T 0905/94 11-06-1996
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Mécanisme de verrouillage d'un store mécanique
Absence de nouveauté par une divulgation antérieure au cours d'une exposition (non établie)
Panneau publicitaire
Catalogue de vente
Dénomination commerciale de l'objet
Attestations contradictoires
Activité inventive (oui)
Exposé des faits et conclusions
I. Le requérant avait formé opposition au brevet européen n° 0 355 527. Ce brevet revendique une priorité, dont la date est le 10 août 1988.
La revendication 1 de ce brevet, tel que délivré, s'énonce comme suit :
"Mécanisme de verrouillage d'un store mécanique comprenant un rouleau (2) de store situé dans une boîte (1) à store fermée par un profilé frontal (3) formant la terminaison frontale du store (23) caractérisé en ce que le profilé frontal (3) comprend un redan (9), la boîte (1) à store un verrou (19) et le rouleau (2) ou la commande de rouleau (2) un ou plusieurs tétons (22), de telle façon que le redan (9) coopère avec le verrou (19) provoquant le verrouillage de la fermeture de la boîte (1) par le profilé frontal (3) au cours de la fin de course de l'enroulement du store (23) et de telle façon que les tétons (22) coopèrent avec le verrou (19) provoquant le déverrouillage au début du déroulement."
II. Le requérant avait fondé son opposition sur les motifs suivants :
1. L'objet des revendications de ce brevet n'est pas nouveau au sens de l'article 54 CBE en raison d'une divulgation antérieure de cet objet par son exposition effectuée au Salon de la Caravane et du Camping, qui s'est tenu au Bourget, près de Paris, en octobre 1987. Pour étayer ce motif, les moyens de preuve suivants ont été fournis :
D1 : Catalogue du 22ème Salon de la Caravane, Paris-Le Bourget, 3 au 11 octobre 1987.
D2 : Pages 1, 87,113 et 114 de la revue "Camping car" n°19, nov. 1987-janv. 1988.
D3 : Photo du stand BRUTSAERT au salon.
D4 : Photo agrandie du stand BRUTSAERT au salon.
D5 : Tarif BRUTSAERT 1987.
D6 : Catalogue professionnel 1988 de EURO-ACCESSOIRES.
D7 : Pages "Omnistor" du Catalogue BRUTSAERT Accessoires 1992.
D8 : Déclaration sous serment de Monsieur POZZI.
D8bis : 1ère déclaration de Monsieur TACCHI (février 1992).
D16 : 2ème déclaration de Monsieur TACCHI (septembre 1992).
2. L'objet des revendications du brevet n'implique pas d'activité inventive au sens de l'article 56 CBE au regard de l'enseignement des documents suivants de l'art antérieur :
D9 : GB-A-191 098
D10 : Dictionnaire QUILLET, édition 1958, vol.1, pages 841, 842.
D11 : "Notes et Formules de l'ingénieur", Formulaire De Laharpe, 23ème édition ALBIN MICHEL, 1950, pages 2005-2007.
D12 : Encyclopédie MAC GRAW HILL, 1960, pages 420 et 421.
D13 : US-A-743 711
D14 : FR-A-1 550 331
D15 : EP-A-0 230 331
D17 : Agrandissement des figures 1 et 6 du document D9.
D18 : Norme française P26-101 (septembre 1956), pages 1 à 5.
D19 : Agrandissement de la figure 3 de cette norme française.
D20 : DE-A-3 709 121 (même titulaire que le brevet en cause), ci-dessous dénommé aussi "brevet 1987".
Durant la procédure d'opposition, le titulaire du brevet a fourni la déclaration sous serment de madame Willy Debeuf.
Par sa décision datée du 13 octobre 1994, la Division d'opposition a rejeté l'opposition, estimant en premier lieu qu'il n'était pas suffisamment prouvé que le store exposé correspondait techniquement à celui du brevet en cause et deuxièmement que l'objet du brevet litigieux impliquait une activité inventive à l'égard de l'art antérieur cité.
III. Le 28 novembre 1994, le requérant a formé un recours contre cette décision et payé la taxe de recours le même jour. Le mémoire de recours, qu'il a déposé le 28 janvier 1995, était accompagné de nouveaux documents destinés à soutenir ses arguments, à savoir :
- Page 8 du prospectus "OMNISTOR 4000".
- Lettre de EURO-ACCESSOIRES du 14 décembre 1994.
- Lettre du Deutsches Patentamt certifiant la publication du document D20 à la date du 1er octobre 1987.
- Dessin déduit du document D9.
