T 0741/97 16-03-1999
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Coque de bateau à sustentation triangulaire
Exposé des faits et conclusions
I. Le requérant est titulaire du brevet européen n 0 433 310 (n de dépôt : 89 909 579.8).
La revendication 1 du brevet se lit comme suit :
"1. Dispositif de coque de bateau à sustentation triangulaire, comportant trois petites carènes placées en triangle, destiné à la réalisation de navires de plaisance à voiles ou à moteur, joignant les avantages de maniabilité et de faible encombrement des bateaux à coque unique à la stabilité des bateaux à coques multiples, tout en assurant d'excellentes performances, caractérisé par un ensemble monobloc (1) réalisé en moulage unique formant en partie basse trois petites carènes disposées en triangle, une carène centrale (2), à l'avant, et deux carènes latérales (3, 4) à l'arrière, s'appuyant sur l'eau au maître bau, dégageant à l'avant, au-dessus de la ligne de flottaison (10) deux caneaux (5, 5') hors d'eau se rejoignant en un canal unique (6) derrière la carène centrale (2), un support de safran (8) intégré dans l'ensemble monobloc (1) étant prévu à l'arrière, au milieu du canal unique (6), chacune des deux carènes latérales pouvant recevoir un lest (7) dont le poids est fonction de l'usage du bateau."
II. L'intimée (opposante) a fait opposition et requis la révocation du brevet européen dans son intégralité.
Pour en contester la brevetabilité, elle a notamment opposé les documents :
- D1 : FR-A-1 169 344
- D2 : FR-A-954 423
- D3 : GB-A-2 020 294
- D5 : GB-A-1 368 059
- D6 : FR-A-1 414 492
- D11 : FR-A-2 078 937.
III. Par décision remise à la poste le 7 mai 1997, la Division d'opposition a révoqué le brevet européen en cause.
Elle a estimé que l'objet de la revendication 1 résultait à l'évidence de la combinaison des documents D1, D2 et D3.
IV. Par télécopie en date du 4 juillet 1997, le requérant (titulaire du brevet) a formé un recours contre cette décision et réglé simultanément la taxe correspondante.
Le mémoire dûment motivé a été déposé le 5. septembre 1997.
V. Une audience à laquelle les deux parties ont participé s'est tenue le 16 mars 1999.
VI. Le requérant (titulaire du brevet) demande l'annulation de la décision attaquée et,
- à titre principal, le maintien du brevet européen tel que délivré ;
- à titre subsidiaire, le maintien du brevet sur la base des deux jeux de revendications versés au dossier le 16 février 1999 (requêtes subsidiaires 1 et 2).
Au soutien de son action, il expose que l'invention revendiquée consiste à agencer un monocoque classique, c'est-à-dire présentant la géométrie et l'aménagement d'un bateau à coque unique ayant un gouvernail dans l'axe, en multicoque en prévoyant en partie basse, trois petites carènes disposées en triangle. L'idée de réaliser un monocoque d'un seul tenant pourvu de trois petites carènes disposées en triangle de façon à allier la maniabilité et le faible encombrement d'un monocoque à la stabilité d'un bateau à coque multiple ne se retrouve dans aucun des documents opposés. Il s'ensuit que l'invention revendiquée ne découle pas avec évidence de cet état de la technique.
VII. La revendication 1 du brevet peut être décomposée en dix caractéristiques a) à j) suivantes :
"a) Dispositif de coque de bateau à sustentation triangulaire comportant trois petites carènes placées en triangle, destiné à la réalisation de navires de plaisance à voiles ou à moteur,
b) joignant les avantages de maniabilité et de faible encombrement des bateaux à coque unique à la stabilité des bateaux à coques multiples, tout en assurant d'excellentes performances,
c) caractérisé par un ensemble monobloc (1) réalisé en moulage unique
d) formant en partie basse trois petites carènes disposées en triangle,
e) un carène centrale (2) à l'avant et deux carènes latérales (3, 4) à l'arrière,
f) s'appuyant sur l'eau au maître bau,
g) dégageant à l'avant, au-dessus de la ligne de flottaison (10), deux canaux (5, 5') hors d'eau se rejoignant en un canal unique (6) derrière la carène centrale (2),
h) un support de safran (8) intégré dans l'ensemble monobloc (1) étant prévu à l'arrière,
i) au milieu du canal unique (6),
j) chacune des deux carènes latérales pouvant recevoir un lest (7) dont le poids est fonction de l'usage du bateau."
