2.6. Modifications en vertu de la règle 137(3) CBE
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En vertu de l'art. 123(1) CBE, la demande de brevet européen ou le brevet européen peut être modifié dans les procédures devant l'OEB conformément au règlement d'exécution. La règle 137(3) CBE revêt à cet égard une importance particulière.
La règle 137(3) CBE dispose que toutes autres modifications sont subordonnées à l'autorisation de la division d'examen. Le demandeur ne peut donc apporter de modifications que si l'examinateur les autorise. L'octroi de ce pouvoir d'appréciation à la division d'examen vise à garantir qu'il soit mis fin à la procédure d'examen aussi rapidement que possible (voir Directives C‑IV, 3 ; H‑II, 2.3 – version de novembre 2018). Lorsqu'elle exerce son pouvoir d'appréciation, la division d'examen doit prendre en considération tous les éléments pertinents du cas d'espèce. Elle doit notamment mettre en balance l'intérêt du demandeur à obtenir un brevet juridiquement valable et celui de l'OEB à conclure la procédure d'examen de manière efficace (conformément aux principes énoncés dans la décision G 7/93). L'exercice du pouvoir d'appréciation conféré par la règle 137(3) CBE doit en outre être motivé.
Lorsqu'elle donne son autorisation ou refuse, la division d'examen doit exercer son pouvoir d'appréciation de manière raisonnable, conformément aux principes définis dans la décision G 7/93 (JO 1994, 775) qui, bien qu'énoncés à propos de modifications effectuées au stade préparatoire à la délivrance, sont valables de manière générale. La Grande Chambre a souligné que lorsque la division d'examen exerce le pouvoir d'appréciation que lui confère la règle 86(3) CBE 1973 (actuelle règle 137(3) CBE), elle doit prendre en considération tous les éléments pertinents du cas d'espèce. Elle doit notamment tenir compte de l'intérêt du demandeur à obtenir un brevet juridiquement valable dans tous les États désignés, ainsi que de l'intérêt de l'OEB à conclure la procédure d'examen en décidant la délivrance du brevet, et mettre en balance ces intérêts (T 1982/07). Une fois qu'une division d'examen a exercé ce pouvoir d'appréciation, une chambre de recours ne devrait statuer dans un sens différent que si elle parvient à la conclusion que la division d'examen n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation conformément aux principes applicables ou qu'elle l'a exercé de manière déraisonnable, outrepassant ainsi les limites de ce pouvoir (voir T 237/96 citant en particulier G 7/93, JO 1994, 775 et T 182/88, JO 1990, 287 ; voir aussi T 937/09, T 1214/09, T 918/14).
Dans l'affaire T 1074/10, la chambre a constaté que le critère relatif à la convergence (c.-à-d. si les versions respectives des jeux de revendications convergent ou divergent) a non seulement été accepté, mais est aussi appliqué par les chambres de recours (voir par ex. T 240/04, T 1685/07, T 1969/08). La règle 86(3) CBE 1973 – équivalente à la règle 137(3) CBE – ne donne aucune précision concernant la manière dont la division d'examen devrait exercer son pouvoir d'appréciation et en particulier, ne définit pas de critère de convergence ni de critère fondé sur une conformité à première vue avec les exigences de la CBE. La chambre a estimé que le fait qu'une requête "diverge" par rapport à des requêtes antérieures, en ce sens qu'elle a pour effet de modifier considérablement les éléments en jeu, pouvait être contraire à l'intérêt de l'OEB, qui est de mettre fin à la procédure. Souscrivant à la jurisprudence citée, la chambre a donc jugé que la divergence d'une requête est un facteur parmi d'autres que l'organe de décision peut prendre en considération lors de l'exercice de son pouvoir d'appréciation en vertu de la règle 86(3) CBE 1973. La décision de la division d'examen de ne pas admettre une requête n'était donc pas incorrecte au seul motif que ce critère était utilisé.