- Photo de la pancarte publicitaire du stand BRUTSAERT au salon 1987.
L'intimé (titulaire du brevet) a répondu à ce mémoire par des observations écrites reçues le 9 juin 1995. Deux déclarations sous serment de messieurs Denis Rulquin et Paul Verhaert étaient jointes.
La Chambre de recours a adressé aux parties une invitation à une procédure orale et simultanément a émis un avis provisoire sur l'affaire en cause. Elle a aussi signalé que, M. Pozzi étant le requérant - donc une partie à la procédure - sa déclaration ne pouvait constituer un témoignage.
En réponse à cet avis, le requérant a déposé le 10. mai 1996 un mémoire complémentaire de recours, accompagné des copies des deux documents suivants :
D21 : Bottin téléphonique "Les PAGES JAUNES" de FRANCE TELECOM, mai 1995, page de garde et pages 2124 à 2127.
D22 : FR-A-2 184 886
La procédure orale, à laquelle le requérant et l'intimé ont participé, s'est tenue le 11 juin 1996. Au cours de cette procédure orale, les arguments des parties ont été présentés.
IV. Faits et arguments concernant le défaut de nouveauté par divulgation antérieure :
1. En vertu des allégations concordantes des parties, il est de fait qu'au salon de la Caravane et du Camping, qui s'est tenu à Paris-Le Bourget du 3 au 11. octobre 1987, l'intimé - titulaire du brevet en litige - a exposé un store dénommé "Omnistore 4000". Selon les documents D3 et D4, qui n'ont pas été contestés, ce store était surmonté d'une pancarte publicitaire, qui annonçait "Déverrouillage et ouverture en une seule opération".
Le catalogue de l'année 1988 (document D6) de la société EURO-ACCESSOIRES, qui était à l'époque distributrice des produits BRUTSAERT (intimé, titulaire du brevet litigieux), présente un store "Omnistore 4000", dont le déverrouillage "s'effectue par un simple appui de la manivelle au niveau du treuil".
L'intimé étant aussi titulaire d'une demande de brevet DE-A-3 709 121 (D20 ou "brevet 1987") du 20 mars 1987, ayant pour objet une armature d'un store mécanique et un store muni d'une telle armature, qui tous deux n'ont jamais été commercialisés, les parties sont en désaccord sur le modèle du store exposé au salon de la Caravane et du Camping. Le requérant prétend qu'il s'agissait du store selon le brevet litigieux, tandis que l'intimé allègue qu'il a exposé le store décrit dans sa demande antérieure de brevet (D20).
Entre les parties, il existe en France une affaire de prétendue contrefaçon, dans laquelle est invoquée la demande de brevet français n 8810961 (ci-dessous "brevet 1988") de l'intimé, qui correspond au brevet en litige. En première instance, le Tribunal de grande instance de Paris a, dans son jugement, repoussé le grief de contrefaçon au motif que l'invention avait été divulguée au Salon du Bourget. Ce jugement a été frappé d'appel par l'intimé.
2. Le requérant a fait valoir ce qui suit :
- La pancarte publicitaire (D3, D4) ne pouvait se référer qu'au dispositif décrit dans le brevet litigieux, car, dans le store précédent selon le brevet 1987, un embrayage à friction assure le déverrouillage du verrou et l'ensemble du déverrouillage du store exige quatre mouvements distincts, ce qui est contradictoire à la publicité effectuée. Il est inimaginable que le titulaire ait fait ressortir devant des clients potentiels un avantage technique qui ne correspondait pas à la vérité s'il s'agissait de son store, objet du brevet 1987 (D20). Un visiteur du salon en manoeuvrant le store se serait immédiatement aperçu que le déverrouillage ne pouvait pas être obtenu par "une seule opération". Par contre, cette réclame s'applique parfaitement au store, objet du brevet 1988, c'est-à-dire du brevet contesté, puisqu'il suffit de tourner la manivelle pour effectuer le déverrouillage. Il y a donc tout lieu de croire que le brevet exposé était celui de ce dernier brevet.
- La revue Camping-Car (D2) confirme cet argument, puisqu'elle reprend en des termes équivalents le même avantage.
- La mention dans le catalogue 1988 de la société EURO-ACCESSOIRES (D6) d'une manoeuvre "par simple appui de la manivelle vers le haut au niveau du treuil" pour déverrouiller le store décrit dans ce catalogue ne peut pas être retenue pour affirmer que le dispositif exposé était celui du brevet de 1987. En effet, l'usage du dispositif selon le brevet litigieux s'accompagne aussi d'un appui de la manivelle vers le haut, puisque la manivelle est remise en place à chaque usage et ce "en l'appuyant vers le haut au niveau du treuil".