VIII. L'intimée (opposante) sollicite le rejet du recours. Elle demande également de ne pas prendre en considération les deux requêtes subsidiaires 1 et 2 produites tardivement.
Pour montrer que l'objet de la revendication 1 telle que délivrée est dépourvu d'activité inventive, elle expose l'argumentation suivante :
Le problème posé dans le brevet européen en cause ne pouvait pas être ignoré de l'homme du métier puisqu'il est expressément indiqué dans le document D11.
Le document D1 divulgue les éléments caractéristiques a), b) et d) à g) et c'est la combinaison de ces seuls éléments qui contribue à la solution du problème technique bien connu, posé dans le brevet européen en cause.
Il est manifeste que les éléments caractéristiques restants c), h), i) et j) ne contribuent en rien à la solution du problème posé.
Selon la jurisprudence des chambres de recours, il y a lieu de distinguer entre l'invention de combinaison telle que notamment définie dans la décision T 37/85, JO OEB 1988, 86 et la simple agrégation ou juxtaposition d'éléments. Il n'y a pas d'invention de combinaison si l'invention porte sur une juxtaposition d'éléments connus n'exerçant pas entre eux de coopération en vue de produire un effet commun.
Les éléments c), h), i) et j) ne coopérent aucunement avec les moyens a), b) et d) à g) en vue de résoudre le problème posé.
En particulier, la caractéristique c) constitue une étape de procédé et ne saurait donc définir la structure de coque revendiquée ; de toute façon, cette caractéristique est divulguée par les documents D2, D3 et D5.
Par conséquent, l'homme du métier sachant résoudre le problème technique connu révélé par le document D11 en associant les caractéristiques a), b) et d) à g) décrites dans le document D1, sera incité par les dessins du document D2 ou par le texte des documents D3 et D5 à réaliser un ensemble monobloc selon l'élément caractéristique c).
L'élément caractéristique h) n'est certes pas divulgué dans l'état de la technique mais l'homme du métier peut, à l'aide de ses seules connaissances et sans faire oeuvre inventive, intégrer le support de safran dans la coque moulée. Au surplus, la disposition du support de safran au milieu du canal formé à l'arrière du bateau est expressément envisagée dans le document D6 (point 9 du résumé).
L'homme du métier sera naturellement incité, par l'enseignement du document D3 à utiliser un lest selon l'élément caractéristique facultatif j).
Force est donc de constater que la prétendue invention consiste en une juxtaposition d'éléments bien connus à l'exception de l'élément caractéristique h) mais ce dernier est à la portée de tout homme du métier dans le domaine considéré.
Motifs de la décision
1. Le recours est recevable.
2. Revendication 1 (requête principale)
2.1. L'invention faisant l'objet de la revendication 1 part de l'état de la technique décrit dans la partie introductive de la description.
En colonne 1, troisième paragraphe, le rédacteur du brevet expose que les coques de navires de plaisance à voile ou à moteur peuvent se ranger dans deux grandes catégories, d'une part les monocoques peu encombrants mais à stabilité limitée et obligatoirement pourvus d'une quille lestée ou de grande taille augmentant la surface mouillée et, par conséquent, la résistance à l'avancement et, d'autre part, les multicoques, catamarans ou trimarans, plus stables mais très encombrants et d'un maniement délicat.
Par conséquent, le problème posé dans le brevet européen est celui de remédier aux inconvénients que présentent à la fois les bateaux à coque unique et les bateaux à coque multiple, c'est-à-dire de proposer une coque de bateau alliant les avantages de maniabilité et de faible encombrement des bateaux à coque unique à la stabilité des bateaux à coque multiple.
Ainsi qu'il sera exposé ci-après, le problème est pour l'essentiel résolu par l'ensemble des caractéristiques a) à j) figurant dans la revendication 1.
