T 1217/01 21-06-2006
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Nouvelles compositions à base d'eau oxygénée et leur utilisation comme fixateurs pour permanentes
Nouveaux éléments de preuves - admissibles (oui)
Utilisation antérieure publique - documents internes admissibles (oui)
Nouveauté (oui)
Activité inventive (oui)
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen nº 94 401 646.8, déposée le 19 juillet 1994 et revendiquant la priorité de la demande nationale FR 9309287 du 28 juillet 1993, a donné lieu, le 29 décembre 1997, à la délivrance du brevet européen nº 0 636 358 sur la base de 22 revendications. Le libellé des revendications indépendantes 1, 20 et 22 s'énonce comme suit :
"1. Procédé de traitement pour la déformation et/ou la mise en forme permanente des matières kératiniques, du type consistant dans une première étape à réduire les liaisons disulfures de la kératine par application d'une composition réductrice puis, dans une seconde étape, à reformer lesdites liaisons par application d'une composition oxydante à base d'eau oxygénée, caractérisé par le fait que ladite composition oxydante comprend (i) au moins un acide carboxylique et/ou l'un de ses sels associés, et (ii) au moins un composé aminé basifiant."
"20. Dispositif à plusieurs compartiments ou "kit", caractérisé par le fait qu'il comprend dans un premier compartiment une composition réductrice, et, dans un deuxième compartiment, une composition oxydante telle que définie à l'une quelconque des revendications 1 à 16."
"22. Procédé de traitement pour la déformation et/ou la mise en forme permanente des matières kératiniques, du type consistant dans une première étape à réduire les liaisons disulfures de la kératine par application d'une composition réductrice puis, dans une seconde étape, à reformer lesdites liaisons par application d'une composition oxydante à base d'eau oxygénée, caractérisé par le fait que l'on utilise un "kit" tel que défini aux revendications 20 ou 21".
Les revendications dépendantes 2 à 19 portent sur des modes particuliers de réalisation du procédé de la revendication 1. La revendication 21 porte sur une réalisation particulière du "kit" de la revendication 20.
II. Le 29 septembre 1998, une opposition a été formée par la société Henkel KGaA en vue d'obtenir la révocation du brevet sur le fondement de l'article 100a) CBE, à savoir défaut de nouveauté et manque d'activité inventive.
Au cours de la procédure d'opposition, le défaut de nouveauté invoqué, qui se fondait sur une allégation d'utilisation antérieure publique, avait été étayé par les pièces suivantes :
D1a: Fiche nº 21Z8400136012 spécifiant la formulation de POLY LOCK Fixieremulsion SUD (recette nº CO 4466-16 A), datée du 24 mars 1992 ;
D1b: Instructions pour la production de POLY LOCK II (fixateur) (Prod. nº 01 4212 15120 01) selon la formulation de la recette nº 4466-16, de la société Thera Cosmetic GmbH Werk, Dülken ;
D1c: Fiches de la société Thera Cosmetic GmbH Werk, Dülken, relatives aux lots 050744 (2,3t), 051165 à 051171, 051268, 051269 et 051271 à 051273 (respectivement, 2,4 t), pesés pour la production de Poly Lock II (Fixierung) (Prod. nº 4212 15120 01) ;
D1d: Enregistrement Comptable pour le mois de décembre 1992 de l'unité 4212 de mélange des liquides, page 26747, indiquant les entrées et les sorties des lots pour la production de SUD LOCK II / NOWA II (Produit nº 20512) ;
D1e: Enregistrement Comptable pour le mois de décembre 1992 de l'unité 4228 (conditionnement en bouteilles), page 27040, indiquant les entrées et les sorties des lots pour l'article nº 215112 (POLY LOCK NORMAL WELLE) ;
D1f: Chiffre de production mensuelle (février 1993) de la société Henkel Cosmetics concernant l'article nº 215112 ;
D1g: Feuille 6 de la facture émanant de la société Henkel Cosmetic GmbH, datée du 25 février 1993 et adressée à la société Lidl & Schwarz Warenhandel GmbH & Co KG de Neckarsulm, portant sur la vente de 15 unités d'article Poly Lock Normal Welle.
Le manque d'activité inventive invoqué se fondait sur les documents suivants :
D2 : W. Umbach, KOSMETIK, Entwicklung, Herstellung und Anwendung kosmetischer Mittel, Georg Thieme Verlag, Stuttgart, 1988, pages 256 à 263 ;
D3 : JP-A2-55 011 518 ;
D3a: Abrégé de D3, HCAPLUS, AN 1980:501359 ;
D4 : T. Ruemele, "Oxydierende Spülmittel bei der Kaltwelle", Seifen-Öle-Fette-Wachse, Nº 23, 1957 ; et,
D5 : EP-A2-0 512 879.
III. Par une décision remise à la poste le 25 septembre 2001, l'opposition a été rejetée. Cette décision a été annoncée à l'issue de la procédure orale du 19 juin 2001, durant laquelle l'audition des témoins cités par l'opposante - Konrad Heinrich Blumenkamp et Burkhard Müller - a eu lieu. D'après la décision :
a) une utilisation antérieure publique d'un fixateur Poly Lock Normal Welle, comportant la présence d'un acide carboxylique et d'un composé aminé basifiant, étayée par les pièces D1a à D1g, n'avait pas été prouvée de manière irréfutable. Par conséquent, même en tenant compte des connaissances générales décrites dans D2, l'objet des revendications telles que délivrées (requête principale) était nouveau ;
b) en outre, aucun des documents D2 à D4 ne portait sur le problème mentionné dans le brevet litigieux ni ne suggérait un objet tel que défini dans les revendications telles que délivrées. Par conséquent, cet objet impliquait une activité inventive ;
c) aucun motif d'opposition ne s'opposait donc au maintien du brevet tel que délivré.
IV. Un recours contre cette décision a été formé par l'opposante (ci-après, la requérante) par acte reçu le 15 novembre 2001, et la taxe prescrite acquittée le même jour.
Avec son mémoire de recours, reçu le 25 janvier 2002, la requérante a fourni de nouvelles pièces, à savoir :
D1g': Facture, version non expurgée de D1g, Feuilles 1 à 7 ;
D1h : Extrait (Page 3) d'un document daté du 23 mars 1993, concernant (entre autres) le règlement de la facture D1g', dans la semaine de travail 11/93, à la société Henkel Cosmetic GmbH par l'intermédiaire de la caisse des règlements de la société Markant AG, Offenburg ;
D6 : Extrait du Brockhaus Enzyklopädie, 6**(ème) Band DS-EW und erster Nachtrag, F.A. Brockhaus GmbH, Mannheim, 1988, page 73.
En réaction à la communication de la Chambre datée du 20 mars 2006 pour la préparation de la procédure orale, dans laquelle la Chambre avait, entre autres, incité à utiliser un "raisonnement à l'envers" à partir de la facture D1g' pour analyser l'utilisation antérieure publique invoquée, la requérante a fourni un diagramme, dont le point de départ est la facture D1g', qui résume les arguments clés et les liaisons entre les pièces étayant l'allégation d'utilisation antérieure publique, ainsi qu'une traduction allemande du document japonais D3 (ci-après, D3b) (lettre datée du 21 avril 2006).
V. Dans une lettre datée du 4 juin 2002, la titulaire du brevet litigieux (intimée) a contesté les arguments exposés dans le mémoire de recours, en particulier l'admission aux débats de certaines pièces alléguant une utilisation antérieure publique qui comportaient des parties noircies.
Puis, par lettre datée du 25 juillet 2002, l'intimée a déposé une déclaration de Henri Samain datée du 11 juillet 2002, laquelle portait sur la constatation d'erreurs en rapport avec les quantités et concentrations d'eau oxygénée dans les exemples du brevet litigieux.