- La société EURO-ACCESSOIRES, dans sa lettre de décembre 1994, a affirmé qu'elle n'a jamais vu le dispositif du brevet de 1987. Si donc, un lien est fait entre cette affirmation de la société et le fait qu'elle ait, malgré cela, offert en vente dans son catalogue 1988 (D6) un store dénommé "Omnistore 4000", il est clair que ce store offert en vente ne pouvait concerner que celui du brevet en litige. Il convient d'ailleurs de noter que cette offre en vente constitue un autre fait de divulgation. Un autre catalogue de vente (D7), en l'espèce celui du titulaire même du brevet en cause, édité quelques années plus tard, confirme ce point, puisque sous la rubrique "Omnistore 4000" il reproduit les figures du brevet contesté. Le Tribunal de grande instance de Paris a aussi conclu dans cette direction en trouvant improbable que le titulaire ait pu reprendre pour l'invention en cause la dénomination "Omnistore 4000", qui auparavant avait été attribuée à un produit défectueux et inexploitable.
- Les attestations fournies par la titulaire du brevet en cause sont postérieures de plus de huit ans à l'exposition et rien n'indique que les signataires de ces attestations sont des techniciens. Par suite, ces attestations sont très douteuses.
- Par contre, les reproches de la Division d'opposition concernant les déclarations sous serment du requérant et de M. Tacchi et selon lesquels une description détaillée de ce qui a été vu fait défaut, ne sont pas justifiés. Il résulte de la propre déclaration du requérant que le rouleau de store qu'il a vu au salon du Bourget comportait plusieurs tétons, une particularité qui ne figure que dans le brevet litigieux. Dans la deuxième déclaration de M. Tacchi, qui est un technicien confirmé dans le domaine technique concerné, il est précisé que le dispositif de verrouillage situé à l'extrémité du rouleau opposée à la manivelle était commandé par la seule rotation du rouleau. Ces caractéristiques étaient suffisantes pour identifier le store exposé comme étant celui du brevet litigieux.
3. L'intimé a présenté les arguments suivants :
En ce qui concerne la pancarte publicitaire, il convient en préliminaire de remarquer qu'il est toujours possible pour un technicien de décomposer un mouvement en une succession de mouvements partiels. Une réclame, cependant, a d'autres visées que de prétendre être un document technique détaillé ; son but est de présenter un produit sous son bel aspect. Lors de la manoeuvre d'ouverture du store qui était exposé au salon du Bourget et qui correspondait au document D20, un appui vers le haut de la manivelle pour embrayer, suivi immédiatement de sa rotation avec un léger relâchement vers le bas, est perçu comme une seule "opération" ou un seul "mouvement" continu.
Le fait que, durant le salon, le store exposé correspondait au store selon le document D20, est d'ailleurs prouvé par les documents D6 et D2, qui précisent qu'à la fin de 1987, l'"Omnistore 4000" se déverrouillait "par appui de la manivelle vers le haut au niveau du treuil" (D6) ou, selon des termes équivalents de D2, "par simple appui de la manivelle vers le treuil". Or un appui vers le haut pour déverrouiller le store n'existe pas avec le store du brevet en litige et ne peut être confondu avec le mouvement usuel d'appui vers le haut, destiné simplement à mettre en place la manivelle dans la plupart des types de stores mécaniques.
Après l'exposition, le titulaire a amélioré le dispositif, aboutissant à l'invention litigieuse, et c'est uniquement cette version améliorée qui a été commercialisée. La même dénomination "Omnistore 4000" a été conservée, du fait qu'elle n'avait pas été utilisée pour un store exploité ou vendu, comme ceci est indirectement confirmé dans les catalogues D2 et D6 D7 par leur annonce d'une sortie future du produit, à savoir en février ou mars 1988 - sortie qui en fait n'a jamais eu lieu.
Le dépôt tardif de la deuxième déclaration de monsieur Tacchi est étrange, car si ce technicien connaissait les détails techniques du store exposé, il aurait pu les décrire dans sa première déclaration. Sa société ayant été accusée de contrefaçon, il a pu, cinq ans après l'exposition, avoir une image déformée des faits.
Le requérant n'est donc pas capable de prouver que le dispositif exposé au salon était sans équivoque celui selon le brevet en litige, alors que cette preuve lui incombait.