Dans l'affaire T 996/12, la chambre a affirmé qu'en général, la manière dont la division d'examen doit exercer son pouvoir d'appréciation, pour autoriser la modification d'une demande, dépend de chaque cas d'espèce, ainsi que du stade de la procédure préparatoire à la délivrance où se trouve la demande. La chambre a constaté que les Directives applicables n'étayent pas l'idée selon laquelle les jeux de revendications doivent être convergents pour que des modifications soient autorisées, ou à l'inverse, l'idée selon laquelle un jeu de revendications divergent n'est pas admissible. S'agissant de ce critère, la division d'examen s'était référée aux décisions T 1685/07 et T 745/03 des chambres de recours. En dehors du fait que ces décisions s'appliquent en particulier au cas où le titulaire d'un brevet présente plusieurs requêtes subsidiaires en plus d'une requête principale dans une procédure de recours sur opposition, la chambre a souligné que ce critère est justifié par l'efficacité de la procédure de recours, qui revêt un caractère judiciaire, à la différence du caractère purement administratif des procédures qui sont menées, par exemple, devant la division d'examen ou la division d'opposition. La chambre a estimé qu'à elle seule, cette distinction fondamentale rend douteuse l'application inconditionnelle de ce critère par la première instance de l'OEB.
Dans l'affaire T 573/12, la chambre a fait observer que, comme indiqué dans la décision G 7/93 (JO 1994, 775), la division d'examen doit prendre en considération tous les éléments pertinents du cas d'espèce lorsqu'elle détermine si une modification doit ou non être admise. Elle doit notamment tenir compte de l'intérêt du demandeur à obtenir un brevet, ainsi que de l'intérêt de l'OEB à conclure la procédure d'examen, et les mettre en balance. En l'occurrence, la première notification de la division d'examen était assez vague et évaluait l'invention dans des termes assez généraux, sans analyser les caractéristiques individuelles. La modification ultérieure du requérant ajoutait certaines caractéristiques aux revendications indépendantes. La chambre a jugé qu'il s'agissait d'une réaction de bonne foi. La première modification était en outre celle qui était subordonnée à l'autorisation de la division d'examen, et le procès-verbal montrait que la division d'examen pouvait discuter – et avait discuté – des caractéristiques ajoutées. Admettre la requête n'aurait pas impliqué un surcroît de travail injustifié. De plus, les Directives relatives à l'examen (partie C‑VI, 4.7 – version d'avril 2010) précisaient que "lorsque les modifications sont de moins grande portée, l'examinateur devrait se montrer compréhensif et tenter de concilier une attitude équitable à l'égard du demandeur et la nécessité d'éviter des retards inutiles ou un surcroît de travail injustifié pour l'OEB." Compte tenu des circonstances précitées, la chambre a estimé que la division d'examen n'avait pas correctement mis en balance tous les éléments pertinents, et elle n'a donc pas approuvé la conduite de la division.
Dans l'affaire T 937/09, la chambre a constaté que, conformément à la règle 137(3) CBE, la décision d'autoriser des modifications de la demande de brevet européen après l'envoi du premier avis au stade de la recherche relève du pouvoir d'appréciation de la division d'examen. La chambre a estimé que la division d'examen devait autoriser les modifications déposées par le demandeur en réponse à une notification motivée signalant pour la première fois la présence d'une irrégularité, dès lors que cette irrégularité aurait déjà pu être constatée dans la première notification et que les modifications apportées représentaient une tentative objectivement appropriée d'y remédier.