Enfin, en réaction à la communication de la Chambre, l'intimée a versé aux débats des résultats d'essais complémentaires et remis quatre jeux de revendications subsidiaires pour le cas où la Chambre ne pourrait pas faire droit à sa requête principale (lettre datée du 21 avril 2006).
VI. La procédure orale a eu lieu le 21 juin 2006.
VII. Les arguments de la requérante peuvent se résumer ainsi :
a) Les nouveaux moyens de preuve visaient, d'une part, à démontrer que la société Lidl & Schwarz avait effectivement reçu et payé les articles mentionnés dans la facture D1g' avant la date de priorité du brevet en litige, ce qui n'avait pas été reconnu dans la décision attaquée, et, d'autre part, à expliquer le système EAN de numérotation d'articles, qui permettait de tracer l'historique des articles mentionnés dans la facture D1g'. Par conséquent, ces documents, qui visaient à combler les lacunes de raisonnement de la requérante évoquées dans la décision attaquée et qui étaient très pertinents, devaient être admis aux débats.
b) Comme l'article ayant fait l'objet de la facture D1g' n'était plus disponible en raison de son utilisation immédiate par le consommateur après l'achat, seuls des documents internes liés à l'élaboration et à la production de l'article pouvaient être utilisés comme moyens de preuve pour étayer implicitement l'utilisation antérieure publique produite par la vente et la consommation de l'article. La nature confidentielle des documents internes ne pouvait leur ôter aucune force probante, car c'était leur objet, l'article élaboré, produit et commercialisé, qui avait été rendu accessible au public de par sa consommation, et non pas les documents internes eux mêmes. Concernant la présence de parties noircies dans certains documents internes, tels que D1b, de telles parties ne cachaient pas les informations les plus pertinentes pour apprécier la nouveauté de l'objet tel que revendiqué. Donc, leur pertinence n'était pas diminuée par la présence de parties noircies. En tout cas, la requérante était prête à déposer une version non noircie des documents contestés au cours de la procédure orale, si cela s'avérait nécessaire.
c) Quant à la nouveauté de l'objet revendiqué au vu de l'allégation d'utilisation antérieure publique, la requérante, en utilisant un "raisonnement à l'envers" à partir de la facture D1g', a essentiellement soutenu que :
- les revendications indépendantes 1 et 20 du brevet en litige portaient respectivement sur un procédé de mise en forme permanente de fibres kératiniques et sur un dispositif à plusieurs compartiments ou "kit" pour une telle application. L'emploi de tels dispositifs était usuel pour la mise en forme permanente, dans laquelle il fallait, dans un premier temps, casser les liaisons disulfures de la kératine par un agent réducteur et, ensuite, reconstituer lesdites liaisons sur des fibres mises en forme par un agent oxydant. Cela était généralement connu ;
- un dispositif et un procédé tels que revendiqués avaient fait l'objet d'une utilisation antérieure publique de par la commercialisation et l'emploi d'un article pour permanente, produit par la société Thera Cosmetic GmbH Dülken, pour le compte de la requérante, dont la vente était prouvée par la facture D1g' ;
- D1g' était un document hybride, cumulativement facture et bon de livraison, indiquant la date de la facture et la date de la livraison. D'après D1g', l'article invoqué avait été livré avant la date de priorité du brevet en litige au client Lidl & Schwarz. Bien que la phrase "wir lieferten ..." dans D1g' aurait du suffire à prouver la livraison de l'article, la division d'opposition n'a pas reconnu que l'article avait été effectivement reçu et payé. Cependant, le nouveau document D1h produit prouve le paiement effectué suite à la livraison de l'article de D1g'. D'autres preuves n'étaient pas nécessaires, puisque l'article en cause était un bien de consommation rapidement utilisé après l'achat. Donc, son accessibilité au public de par sa vente et son utilisation était hautement probable ;
- l'article invoqué était un dispositif à plusieurs compartiments contenant deux compositions, une réductrice, l'autre oxydante. D'après le témoin Müller, la composition oxydante comportait l'agent basifiant aminé, l'eau oxygénée et l'acide carboxylique tels que mentionnés dans la recette D1b. Pour étayer l'utilisation antérieure publique, il fallait donc prouver le lien entre D1g' et D1b ;
- pour ce faire, il fallait interpréter la désignation et la numérotation de l'article invoqué dans D1g' à la lumière de D6, ou des déclarations des témoins Müller et Blumenkamp. Cette interprétation permettait de déceler le véritable numéro d'article, dans le cas d'espèce "215112", qui permettait de remonter de la commercialisation à la production et à l'élaboration de l'article, donc d'identifier sa nature ;
- D1e qui était directement relié à D1g' de par la numérotation et la désignation d'article, montrait que l'article invoqué avait été conditionné en bouteilles dans l'unité 4228 à partir d'un lot selon une fiche datée du mois de décembre 1992. Plusieurs références reliant les entrées de l'unité de conditionnement mentionnées par D1e aux sorties de l'unité de mélange mentionnées par D1d, démontraient que l'article conditionné avait été mélangé dans l'unité 4212 ;
- D1d résumait les entrées et les sorties de lots de l'unité de mélange 4212 qui précédait l'unité de conditionnement en bouteilles dans la ligne de production. Il confirmait que l'article invoqué avait été effectivement mélangé et envoyé à l'unité de conditionnement en bouteilles. D1d montrait également que les lots entrant dans l'unité de mélange pour produire l'article invoqué avaient été pesés conformément aux fiches formant le document D1c ;
- D1c se composait de plusieurs pièces, chacune constituant une fiche de lot portant sur le pesage avant entrée dans l'unité de mélange. Ces fiches portaient incontestablement sur la même solution oxydante pour permanente. Une référence commune à toutes ces fiches se rapportait aux instructions de formulation qui faisaient l'objet de D1b ;
- d'après D1b, la composition oxydante pour permanente comportait de l'ammoniaque, de l'acide dipicolinique et du peroxyde d'hydrogène ;
- par conséquent, la démonstration que l'article invoqué mentionné dans la facture D1g' avait une composition selon D1b devait être considérée comme convaincante. Comme une solution oxydante telle que revendiquée était donc accessible au public avant la date de priorité du brevet litigieux, les objets tels que revendiqués dans le brevet litigieux n'étaient pas nouveaux ;
- les objections soulevées par l'intimée contre les pièces étayant l'utilisation antérieure n'étaient pas pertinentes. L'allégation d'incohérence entre les volumes de composition produite et le faible nombre d'unités d'article vendues ne jouait aucun rôle, car une seule unité rendue accessible au public suffisait. En outre, ces unités d'article n'étaient pas stockées mais vendues immédiatement après leur production, fait confirmé par le témoin Müller. Quant à la nature de la composition oxydante, pour laquelle il devrait exister une information correspondante du fait qu'il s'agît de produits très contrôlés par les autorités, il demeurait très difficile après une période de temps aussi longue d'en rapporter la preuve. En particulier, aucun témoin ayant jadis utilisé l'article ne pouvait être cité. En tout cas, la composition oxydante vendue pouvait être analysée par un homme de l'art quand bien même les documents internes utilisés pour étayer l'allégation d'utilisation antérieure publique étaient confidentiels, puisqu'ils portaient sur la manière de mélanger les ingrédients, un savoir-faire à protéger. La relation commerciale entre Thera Cosmetic et Henkel ne jouait aucun rôle. Quant à l'allégation d'incohérence dans les dates de la recette D1b, le témoin Müller avait précisé que sa signature avait été apposée postérieurement à la date effective d'approbation. Enfin, le stock mentionné par D1d constituait simplement la preuve d'une bonne comptabilité, sans incohérences, et cela ne pouvait affaiblir le raisonnement poursuivi.
d) Quant à l'activité inventive, l'état de la technique le plus proche était divulgué par D3b qui portait sur une composition oxydante pour la déformation permanente des matières kératiniques comportant du bromate de sodium, de l'acide citrique et de l'ammoniaque. Cette composition oxydante se distinguait de la composition oxydante faisant l'objet du procédé revendiqué dans le brevet litigieux par l'utilisation du bromate de sodium en tant qu'agent oxydant, à la place de l'eau oxygénée.