V. Arguments relatifs à l'activité inventive impliquée
1. Selon le requérant :
Le store selon le document D20 représente l'art antérieur le plus proche de l'invention. L'objet de la revendication 1 du brevet contesté diffère de ce store connu par la présence de tétons sur le rouleau ou sur sa commande et par la coopération de ces tétons avec le verrou pour provoquer le déverrouillage au début du déroulement. Un téton est une pièce en saillie, qui selon la revendication 1 peut être située sur la commande du rouleau et sert à agir sur le verrou, c'est-à-dire en fait établit le lien entre la commande du rouleau et le verrou. Le but de l'invention est d'obtenir un mécanisme de verrouillage automatique lié à l'enroulement ou au déroulement du store. Or le document D22 enseigne un déverrouillage d'un store actionné par la seule manoeuvre de la commande du store, qui dans cet art antérieur est constituée d'une courroie. Une traction sur cette courroie déplace une pièce en saillie en forme de rouleau, qui, par son mouvement, assure directement le retrait du pêne du verrou, et donc le déverrouillage. De D22, l'homme du métier tire donc l'enseignement d'une pièce en saillie, qui manoeuvrée par la commande du rouleau agit directement sur le verrou, autrement dit la même combinaison de moyens que la présente invention. Appliquant cet enseignement au store connu de D20, il parvient à l'objet de la revendication 1 du brevet en litige, compte tenu de ce que cette revendication 1 prévoit des tétons appartenant à la commande du rouleau, qui pour sa part n'est pas précisée.
2. Selon l'intimé :
Les arguments du requérant sur l'absence d'activité inventive présuppose que l'homme du métier combinerait de façon évidente les deux documents D20 et D22. Or les dispositifs de déverrouillage des stores décrits dans ces documents ne sont guère identiques. De plus, D22 ne décrit aucun téton, si bien que, même si l'homme du métier essayait de combiner entre elles les deux solutions décrites par ces documents, il ne parviendrait pas à l'invention revendiquée.
VI. Le requérant sollicite l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen n° 0 355 527.
L'intimé sollicite le rejet du recours et, à titre de requête auxiliaire, le renvoi de l'affaire à la première instance, si les documents D21 et D22 sont considérés pertinents pour le brevet en cause.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Nouveauté - Divulgation antérieure alléguée
2.1. Pancarte publicitaire et les moyens de preuve correspondants
La Chambre tout d'abord partage l'avis de l'intimé, selon lequel un panneau publicitaire vise en premier lieu à inciter le visiteur à l'achat. Par conséquent, sur un tel panneau, on s'efforce de disposer des informations en accord avec ce but, sans toutefois s'éloigner de la vérité.
Considérant le libellé même de l'annonce publicitaire, il convient de remarquer que l'expression "une seule opération" est associée à deux opérations distinctes, qui sont le déverrouillage du store et son ouverture. Par suite, l'annonce peut simplement signifier que ces deux opérations s'effectuent pratiquement simultanément. De plus, le terme "opération" ou encore "mouvement", tenant compte du fait qu'une réclame doit être brève et ne constitue pas nécessairement un exposé scientifique, peut être pris au sens large, signifiant un mouvement du ou des bras au sens général et non un mouvement unique bien précis et de direction donnée. Selon le dictionnaire, une opération peut être une série de mesures ou une combinaison de manoeuvres en vue d'atteindre un résultat. Par exemple, il peut être dit qu'une porte ou une fenêtre est ouverte en un seul mouvement, un seul organe étant manipulé, bien que le mouvement lui-même impliqué puisse être décomposé en plusieurs mouvements successifs pour un spécialiste.
Le store selon le document D20, antérieur au brevet litigieux, comporte un verrou sur le profilé frontal du store, et un câble relie le pêne de ce verrou à un galet d'enroulement de ce câble situé axialement sur l'axe de déroulement et d'enroulement du store et faisant partie d'un embrayage à friction situé lui-aussi sur cet axe. Pour déverrouiller et ouvrir le store, il faut d'abord effectuer un léger mouvement d'appui de la manivelle vers le haut pour "embrayer", c'est-à-dire mettre en contact les deux disques de l'embrayage, puis tourner légèrement la manivelle pour enrouler sur une courte distance le câble du verrou de manière à déverrouiller ce dernier, puis aussitôt abaisser la manivelle pour mettre l'embrayage hors d'action et poursuivre le mouvement de rotation de la manivelle pour dérouler le store, c'est-à-dire l'ouvrir.
