un document de brevet qui transmet à l'homme du métier un enseignement technique fait partie du contenu de la divulgation, indépendamment du fait qu'elle entre ou non dans le cadre des revendications et quelle qu'en soit la finalité. En appliquant ce principe au cas présent, outre l'enseignement essentiel du document cité, qui consiste à préconiser l'utilisation d'une oléfine dans un procédé de purification d'acides sulfoniques, il faut considérer aussi bien l'information concernant les étapes préliminaires que celle concernant les caractéristiques de l'essai final de stabilité thermique.
L'exemple 1, auquel un certain nombre d'autres exemples se réfèrent directement ou indirectement, décrit une telle méthode de mise en oeuvre. En l'occurrence, un acide alkyl (en C24)-benzène sulfonique, après avoir été débarrassé de l'anhydride sulfureux et de la boue, est lavé avec de l'acide chlorhydrique aqueux (afin que soit éliminé l'excès d'acide sulfurique) et ensuite traité avec une oléfine en C24. Des prises d'essai du mélange obtenu ont été conservées à 120°C pendant quatre jours et leurs couleurs ont été mesurées. Bien que la caractéristique du traitement à l'oléfine et celle du test de couleur soient identiques à l'étape b) et à l'étape c) du procédé tel que revendiqué, l'agent de lavage utilisé dans le lavage préliminaire de l'acide sulfonique brut est manifestement différent. Le procédé revendiqué est donc nouveau.
5. Il convient alors d'examiner si l'objet de la revendication 1 est évident par rapport à cet état de la technique. La Division d'examen a répondu par l'affirmative à cette question, en se fondant sur l'état de la technique cité, en même temps que sur les connaissances générales communément répandues. Or, ces connaissances ont été établies non par la citation d'un document, mais par référence à ce qu'a déclaré la demanderesse dans sa lettre du 20 novembre 1980, où elle a admis qu'il était bien connu de procéder par lavage et par élimination d'une couche aqueuse lors de la purification de l'acide sulfonique. La nature de l'agent de lavage n'était pas mentionnée. Cette déclaration incomplète n'a pas été clarifiée par une nouvelle revendication, qui a été déposée en même temps et qui mentionnait dans son préambule l'étape de lavage de l'acide sulfonique brut avec de l'eau et celle du traitement à l'oléfine. En effet, cette combinaison n'était pas connue d'après le document cité; cette revendication ne pouvait donc qu'enfreindre la règle 29(1)a), qui stipule que seules les caractéristiques techniques qui, combinées entre elles, font partie de l'état de la technique doivent former le préambule d'une revendication. Le principe général selon lequel des faits admis n'ont pas besoin d'être prouvés s'applique exclusivement à des cas où sont faites des déclarations claires. Cette condition n'est pas remplie en l'occurrence. Dans l'examen de cette affaire, il est aisé de voir comment compléter la déclaration de la demanderesse, étant donné que le document cité, qui décrit un procédé de purification tirant avantage d'un lavage avec de l'acide chlorhydrique aqueux, si cela se révèle approprié, mentionne dans son introduction qu'un tel lavage est communément utilisé (cf. page 1, paragraphes 3 et 4). En conséquence, la purification d'acides sulfoniques par lavage uniquement avec de l'eau ne peut pas être considérée comme une connaissance générale communément répandue.
6. Le seul état de la technique qui soit encore pertinent pour l'estimation de l'activité inventive est le document FR-A-2 341 565 déjà mentionné. Il enseigne que la stabilité de la couleur et la stabilité thermique d'acides alkylaryl sulfoniques peuvent être améliorées si l'on incorpore à ceux-ci au moins 1 % en poids d'une oléfine. En outre, il est mentionné que ce traitement à l'oléfine réduit la quantité de boue et d'acide sulfurique dans une mesure telle qu'une élimination préliminaire de la boue (par décantation avec des hydrocarbures solvants) et de l'acide sulfurique par lavage avec de l'acide chlorhydrique aqueux, même lors de la purification d'acides alkylaryl sulfoniques ayant des chaînes relativement longues, est superflue dans certains cas (cf. page 6, lignes 3 à 22). Il aurait été évident pour l'homme du métier confronté au problème de l'adaptation du procédé ancien à la purification d'acides sulfoniques riches en acide sulfurique de rendre obligatoire cette étape de lavage auparavant facultative, voire peut-être d'intensifier le lavage. Toutefois, il n'était pas évident de remplacer de l'acide chlorhydrique aqueux par de l'eau comme agent de lavage, étant donné que l'état de la technique ne fournissait aucun exemple dans ce sens et qu'il n'existait aucune perspective de solution au problème en cause si l'on s'en tenait à l'enseignement des manuels selon lequel les acides sulfoniques aromatiques sont plus solubles dans l'eau que dans de l'acide chlorhydrique aqueux (cf. le passage, non cité jusqu'à présent, de Houben-Weyl, Methoden der Organischen Chemie, Vol. IX, 1955, 435).
7. Il est particulièrement surprenant que la demanderesse ait pensé résoudre le problème technique en question par un procédé comprenant non seulement l'étape de lavage et de traitement à l'oléfine, mais en outre le traitement thermique de l'acide alkylaryl sulfonique produit, comme étape finale essentielle du procédé de purification, alors que ce traitement était précédemment utilisé dans un essai uniquement pour confirmer le résultat souhaité. Contrairement au cas de l'examen de la nouveauté, on peut se trouver, lors de l'examen de l'activité inventive sur la base d'un document unique, dans une situation où la finalité d'une caractéristique technique connue devient cruciale. Comme cela a déjà été dit, le procédé connu se termine par le traitement à l'oléfine. L'essai, qui peut être mis en oeuvre ensuite, sert exclusivement à vérifier, le cas échéant, l'obtention de la stabilité de la couleur et de la stabilité thermique souhaitées pour les acides sulfoniques, et n'incite nullement à utiliser les caractéristiques de cet essai comme étape finale du procédé de purification, étant donné qu'on ne pouvait s'attendre à ce que cette succession d'étapes permette la purification d'acides sulfoniques particulièrement riches en acide sulfurique. L'enseignement de la demande en cause doit, qu'il soit exprimé sous la forme de la revendication 1 ou des sous-revendications qui lui sont rattachées, être considéré comme surprenant, et par conséquent comme impliquant une activité inventive.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit:
1. La décision de la Division d'examen de l'Office européen des brevets en date du 4 août 1982 est annulée.
2. L'affaire est renvoyée devant la première instance pour délivrance d'un brevet européen sur la base des pièces suivantes:
(...)