T 0717/91 12-10-1994
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Cylindre de laminoir bimétallique pour train à bande à chaud
Société Anonyme des Fonderies J. Marichal, Ketin & Cie
Midland Rollmakers Limited
Eisenwerk Sulzau-Werfen R. & E. Weinberger GmbH
Gontermann-Peipers GmbH
Karl Buch Walzengiesserei
Novelty (yes)
Inventive step (yes)
Exposé des faits et conclusions
I. A la suite des oppositions formées par la requérante et quatre autres opposantes contre le brevet européen n° 0 028 980, la division d'opposition a rendu une première décision par laquelle elle annulait le brevet délivré en raison du manque de nouveauté de son objet en présence du document JP-A-622O/78 qui concernait un cylindre de transport pour laminoir présentant des caractéristiques identiques à celles revendiquées dans le brevet en cause.
II. La titulaire du brevet ayant formé un recours, la chambre saisie a, par décision T 173/87 du 9 juin 1989, infirmé la décision de la division d'opposition, considérant que la nouveauté de l'objet de la revendication du brevet en cause, qui concerne un cylindre de laminoir pour cage dégrossisseuse ou finisseuse d'un train à bande à chaud, ne pouvait être détruite par la divulgation d'un cylindre de transport, même si ce dernier présentait des caractéristiques techniques semblables à celles revendiquées. En outre, vu les différences existant entre ces deux types de cylindres, l'homme du métier cherchant à résoudre le problème de l'invention, à savoir, le problème du "banding", n'aurait eu aucune raison de chercher la solution dans un cylindre de transport. De ce fait, l'objet de la revendication 1 du brevet en cause était nouveau et inventif en présence du document opposé.
III. La chambre de recours a renvoyé l'affaire à la division d'opposition pour la poursuite de la procédure et notamment l'examen de la nouveauté et de l'activité inventive de l'objet du brevet en présence des autres documents cités au cours de la procédure d'opposition.
IV. A la suite de ce renvoi, la division d'opposition a rendu une décision intermédiaire susceptible de recours au sens de l'article 106(3) CBE selon laquelle le brevet tel que modifié et l'invention qui en constitue l'objet satisfaisaient aux conditions énoncées dans la Convention.
V. La requérante (opposante 2) a, dans les délais de l'article 108 CBE, formé un recours et déposé un mémoire exposant les motifs du recours.
VI. La chambre de recours a tenu le 12 octobre 1994 une procédure orale à laquelle ont comparu, outre l'intimée- titulaire du brevet, la requérante (opposante 2) et une partie de droit à la procédure (opposante 1), les autres parties de droit à la procédure (opposantes 4 et 5) ayant au préalable informé la chambre qu'elles ne seraient pas représentées et l'opposante 3 ayant retiré son opposition au cours de la procédure de recours.
VII. Parmi les documents qui ont été cités au cours de la procédure devant la division d'opposition et la chambre de recours, seuls les documents suivants sont essentiels pour la présente décision :
D1 : GB-A-1 271 959
D4 : Development, properties and applications of High Chromium Cast Steel Rolls in Hot Strip Mills, Plate Mills and Cold Strip Mills" (Walter Patt 1979).
D5 : "The recent developments of Rolls" (Nippon Steel technical Report).
VIII. La revendication unique du brevet, considérée comme brevetable par la division d'opposition dans la décision contestée, est celle du brevet délivré et se lit comme suit :
"Cylindre de laminoir bimétallique en acier pour cage dégrossisseuse ou finisseuse d'un train à bande à chaud, caractérisé en ce que, dans sa zone externe de travail, ce cylindre est réalisé en un acier au chrome dans lequel le rapport entre les teneurs respectives en chrome et en carbone est compris entre 7 et 12 et dans lequel la teneur en équivalent carbone est comprise entre 1,5 et 1,7%, cette teneur en équivalent carbone étant calculée comme étant la somme de la teneur en carbone et de la teneur en chrome, cette dernière affectée d'un coefficient 0,05."
IX. Dans ses observations faisant suite à une notification de la chambre qui accompagnait la citation à la procédure orale, la requérante a présenté pour la première fois l'objection fondée sur l'article 123(2) CBE que le mot "bimétallique" qui figure dans la revendication 1 ne se trouvait pas dans les pièces du dépôt.