Ces mouvements successifs sont effectués au moyen de la seule manivelle, si bien que la "manoeuvre" ou "opération" de celle-ci permet le déverrouillage et l'ouverture du store. Cette manière d'interpréter l'annonce publicitaire est étayée par la lecture de la description du document D20, qui met justement en exergue cet avantage du store qui y est décrit, en utilisant à propos d'une de ses variantes les termes suivants : "le store peut être débloqué et ouvert en un seul mouvement". Par conséquent, l'annonce publicitaire n'est pas en contradiction avec le document D20.
Qui plus est, les mouvements successifs analysés ci-dessus sont, en fait, effectués si rapidement par l'utilisateur habituel du store qu'ils ne forment qu'un seul mouvement continu. Il semble donc difficile d'affirmer que la réclame, même prise dans son sens étroit, puisse être considérée, s'agissant du store conforme au document D20, comme excessive par des visiteurs du salon. Ceux-ci normalement assistent d'abord à une démonstration faite par un spécialiste avant d'essayer eux-mêmes la manoeuvre. Ils se rendent compte que le "seul mouvement" ou la "seule opération" est une question d'habitude.
Au surplus, dans le document D2 cité par le requérant, l'expression "se déverrouille et s'ouvre d'un seul mouvement" apparaît à la page 87, qui est une page publicitaire de cette revue, tandis qu'à la page 114 au chapitre "techniques et accessoires" de la revue, une brève description plus technique de l'Omnistor 4000 précise que le système de déverrouillage s'effectue "par simple appui de la manivelle sur le treuil". Une expression correspondante, à savoir "appui vers le haut au niveau du treuil", se retrouve en regard du produit "Omnistor 4000" dans le catalogue d'accessoires pour l'année 1988 de la société EURO-accessoires (D6). Ce catalogue précise que le store sortira à partir de février-mars 1988. Or, ces deux dernières expressions "appui de la manivelle sur le treuil" et " appui vers le haut..." ne peuvent s'appliquer qu'au mouvement de déverrouillage du store conforme au document D20, qui, comme vu ci-dessus, exige un bref appui de la manivelle vers le haut pour "embrayer". Un appui vers le haut n'a pas de raison d'être avec le store selon le brevet litigieux. Prétendre, comme le fait le requérant, que ces deux expressions concernent la mise en place de la manivelle paraît être un argument spécieux, car, d'une part, la mise en place d'une manivelle s'applique à tout store, quelque soit son type, sans avoir besoin d'être précisée et, d'autre part, ne concernerait pas spécifiquement le déverrouillage pour l'ouverture du store, comme cela est précisé dans les documents D2 et D6. Il ressort de tout ce qui précède qu'en fait, ces deux expressions constituent un élément, qui, entre les deux modèles de stores concernés, élimine celui selon le brevet litigieux.
Dans le catalogue de la société "EURO-accessoires" (D6), le bref descriptif relatif à l'"Omnistor 4000" indique aussi que "la fermeture est de la même simplicité étant donné que les verrous s'enclenchent en même temps que l'enroulement du store". Cette expression "les verrous" pourrait créer un doute en faveur des arguments du requérant, dans la mesure où le modèle de store selon la figure 3 du document D20 ne comporte qu'un seul verrou en partie centrale du profilé frontal du store. Lors de la procédure orale, le mandataire de l'intimé a expliqué cette contradiction en signalant qu'en général, les stores comportent un verrou à chaque extrémité du profilé frontal. Selon les éléments du dossier, tous les textes des revues ou catalogues mentionnés dans l'affaire en cause auraient été libellés par le titulaire même des deux brevets. Sachant que, dans le document D20, un premier modèle de store décrit et représenté par les figures 1 et 2 de ce document possède pour sa part, tout comme le store selon le brevet litigieux, deux verrous placés respectivement aux extrémités du store, comme cela est usuel dans la plupart des stores afin d'éviter un dévers et, par suite, un coincement du profilé frontal du store, une confusion de la part du titulaire lors de la rédaction des textes ne peut être exclue. L' explication du mandataire peut donc être suivie et semble croyable, notamment si on considère que dans de tels catalogues seulement les points importants sont relevés, comme par exemple ici, dans la phrase concernée de D6, la simultanéité des mouvements d'enclenchement et de fermeture.
De tout ce qui précède, il s'ensuit que la présomption du requérant qui s'appuie sur le mouvement indiqué par le panneau publicitaire n'est pas fondée et que les indices fournis correspondants tendent plutôt à prouver que le store exposé concernait l'objet de la demande de brevet antérieure (brevet 1987) de l'intimée, et non celui du brevet litigieux.