2.2. Ainsi que le fait valoir à juste titre l'intimée, le document D1 cité et analysé dans le brevet européen divulgue effectivement l'élément caractéristique a) du préambule de la revendication 1, à savoir une coque de bateau à sustentation triangulaire comportant trois petites carènes placées en triangle. En revanche, ce n'est pas parce que la caractéristique b) figure dans le préambule de la revendication 1 qu'elle doit être considérée comme étant forcément divulguée par le document D1. Il est également vrai que cette caractéristique énonce le problème posé et résolu dans le brevet européen en cause et qu'elle ne constitue donc nullement une caractéristique de structure.
Si, comme c'est le cas en l'espèce, le breveté demande à titre principal le maintien du brevet sans modification dans sa version délivrée, il n'y a pas lieu de vérifier au cours de la procédure d'opposition si une revendication est "claire" au sens de l'article 84 CBE ou si sa forme en deux parties satisfait à la règle 29(1) CBE. En effet, selon la jurisprudence des chambres de recours, une délimitation inexacte entre le préambule et la partie caractérisante de la revendication ou le manque de clarté ne constituent pas un motif d'opposition (voir notamment décisions T 0099/85, JO OEB 1987, 413 et T 0023/86, JO OEB 1987, 316).
Ainsi qu'il ressort des dessins du document D1, la coque de bateau forme en partie basse trois petites carènes disposées en triangle, une carène centrale à l'avant et deux carènes latérales à l'arrière s'appuyant sur l'eau au maître bau et dégageant à l'avant, au-dessus de la ligne de flottaison deux canaux hors d'eau se rejoignant en un canal unique derrière la carène centrale. Par conséquent, le document D1 révèle les caractéristiques a) et d) à g) de la revendication 1. L'intimée en déduit que seule l'association de ces éléments a) et d) à g) permet de résoudre le problème posé alors que les caractéristiques restantes c), h), i) et j) sont simplement juxtaposées et ne contribuent en rien à la solution de ce problème.
Un tel raisonnement ne saurait être suivi. En effet, l'idée sur laquelle se fonde l'invention revendiquée est de partir d'un bateau à coque unique et de lui apporter des modifications propres à lui donner les avantages d'un bateau à coque multiple. Il s'agit donc d'un monocoque agencé de manière à présenter le comportement d'un multicoque. Le monocoque revendiqué présente, comme c'est généralement le cas pour les bateaux à coque unique, un gouvernail ou safran prévu à l'arrière et agencé selon l'axe de la coque. C'est ainsi que le support de safran se trouve, dans l'invention revendiquée à l'arrière et au milieu du canal unique puisque ce dernier est disposé dans la partie centrale de la coque. Au surplus, le monocoque revendiqué a, comme la plupart des monocoques, une structure creuse et est réalisé d'une seule pièce par moulage de matière plastique. Etant donné qu'il est de structure creuse, il peut recevoir dans chacune de ces deux carènes latérales un lest dont le poids est fonction de l'usage du bateau (élément caractéristique j)). Ainsi, l'ensemble des caractéristiques a) à j) définit une structure par essence monocoque (éléments caractéristiques c), i), j) et pour partie h)) adaptée pour avoir un comportement multicoque (éléments caractéristiques a), d) à g)). Force est donc de constater que l'ensemble des éléments caractéristiques revendiqués contribue bien à l'obtention de ce résultat d'ensemble.
2.3. Au surplus, l'intimée a allégué, en se référant notamment à la décision T 37/85 précitée que l'invention revendiquée consistait en une juxtaposition ou agrégation d'éléments ou de moyens n'exerçant pas entre eux de coopération en vue d'un effet commun. En effet, les éléments caractéristiques c), h), i) et j) seraient, selon l'intimée, simplement associés au groupement de caractéristiques a) et d) à g). Il ne s'agirait donc nullement d'une invention dite de combinaison dans laquelle les éléments associés coopèrent entre eux en vue d'obtenir un effet commun résultant de cette coopération.