Le problème du brevet en litige était de proposer un procédé de déformation permanente et un "kit" pour ce faire qui endommageait moins les fibres kératiniques. Au vu des exemples fournis par la titulaire du brevet, ce problème n'avait pas été résolu. Le problème posé était donc simplement de remplacer le bromate de sodium qui ne fournissait pas de résultats satisfaisants. L'ajustement du pH de la solution oxydante ne jouait aucun rôle.
Le fait connu de D2 que le bromate de sodium est un matériau dangereux, notamment inflammable, constituait une motivation suffisante justifiant son remplacement. Il était également connu de D2 que l'eau oxygénée était amplement utilisée dans les compositions oxydantes pour la déformation permanente des fibres kératiniques et D4 incitait à préférer un tel système. Par conséquent, afin de résoudre le problème posé, il était évident au vu de D2 et de D4 de remplacer le bromate de sodium de la composition exemplifiée dans D3b par de l'eau oxygénée.
L'objet tel que revendiqué n'impliquait donc pas d'activité inventive.
VIII. Les arguments de l'intimée peuvent se résumer ainsi :
a) La déclaration de Henri Samain ne servait pas à étayer une requête en correction selon la règle 88 CBE mais était simplement destinée à attirer l'attention du public sur des erreurs dans les exemples du brevet litigieux, ce qui permettait de mieux mettre en évidence le caractère comparatif des exemples ;
b) Quant aux documents internes de la requérante, ils étaient confidentiels et contenaient des parties noircies qui ne permettaient pas d'apprécier leur contenu global. Par conséquent, ils devaient être classés dans l'une des catégories prévues par la règle 93 CBE, c'est-à-dire que les documents "confidentiels" devaient être écartés des débats, à défaut, qu'une copie de la pièce originale non noircie des documents soit fournie.
c) Quant à la nouveauté, une allégation d'utilisation antérieure publique requérait, selon la jurisprudence constante des chambres de recours, un critère d'appréciation très sévère, permettant d'acquérir une conviction absolue allant au-delà de tout doute raisonnable. En revanche, la plupart des pièces produites par la requérante n'était pas accessible au public.
- En premier lieu, il fallait apprécier l'utilisation antérieure publique invoquée en fonction de ce qui était revendiqué : une procédé en deux étapes et un "kit" en deux composants. Ce faisant, l'on voyait que le maillon crucial de la chaîne de preuves de la requérante n'était pas la notice de l'emballage de l'article invoqué, qui n'avait jamais été fournie, mais une facture qui portait sur la vente de 15 unités.
Quand bien même l'article invoqué répondrait à la composition telle que revendiquée, la facture D1g' ne suffirait pas à démontrer sa mise à la disposition du public. En fait, la requérante avait l'habitude de stocker ses articles, et D1g' démontrait que les 15 flacons mentionnés n'avaient pas été délivrés au client Lidl & Schwarz mais à la société Kaufland GmbH & CO KG. Enfin, il fallait aussi tenir compte du fait que les compositions oxydantes étaient parfois vendues séparément. Comme il n'avait pas été démontré que le client avait effectivement reçu l'article complet, le seul fait de les avoir payés ne suffisait pas. La preuve d'une accessibilité publique de l'article par vente n'avait donc pas été rapportée.
- En deuxième lieu, aucune notice de l'emballage de l'article invoqué portant sur sa composition n'avait été fournie. En tout cas, une notice d'emballage à elle seule ne saurait divulguer la composition du produit. Comme la formulation de l'article invoqué comportait plusieurs composants, la preuve que l'homme de l'art aurait pu analyser sa composition et la reproduire, conformément à la décision G 0001/92 (JO 1993, 277 ; en particulier Point 1.4) n'avait également pas été rapportée.
Bien que les articles pour permanente soient des produits très contrôlés, qui requéraient des déclarations à soumettre aux centres anti-poisons, ce qui revenait à dire qu'il devait y avoir des informations portant sur la composition des articles vendus, notamment celles soumises aux autorités sanitaires pour alerter les hôpitaux afin de permettre leur intervention, de telles informations n'avaient pas été fournies, pas plus qu'une notice d'utilisation de l'article.
- En troisième lieu, D1b, qui divulguerait une composition oxydante telle que revendiquée dans le brevet en litige, était un document interne classé "strictement confidentiel" comportant des parties noircies. Cela signifiait que le contenu complet de D1b ne devait pas être accessible au public et que la composition de D1b était donc secrète, à protéger.
Or, une composition secrète ne devrait pas être susceptible d'analyse. Par conséquent, une composition selon la formulation de D1b n'était en aucun cas rendue accessible au public.
Quant à la possibilité évoquée par la requérante de déposer une copie de D1b sans parties noircies, il apparaît que la production au cours de la procédure orale de la copie d'une pièce requise depuis 8 ans contrevient aux exigences de l'article 113 CBE.
- En quatrième lieu, les pièces étayant la production et l'élaboration de l'article invoqué contenaient des incohérences, à savoir :
-- D1g' portait sur 15 unités d'article vendues (1,5 kg de composition), alors que D1d portait sur une production de plusieurs tonnes. Donc, il n'était pas certain que les 15 unités d'article vendues aient été produites selon D1b ;
-- également, les unités d'article vendues avaient été produites par Thera Cosmetic GmbH, qui n'était pas Henkel Cosmetic indiquée dans D1g', et aucune justification des relations entre ces deux sociétés n'avait été produite ;
-- en outre, tous les lots mentionnés par D1c et D1d dataient du mois de décembre 1992 ou des premiers jours du mois de janvier 1993, alors que la recette D1b n'avait été agréée que le 15 janvier 1993. Comme D1b était plus tardif que les fiches des lots de production autorisées, les lots mentionnés par D1d ne pouvaient être conformes aux mentions portées sur D1b ;
-- en tout cas, il fallait considérer que même après sa fabrication, un produit devait encore être soumis à des contrôles de qualité et ne pouvait donc être immédiatement livré au public ;
-- les quantités en sortie mentionnées dans D1d étant inférieures à celles indiquées en entrée, il s'en déduit que des quantités produites précédemment étaient encore stockées. Par conséquent, on ne pouvait établir ni la date effective de production de l'article vendu, ni sa composition.
En somme, si une vente de 15 unités d'article dans le cadre d'une production s'étalant sur six mois correspondant à 110 000 unités laissait planer un doute sur la nature de la petite quantité vendue effectivement, la présence d'un excédent emmagasiné ("Anfangsbestand") dont la provenance était incertaine ne permettait absolument pas de conclure sur ce qui avait été effectivement conditionné et vendu. Une utilisation antérieure publique n'ayant pas été prouvée, le kit revendiqué était nouveaux.
d) Quant à l'activité inventive, le brevet litigieux avait pour objet un procédé de déformation permanente de fibres kératiniques et un dispositif à plusieurs compartiments pour ce faire, utilisant une composition oxydante à base d'eau oxygénée, telle que décrite par D2.
Les fibres kératiniques permanentées par un système comportant l'emploi d'une composition oxydante contenant de l'eau oxygénée devenaient, au bout de plusieurs permanentes, rêches et poreuses, ce qui rendait difficile leur teinture. Ce problème n'était pas mentionné dans D2, pas plus que dans D3b, qui portait sur des compositions oxydantes à base de bromate. En fait, D3b portait sur la durée des boucles, c'est-à-dire sur la tenue de la frisure, obtenue par un gainage avec un polymère cationique. Donc, D3b ne décrivait pas l'état de la technique le plus proche, tel que soutenu par la requérante.