X. Dans ses écrits et lors de la procédure orale, la requérante a, en outre, présenté essentiellement les arguments suivants :
Le document D1 décrit un cylindre de laminoir comportant trois zones métalliques, mais tout cylindre de laminoir formé par centrifugation comporte une partie externe et un noyau qui sont reliés entre eux par une partie de liaison, si bien que le cylindre selon le brevet en cause n'est pas constitué de seulement deux parties mais en comporte également trois.
La partie essentielle d'un cylindre conforme à l'invention est la partie en contact avec le métal à traiter dont le document D1 donne, pour le métal la constituant, des fourchettes de composition définissant une zone, représentée sur le diagramme de la figure 6 de ce document D1, à l'intérieur de laquelle se trouve la zone définie par la revendication du brevet en cause. De ce fait, l'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau.
D'une manière générale, les spécialistes de la technique savent que le problème du "banding" est lié à la fissuration à chaud de la surface du cylindre soumise à des contraintes thermiques élevées (voir D4 pages 4, 5). Il était, de ce fait, normal pour l'homme du métier de rechercher dans l'optimisation des rapports carbone/chrome dans les alliages d'acier à haut chrome la solution de ce problème, comme l'indique le document D5 (voir pages 57-59).
En ce qui concerne le fait que la composition revendiquée permettrait d'éviter la formation de carbures de type M7C3, ce but n'est certes pas précisé dans le document D1, mais le diagramme de phases montre que la même proportion de ces carbures est également obtenue si les mêmes conditions que celles fixées dans la revendication du brevet en cause sont adoptées.
XI. Au cours de la procédure orale, la chambre de recours a décidé de ne pas prendre en considération la nouvelle objection soulevée par la requérante.
XII. La partie de droit à la procédure représentée (opposante 1) a, par ailleurs, au cours de cette même procédure orale, présenté l'argument que l'objet de la revendication n'impliquait pas d'activité inventive en présence de la combinaison de l'enseignement du document D1 avec celui d'un document "Steel in the USSR" de 1978, cité par la division d'examen au cours de la procédure d'examen du brevet en cause.
XIII. Compte-tenu du caractère tardif de la citation de ce document "Steel in the USSR", la chambre a décidé, au cours de la procédure orale, de ne pas le prendre en considération.
XIV. A la fin de la procédure orale, les parties ont présenté les requêtes suivantes : la requérante et la partie de droit à la procédure (opposante 1) qui y était représentée ont demandé que le brevet soit révoqué dans sa totalité, l'intimée a demandé le rejet du recours.
Motifs de la décision
1. Extension de la protection au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée (Article 123(2) CBE)
1.1. La requérante a émis pour la première fois deux semaines avant la tenue de la procédure orale, l'objection que le terme "bimetallique" utilisé dans la revendication du brevet en cause n'était pas mentionné dans la demande de brevet telle que déposée et que, par conséquent, l'introduction de cette caractéristique représentait une extension par rapport au contenu de la demande de brevet telle que déposée.
1.2. Cette objection, soulevée pour la première fois à la fin de la procédure, est tardive et la chambre a décidé de ne pas la prendre en considération en application des dispositions de l'article 114(2) CBE.
1.3. La chambre fait observer, à cet égard, à toutes fins utiles, que l'emploi de ce terme dans la revendication ne fait que préciser pour l'homme du métier les informations déjà contenues dans les pièces du dépôt, à savoir que, le cylindre étant réalisé par un procédé de coulée composite, de préférence par centrifugation (page 3 lignes 19-21 de la demande de brevet telle que déposée), il comporte, de ce fait, au moins deux couches métalliques distinctes. Au surplus, comme la requérante elle-même l'a indiqué au cours de la procédure écrite, cette limitation ne joue pas un rôle essentiel dans la présente affaire puisque les problèmes relatifs à la fabrication des cylindres sont sans rapport avec l'enseignement concernant des compositions d'acier préférentielles (page 8, dernier paragraphe de la lettre de la requérante en date du 8 novembre 1991).
2. La chambre a également, en application de l'article 114(2) CBE, refusé de tenir compte du document cité par la partie de droit à la procédure (opposante 1) considérant que la citation de ce document à ce stade tardif constituait un abus de procédure. Il faut noter, en effet, que ce document, connu des parties et de l'OEB depuis la procédure d'examen, n'avait jamais été invoqué dans les procédures d'opposition et de recours précédentes.
