T 0237/84 (Signes de référence) 31-07-1986
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1. Les signes de référence utilisés dans une revendication (règle 29(7) CBE) ont pour but d'en faciliter à tous la compréhension. Sans limiter la portée de la revendication, les signes de référence contribuent à sa clarté et sont susceptibles d'en rendre l'énoncé plus concis que ce ne saurait le cas sinon (article 84 CBE).
2. L'introduction dans la description contenue dans une demande de brevet européen d'une remarque précisant à quelles fins de tels signes de référence ont été inclus n'est pas "manifestement étrangère au sujet ou superflue", au point de constituer un élement prohibé au sens de la règle 34(1)(c) CBE, s'il existe un risque, même minime, qu'en l'absence d'une telle remarque un tribunal national d'un Etat désigné considère les revendications comme limitées par l'introduction de ces signes de référence.
Exposé des faits et conclusions
I. La demande de brevet européen n° 81 200 098.2 a été déposée en langue allemande au nom de la requérante le 28 janvier 1981 et publiée sous le numéro 0 034 381 le 26 août 1981. La requête en examen a été présentée le 14 octobre 1981. Le 21 juin 1982, la Division d'examen a invité par téléphone la requérante à ajouter des signes de référence dans les revendications, conformément aux dispositions de la règle 29(7) CBE. La requérante a déféré à cette invitation, puis, toujours par téléphone, est convenue avec la Division d'examen de nouvelles modifications, qu'elle a déposées en bonne et due forme le 5 novembre 1982.
II. Le 4 août 1983, dans l'avis préalable concernant l'envoi de la notification prévue à la règle 51(4) et(5) CBE, la Division d'examen a notifié à la requérante le texte de la demande dans lequel elle envisageait de délivrer un brevet européen, texte qui contenait les revendications comportant les signes de référence ajoutés en 1982.
III. Dans sa réponse du 7 septembre 1983 à l'avis préalable, le mandataire de la requérante a marqué son accord sur la délivrance du brevet dans le texte qui lui avait été notifié, sous réserve toutefois de la suppression de tous les signes de référence contenus dans les revendications.
IV. Le premier examinateur et le mandataire de la requérante ont eu alors des entretiens téléphoniques, et le mandataire a envoyé des télex dont il a donné dûment confirmation, après quoi une procédure orale s'est déroulée le 21 février 1984 à la demande de la requérante devant la Division d'examen, complétée pour la circonstance par un examinateur juriste conformément à l'article 18(2) CBE. La procédure orale s'est conclue par le rejet de la demande de brevet européen par la Division d'examen.
V. Dans l'exposé écrit des motifs de la décision, en date du 9 mai 1984, la Division d'examen a considéré qu'à ce stade de la procédure, la requérante ne pouvait modifier la demande de brevet européen qu'avec son autorisation (règle 86(3) CBE). La demande de brevet européen ne serait pas améliorée par la suppression des signes de référence ; or, il convenait de tenir compte des intérêts des concurrents de la requérante, qui pourraient être lésés s'ils n'étaient pas en mesure de comprendre les revendications. La règle 29(7) CBE est une confirmation de l'article 84 CBE, qui exige que les revendications soient claires. Dans la présente espèce, la revendication 1 comptait 30 lignes dactylographiées et faisait référence à de nombreux éléments techniques associés entre eux, identifiés plus de 50 fois par 38 signes de référence. Au total, les revendications s'étendaient sur plus de cinq pages, et les dessins sur sept pages.
La requérante a proposé diverses modifications possibles de la demande de brevet européen pour le cas où les signes de référence devraient être maintenus dans les revendications, notamment des notes au bas des revendications pour souligner que les modes de réalisation illustrés par les dessins n'étaient exposés qu'à titre d'exemple, ou l'insertion d'un commentaire explicatif dans la description. Les modifications proposées ont été considérées comme inadmissibles pour les raisons énoncées dans le renseignement juridique n° 12/82 (JO OEB 3/1982, p. 109). Les revendications doivent en effet déterminer l'étendue de la protection en indiquant les caractéristiques techniques de l'invention (règle 29(1) CBE). Toute précision relative à l'inteprétation est superflue et interdite (la règle 34(1)c) CBE est applicable). Il en va de même de toute liste des signes de référence contenus dans les revendications.