Un tel raisonnement ne saurait être retenu dans son ensemble. En effet, conformément à la caractéristique c), la coque revendiquée est moulée d'une seule pièce et forme par suite un seul élément défini par sa configuration. Il s'agit donc d'un objet matériel simple, en un seul élément, et non pas d'un objet complexe, c'est-à-dire formé de plusieurs éléments séparés et par suite davantage susceptible de constituer une invention de juxtaposition.
Contrairement aux assertions de l'intimée, la caractéristique c) ne constitue pas uniquement une étape de procédé. En effet, le fait de réaliser d'une seule pièce un organe a pour effet de le distinguer structurellement des autres organes de la même espèce réalisés en deux ou plusieurs parties qui doivent être assemblées par des moyens appropriés.
La caractéristique j) ne constitue pas non plus un élément purement facultatif : en effet, le monocoque revendiqué possède une structure creuse, et c'est parce que les deux carènes latérales sont creuses qu'elles peuvent recevoir du lest.
2.4. La coque de bateau selon la revendication 1 est caractérisée par une petite coque centrale remontant à l'arrière au-dessus de la ligne de flottaison pour se terminer en support de safran disposé au milieu du canal unique, ce support étant intégré ou moulé d'une seule pièce avec la coque. Un tel agencement ne se retrouve dans aucun des documents opposés :
Le document D3 décrit un bateau monocoque classique pourvu d'une quille lestée dont la coque est réalisée d'une seule pièce par moulage de matière plastique. Ce bateau ne comporte ni canal unique situé à l'arrière, ni support de safran disposé au milieu dudit canal.
Le dispositif de coque décrit dans le document D2 comporte une quille traditionnelle située dans l'axe longitudinal et deux carènes latérales à l'arrière dégageant à l'avant deux canaux se rejoignant en un canal unique. Le canal unique est immergé ; il n'est pas disposé derrière la quille traditionnelle mais sous ladite quille. Le support de gouvernail consiste en une crosse dont une extrémité est fixée à l'arrière de la quille traditionnelle.
Il ne s'agit donc pas d'un canal unique disposé à l'arrière d'une petite carène centrale et au milieu duquel se trouve intégré le support de safran.
Le document D5 décrit une coque de bateau du type trimaran réalisée d'une seule pièce. Aucun support de safran n'est ménagé dans le canal unique disposé à l'arrière. Cette antériorité ne suggère donc aucunement un support de safran disposé au milieu du canal unique et venu de moulage avec la coque.
Le document D6 décrit un bateau à trois coques disposées séparément et reliées entre elles par une plate-forme commune, la coque centrale étant décalée vers l'avant. Ce document énonce de nombreuses possibilités d'agencement d'un ou de plusieurs gouvernails conventionnels qui peuvent être situés soit à l'arrière de la coque centrale, soit à l'arrière des deux coques latérales, soit aux trois coques en même temps. Comme autre alternative, cette antériorité propose de monter les gouvernails sur des supports appropriés "dans les intervalles entre la coque centrale et les coques latérales" (voir le paragraphe s'étendant entre les pages 1 et 2 de ce document).
Dans cette alternative, ce document prévoit plusieurs gouvernails et non pas un seul dont le support serait disposé à l'arrière du canal unique et au milieu de celui-ci. Rien ne suggère non plus d'intégrer le support de safran à la coque de bateau. Il y a lieu de noter à cet effet que l'homme du métier, même en combinant les nombreuses antériorités opposées, ne pouvait pas aboutir à l'invention revendiquée puisqu'aucune d'entre elles ne décrit ou ne suggère un support de safran réalisé d'une seule pièce avec la coque de bateau.
2.5. Force est donc de constater que l'objet de la revendication 1 telle que délivrée ne résulte pas à l'évidence de l'enseignement des documents opposés et présente donc l'activité inventive requise (article 56 CBE).
3. Cette conclusion s'étend également aux revendications 2 à 4 qui sont rattachées à la revendication 1 et qui ont pour objet un mode préféré de réalisation de la coque selon la revendication 1.
4. Etant donné qu'il est fait droit à la requête principale, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la question de savoir s'il convient de prendre en considération les requêtes subsidiaires 1 et 2 qui auraient été, selon l'intimée, versées au dossier tardivement.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision entreprise est annulée.
2. Le brevet est maintenu tel que délivré.