3. Nouveauté
3.1. La nouveauté de l'objet de la revendication par rapport au document D1 a été contestée par la requérante.
3.2. Le document D1 concerne essentiellement la construction d'un cylindre coulé composite pour laminoirs à bande à chaud et un procédé de fabrication d'un tel cylindre. Sous sa forme générale, le cylindre comporte une couche externe en acier fondu fortement allié (high alloy cast steel). Selon ce document, on entend par acier fondu fortement allié un alliage comportant entre 0,2 et 2,6% de carbone et 3% ou plus d'autres éléments d'alliage (page 2, lignes 86 à 93). La teneur maximale en chrome en tant qu'élément d'alliage est limitée, en fonction de la teneur en carbone de l'alliage, aux valeurs délimitées par les lignes BCD de la Figure 6 pour des raisons de coulabilité.
Compte tenu du fait que les propriétés requises pour un cylindre varient en fonction du type de ce cylindre et étant donné que les conditions dans lesquelles celui-ci est utilisé varient (page 4, lignes 85 à 92), il est recommandé, pour un cylindre de travail d'un laminoir à chaud, qui doit présenter de bonnes propriétés de résistance à la fissuration à chaud et à l'abrasion, de choisir pour la couche externe un alliage comportant de 0,8 à 2% de carbone et de 6 à 12% de chrome (page 4, lignes 101 à 109).
3.3. Mais ce document D1, qui reflète l'état des connaissances de l'homme du métier en 1968, n'enseigne que des règles générales qui concernent l'ensemble des cylindres de travail d'un laminoir sans tenir compte des conditions de travail particulières auxquelles les divers cylindres sont soumis. Il y est seulement indiqué d'une manière générale que l'on doit tenir compte de ces conditions. Dans ce cadre général le document D1 recommande d'adopter (cf. page 7, ligne 58 jusqu'à page 8 ligne 12) des teneurs élevées en chrome et en carbone, qui accroissent la résistance à la fissuration à chaud et la dureté (résistance à l'usure). Pour assurer la coulabilité de l'alliage, il est par ailleurs nécessaire de ne pas dépasser la limite supérieure définie par les lignes BCD sur la Figure 6 du document D1. Le fait que cette idée était prédominante chez les spécialistes de la technique jusqu'aux années 1979 est confirmé par le document D5 (page 5, tableau 13) qui est un résumé des connaissances générales de l'homme du métier à cette époque.
3.4. Le cylindre de laminoir à chaud selon la revendication 1 du brevet contesté est un cylindre pour cage dégrossisseuse ou finisseuse qui entre dans la définition générale de "cylindre de travail d'un laminoir à chaud" donnée dans le document D1. En outre, les compositions d'acier indiquées dans ladite revendication sont presque totalement comprises dans les fourchettes des compositions d'alliage indiquées dans le document D1 comme étant appropriées pour la fabrication des cylindres de travail d'un laminoir à chaud. Les fourchettes de compositions connues ne sont dépassées que dans la mesure où, selon le brevet contesté, des teneurs en chrome légèrement supérieures à la limite de 12% peuvent être utilisées. L'unique exemple donné dans le brevet contesté tombe cependant à l'intérieur de la plage indiquée dans le document D1.
L'objet de la revendication du brevet contesté est cependant nouveau en présence de cet art antérieur car il représente le choix d'une plage étroitement définie de compositions à l'intérieur de la plage connue plus large en vue d'obtenir un résultat spécifique, à savoir la réalisation d'un cylindre pour cage dégrossisseuse ou finisseuse resistant au "banding", but qui n'est pas recherché par l'auteur du document D1.
L'objet de la revendication 1 est donc nouveau au regard du document D1.
3.5. Aucun des autres documents cités ne décrit un cylindre de laminoir pour cage dégrossisseuse ou finisseuse d'un train à bande à chaud dont la composition correspond à celle indiquée dans la revendication du brevet ou l'englobe. Les parties n'ont d'ailleurs pas contesté la nouveauté de l'objet de la revendication par rapport aux autres documents cités. L'objet de la revendication est donc nouveau vis-à-vis de cet art antérieur.
4. Activité inventive
4.1. Il est bien connu que la capacité de production des laminoirs s'est considérablement accrue entre les années 1968 (date de priorité du document D1) et 1979 (date de priorité du brevet contesté) (cf. par ex. le document D4, page 4, Figure 5). Il en est résulté que les cylindres de travail des laminoirs et, en particulier, les cylindres des cages dégrossisseuses et finisseuses des trains à bande à chaud fabriqués en 1979 devaient satisfaire à des exigences plus élevées que les cylindres de travail des laminoirs fabriqués en 1968.
