D 0011/91 (Sanction disciplinaire) 14-09-1994
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1. La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme contient des règles qui expriment des principes généraux du droit communs aux Etats membres de l'Organisation européenne des brevet. De telles règles doivent donc être considerérées comme faisant partie du système juridique de cette Organisation et être observées par toutes ses instances. Il en est ainsi de l'article 13 qui vise à garantir la protection juridictionnelle des droits individuels. La référence faite dans cet article à une "juridiction nationale" renvoie certes à une juridiction compétente selon la loi de l'état dont s'agit. Toutefois, en ratifiant la Convention de Munich, les Etats contractant ont accepté un transfert de prérogatives soumettant les mandataires agrées auprès de l'Office européen des brevets à des règles professionnelles identiques, contrôlées par une instance centralisée dont les décisions sont susceptibles d'un recours effectif devant une seconde instance dont le statut des membres garantit l'indépendance. L'élaboration de ces règles et la création desdites instances s'avèrent donc conformes aux principes généraux du droit, et notamment à ceux exprimés dans la CEDH.
2. Afin de respecter la nécessaire proportionnalité qui doit lier la sanction à la gravité des faits réprimés ainsi que le caractère préfixe (ou déterminé) que doit revêtir toute peine pour échapper à l'arbitraire, la disposition de l'article 4(1)(e) du règlement en matière de discipline des mandataires agréés, JO OEB 1978, 91 (RDMA) doit s'entendre "pour une durée non déterminée par le texte", c'est-à-dire pour une durée à l'appréciation de l'instance disciplinaire compétente qui, dans sa décision, doit la fixer et motiver la raison de son choix.
Procédure disciplinaire-recours - non-publicité des débats (confirmée) - requête tendant à ce qu'il soit statué séparément sur les exceptions de procédure et les fins de non- recevoir (rejet) - dépôt de notes en délibéré - contenu du procès-verbal de la procédure orale - nullité de la création des instances et des sanctions disciplinaires (non)
Procédure disciplinaire - pouvoir disciplinaire - définition - récusation demandée à titre subsidiaire (rejet) - autorité de la chose jugée - saisine d'office des manquements aux règles de conduite professionnelle survenus en cours de procédure (oui) - qualité pour agir - faits reprochés amnistiés ou prescrits par la loi nationale - effet à l'égard des instances disciplinaires internationales (sans)
Mandataires agréés - discipline - propos diffamatoires - exceptio veritatis - information du mandant
Mandataires agréés - pouvoir en blanc - utilisation à l' insu du mandant
Procédure disciplinaire - obligation de fournir des informations et de coopérer - conformité à l'article 6(1) de la C.E.D.H. (oui)
Procédure disciplinaire - recours - renvoi devant le Conseil de Discipline (non) - sanction - durée indéterminée - interprétation
Exposé des faits et conclusions
I. La procédure
1. Par acte reçu le 20 novembre 1991, le requérant a interjeté appel de la décision du Conseil de discipline de l'Office européen des brevets (ci-après dénommé Conseil de discipline) qui, dans les procédures jointes DB 02/88 et DB 01/90, a, le 14 novembre 1991, prononcé sa radiation de la liste des mandataires agréés pour une durée indéterminée. ...
2. Dans la décision intermédiaire D 11/91 du 18 mai 1994 (JO OEB 1994, 401) à laquelle il est fait expresse référence, la présente Chambre a admis la recevabilité du recours et, faisant partiellement droit à une demande spécifique, a ordonné la mise à l'écart des débats de certains documents produits par un des plaignants, refusant toutefois de remettre au requérant ceux dont il avait sollicité la restitution.
3. Par notification datée du 17 février 1994, le requérant a été prié de prendre position sur la manière dont la Chambre pourrait apprécier les différents moyens sur lesquels il restait à statuer et qu'il avait développés dans ses mémoires datés des 16 janvier, 19 février, 3 mars, 3 juin et 22 juillet 1992, ce qu'il a fait dans ses écritures du 29 avril 1994.
4. A l'issue de la procédure orale qui s'est tenue le 10 juin 1994, le Président de la présente Chambre, après avoir clôturé les débats, a annoncé que l'affaire était mise en délibéré et que la décision serait rendue dans les plus brefs délais possibles.
