J 0011/88 (Grève des services postaux) 30-08-1988
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1. La question de savoir si une interruption de la distribution du courrier ou une perturbation résultant de cette interruption peut être considérée comme une "interruption générale" au sens de la règle 85(2) CBE est une question de fait qui doit être tranchée sur la base de toute information vraisemblable disponible. En cas de doute, il incombe à l'OEB de procéder d'office en application de l'article 114(1) CBE à des investigations.
2. La règle 85(2) CBE est ainsi formulée ("est prorogé") qu'en cas d'"interruption générale", tout délai expirant pendant la période d'interruption ou de perturbation est prorogé de plein droit.
Prorogation de délais
Interruption générale de la distribution du courrier
Eléments de preuve fournis par les parties
Examen d'office
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 84 306 417 a été déposée le 20 septembre 1984 pour le compte d'un demandeur américain par un mandataire agréé ayant son domicile professionnel en Angleterre. Le Bulletin européen des brevet a mentionné la publication du rapport de recherche le 17 septembre 1986, et une notification établie conformément à la règle 50 CBE a été signifiée au mandataire le 23 septembre 1986 pour appeler son attention sur la nécessité de présenter la requête écrite en examen et de payer la taxe correspondante dans le délai fixé à l'article 94(2) CBE.
II. L'OEB a reçu la taxe d'examen requise le 18 mars 1987, soit un jour après l'expiration du délai de six mois fixé à l'article 94(2) CBE. Après y avoir été invité par l'OEB, le demandeur s'est appuyé sur la règle 85ter CBE et a remédié à l'irrégularité moyennant versement de la surtaxe prévue. C'est cette surtaxe dont le demandeur sollicite à présent le remboursement.
III. Dans une lettre en date du 24 mars 1987, le mandataire du demandeur a déclaré à l'OEB que la réception tardive de la taxe d'examen par l'OEB était due uniquement à une grève des services postaux qui s'était produite du 10 au 13 mars 1987 dans la région de son domicile professionnel et à la perturbation de la distribution du courrier qui s'en est suivie jusqu'au 17 mars 1987. A titre de preuve de la grève précitée, le mandataire a produit une lettre émanant de l'administration des postes du Royaume-Uni et confirmant l'existence, le lieu et la durée de la grève. Le 10 avril 1987, l'OEB a informé par écrit le mandataire que la grève des services postaux ne constituait pas "une interruption générale de la distribution du courrier ou une perturbation résultant de cette interruption dans un Etat contractant" au sens de la règle 85(2) CBE, et qu'elle n'avait donc pas pour effet de proroger le délai jusqu'au 18 mars, date à laquelle la taxe d'examen a effectivement été reçue. Par conséquent, l'OEB estime que la surtaxe prévue à la règle 85ter CBE demeure bel et bien exigible.
IV. Dans une lettre adressée à l'OEB le 5 juin 1987, le mandataire a contesté cette interprétation de la règle 85(2) CBE, arguant que la nature d'une interruption des services postaux était une question de fait qui devait être tranchée en fonction des preuves produites dans chaque cas, et que, par conséquent, l'application de la règle n'était pas limitée aux grèves affectant l'ensemble du territoire national.
V. En 1987, en application de la règle 85(2) CBE, le Président de l'OEB avait émis trois communiqués distincts relatifs à la prorogation de délais faisant suite à des interruptions de la distribution du courrier au Royaume-Uni. Ces communiqués ont tous été dûment publiés au Journal officiel de l'OEB, mais aucun d'entre eux ne couvrait la période pendant laquelle a eu lieu la grève en question.
VI. Le 28 octobre 1987, la section des formalités de la direction générale 2 a décidé de rejeter la requête en remboursement de la surtaxe présentée par le demandeur en se fondant sur les éléments de preuves dont elle disposait alors ainsi que sur une décision de la chambre de recours juridique (J 4/87 JO OEB 1988, 172) précisant que l'OEB n'a aucun pouvoir d'appréciation général lui permettant de proroger les délais et qu'il ne peut exercer de pouvoir d'appréciation que selon les modalités fixées par la CBE. La règle 85(2) exigeant expressément une interruption générale de la distribution du courrier, et l'OEB n'ayant pas été informé d'une telle interruption, le délai de paiement de la taxe d'examen ne pouvait être prorogé et, par conséquent, la surtaxe n'était pas remboursable.
VII. Le requérant a formé un recours en bonne et due forme contre cette décision. ...
VIII. Lors de la procédure de recours, le requérant a produit un complément de preuve à l'appui de ses assertions, à savoir une lettre datée du 10 décembre 1987 émanant de l'Assistant Comptroller, Patents and Designs (Office des brevets du Royaume-Uni) et adressée au Vice-Président de l'OEB chargé des "Questions juridiques et affaires internationales". Dans sa lettre, l'Assistant Comptroller déclare qu'à son avis, la grève en question était d'une telle ampleur que l'Office des brevets du Royaume-Uni aurait délivré un certificat en ce sens si pareille requête lui avait été adressée dans une procédure nationale. Dans cette même lettre, il exprime néanmoins sa réticence à délivrer rétroactivement un certificat aux fins de la présente procédure, notamment en raison de la longue période qui s'est écoulée depuis mars 1987.
IX. Le requérant fait valoir également que la règle 85(2) CBE habilite le Président de l'OEB à émettre des communiqués sans avoir reçu d'information ou de communication relative à une interruption de la distribution du courrier de la part de l'office des brevets d'un Etat contractant. Il sollicite l'annulation de la décision attaquée et le remboursement de la surtaxe acquittée conformément à la règle 85ter CBE.