4.2. Les cylindres des cages dégrossisseuses et finisseuses des trains de laminoir modernes sont soumis à des contraintes mécaniques extrêmement élevées accompagnées de variations thermiques cycliques importantes et rapides. Ces cylindres doivent, de ce fait, présenter une très grande dureté. Ils doivent conserver leurs propriétés de surface pendant des périodes aussi longues que possibles car le changement des cylindres exige l'arrêt du laminoir et une interruption de la production. A cet égard, le maintien de la qualité des cylindres des cages finisseuses est particulièrement important car les défauts de surface que présente la bande laminée ne peuvent plus être corrigés par une passe ultérieure.
4.3. En dehors de l'abrasion, le phénomène appelé "banding" est également à l'origine de défauts de surface non négligeables. Ce type bien connu de défauts se produit en trois étapes (cf. D4 de la page 4, colonne de droite jusqu'à la page 6). En premier lieu, il se forme dans la surface du cylindre un réseau de fines fissures, dues aux contraintes thermiques, qui se propagent tout d'abord radialement puis se creusent dans le cylindre jusqu'à une certaine profondeur parallèlement à sa surface. L'oxyde qui se forme sur la surface du cylindre au cours du processus de laminage pénètre dans ces fissures, ce qui favorise la formation d'une couche superficielle d'oxyde dont la surface s'étend rapidement. Enfin, une partie de la matière du cylindre se détache avec la couche d'oxyde suivant des lignes parallèles aux fissures. Le phénomène du "banding" a pris cependant plus récemment, pour les laminoirs à bandes à haute capacité de production, une importance prédominante du fait de ses conséquences négatives pour la qualité des bandes laminées à chaud, importance qu'il n'avait pas pour les trains de laminage de l'époque 1968.
4.4. L'objet de l'invention du brevet contesté est de réaliser un cylindre composite pour une cage dégrossisseuse ou finisseuse d'un laminoir à chaud du type réalisé depuis 1979.
L'enseignement technique donné dans la revendication du brevet contesté est essentiellement que la teneur en carbone doit être assez élevée pour assurer la dureté du cylindre mais cependant limitée pour éviter la formation de carbures intergranulaires de type M7C3 qu'aucun traitement thermique ne peut mettre en solution (EP-0 028 980, colonne 2 lignes 38 à 51). En outre, la teneur en chrome ne doit pas être trop élevée pour permettre la formation d'une couche d'oxyde de chrome qui joue le rôle de lubrifiant.
4.5. Un tel enseignement n'est pas contenu dans le document D1 qui ne vise pas explicitement à résoudre le problème du "banding" et qui guide l'homme du métier dans une voie différente et ce dans un tout autre but (voir point 3.3).
Le document D1 donne l'enseignement d'accroître les teneurs en chrome et en carbone jusqu'à une limite maximale. Cet enseignement a conduit à ce que les alliages indiqués dans le document D5 (page 58, tableau 13) ont été considérés en 1974 comme recommandés pour les cylindres soumis à des contraintes particulièrement élevées des cages finisseuses. Il était alors considéré que la résistance accrue à l'oxydation et la teneur accrue en carbures et, en particulier, en carbures du type M7C3 avaient une influence positive (page 58, colonne de droite, premier paragraphe, du document D5). Le phénomène du "banding" devait être freiné en évitant la formation d'oxydes.
De même, le document D5, paru en 1979, contient le même enseignement qui conduit à choisir des compositions d'alliage qui se trouvent largement à l'extérieur des limites indiquées dans la revendication du brevet contesté.
4.6. L'enseignement du brevet va donc à l'encontre des idées qui, encore en 1979, prédominaient dans le domaine technique.
L'enseignement de l'invention revendiquée repose sur le mérite d'avoir reconnu que la formation de carbures intergranulaires du type M7C3 devait être évitée et que la quantité de chrome devait être suffisamment limitée pour qu'il se forme une petite couche d'oxyde remplissant une fonction lubrifiante. Ceci a conduit à choisir des alliages ayant des teneurs en carbone et en chrome inférieures à celles des alliages recommandés dans la technique pour le même usage.
4.7. Par conséquent, l'objet de la revendication du brevet attaqué est inventif par rapport à l'art antérieur cité.
5. Le brevet européen 0 028 980 peut donc être maintenu sur la base des pièces sur lesquelles était basée la décision attaquée.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.