La requérante a allégué que des difficultés d'interprétation des revendications surgiraient au Royaume-Uni si les signes de référence contenus dans les revendications n'étaient pas supprimés. Après avoir examiné les comptes rendus d'affaires et les articles produits, la Division d'examen n'a pas été convaincue que tel serait le cas.
VI. A l'issue de la procédure devant la première instance, l'anglais a été substitué à l'allemand comme langue de la procédure.
VII. Le 18 juin 1984, la requérante a formé un recours contre cette décision et a dûment acquitté la taxe correspondante. Le mémoire exposant les motifs du recours a été déposé en bonne et due forme le 10 septembre 1984. Dans ce mémoire, la requérante posait les questions suivantes :
a) la suppression des signes de référence est-elle une modification au sens de la règle 86(3) CBE ? Dans l'affirmative, est-elle subordonnée à une autorisation ?
b) une demande de brevet européen peut-elle être rejetée au seul motif que le demandeur, dans sa réponse à l'avis préalable concernant l'envoi de la notification prévue à la règle 51(4) et (5) CBE, demande avec insistance la suppression des signes de référence ?
c) y-a-t-il eu vice de procédure par violation des dispositions de l'article 113(1) CBE, la Division d'examen ayant fait référence pour la première fois à la règle 86(3) CBE lors de la procédure orale, ce qui a laissé croire au mandataire de la requérante qu'il ne s'agissait en l'occurrence que d'une question d'importance secondaire ?
d) l'inobservation des dispositions de la règle 29(7) CBE peut- elle constituer un motif de rejet d'une demande de brevet européen ? Et même si c'est le cas, les preuves étaient-elles suffisantes en l'espèce pour justifier le rejet ?
VIII. Par notification en date du 28 août 1985, la Chambre a fait savoir qu'elle estimait que c'est à juste titre qu'il avait été demandé d'inclure les signes de référence dans les revendications et qu'ils devraient y être maintenus. Néanmoins, la Chambre s'est déclarée disposée à examiner s'il y avait lieu d'ajouter au texte de la description une remarque précisant que si des signes de référence sont ajoutés à la suite des caractéristiques techniques mentionnées dans une revendication, c'est dans le seul but de faciliter la compréhension des revendications. La Chambre a fait également référence à l'article 69(1) CBE, deuxième phrase, qui dispose que "la description et les dessins servent à interpréter les revendications", et au protocole relatif à cet article. Elle a clairement précisé qu'elle considérait toute modification de la demande comme une simple mesure de précaution de la part de la requérante, et que les craintes exprimées par celle-ci quant à l'attitude que pourraient adopter les tribunaux du Royaume-Uni à l'égard des brevets européens dont les revendications contiennent des numéros de référence ne lui paraissaient pas réellement justifiées.
IX. Par lettre du 15 octobre 1985, la requérante a indiqué qu'elle était disposée à soumettre à la Chambre un texte complétant la description, comme celle-ci le lui avait proposé. Elle a toutefois proposé à nouveau d'ajouter une note au bas des revendications, étant donné que celle-ci serait publiée dans les trois langues officielles en même temps que les revendications, et a également demandé d'apporter à la description une nouvelle modification d'importance mineure, qui avait été proposée par la Chambre. Elle a en outre produit de nouvelles pièces et développé de nouveaux arguments à l'appui de ses affirmations selon lesquelles l'effet des signes de référence sur l'interprétation d'une revendication est une question qui embarrasse certains spécialistes des brevets au Royaume-Uni.
X. A l'origine, la requérante avait demandé la tenue d'une procédure orale devant la Chambre. Dans son mémoire exposant les motifs du recours, elle a toutefois précisé qu'elle ne demandait la tenue d'une procédure orale que si la Chambre envisageait de confirmer la décision de rejet et de refuser les modifications qu'elle avait proposées en vue d'obtenir le maintien de sa demande. La Chambre ayant estimé pouvoir autoriser ces modifications, il n'a pas été fixé de procédure orale.