II. Les faits ...
III. La décision frappée de recours ...
IV. Les moyens du recours ...
104. Après avoir été invité, par une notification selon les dispositions des articles 13(2) et 14 du règlement de procédure additionel de la chambre de recours statuant en matière disciplinaire, JO OEB 1980, 188 (RFCD) datée du 17 février 1994, à prendre position sur la manière dont la Chambre pourrait apprécier la présente affaire, le requérant a, dans des conclusions supplémentaires du 14 mai 1994 développé que :
109. ... la Chambre a refusé d'appliquer les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et les a délibérément violées de la façon suivante :
110. a) l'article 6(1) parce que :
111. - la Chambre de recours n'a pas été crée par la loi mais par le Conseil d'administration de l'OEB ;
112. - la procédure n'a pas été instruite dans un délai raisonnable ;
113. - les organes disciplinaires de l'OEB ne constituent pas un Tribunal indépendant parce que ses membres sont en état de subordination et de service par rapport à l'OEB ;
114. - à tous les stades de la procédure des membres siègent dans les différentes instances qui participent à l'instruction et au jugement des mêmes personnes ;
115. - l'article 20 du règlement en matière de discipline des mandataires agréés, JO OEB 1978, 91 (RDMA) prévoit que la procédure devant les instances disciplinaires n'est pas publique ;
116. - l'article 18 impose au mandataire traduit devant une instance disciplinaire de fournir toute information et de produire ses dossiers (cf. arrêt CEDH arrêt 82/1921/334/407 datée 25.2.1993, Funke cf. France, publiée dans : Recueil Dalloz Sirey 1993, J-457 et SC-387; Journal du Droit International 1994, 780 ; cité supra point 102) ;
117. - la sanction dont il est fait appel est contraire au principe de proportionnalité et à l'exigence de certitude en ce qu'elle est ordonnée pour une durée indéterminée.
118. b) L'article 13 :
- La Chambre de recours n'est pas une instance nationale ;
- ses décisions ne peuvent être déférées à une instance statuant en juridiction de cassation.
119. c) Sont encore violées les dispositions des articles 1 et 8 du protocole additionnel n 1 ainsi que l'article 2.1 du protocole additionnel n 7 en ce que, d'une part, les poursuites diligentées contre Monsieur ... n'étant pas prévues par la loi constituent une ingérence dans sa vie privée et professionnelle et, d'autre part, Monsieur ... ainsi qu'exposé supra n'est pas en mesure de saisir une juridiction statuant en matière de cassation.
B. Quant au fond : ...
V La procédure orale
141. A l'occasion de la procédure orale qui s'est tenue le 10 mai 1994 devant la présente Chambre, Monsieur ... a développé l'argumentation de son dernier mémoire écrit soulignant notamment que, selon lui ... l'article 4 RDMA était contraire au principe de proportionnalité en ce qu'il instituait une radiation pour une durée indéterminée ...
142. Quant au fond ...
VI Les requêtes ...
VII. Les documents produits en cours de delibere ...
Motifs de la décision
1. La recevabilité du présent recours a été admise dans la décision D 11/91 du 18 mai 1993.
2. Les incidents d'instance ...
3. L'exception d'incompétence
3.1 ...
3.2 La présente requête met en cause la conformité du droit disciplinaire applicable aux mandataires agréés auprès de l'Office européen des brevets au droit interne de l'Organisation européenne des brevets, aux droits nationaux auxquels lesdits mandataires sont soumis dans les Etats dont ils sont citoyens et à diverses conventions internationales, dont la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme du 4 novembre 1950.
3.3 Concernant cette dernière, la Chambre considère qu'elle n'est pas d'application directe à l'OEB car celui-ci n'a pas la qualité d'Etat signataire à ladite Convention. Toutefois, dans la mesure où cette Convention contient des Règles qui expriment des principes généraux du droit, ces Règles doivent être considérées comme faisant partie du système juridique de l'OEB et doivent donc être observées par toutes les instances de cette Organisation. Il en est ainsi notamment de la disposition de l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme qui vise, ainsi que l'article 2 du Pacte de New-York, à garantir la protection juridictionnelle des droits individuels. Il s'agit là de l'expression d'un principe général du droit commun aux Etats membres de l'Organisation européenne des brevets, qui s'impose donc à cette Organisation. La référence à l'article 13 susvisé à une "juridiction nationale" signifie qu'il doit s'agir d'une juridiction compétente selon la loi de l'état dont s'agit, en l'espèce, le droit français. Or, en ratifiant la Convention de Munich, les Etats contractants à cette Convention, et donc l'Etat français, ont accepté un transfert de prérogatives qui répond à la nécessité de voir appliquer un traitement égal à des mandataires agréés issus de tous les Etats contractants mais exerçant devant le même organisme international, et ce, en les soumettant à des règles professionnelles identiques contrôlées par une instance disciplinaire unique (la Commission de discipline ou le Conseil de discipline selon le cas), tout en leur offrant un recours effectif devant une instance dont le statut des membres garantit l'indépendance (article 10 RDMA).