Le problème à résoudre par rapport à D2 consistait à réduire la sensibilisation des fibres permanentées, donc la sélectivité de coloration entre les racines et les pointes sensibilisées des fibres.
Le brevet litigieux proposait de résoudre ce problème par ajout à la solution de peroxyde d'hydrogène à pH acide d'un composé aminé basifiant. Les exemples du brevet ainsi que les essais comparatifs montraient que ledit problème avait été résolu. En particulier, par rapport à des compositions classiques décrites par D2, la chevelure permanentée selon une méthode telle que revendiquée était plus douce. Il était donc évident que la solution ne portait pas sur le simple ajustement du pH, même la soude serait apte à un tel ajustement, mais sur le choix d'un agent qui n'avait pas la fonction d'alcalinisation mais de réduction de la porosité et de la sensibilisation pour aboutir aux effets recherchés.
D2 portait sur des compositions oxydantes à base d'eau oxygénée pour la déformation permanente des cheveux, lesquelles comportaient un acide pour stabiliser cette composition. D2 n'évoquait pas le problème susdit, ni n'enseignait que l'on pouvait ajouter de l'ammoniaque dans une composition oxydante acide à base d'eau oxygénée.
La solution oxydante de D3b comportait du bromate de sodium, qui, selon D2, posait des problèmes de décomposition, s'il n'était pas maintenu à un pH entre 8,5 et 6,5. L'ammoniaque était donc présente pour régler le pH, afin de réduire la décomposition, donc la formation de brome qui était nocif. D3b qui n'aborde pas le rôle joué par un composé aminé basifiant au-delà de l'obtention d'un pH basique ne pouvait inciter à rajouter de l'ammoniaque dans une composition contenant de l'eau oxygénée à pH acide.
La solution proposée par le brevet litigieux n'étant pas évidente au vu de D2 et de D3b, les objets tels que revendiqués impliquaient donc une activité inventive.
IX. La requérante (opposante) a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet européen.
X. L'intimée (titulaire du brevet) a demandé le rejet du recours.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Questions de procédure
2.1 Nouveaux moyens de preuve
2.1.1 Allégation d'utilisation antérieure publique
Avec le mémoire exposant les motifs du recours, la requérante a déposé de nouvelles pièces, D1g' et D1h, pour étayer l'allégation d'utilisation antérieure publique, ainsi qu'une copie du document D6.
D'après les critères dégagés par la jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB pour la recevabilité des nouveaux moyens de preuve, les motifs du retard et, surtout, la pertinence des documents jouent un rôle primordial (voir à cet égard la Jurisprudence des Chambres de recours de l'OEB, 4**(ème) édition, 2001, VI.F.2, en particulier la décision T 0156/84 (JO 1988, 372)).
Concernant les motifs du retard, le dépôt des nouvelles pièces D1g' et D1h a été effectué en réaction à la décision de la division d'opposition, qui avait constaté des lacunes dans le raisonnement de l'opposante. Quant à D6, il s'agit d'un extrait de Brockhaus Enzyklopädie qui avait déjà été soumis au cours de la procédure d'opposition (lettre datée du 16 mars 2001). Ces nouvelles pièces ne sont donc pas tardives.
Quant à leur pertinence, les nouvelles pièces D1g' et D1h sont destinées de prime abord à démontrer le paiement de la facture D1g', et implicitement la livraison de l'article invoqué. Elles peuvent donc figurer dans la procédure de recours.
2.1.2 Essais comparatifs
Par lettre datée du 21 avril 2006, l'intimée a remis des résultats d'essais comparatifs par rapport à D2 ainsi qu'à D3. Le dépôt de ces nouveaux résultats d'essais comparatifs a été effectué en réaction à la communication de la Chambre. L'objet de ces résultats est, entre autres, destiné à démontrer que le problème posé ne pouvait être le simple remplacement du bromate de sodium des compositions exemplifiées par D3b. Ils apparaissent donc pertinents et peuvent ainsi, eux-aussi, figurer dans la procédure de recours.
2.2 Documents internes à la société Thera Cosmetic GmbH
Les documents D1a à D1e, ayant trait à la fabrication de l'article figurant sur la facture D1g', qui est supposé avoir été vendu au public, sont utilisés pour justifier la divulgation au public. Cependant, ils n'étaient pas accessibles au public. Certains d'entre eux sont en fait classés "hautement confidentiel", par exemple D1b qui comporte la mention "STRENG VERTRAULICH".
Des arguments de la requérante, il est clair que l'utilisation antérieure publique opposée à la titulaire repose sur la commercialisation de l'article invoqué et non pas sur sa fabrication. La requérante s'appuie sur des documents internes, par essence confidentiels, uniquement pour démontrer que le produit mis à la disposition du public du fait de sa commercialisation antérieurement à la date de priorité du brevet litigieux, était bien le même que celui qu'elle avait fabriqué dans ses locaux. Elle cherche en fait à démontrer l'existence d'une continuité dans le processus d'élaboration, de production et de commercialisation d'un article qui aurait des caractéristiques identiques à celui revendiqué dans le brevet litigieux.
Ces documents ne peuvent donc être écartés des débats au seul motif qu'ils ne font pas partie de l'état de la technique au sens de l'article 54(1) CBE. Ils peuvent en revanche servir comme moyens de preuve pour étayer les assertions de la requérante concernant la divulgation de D1g'. La nature interne de ces documents ne saurait leur ôter leur force probante quand bien même ils seraient frappés du sceau de la confidentialité dès lors qu'ils émanent d'un tiers qui ne semble pas s'opposer à ce qu'ils soient produits dans le cadre d'une procédure devant une chambre de recours de l'OEB.
Concernant les parties noircies de ces documents, la Chambre rappelle que la requérante a le choix de la preuve pour démontrer les faits qu'elle allègue. L'intimée qui a eu l'opportunité de prendre position sur lesdites preuves n'a subi aucune violation de ses droits procéduraux. L'appréciation de la valeur des preuves n'appartient qu'à la Chambre.
De plus, d'après la décision du Président de l'OEB en date du 7 septembre 2001, concernant les pièces exclues de l'inspection publique au titre de la règle 93d CBE (JO 2001, 458), les pièces autres que celles mentionnées au paragraphe 1 de ladite décision, ou parties de ces pièces, sont exclues de l'inspection publique, sur requête motivée d'une partie ou de son mandataire, si l'inspection publique porte atteinte à des intérêts personnels ou économiques de personnes physiques ou morales qu'il y a lieu de préserver (cf. paragraphe 2(a)). A titre exceptionnel, des pièces ou des parties de ces pièces peuvent être exclues d'office de l'inspection publique si cette inspection porte à première vue atteinte à des intérêts personnels ou économiques d'une personne physique ou morale autre qu'une partie ou son mandataire qu'il y a lieu de préserver (cf. paragraphe 2(b)).
Il n'est pas évident à première vue qu'une inspection publique de D1b soit de nature à porter atteinte à des intérêts personnels ou économiques d'une personne physique ou morale autre que les présentes parties à la procédure de recours ou leurs mandataires. Par ailleurs, le fait que la requérante ait choisi de déposer des documents contenant des parties noircies semble plutôt signifier que l'inspection publique au titre de l'article 128(4) CBE ne porte pas atteinte à de quelconque intérêt économique.
Par conséquent, la requête de l'intimée de classer ces documents au titre de la règle 93d CBE et de les écarter des débats, n'est pas fondée.