XI. Par décision en date du 24 mars 1986, M. D.C.L. Blake, Superintending Examiner, agissant au nom du Comptroller-General des brevets, des dessins et modèles et des marques du Royaume-Uni, a fait droit à une demande de modification du fascicule du brevet européen (UK) n° 0 015 596, qui avait été présentée par la requérante en vertu de l'article 27 de la loi britannique sur les brevets de 1977, en vue notamment de faire supprimer les numéros de référence contenus dans les revendications. L'examinateur a rejeté une opposition formée par un tiers à l'encontre de ces modifications, au motif que la suppression des numéros de référence n'étendrait pas la protection conférée par les revendications, et n'enfreindrait pas de ce fait les dispositions de l'article 76(2) de la loi britannique sur les brevets de 1977 (qui correspondent à celles de l'article 123 CBE). Dans le texte de cette décision, l'examinateur analysait le droit jurisprudentiel anglais invoqué par l'opposante et déclarait en conclusion que, selon ce droit, la présence de numéros de référence dans des revendications devait être considérée comme une illustration utile, à l'aide d'exemples, des éléments définis par un texte, à condition simplement que la définition de l'élément n'exclue pas la production de l'exemple. Il a estimé que la thèse selon laquelle les numéros de référence ne limitent pas l'étendue de la protection au mode de réalisation particulier des caractéristiques cité à titre d'exemple n'est pas en contradiction avec les dispositions de la loi sur les brevets de 1977 et du protocole interprétatif de l'article 69 CBE. Il a fait observer en outre que la règle 29(7) CBE définissait en partie l'étendue de la protection conférée par un brevet européen, et que, à son avis, l'article 125(1) de la loi britannique sur les brevets de 1977 relatif à l'étendue de la protection conférée entre autres par un brevet européen (UK), devait être interprété comme signifiant que l'introduction de numéros de référence dans des revendications ne limite pas l'étendue de la protection. L'opposante n'ayant pas formé de recours devant le Tribunal des brevets de la Haute Cour de justice, la décision est à présent devenue définitive.
Motifs de la décision
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 CBE ; il est donc recevable.
2. Si l'on applique les principes d'interprétation des traités expressément approuvés par la Grande Chambre de recours (affaires Gr 01/83, 05/83 et 06/83 : JO OEB 3/1985, p. 60), il est manifeste que les dispositions de l'article 84 CBE relatif aux revendications, et de l'article 69, concernant l'étendue de la protection, doivent être considérées conjointement. Si l'article 84 CBE dispose que les revendications définissent l'objet de la protection demandée et qu'elles doivent être claires et concises et se fonder sur la description, c'est précisément parce que l'on veut que l'étendue de la protection conférée par le brevet européen ou la demande de brevet européen soit déterminée par la teneur des revendications, la description et les dessins servant à interpréter les revendications, comme le prévoit l'article 69(1) CBE et comme le réaffirme le protocole interprétatif de cet article.
3. La règle 29 CBE va plus loin en disposant que les revendications doivent définir, en indiquant les caractéristiques techniques de l'invention, l'objet de la demande pour lequel la protection est recherchée (paragraphe 1), sans se fonder, sauf en cas d'absolue nécessité, sur des références à la description ou aux dessins (paragraphe 6).
4. Le paragraphe 7 de cette même règle dispose en revanche que si la demande de brevet européen contient des dessins, les caractéristiques techniques mentionnées dans les revendications doivent, en principe, si la compréhension de la revendication s'en trouve facilitée, être suivies de signes de référence, qui ne sauraient être interprétés comme une limitation de la revendication.
5. Les signes de référence visent à rendre les revendications plus compréhensibles pour tous - à faciliter leur compréhension -, et il est clair que chaque fois qu'une demande de brevet européen contient des dessins, la Division d'examen est tenue d'examiner, dans l'intérêt du public, si l'utilisation de signes de référence dans la revendication peut en faciliter la compréhension. Contrairement à ce que la requérante soutient dans son mémoire exposant les motifs du recours, ces signes de référence ne sont pas ajoutés simplement pour permettre à l'examinateur de comprendre plus aisément et plus rapidement les revendications et ne deviennent pas ensuite superflus, si bien qu'ils peuvent alors être supprimés. Sans limiter la portée de la revendication, ils contribuent à sa clarté et sont susceptibles d'en rendre l'énoncé plus concis que ce ne serait le cas sinon.