3.4 Le pouvoir disciplinaire est défini comme celui "d'infliger une sanction destinée à réprimer une infraction à des obligations professionnelles". L'autorité qui en est détentrice est celle qui est qualifiée pour nommer ou agréer le candidat à la profession auquel il s'applique. Ceci est un principe de droit international, mais aussi notamment de droit français. L'article 134(8) CBE dispose que c'est au Conseil d'administration de l'OEB que les Etats signataires de la Convention de Munich ont donné le pouvoir d'agréer les mandataires européens habilités à représenter les personnes physiques ou morales dans les procédures instituées par ladite Convention. En lui conférant corollairement et conformément aux pratiques du droit international la faculté de prendre des dispositions concernant le pouvoir disciplinaire exercé sur lesdits mandataires, ils ont entendu lui laisser l'initiative de mettre en oeuvre les moyens nécessaires à l'exercice dudit pouvoir. Ceci implique le pouvoir de définir les règles professionnelles, d'énoncer les sanctions qui assortissent leur inobservation et de déterminer les instances compétentes pour en connaître. En effet, la procédure et la sanction disciplinaire ne concernent que les infractions aux obligations à caractère professionnel dont les juridictions internationales ont retenu qu'elles atteignent celui qui leur est soumis dans sa carrière et non dans ses biens ou sa liberté, et donc qu'elles se distinguent de la répression pénale et qu'elles sont indépendantes de la décision judiciaire. La Cour européenne des droits de l'homme consacre aussi l'autonomie du droit disciplinaire (cf. arrêt du 23 juin 1981, Affaire Le Compte, Van Leuven, publiée dans : Neue Juristische Wochenschrift (NJW) 1982, 2714 ; citée supra).
3.5 Enfin, en regard du droit interne de l'Organisation européenne des brevets, la Chambre estime que le caractère illégal des instances disciplinaires ne saurait être tiré du seul fait qu'elles n'apparaissent pas à l'article 15 CBE. En effet, dans cet article, les Etats signataires ont entendu définir les instances chargées de l'application des procédures prescrites par la Convention alors que, dans l'article 134(8) CBE, ils ont conféré au Conseil d'administration la simple faculté de prendre les dispositions relatives au pouvoir disciplinaire, ce qu'il a fait selon les modalités décrites par le requérant dans ses conclusions complémentaires du 22 juillet 1993.
3.6 Parce qu'en la présente affaire la saisine des instances disciplinaires s'avère conforme au droit interne de l'Organisation européenne des brevets et qu'elle n'apparaît pas contraire aux principes généraux du droit international, la Chambre estime qu'elle est compétente pour statuer sur le présent recours.
4. La récusation ...
5. Les autres exceptions de procédure ...
6. Les fins de non-recevoir ...
7. Le fond ...
7.8.3 Par ailleurs, dans le cadre des dispositions disciplinaires en cause, le caractère indéterminé de la sanction instituée par l'article 4(1)(e) RDMA apparaît équivoque et donc incompatible avec le caractère préfixe (ou déterminé) qui est l'un des caractères fondamentaux que doit revêtir toute peine pour échapper à l'arbitraire. En effet, rapproché des expressions du texte en langue allemande "unbefristete Dauer" ou en langue anglaise "indefinite period", il peut s'interpréter comme durée "qui n'est pas précisée, fixée" ou comme durée "illimitée". Ces deux sens sont consacrés par le "Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française - Le Grand Robert".
La Chambre estime ne pas devoir retenir l'interprétation du texte de l'article 4(1)(e) RDMA comme signifiant "radiation pour une durée illimitée" équivalente en fait à une radiation définitive. En effet, la sanction immédiatement inférieure étant une radiation de 6 mois au maximum, une telle interprétation ne laisserait aucune place à la nécessaire proportionnalité qui doit lier la sanction à la gravité des faits réprimés et aux circonstances dans lesquels ils ont été commis. Si telle avait été l'intention des rédacteurs du texte il leur eût suffi de qualifier la radiation de "définitive" voire même de ne point la qualifier.
La Chambre ne saurait pareillement retenir l'interprétation "durée qui n'est pas précisée" ou "pas fixée" car cette interprétation implique l'éventualité d'une réinscription alors qu'en l'état des textes applicables en matière de discipline des mandataires agréés, les conditions de cette réinscription ne sont pas définies, pas plus que ne le sont les règles de procédure et l'organe compétant pour la prononcer. Dès lors, le mandataire agréé à qui serait infligée une telle sanction se trouverait face à un vide juridique ou soumis à l'arbitraire des organes professionnels. A l'inverse, lorsqu'en application de l'article 4(1)(d) RDMA la sanction est prononcée pour une durée fixée dans la décision, la réinscription est automatique et sans conditions dès lors que la durée est écoulée.
Ainsi, bien que ceci ait pour effet de priver l'article 4(1)(d) RDMA de toute portée réelle, la Chambre considère que, afin de pouvoir être appliquée en l'état, la disposition de l'article 4(1)(e) RDMA doit s'entendre "pour une durée non déterminée par le texte", c'est-à-dire pour une durée laissée à l'appréciation de l'instance disciplinaire compétente qui, dans sa décision, doit la fixer et motiver la raison de son choix.
7.9 La Chambre tire de la nécessité d'interpréter les dispositions de l'article 4(1)(e) RDMA pour appliquer au cas de l'espèce une sanction à durée certaine prenant en compte les circonstances atténuantes exposées supra au point 7.8.2 d'une part et de celle de ne pas prolonger inconsidérément une procédure relative à des faits vieux de plus de sept ans, les raisons particulières évoquées dans l'article 12, dernier membre de phrase de son Règlement additionnel de procédure, de ne pas renvoyer l'affaire devant le Conseil de discipline. ...