2.2. L'offre en vente alléguée
Le catalogue édité en fin de 1987 de la société EURO-accessoires cite le store "Omnistor 4000" parmi ses produits présentés et informe que ce produit ne sortira qu'en février-mars 1988. Le catalogue ne décrit pas la construction du dispositif permettant le verrouillage et le déverrouillage selon le brevet en litige. Le texte du catalogue décrit au contraire le déverrouillage selon le brevet de 1987. Ce catalogue ne peut donc pas servir comme preuve de la divulgation antérieure du dispositif selon le brevet litigieux.
Quant à l'utilisation elle-même de la dénomination "Omnistore 4000", qui a servi de fondement à la décision du tribunal français, elle ne peut, de l'avis de la Chambre, constituer une preuve suffisante, même s'il a été établi que des stores conformes au brevet en cause ont été vendus sous cette dénomination postérieurement à la date de priorité du brevet. Dans le domaine industriel, il est courant qu'une même dénomination soit employée et conservée pour un produit, dont les caractéristiques techniques changent avec le temps au gré des perfectionnements apportés. Un concept général, à savoir dans le cas présent le caractère plus ou moins automatique du déverrouillage et du déroulement du store, relie les modèles successifs entre eux. Le store selon le document D20 (brevet 1987) pouvait certes ne pas être parfait, mais néanmoins il apportait une solution nouvelle pour la manipulation même du store, et la dénomination "Omnistore 4000" était rattachée à cette solution. Si donc, comme l'affirme l'intimé, le store conforme au document D20 a été abandonné au profit du store encore plus perfectionné conforme au brevet litigieux, il semblait tout aussi logique de conserver la même dénomination que d'en trouver une nouvelle.
2.3. Les attestations (terme juridique pour les "déclarations")
M. Tacchi, qui a fourni deux attestations successives, est le directeur technique de la société du requérant. La première attestation indique seulement qu'au salon concerné un store "Omnistore 4000" était exposé "comportant un verrouillage de sécurité ....qui est déverrouillé au début du déroulement sous l'effet de la rotation de la manivelle". Ce libellé est si général et si vague, qu'il peut s'appliquer aussi bien au store selon le document D20 qu'au store conforme au brevet litigieux.
La deuxième attestation de M. Tacchi, effectuée quelques mois plus tard, précise que le store exposé comportait un dispositif de verrouillage à chaque extrémité du rouleau et qu'"au moins celui des dispositifs de verrouillage qui se trouvait à l'extrémité du rouleau opposée à la manivelle était commandé par la seule rotation du rouleau et était conforme au brevet n° 8 810 971" (document français de priorité du brevet litigieux). Cette dernière affirmation surprend, car il semble difficile de pouvoir affirmer qu'un objet vu cinq ans auparavant puisse dans tous ses détails correspondre au contenu d'un document technique. Ce témoignage ne décrit ni le mécanisme de verrouillage qui aurait effectivement été vu, ni les circonstances de la visite qui auraient permis de voir le mécanisme de verrouillage.
De son côté, l'intimé a fourni les déclarations sous serment de Madame Willy Debeuf, technicienne et représentante en stores et volets roulants, et de Monsieur Denis Rulquin. Tous deux décrivent le dispositif de verrouillage du store "Omnistor 4000" qu'ils disent avoir pu découvrir au salon en question, car ils ont été autorisés à le manoeuvrer. Les détails techniques du store, qu'ils décrivent, sont tels qu'il ne peut que s'agir du store selon le document D20, antérieur au brevet litigieux.
Lors des prises de positions des parties sur ces différentes déclarations, aucun argument suffisamment pertinent n'a permis de rendre l'une de ces attestations plus plausible qu'une autre. Le fait que M. Tacchi, qui, selon le requérant, est un technicien chevronné, ait effectué sa déclaration cinq ans après les faits décrits, alors que les autres personnes, dont l'un au moins est aussi un technicien, ont témoigné huit ans après, ne peut constituer une raison suffisante pour rendre le témoignage de M. Tacchi plus crédible. Par suite, ces différentes attestations ne sont pas de nature à emporter la conviction de la Chambre en faveur de l'une ou l'autre partie.
2.4. La déclaration du requérant
Selon le requérant le dispositif exposé au salon du Bourget présentait des " saillies portées par le rouleau et tournant avec lui". Cette déclaration ne peut que se référer au dispositif selon le brevet litigieux. Toutefois, ce dire est non seulement contredit par les attestations de Mme. Willy Delbeuf et de M. Denis Rulquin, mais aussi par les documents D2 à D4 et D6. La Chambre attribue davantage de poids à ces documents qui datent à peu près de la même époque que le brevet en litige et celui de 1987 et qui n'ont pas été établis dans le but de prouver un événement, à savoir l'exposition d'un store donné, longtemps après que cet événement ait eu lieu. Dans le cas présent et pour les raisons données, les documents écrits constituent pour la Chambre des moyens de preuve plus convaincants que la déclaration ci-dessus qui comporte un risque d'erreur, tout autant d'ailleurs que les attestations ci-dessus mentionnées.