Sur l'objection soulevée par l'intimée selon laquelle la divulgation d'une antériorité devrait être considérée dans son intégralité, donc qu'il n'était pas admis d'isoler arbitrairement de leur contexte des parties d'une telle antériorité en vue d'en déduire une information technique qui différerait de l'enseignement global du document, la Chambre note que la présence de parties noircies, dans ce cas particulier, ne laisse aucun doute sur l'emploi des ingrédients invoqués dans la composition du produit susceptible d'être obtenu selon la page 3 de D1b.
Le seul doute qui aurait pu affecter l'examen de la nouveauté, à savoir la question de déterminer si une telle composition complète pouvait être analysée, n'a joué aucun rôle dans l'appréciation de la pertinence de l'utilisation antérieure publique (cf. point 3.7, infra).
Par conséquent, les documents internes versés aux débats par la requérante pour étayer l'utilisation antérieure publique alléguée peuvent être utilisés en tant que moyens de preuve.
2.3 Déclaration de Henri Samain
L'intimée a confirmé au cours de la procédure orale que la déclaration de Henri Samain ne constituait pas une requête en rectification au titre de la règle 88 CBE. Il s'agissait simplement d'une pièce versée au dossier pour attirer l'attention du public sur des erreurs dans les exemples, en particulier pour mettre en exergue le caractère comparatif des exemples. La requérante n'a soulevé aucune objection contre cette déclaration. Par conséquent, la Chambre n'a pas à prendre position sur cette déclaration.
3. Nouveauté
Dans le cas d'espèce, l'utilisation antérieure publique invoquée est la seule attaque portée contre la nouveauté des objets tels que revendiqués.
Utilisation antérieure publique invoquée
3.1 La requérante n'a pas fait valoir une utilisation antérieure publique impliquant la mise en oeuvre réelle, à une date et en un lieu précis, d'un procédé de déformation permanente des cheveux tel que revendiqué mais s'est fondée uniquement sur la mise à la disposition du public d'un article pour permanente qui aurait été commercialisé avant la date de priorité du brevet litigieux. En l'absence d'éléments de preuve démontrant une utilisation concrète dudit article, et en particulier un mode d'emploi, la requérante fonde également l'utilisation antérieure publique sur les connaissances générales de l'homme du métier portant sur la mise en oeuvre d'articles pour permanente. L'allégation d'utilisation antérieure publique repose donc sur la vente d'un article pour permanente en combinaison avec des connaissances générales acquises pour son application.
3.2 Au cours de la procédure orale devant la Chambre, l'utilisation antérieure publique a été étayée par les documents suivants :
a) des documents portant sur la commercialisation de l'article, à savoir D1g', une facture qui démontrerait la vente de l'article, et D1h, qui confirmerait le paiement de ladite facture, donc la livraison de l'article au client ;
b) le document D6, portant sur le système EAN utilisé pour identifier l'article dans la facture D1g' ;
c) des documents portant sur la production de l'article, à savoir : (1) D1e et D1d sur lesquels avaient été enregistrées l'entrée et la sortie des lots de différentes unités de production, en particulier mélange et conditionnement ; (2) D1c qui porterait sur le pesage des lots entrant dans l'unité de mélange mentionnée par D1d ainsi que sur la référence faite à la recette D1b de formulation desdits lots ;
d) le document D1b qui démontrerait que lesdits lots portaient sur la composition oxydante de l'article invoqué, laquelle comporterait les ingrédients tels que définis dans les revendications litigieuses ; et,
e) le document D2 qui montrerait que les étapes de mise en oeuvre d'articles pour permanente ainsi que leur séquence, telles que définies dans la revendication 1 en litige, n'étaient que des connaissances générales acquises dans le domaine considéré.
Au besoin, les déclarations des témoins Müller et Blumenkamp confirmeraient les faits allégués.
3.3 Les documents D1a et D1f utilisés en première instance, qui n'ont plus été invoqués par la requérante au cours de la procédure de recours, ne seront pas pris en considération dans la présente décision.
3.4 La question à trancher est celle de savoir si les documents utilisés par la requérante constituent incontestablement des éléments pertinents de nature à démontrer l'utilisation d'une composition telle que revendiquée, mise à la disposition du public avant la date de priorité revendiquée du 28 juillet 1993, apte à détruire la nouveauté des objets revendiqués.
3.5 Le document D1g' est la seule antériorité ayant trait à l'utilisation antérieure publique invoquée qui porte une date antérieure à la date de priorité du brevet en litige (25 février 1993). Elle ne divulgue cependant pas la composition de l'article invoqué. Par conséquent, la détermination de la composition de l'article dont la vente est alléguée ne peut s'effectuer que par un "raisonnement à l'envers" à partir de D1g', en passant par la production (conditionnement, mélange, pesage, élaboration) de l'article, jusqu'à la recette de la composition utilisée.
3.5.1 La première question à trancher est celle de savoir si l'article faisant l'objet de la facture D1g' a été effectivement mis à la disposition du public par l'effet d'une commercialisation avant la date de priorité du brevet litigieux. A cet égard, la Chambre note que :
a) d'après la page 6 de D1g', servant à la fois de facture et de bon de livraison, 15 unités de l'article "L 1/1 2 P. LOCK NORM. WELLE 15 4015000215114" ainsi que d'autres articles ont été livrés le 25 février 1993 (Cf. la case "Lieferschein", fiche de délivrance 397) par Henkel Cosmetic GmbH à l'intermédiaire Kaufland Warenhandel GmbH & KG (Cf. la case "Lieferanschrift"), la facture étant destinée à Lidl & Schwarz Waren GmbH & CO KG, le client. D'après la case en bas à gauche de D1g', les factures destinées à Lidl & Schwarz étaient réglées de manière centralisée par la société Markant, Offenburg ;
b) au vu de D1h qui contient une liste de factures réglées par la société Markant pour le compte de Lidl & Schwarz, il convient de constater qu'il existe une concordance avec les numéro BBN/BBS, le numéro BBN, la date et le montant de la facture, ainsi que le nom du client, qui se retrouvent tous sur D1g' et D1h. En l'absence de preuve contraire, il doit être considéré que l'ensemble des articles mentionnés dans D1g', en particulier les 15 unités d'article invoquées, ont été effectivement livrés au client Lidl & Schwarz ;
c) aucune information n'est cependant disponible quant à la date effective de réception de l'article invoqué par l'un des magasins de Lidl & Schwarz, pas plus que la date effective de mise à la disposition du public de l'article au profit d'utilisateurs ;
d) néanmoins, comme tous les articles de la facture D1g' portent sur des biens de large consommation, il doit être admis que l'article a été, d'une part commercialisé rapidement après son règlement (25 février 1993), donc en tout état de cause, avant la date de priorité du brevet litigieux (28 juillet 1993), et d'autre part a été utilisé par son acquéreur.
3.5.2 Dans le présent cas, le problème crucial posé par l'appréciation de la pertinence de l'utilisation antérieure publique invoquée se rapporte à la détermination de la composition du moyen oxydant (fixateur) de l'article pour permanente mentionné sur la facture D1g'. Comme aucun article datant de cette époque n'est disponible, pas plus qu'un emballage de l'article mis à la disposition du public, la composition exacte de l'article ne pourra être établie que de manière déductive, en relation avec le procédé d'élaboration et de production de l'article considéré.