Dans l'affaire T 166/86 (JO 1987, 372), la chambre a estimé qu'aux termes de la règle 86(3) CBE 1973, toutes autres modifications ultérieures, y compris le dépôt d'un jeu distinct de revendications pour un État désigné, sont subordonnées à l'autorisation de la division d'examen (voir Renseignement juridique n° 4/80, JO 1980, 48). Il incombe à cette dernière de décider s'il y a lieu ou non d'autoriser les modifications demandées, après avoir dûment apprécié les circonstances particulières de l'espèce et compte tenu des intérêts respectifs de l'OEB et des demandeurs, l'OEB désirant notamment une conclusion rapide de la procédure, alors que le demandeur tient à obtenir un brevet valable dans tous les États contractants. La division d'examen ne pourra pas refuser une modification si des raisons valables ont empêché le demandeur de présenter à temps sa requête en modification, ou si la modification sollicitée est manifestement essentielle pour lui et que sa prise en compte n'entraîne pas de retard notable dans le déroulement de la procédure de délivrance.
Dans l'affaire T 229/93, la chambre a fait observer que dans les circonstances de l'espèce, la division d'examen aurait plutôt dû envisager de ne pas autoriser les modifications, en application de la règle 86(3) CBE 1973, car il est contraire à l'exigence d'économie de la procédure de produire de telles modifications après l'expiration du délai de réponse à la première notification de la division d'examen, et ce en déposant une description entièrement retapée (voir T 113/92).
Dans l'affaire T 951/97 (JO 1998, 440), la chambre a constaté qu'il est plus aisé d'obtenir une modification à un stade précoce que tardif de la procédure. Voir aussi T 76/89, T 529/94, T 937/07. Par exemple, dans l'affaire T 674/17, la chambre a décidé, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, de ne pas admettre la nouvelle requête principale dans la procédure, conformément aux règles 137(3) et 100(1) CBE, au motif que la nouvelle requête principale (présentée pour la première fois après que la chambre eut envoyé une notification au titre de l'art. 15(1) RPCR 2007) revenait à soumettre une affaire nouvelle.
Dans l'affaire T 2324/14, la division d'examen avait conclu que la requête subsidiaire ne levait pas "de prime abord les objections au titre de l'art. 84 CBE et de l'art. 83 CBE", et elle n'a donc pas donné son autorisation, telle que prévue à la règle 137(3) CBE, à la requête subsidiaire. La chambre a observé que la CBE ne définit pas ce que cela signifie pour une division d'examen de donner ou de refuser son autorisation à une modification en vertu de la règle 137(3) CBE. Les chambres de recours avaient toutefois admis que la division d'examen pouvait se fonder sur des considérations de prime abord pour décider de ne pas autoriser une modification et qu'elle pouvait refuser une modification présentant des insuffisances de prime abord. Cependant, la division d'examen n'avait pas limité son examen de la requête subsidiaire à des considérations de prime abord. De fait, la division d'examen avait considéré la requête subsidiaire dans son intégralité, car elle avait été en mesure de motiver suffisamment sa conclusion selon laquelle un brevet ne pouvait pas être délivré sur la base de ladite requête. La chambre a dès lors estimé que comme la division d'examen avait considéré la requête subsidiaire dans son intégralité, elle n'avait plus aucun pouvoir d'appréciation pour ne pas l'admettre. Dans l'affaire T 2026/15, la chambre a confirmé les conclusions de la décision T 2324/14 et ajouté que la division d'examen avait implicitement admis la requête subsidiaire et, partant, donné son autorisation au titre de la règle 137(3) CBE.
Dans l'affaire T 1105/96 (JO 1998, 249), la chambre a relevé que lorsque la division d'examen avait annoncé qu'elle pourrait faire droit à une nouvelle requête contenant un texte modifié de la revendication principale de la demande, il était difficile d'imaginer des circonstances dans lesquelles la division d'examen puisse à bon droit, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, déclarer une telle requête irrecevable. Dans ces conditions, le fait d'avoir décidé à l'avance de rejeter une nouvelle requête subsidiaire, si le demandeur ne retirait pas toutes ses requêtes précédentes, devait incontestablement être considéré comme un exercice abusif du pouvoir d'appréciation dont dispose la division d'examen en vertu de la règle 86(3) CBE 1973, et donc comme un vice substantiel de procédure.