2.5. En conclusion, les allégations et présomptions mises en avant par le requérant ne sont pas suffisantes pour convaincre la Chambre que le store exposé au salon 1987 de la Caravane et du Camping à Paris-Le Bourget était conforme au store selon le brevet en litige. Une divulgation antérieure représentant un état de la technique selon l'article 54(2) CBE n'est donc pas reconnue.
3. Activité inventive (article 56 CBE)
3.1. L'art antérieur le plus proche de l'objet du brevet en litige est représenté par le store selon le document D20. Parmi les deux modes de réalisation décrits dans ce document, le deuxième représenté sur la figure 3 comprend un rouleau à store fermé par un profilé frontal formant la terminaison frontale du store. Sur la face intérieure de ce profilé une plaque assimilable à un redan est fixée pour supporter la gâche d'un verrou, dont le pêne est pour sa part fixé sur le fond de la boîte à store. En suivant les termes de la revendication 1. du brevet litigieux, le redan coopère avec le verrou (en fait, avec son pêne) provoquant le verrouillage de la fermeture de la boîte par le profilé frontal au cours de la fin de course de l'enroulement du store. Ces caractéristiques techniques ci-dessus sont toutes communes au store connu de cet art antérieur D20 et à celui selon la revendication 1 du brevet en litige.
3.2. Dans le mécanisme de déverrouillage du verrou connu de cet art antérieur D20 et déjà décrit en partie au point 2.1 ci-dessus, le galet d'enroulement d'une extrémité du câble de manoeuvre du verrou est solidaire d'un premier disque cranté de l'embrayage à friction. Ce disque est disposé à rotation libre sur l'axe de la commande du mécanisme d'enroulement et de déroulement du store. En dessous et en vis-à-vis de ce premier disque et de ses crans se trouve le deuxième disque de l'embrayage, lui aussi cranté, mais solidaire du même axe. L'axe est muni à son extrémité inférieure d'un anneau pour l'accrochage de la manivelle de manoeuvre du store et peut légèrement coulisser axialement à l'intérieur du mécanisme d'enroulement du store avec maintien de l'entraînement. Ce coulissement permet d'accoupler entre eux les crans des deux disques de l'embrayage au moyen d'une légère poussée de la manivelle vers le haut. Pour déverrouiller et dérouler le store, la manivelle doit donc être d'abord poussée vers le haut pour embrayer, puis être légèrement tournée pour libérer le verrou, et aussitôt après relâchée vers le bas tout en continuant à être manoeuvrée en rotation pour dérouler le store.
3.3. Ce procédé nécessite donc un soulèvement de la manivelle uniquement pour déverrouiller le verrou, si bien que la commande de déverrouillage n'est pas entièrement reliée de façon automatique à la seule manoeuvre de déroulement du store, qui ne nécessite qu'une rotation de la manivelle. La présente invention veut éviter cet inconvénient et, par conséquent, vise à fournir un mécanisme de verrouillage automatique lié à l'enroulement et déroulement du store.
Le store selon la revendication 1 du brevet en litige résout ce problème en prévoyant sur le rouleau du store, ou sur sa commande, un ou plusieurs tétons, qui coopèrent avec le verrou pour provoquer son déverrouillage au début du déroulement du store. La description du brevet litigieux indique qu'en effet les tétons, au début de la rotation du rouleau, accrochent un crochet supérieur du pêne et le soulèvent, dégageant ainsi le pêne de sa gâche formée par une cavité du redan. Il convient de remarquer que la revendication 1, en divulguant des tétons qui peuvent être indifféremment sur le rouleau ou sur sa commande, enseigne implicitement que le déverrouillage du verrou est lié à la rotation du rouleau de store. Une telle interprétation de la revendication 1 est confirmée par l'ensemble de la description du brevet litigieux - description qui selon l'article 69 CBE sert à interpréter les revendications.
3.4. Selon le requérant, une autre antériorité, à savoir le document D22, suggère cette solution. Malgré la présentation de ce document à un stade tardif de la procédure, la Chambre faisant usage de son pouvoir d'appréciation selon l'article 114(2) CBE décide d'introduire ce document.