3.5.3 Le document D1b portant sur l'élaboration et la production du produit K0S00011-15 POLY LOCK II (FIXIERUNG) est le seul document qui mentionne des ingrédients d'une composition pour permanente. Par conséquent, la deuxième question qui se pose est celle de savoir si ce document révèle effectivement une composition oxydante à base d'eau oxygénée telle que définie dans les revendications du brevet litigieux, comprenant au moins un acide carboxylique et/ou l'un de ses sels associés, et au moins un composé aminé basifiant. La page 3 de D1b porte sur la liste des composés employés dans la composition oxydante POLY LOCK II (FIXIERUNG) et mentionne, entre autres, l'ammoniaque (qui d'après le brevet en litige est un composé aminé basifiant), l'acide dipicolinique (qui est un acide carboxylique) et le peroxyde d'hydrogène. Cela revient à dire que les composés employés dans la composition oxydante faisant l'objet des revendications 1 et 20 du brevet litigieux sont effectivement mentionnés par D1b.
3.5.4 La troisième question à trancher est celle de savoir si, au regard des documents D1g' à D1b, une identité entre le produit commercialisé antérieurement à la date de priorité du brevet litigieux (D1g') et celui élaboré (D1b) peut être établie. Cela requiert en particulier d'établir une continuité dans le processus d'élaboration (D1b), de fabrication (D1c à D1e) et de commercialisation (D1g') du produit dont l'utilisation antérieure est invoquée.
3.5.5 Dans ce cadre, plusieurs questions se posent, en particulier celles portant sur les désignations et les codes utilisés dans lesdits documents, à savoir :
a) les documents opposés portent sur des objets différents, chacun ayant sa propre désignation et sa propre numérotation. Apparaissent en particulier des désignations de produits (PR-NR), de composants (ST-NR) et d'articles (Art-NR) ;
b) pour les "articles", la désignation et la numérotation utilisées dans D1g', à savoir "L 1/1 2. P. LOCK NORM WELLE 15 4015000215114", deviennent "P. LOCK NORM WELLE 15 215112" dans D1e. Ces désignations et numérotations n'apparaissent pas dans les autres documents ;
c) quant aux "composants" (Stoff), aucune désignation ni numérotation de composants n'est présente en tant que telle dans la facture D1g'. Dans les autres documents, la désignation et la numérotation de composants passent de "21511 LOCK 1/1 WELLE NORM" pour D1e à "20512 SUD LOCK II / NOWA II" pour D1d et D1b. Et, enfin,
d) pour désigner les produits (PR-NR), la numérotation utilisée n'est pas constante. Elle passe de 15110 en tant qu'entrée dans D1e et sortie dans D1d, à 15120 en tant qu'entrée dans D1d, pour rester 15120 dans D1b. Elle est de plus absente dans D1g'.
3.5.6 En raison des changements de désignation et de numérotation, lesquels ne permettent pas de reconstituer avec certitude la filiation du produit opposé à celui correspondant aux revendications du brevet, il est nécessaire d'effectuer les considérations suivantes :
a) dans D1g'(page 6), l'article invoqué par la requérante est désigné "P. LOCK NORM. WELLE 15" ("Artikel-Bezeichnung") et numéroté 4015000215114 ("EAN -Artikelgruppen-Nr.") ;
b) afin de remonter aux documents internes de production, il faut interpréter le code EAN d'article mentionné par D1g'. D'après D6 (page 73, colonne de droite, premier paragraphe), le code ou numéro EAN se compose de 13 chiffres, à savoir : les deux ou les trois premiers chiffres indiquent la centrale nationale pour l'assignation de la numérotation (pour l'Allemagne, ces numéros vont de 40 à 43) ; les quatre ou les cinq chiffres suivants servent à l'identification de l'industrie de fabrication ; les cinq chiffres suivants peuvent être utilisés pour la numérotation effective de l'article ; et le treizième chiffre n'est qu'un chiffre de contrôle. Par conséquent, le numéro d'article indiqué sur la facture D1g' peut se lire de la manière suivante : 40 = Allemagne ; 15000 = industrie de fabrication ; 21511 = article ; 4 = chiffre de contrôle. Le numéro d'article 21511 doit donc servir à établir la continuité dans le processus d'élaboration, de production et de commercialisation de l'article de D1g'.
c) D1e, concernant l'unité de conditionnement (KONFEKT. FLASCHEN) 4228, comporte, dans son en-tête, la même désignation d'article que D1g', notamment "P. LOCK NORM WELLE 15" (ART-BEZ), ainsi qu'un numéro d'article, 215112 (ART-NR), qui se distingue de celui de D1g' par le chiffre de contrôle 2 à la place du 4. De plus, D1e comporte une désignation et une numérotation de composant, à savoir "LOCK 1/1 WELLE NORM" (STOFF-BEZEICHNUNG) et 21511 (ST-NR). Donc, le numéro 21511 désigne à la fois le numéro d'article de D1g' et le numéro de composant de D1e. Enfin, dans les colonnes supposées désigner l'entrée et la sortie de lots de l'unité, D1e comporte une numérotation de produit, 15110 (PR-NR). Le numéro 15110, qui se relie à la fiche de lot 017006 (BEL-NR) invoquée par la requérante, est également mentionné par D1d. Pour les quatre lots numérotés 15110, les données des colonnes "BUDAT", "BEL. DAT", "BA" et "BEL-NR", dont la signification n'est pas complètement connue, restent inchangées. D'après les déclarations des témoins (Blumenkamp, page 13, quatrième et cinquième questions ; et Müller, page 3), le produit numéroté 15110 représenterait le Poly Lock Normal Welle, c'est-à-dire l'unité d'article complète prête à la commercialisation, comprenant le fixateur ayant le numéro de produit 15120. Concernant les quantités de lots produites selon la fiche de lot 017006 et leurs dates, elles se rapportent à 11 700 bouteilles de produit 15110 en entrée le 16 décembre 1992, 34 200 le 17 décembre 1992, 34 245 le 18 décembre 1992 et 28 950 le 21 décembre 1992. Comme la fiche de lot 017006 n'est plus mentionnée en sortie dans D1e, il n'est pas possible de déterminer exactement la destination desdits lots.
d) En remontant du conditionnement de l'article (D1e) au mélange de ses composants, donc à l'unité de mélange 4212 faisant l'objet de D1d, il n'y a aucune mention de la désignation de produit POLY LOCK II (FIXIERUNG). Néanmoins, il y a la mention de la désignation d'un autre article (SUD LOCK II / NOWA II) dans les pages 26747 et 26748. De plus, la partie "entrée" (Zugänge) (page 26747) indique le numéro ST-NR 20512 et la colonne "PR-NR" mentionne le numéro "15120". En revanche, dans la partie "sortie" (Abgänge) (pages 26747 et 26748), l'unité de production devient 4228 (unité de conditionnement) et les numéros des produits deviennent : 03391, 15110, 15137, 45032, et 45412. D'après le témoin Blumenkamp, ces différents numéros correspondaient à des conditionnements différents du même produit destinés à divers pays. Selon le témoin Müller, un produit étant mélangé à un autre, les numéros 03391, 15110, 15137, 45032 et 45412 serviraient à désigner la préparation 15120 pour différents produits destinés à être commercialisés dans divers pays. Concernant les quantités de lots produites selon la fiche de lot invoquée (017006) et leurs dates dans D1d, elles se rapportent à 1099,8 kg de produit 15110 en sortie vers le conditionnement le 16 décembre 1992, 3214,8 kg le 17 décembre 1992, 3219,0 le 18 décembre 1992 et 2721,3 le 21 décembre 1992. Comme le produit 15110 et la fiche de lot 017006 ne sont pas mentionnés en entrée dans l'unité de mélange (D1d), il n'est pas possible d'établir quels lots de produit 15120 (fixateur) (à quelles dates?) en entrée de D1d ont été effectivement utilisés pour obtenir lesdits lots de produit en sortie 15110 ayant la fiche 017006. A cet égard, D1d mentionne également que des excédents de production (3000 kg) étaient déjà présents dans l'unité 4212 avant le mois de décembre 1992 et que d'autres reliquats de production (2701,3 kg) étaient encore présents à la fin du mois de décembre 1992, tous ces surplus ne pouvant par ailleurs être reliés ni à des dates ni à des fiches de lots.