6. La présente espèce est un bon exemple de l'importance que peuvent revêtir les signes de référence à cet égard. Comme il a été signalé plus haut (point V), la revendication 1, par exemple, compte 30 lignes dactylographiées et fait référence à de nombreux éléments techniques associés les uns aux autres, identifiés plus de 50 fois par 38 signes de référence. Sous sa forme actuelle, c'est-à-dire avec les signes de référence, elle est suffisamment claire pour être admissible. Sans les signes de référence, il est presque certain qu'elle devrait être rejetée pour manque de clarté, et donc non conformité aux dispositions de l'article 84 CBE, à moins d'être largement remaniée, ce qui serait une modification qu'il conviendrait assurément d'éviter à ce stade avancé de la procédure.
7. En conséquence, la Chambre estime que les signes de référence doivent être maintenus dans les revendications pour que la procédure relative à la demande de brevet européen puisse être poursuivie.
8. Elle a cependant examiné les moyens invoqués par la requérante, qui craint des difficultés d'interprétation des revendications au Royaume-Uni, si les signes de référence sont maintenus dans les revendications. La représentante a fait valoir des pièces qu'elle avait produites au cours de la procédure devant l'Office des brevets du Royaume-Uni mentionnée ci-dessus au point XI. Or la Chambre n'a rien trouvé dans ces pièces qui confirme les allégations de la requérante, et la décision rendue par le Superintending Examiner semble montrer elle aussi que les craintes de la requérante sont vraisemblablement dépourvues de tout fondement. Etant donné, toutefois, que l'affaire n'a pas été examinée par le Tribunal des brevets, ni à plus forte raison par une juridiction nationale de degré plus élevé, la Chambre est disposée à autoriser la requérante à apporter à la description de la demande de brevet européen les modifications qui avaient été proposées initialement par la Chambre et demandées par le mandataire de la requérante dans une lettre en date du 15 novembre 1985, ce qui revient à introduire dans la description, en particulier, une remarque précisant à quoi servent les signes de référence qui ont été ajoutés. Dans la présente espèce, la Chambre, en désaccord sur ce point avec la Division d'examen, ne considère pas l'insertion d'une telle remarque comme "manifestement étrangère au sujet ou superflue" au sens où l'entend la règle 34(1) CBE.
9. La requérante a soutenu que la Division d'examen s'était rendue coupable d'un vice de procédure par violation de l'article 113(1) CBE : en effet, il ne lui avait pas été objecté avant la procédure orale qu'elle n'avait pas observé les dispositions de la règle 86(3) CBE (qui stipule que toutes les modifications soumises après la réponse à la première notification sont subordonnées à l'autorisation de la division d'examen) et, lors de cette procédure, cette objection avait été traitée comme secondaire ; ce n'est que par la suite qu'elle avait pris de l'importance, lorsqu'a été rendue la décision attaquée. Pour la Chambre, le vice de procédure invoqué n'est pas établi. Tout mandataire agréé près l'OEB est censé très bien connaître les exigences de la règle 86(3) CBE, si bien qu'on peut attendre de lui qu'il les ait présentes à l'esprit lorsqu'il produit des modifications dans des cas où ces dispositions sont applicables. En outre, il ressort du procès-verbal de la procédure orale que le président de la Division d'examen avait expressément signalé, dans ses observations préliminaires, que les conditions requises par la règle 86(3) CBE n'étaient pas remplies, et par conséquent le mandataire de la requérante avait manifestement eu l'occasion de prendre position sur ce point, et il y avait même été invité.
Dans ces conditions, il a été en tout point satisfait aux exigences de l'article 113(1) CBE.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision de la Division d'examen en date du 9 mai 1984 est annulée.
2. L'affaire est renvoyée à la Division d'examen pour qu'elle délivre le brevet européen demandé sur la base des documents suivants :
a) description dans le texte auquel se réfère l'avis préalable du 4 août 1983 concernant l'envoi de la notification prévue à la règle 51(4) et (5) CBE, avec les modifications suivantes :
i) modifications énumérées à la page 2, lignes 16 à 21, de la lettre du mandataire de la requérante en date du 15 octobre 1985,
ii) nouvelle page 12 (à substituer à l'ancienne page 12) jointe à la lettre du mandataire de la requérante en date du 15 novembre 1985,
iii) remarque jointe à cette lettre du 15 novembre 1985 (à insérer à la fin de la page 39 de la description comme dernier alinéa),
b) dessins sous la forme à laquelle se réfère l'avis préalable susmentionné,
c) revendications 1 à 13 dans le texte auquel se réfère l'avis préalable susmentionné.