Le store selon ce document D22 est manoeuvré par une courroie qui agit directement sur le rouleau du store pour le dérouler et l'enrouler. De même que dans l'objet du brevet en cause ou encore dans le store selon l'art antérieur D20, la partie pêne d'un verrou est fixée à l'intérieur de la boîte à store et coopère sous la pression d'un ressort avec la partie gâche constituée d'une cavité de l'extrémité du store.
Toutefois, le pêne selon cet art antérieur D22 se distingue en ce qu'il est manoeuvré par un levier, disposé transversalement à la courroie. A l'une de ses extrémités, ce levier est fixé à pivotement sur la boîte à store, tandis que son autre extrémité, qui est en regard de la courroie, présente une forme en U, qui enserre un petit rouleau. La courroie est enfilée entre ce rouleau et le fond du U. Lorsque la courroie est manuellement tirée pour l'opération de déroulement du store, partie tendue agit sur le petit rouleau du levier et provoque le recul du levier par pivotement sur son axe. Ce mouvement du levier dégage le penne de sa gâche.
3.5. Le but de ce document de l'art antérieur diffère de celui de la présente invention, car il y est recherché une sécurité contre les effractions, et non un déverrouillage automatique du verrou. Néanmoins cet art antérieur, sans l'exposer explicitement, résout le même problème que l'objet du brevet litigieux, car la seule manoeuvre de la courroie libère le verrou et déroule le store. L'homme du métier pourrait donc tirer de ce document l'enseignement de déverrouiller le verrou par une manoeuvre directe de la commande du rouleau de store, c'est-à-dire en fait la formulation en des termes sensiblement équivalents du problème posé dans la présente invention et déjà résolu, mais de façon imparfaite, avec le store antérieur selon le document D20 de l'intimé.
Les analogies toutefois s'arrêtent là, car, si ce document D22 procure une solution au problème posé, sa solution propre ne peut suggérer celle de l'invention en cause. Il semble, en effet, difficile d'assimiler, comme le fait le requérant, le petit rouleau du levier du verrou à une saillie, et donc aux tétons de la présente invention. De plus, ce petit rouleau fait partie du levier de commande du verrou dans le store selon D22 et n'est donc pas placé sur le rouleau du store ou sur sa commande. Assimiler, par suite, ce petit rouleau connu de l'antériorité D22 aux tétons du store selon le revendication 1 du brevet en litige ne peut être considéré que comme le résultat d'une analyse a posteriori, effectuée pour les besoins de la cause. En outre, l'antériorité D22 fait appel à un levier intermédiaire entre le verrou et la commande du rouleau de store et, par suite, l'homme du métier ne reçoit pas de cet art antérieur la suggestion d'une coopération directe entre le verrou et un élément en saillie de la commande du rouleau ou du rouleau lui-même. En conséquence, cet art antérieur ne peut suggérer la solution selon la revendication 1 du brevet en cause.
3.6. Les autres antériorités opposées à la présente invention n'ont pas été reprises durant la procédure orale devant la Chambre de recours. Elles sont effectivement moins pertinentes que le document D22, car elles ne décrivent pas une solution au problème posé dans le brevet en litige. L'antériorité D9 a été plus particulièrement mise en avant par le requérant. Or le store, qui y est décrit, est simplement déroulé par traction vers le bas au moyen d'une tige à crochet, qui est directement accrochée au pêne même du verrou de blocage du store dans sa boîte . Le pêne étant un élément disposé verticalement à l'intérieur du profilé frontal et terminal du store, une traction exercée sur la tige permet simultanément de dégager le pêne de sa gâche et de déplier le store. Cette solution, très similaire à celle de la première variante du document D20 de l'intimé, ne suggère guère de prévoir un moyen de déverrouillage du verrou, qui agisse avec la rotation du rouleau de store. Par suite, la solution de ce document D9 ne peut suggérer la solution selon la revendication 1 du brevet en litige.
L'enseignement des autres documents s'écarte encore davantage de la présente invention, notamment l'antériorité D 15 qui enseigne un verrou qui se déverrouille manuellement, indépendamment de la manoeuvre du store.
4. Aucune des antériorités citées ne suggère l'objet de la revendication 1 du brevet en cause, si bien que cet objet implique une activité inventive. Il en va de même des revendications dépendantes 2 à 8, qui se rapportent soit à des modes de réalisations particulières de l'invention objet de la revendication 1 soit (revendication 8) à un store muni du mécanisme de verrouillage selon les revendications 1 à 7.
5. Dans ces conditions, l'examen de la requête auxiliaire de l'intimé s'avère sans objet.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.