3.5.7 Il s'ensuit de ce qui précède que :
a) selon la facture D1g', 15 unités d'article dont l'utilisation antérieure publique est alléguée ont été commercialisées. D'après le témoin Müller (page 4 du résumé de son témoignage), chaque unité comportait 94 g de composition. La facture D1g' porte donc sur 94 x 15 = 1,410 kg de composition ;
b) en revanche, D1e et D1d qui porteraient sur la production de l'article invoqué, mentionnent des productions de l'ordre de tonnes. De plus, D1d mentionne un stock d'excédents de l'ordre de 3000 kg ;
c) outre le changement du numéro de produit (15110 à 15120) dans l'unité de mélange faisant l'objet de D1d, et l'absence de tout lien prouvé entre ces deux produits, la présence d'un stock d'excédents de l'ordre de milliers de kg dans l'unité de mélange, évidemment provenant de productions effectuées avant les dates de D1b, ne peut permettre, dans le cadre d'une commercialisation de 1,5 kg d'article, de déterminer de manière certaine et non équivoque la provenance de l'article invoqué, pas plus que sa composition ;
d) par conséquent, il apparaît à la Chambre que les preuves fournies par la requérante ne sont pas suffisamment convaincantes. Cela revient à dire que la requérante n'a pas réussi à lever tout doute, qu'elle n'a pas démontré comme l'exige la jurisprudence dans le cadre de l'appréciation des probabilités, que l'article commercialisé le 25 février 1993 est exactement le même que celui qui a été fabriqué sur la base des lots élaborés au mois de décembre 1992, et que cet article est constitué par une composition telle que décrite par D1b.
3.6 La reconstruction de la filiation de l'article invoqué s'arrêtant au document D1d, la Chambre estime n'avoir pas à trancher la question de la pertinence des documents D1c et D1b.
3.7 Pareillement, la composition de l'article commercialisé par D1g' n'ayant pu être démontrée, la question de savoir si le contenu de ladite composition était décelable par analyse devient sans objet.
3.8 Au vu des considérations ci-dessus, la Chambre arrive à la conclusion que l'objet tel que revendiqué est nouveau.
4. Activité inventive
Etat de la technique le plus proche
4.1 Le brevet en litige porte sur l'utilisation de nouvelles compositions à base d'eau oxygénée comme fixateurs pour permanentes.
4.2 De telles utilisations sont connues, par exemple de D2.
4.2.1 D2 est un extrait d'un manuel d'ordre général qui porte sur les principes de la mise en forme permanente des cheveux (D2, point 4.3.1), entre autres leur structure chimique, la chimie du procédé de mise en forme en deux étapes (réduction et oxydation) ainsi que la composition des moyens chimiques utilisés (D2, point 4.3.2).
4.2.2 Quant aux moyens d'oxydation (fixateurs) utilisés, D2 (pages 259 et 260) rappelle que :
a) le fixateur généralement utilisé est à base de 0,5 à 3,0% en poids de peroxyde d'hydrogène, stabilisé à un pH entre 2 et 4 par un acide tel que l'acide phosphorique, l'acide citrique ou l'acide tartrique. Ce fixateur présente des avantages (caractère non polluant, absence d'inconvénients sur le plan physiologique et dégonflage des cheveux à pH acide) et des désavantages (insuffisante stabilité, donc présence obligatoire d'agents stabilisants ; pollution par des sels de métaux ayant un effet catalytique, donc présence obligatoire d'un agent séquestrant, ainsi qu'un éclaircissement des cheveux) ;
b) un fixateur également répandu est celui à base de 6 à 12% en poids de bromate, ayant un pH entre 6,5 et 8,5. Un tel moyen, d'après D2, ne peut se présenter à une valeur de pH acide sans dégager du brome.
Ce moyen d'oxydation présente, lui-aussi, des avantages (aucun problème de stabilité du fait qu'il est insensible aux impuretés ainsi qu'aux températures plus élevées (40 à 50ºC), et qu'il ne produit aucun éclaircissement des cheveux) et des désavantages (emploi de quantité utile élevée, matière relativement coûteuse, moins inoffensif pour la peau, temps d'application plus long ainsi qu'une inflammabilité élevée) ;
c) d'autres substances telles que le peroxyde de carbamide ou le perborate de sodium sont essentiellement utilisées pour la production de fixateurs en poudre (tablette).
4.2.3 D2 illustre par des exemples les fixateurs à base, respectivement, d'eau oxygénée, sous forme liquide, et de bromate, sous forme de mousse (Tableau 5.16). La formulation à base d'eau oxygénée contient de l'acide citrique, en tant qu'agent régulateur du pH et tampon, mais ne comprend pas de composé aminé basifiant. Celle à base de bromate ne contient pas d'acide. D2 divulgue donc un fixateur comprenant deux des trois ingrédients tels que définis dans le brevet litigieux.
4.2.4 Il est évident à partir de D2 que le fixateur à base de peroxyde d'hydrogène d'une part, et celui à base de bromate d'autre part, représentent des alternatives tant au regard des conditions d'emploi que des effets recherchés. Ces fixateurs ne requièrent pas les mêmes ingrédients. Le fixateur à base de peroxyde d'hydrogène requiert obligatoirement la présence d'un pH acide pour des raisons de stabilité. Pour les mêmes raisons de stabilité, le fixateur à base de bromate requiert un pH neutre-basique. Il s'ensuit que les ingrédients desdits fixateurs alternatifs ne sauraient tous être interchangeables.
4.3 La requérante a néanmoins fait valoir que D3b, qui porte sur un fixateur à base de bromate et son utilisation pour mise en forme permanente de matières kératiniques, décrivait l'état de la technique le plus proche et que le problème à résoudre était le remplacement du seul bromate du fait des nombreux désavantages connus.
4.3.1 D3b porte sur un fixateur pour permanente qui contient de 3,5 à 15 % (poids/volume) de bromate, par exemple de sodium, et de 0,5 à 5% (poids/volume) d'un dérivé de cellulose cationique (revendication 1).
4.3.2 D'après D3b, l'utilisation d'un fixateur à base de bromate produisait de bonnes boucles, mais leur tenue, donc celle de la frisure, était insuffisante. Même le toucher des cheveux, notamment leur brillance, leur élasticité et leur attitude au peignage, était problématique. En outre, le fixateur connu était potentiellement nocif pour les cheveux.
4.3.3 Afin de résoudre ces problèmes, D3b propose d'utiliser un dérivé de cellulose cationique, qui serait à même d'être absorbé par les fibres pour former une gaine apte à tenir les boucles et améliorer le toucher des cheveux.
4.3.4 Tous les exemples de D3b portent sur un fixateur contenant du bromate de sodium, de l'ammoniaque et de l'acide citrique. Différents polymères cationiques sont utilisés aux fins de comparaison avec le dérivé de cellulose cationique proposé, dans le but de montrer leurs effets après plusieurs lavages de la frisure permanentée.
4.4 D3b ne porte pas sur un fixateur à base de peroxyde d'hydrogène et n'aborde pas le problème de la sensibilisation des cheveux après plusieurs permanentes évoqué dans le brevet litigieux. D2 porte principalement sur les fixateurs à base de peroxyde d'hydrogène. Bien qu'il aborde dans la discussion concernant les avantages et désavantages des deux fixateurs, plusieurs problèmes posés par l'un ou par l'autre fixateur, il ne mentionne pas, lui non plus, le problème de la sensibilisation des fibres kératiniques soumises à plusieurs permanentes. Néanmoins, D2, davantage que D3b, peut représenter un point de départ pour l'appréciation de la présence d'une activité inventive du fait qu'il traite de manière générale les fixateurs à base de peroxyde d'hydrogène et leur emploi dans la mise en forme permanente des fibres kératiniques, comme dans le brevet litigieux. De plus, les fixateurs exemplifiés par D2 comprennent du peroxyde d'hydrogène et de l'acide citrique, deux des trois ingrédients tels que définis dans les revendications contestées, qui sont donc plus voisins (composition) de ceux définis dans les revendications litigieuse. Par conséquent, l'état de la technique le plus proche est constitué par un fixateur à base de peroxyde d'hydrogène et d'acide citrique tel que décrit par D2 (Jurisprudence, supra, I.D.3).