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 CBE ; il est donc recevable.
2. La règle 85(2) dispose notamment que si un délai expire soit un jour où se produit une interruption générale de la distribution du courrier, soit un jour de perturbation résultant de cette interruption dans un Etat contractant ou entre un Etat contractant et l'OEB, le délai est prorogé jusqu'au premier jour suivant la fin de cette période d'interruption ou de perturbation. La durée de cette période est indiquée par le Président de l'OEB.
En l'espèce, il est incontestable que la période d'inter ruption et de perturbation a duré du 10 au 17 mars 1987, de sorte que la réception de la taxe d'examen le 18 mars serait parfaitement admissible en vertu de la règle 85(2) CBE au cas où la grève constituerait une interruption générale de la distribution du courrier au sens de cette même règle.
3. La question de savoir si une interruption de la distribution du courrier ou la perturbation qui en résulte répond ou non à cette condition est une question de fait que l'OEB doit trancher sur la base des preuves dont il dispose ou des mesures d'instruction qu'il a prises, ou des deux. S'il est d'usage pour l'OEB de se fonder sur les informations communiquées par le service national de la propriété industrielle de l'Etat contractant concerné ou en son nom, la CBE ne contient cependant aucune disposition permettant de conclure que l'OEB ne peut prendre en considération que des preuves de ce type. L'OEB a la faculté, voire l'obligation, de prendre en compte toute information vraisemblable disponible, y compris les déclarations officielles faites au nom de l'administration des postes compétente. En cas de doute, il lui incombe de procéder d'office à des investigations, l'article 114(1) CBE faisant partie des "dispositions générales de procédure" prévues aux fins d'exécution de la CBE dans son ensemble.
4. En l'espèce, l'Assistant Comptroller Patents and Designs de l'Office des brevets du Royaume-Uni a déclaré dans sa lettre en date du 10 décembre 1987 que "les preuves à notre disposition nous permettent de conclure qu'une interruption générale de la distribution du courrier, suivie de perturbations, s'est effectivement produite au Royaume-Uni du 10 au 17 mars 1987, et que, s'il s'était agi d'une demande nationale, nous aurions délivré un certificat en ce sens." La Chambre estime que cette déclaration officielle est claire et catégorique, au vu de laquelle le Président de l'OEB n'aurait pas manqué d'émettre un communiqué conformément à la règle 85(2) CBE si l'Office en avait eu connaissance en mars 1987 ou peu de temps après.
5. La règle 85(2) CBE est ainsi formulée ("est prorogé") qu'en cas d'interruption générale de la distribution du courrier ou de perturbation résultant de cette interruption au sens de ladite règle, tout délai prévu par la CBE qui expire pendant la période d'interruption ou de perturbation est prorogé de plein droit. Par conséquent, le fait que le Président de l'Office, parce qu'il n'a pas été informé en temps utile, n'a pas émis de communiqué relatif à la durée de cette période, ne saurait porter atteinte aux droits des personnes affectées par l'interruption ou la perturbation.
6. La décision attaquée est antérieure à la lettre de l'Office des brevets du Royaume-Uni. Il n'y a pas lieu de considérer que cette décision aurait été négative si la lettre avait été présentée à temps à la section des formalités de la direction générale 2. Or, cette lettre est en la possession de la Chambre, et il est clair qu'elle rend caduque la décision de la section des formalités, selon laquelle il ne s'est produit aucune "interruption générale" de la distribution du courrier au sens de la règle 85(2) CBE. En tout état de cause, la section des formalités s'est autorisée à tort de la décision J 4/87. Dans cette affaire, il est seulement précisé que la durée d'une interruption de la distribution du courrier dûment fixée par le Président de l'OEB conformément à la règle 85(2) CBE ne saurait être prolongée en vertu d'un pouvoir d'appréciation. Pour ces motifs, la décision attaquée doit être annulée.
7. Il reste à savoir quelle suite il convient de donner au recours eu égard aux circonstances de la présente affaire. Si la Chambre en avait été saisie peu de temps après mars 1987, il aurait été opportun de le déférer à la direction de l'OEB en lui soumettant les éléments faisant ressortir le caractère général de l'interruption de la délivrance du courrier et les dates correspondantes, de sorte qu'il aurait alors été possible d'émettre rétroactivement un communiqué ayant valeur générale conformément à la règle 85(2) CBE. Compte tenu en particulier du temps écoulé, une telle solution semble toutefois inopportune. Après mûr examen, la Chambre a décidé, aux fins de la présente affaire seulement, que vu l'interruption générale de la distribution du courrier qui s'est produite au Royaume-Uni du 10 au 17 mars 1987, le requérant était en droit, en vertu de la règle 85(2) CBE, de payer la taxe d'examen sans surtaxe le 18 mars 1987.
A cet égard, la position de la Chambre est semblable à celle adoptée dans des circonstances similaires par le juge Graham dans la décision rendue par la High Court of Justice anglaise dans l'affaire Omron Tateisi Electronics Company's Application (1981) R.P.C., 125 (136 à 138), affaire que l'Office des brevets du Royaume-Uni a expressément signalée à l'attention de l'OEB dans le cadre de la présente procédure.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Il est fait droit au recours, et la décision de la section des formalités de la direction générale 2 en date du 28 octobre 1987 est annulée.
2. Le remboursement de la surtaxe acquittée conformément à la règle 85ter CBE est ordonné.