Problème et solution
5. Le problème à résoudre par rapport à D2 est l'emploi d'un nouveau fixateur pour permanente qui soit apte à diminuer la sensibilisation des fibres après plusieurs permanentes et, aussi, qui soit apte à améliorer leur toucher, en ligne avec le brevet litigieux (page 2, lignes 29 à 31 et 45).
5.1 Afin de résoudre ce problème, le brevet litigieux propose l'utilisation d'un fixateur à base d'eau oxygénée comprenant au moins un acide carboxylique et/ou l'un de ses sels, et au moins un composé aminé basifiant. Cette solution est définie en termes de procédé de mise en forme permanente ainsi qu'en termes de dispositif de traitement à plusieurs compartiments ou "kit" complété par des indications pour son utilisation (revendications 1, 20 et 22 du brevet litigieux).
5.2 D'après les exemples du brevet litigieux, une mèche traitée avec un fixateur selon l'invention, après quatre permanentes, était plus douce et moins fripée qu'une mèche traitée de la même manière mais avec un fixateur ne comportant pas d'ammoniaque (exemple 1). Même en variant l'acide et/ou l'agent alcalinisant aminé utilisés, ou le nombre de permanentes effectuées, ces résultats se répétaient (exemples 2 à 4). En outre, d'après l'exemple 5, l'utilisation d'un fixateur à base de peroxyde d'hydrogène comprenant de l'acide citrique et de l'ammoniaque permettait de retarder le phénomène de la sensibilisation des fibres. Comme les exemples comparatifs du brevet portent sur un fixateur à base de peroxyde d'hydrogène comprenant un acide carboxylique, donc un fixateur selon D2, ils peuvent être lus et interprétés comme exemples comparatifs par rapport à D2. Les résultats des essais comparatifs déposés avec la lettre datée du 21 avril 2006 confirment (compositions C1 à C''1) qu'un fixateur comportant de l'acide carboxylique et de l'ammoniaque permet de maintenir une douceur plus importante après plusieurs permanentes qu'un même fixateur sans ammoniaque.
Dans le cas présent, l'intimée a démontré de manière satisfaisante, par ses exemples, que le contenu des revendications aboutit à résoudre le problème posé. En revanche, bien qu'ayant la charge de la preuve, la requérante n'a pas démontré que le problème n'avait pas été résolu à l'aide des indications contenues dans les revendications litigieuses. La Chambre considère donc que le problème technique a été résolu par le procédé faisant l'objet de la revendication 1 et le "kit" défini dans la revendication 20 du brevet litigieux.
Caractère de la solution
5.3 Il reste à déterminer si l'homme de l'art partant de D2 et souhaitant résoudre le problème posé serait arrivé de manière évidente à l'objet des revendications en litige.
5.4 D2, qui divulgue de manière générale les procédés de mise en forme permanente, porte sur les conceptions générales des fixateurs, à base de bromate ou de peroxyde d'hydrogène. Ces fixateurs décrits par D2 requièrent différents environnements pour bien opérer, notamment pH et composition. Cela revient à dire que les composants de ces deux systèmes ne sont pas tous nécessairement interchangeables. En particulier, D2 ne mentionne pas d'ammoniaque comme ingrédient typique d'un système oxydant employant le peroxyde d'hydrogène. Au contraire, la mention d'une valeur de pH allant de 2 à 4, afin de stabiliser la solution (l'instabilité étant un des désavantages majeurs du système peroxyde d'hydrogène), aurait dissuadé l'homme de l'art à employer de l'ammoniaque dans une telle composition. Il s'ensuit que, même au cas où un passage du fixateur bromate au fixateur peroxyde d'hydrogène serait envisagé par l'homme de l'art, en tant qu'alternative, D2 ne suggèrerait cependant pas l'emploi d'ammoniaque dans un fixateur pour permanente contenant le peroxyde d'hydrogène et un acide carboxylique à pH faible.
5.5 D3b est axé sur un fixateur à base de bromate contenant un dérivé de cellulose cationique, pour maintenir la tenue d'une frisure même après plusieurs lavages, par formation d'une gaine sur la fibre. D3b propose un nouveau polymère pour y parvenir. Néanmoins, D3b n'aborde pas les effets qui se produisent après plusieurs permanentes ; il ne mentionne pas non plus le phénomène de sensibilisation des cheveux ni leur perte de toucher, et de plus, il ne révèle pas le rôle de l'ammoniaque dans sa composition. Les résultats d'essais comparatifs déposés avec la lettre du 21 avril 2006, montrent de nouveaux effets au regard de D3b, qui évidemment vont au-delà du simple remplacement du bromate pour réduire la nocivité de la composition, problème tel que formulé par la requérante. Comme D3b ne permet aucune conclusion quant au rôle joué par un composé aminé basifiant, il ne peut inciter à aucune amélioration dans le sens de la solution définie dans les revendications du brevet litigieux. D3b n'est donc pas pertinent et ne saurait combler les lacunes de D2.
5.6 D4, comme D2, porte en général sur les fixateurs pour permanente. Il rappelle les différentes solutions connues, à base de peroxyde d'hydrogène, ou de bromate, ou de persels, et il parvient à la conclusion (extrait, page 695 ; page 696, colonne de droite, premier paragraphe complet et dernier paragraphe) que, parmi les fixateurs connus, celui à base de peroxyde d'hydrogène était le moins couteux et le plus fiable pour atteindre les effets recherchés. Comme seule faiblesse du fixateur préféré, D4 mentionne l'instabilité, qui néanmoins, aux concentrations normalement employées peut être aisément contrôlée. D4 n'évoque pas le rôle d'un composé aminé basifiant. Par conséquent, D4 ne peut inciter à remplacer le seul bromate par du peroxyde d'hydrogène, dans un fixateur à base de bromate contenant de l'ammoniaque et de l'acide citrique, pas plus que d'utiliser un composé aminé basifiant dans un fixateur à base de peroxyde d'hydrogène.
5.7 D5 est axé sur un agent alcalinisant aminé sans odeur pour des compositions cosmétiques, entre autres pour permanentes. Comme l'indique l'exemple 14, l'agent alcalinisant aminé sans odeur peut être employé dans des compositions de prétraitement et/ou des compositions de réduction utilisées dans la mise en forme permanente. Néanmoins, D5 qui exemplifie également une composition oxydante (fixateur) pour la mise en forme permanente (composition C de l'exemple 14) comportant de l'eau oxygénée et de l'acide citrique, est lui-aussi conforme avec l'enseignement de D2. Il n'incite pas à employer un composé aminé basifiant dans un fixateur à base d'eau oxygénée dans le but de résoudre le problème posé. En fait, D5, publié postérieurement à D2 et D4, montre que l'ajout d'un composé aminé basifiant dans un tel fixateur pour permanente n'était absolument pas évident.
5.8 Par conséquent, les objets des revendications du brevet litigieux impliquent l'activité inventive requise par l'article 56 de la CBE.
6. Il suit de ce qui précède qu'aucun motif d'opposition ne s'oppose au maintien du brevet litigieux en la forme telle que délivrée.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit:
Le recours est rejeté.