Pourquoi les brevets existent-ils ?
L'innovation prend diverses formes, et les brevets ne sont qu'un des nombreux outils servant à encourager cette innovation. Pour mieux comprendre pourquoi les brevets existent, examinons ces autres possibilités.
L'organisation de concours a donné lieu à certaines des plus grandes inventions de l’histoire, et a toujours stimulé l'innovation. Par exemple, la première montre à ressort est le résultat d'un prix offert il y a 300 ans par l'Amirauté britannique, qui cherchait des moyens fiables d'avoir l'heure sur ses navires. De même, de grosses sommes d'argent récompensaient les pionniers de l'aviation pour les inciter à poursuivre le rêve du vol motorisé, et dans le sport automobile, les prix organisés continuent de faire avancer des technologies qui se retrouvent finalement dans les voitures ordinaires. Parfois, ces incitations atteignent leur but, et parfois elles échouent. Une invention "gagnante" peut parfois répondre aux critères d'un concours, mais ne pas être un succès commercial.
Par ailleurs, les gouvernements accordent souvent aux chercheurs et aux ingénieurs des subventions, des prêts ou des abattements fiscaux sur les investissements en recherche et développement. Si ces mécanismes encouragent l'activité inventive, ils ne garantissent pas que le résultat final sera commercialement viable.
Les entreprises peuvent au contraire innover uniquement pour leur propre profit et dans le but de disposer d'un avantage concurrentiel sur leurs compétiteurs. Leurs concurrents ne voudront copier une innovation que si elle leur permet de gagner des parts de marché. Cela pose toutefois un autre problème : si une nouvelle technologie est coûteuse à développer, mais facile à copier et difficile à protéger, il n'y a aucune incitation à innover. À l'inverse, si de faibles barrières à la copie n'empêchent pas les entreprises d'essayer de nouvelles choses (ce que l'on appelle "l'avantage pionnier"), les décideurs ne voient pas la nécessité d'intervenir sur le marché en ajoutant des brevets. Cela explique pourquoi ils excluent les procédés purement commerciaux de la protection par brevet.
Certaines entreprises utilisent le secret industriel pour protéger leur technologie unique. Si la technologie concerne un procédé plutôt qu'un produit, elles peuvent garder ce secret pendant des années. Il y a plusieurs siècles de cela, le secret était le seul moyen de bénéficier d'un avantage concurrentiel pour les nouvelles inventions. Les guildes d'artisans médiévaux gardaient jalousement leurs techniques de fabrication, leurs recettes et leurs sources de matières premières rares ; tout membre révélant ces secrets risquait d'être expulsé de la guilde. Le problème était que l'émigration ou le décès d'un artisan pouvait entraîner la perte de connaissances irremplaçables !
Pour y remédier, le Sénat de Venise a demandé à ses verriers qualifiés de partager leurs connaissances en formant des apprentis, plutôt que d'emporter leurs secrets à l'étranger ou dans la tombe. Les verriers étaient naturellement réticents, car ils craignaient la concurrence de la jeune génération. Le Sénat a donc décidé de leur offrir une protection contre la concurrence pour une durée limitée en échange du partage de leurs connaissances.
Cet événement marque la naissance du système des brevets tel que nous le connaissons aujourd'hui. Les inventeurs publiaient leurs secrets techniques en échange d'un droit exclusif de courte durée sur leur nouvelle technologie.
En résumé, le système des brevets encourage l'innovation de trois manières qu'aucun autre outil ne peut égaler. Il favorise :
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le partage des connaissances : notre base de données brevets publique, Espacenet, contient plus de 150 millions de documents brevets provenant de plus de 100 pays. Toutes ces informations sont gratuites et peuvent servir de tremplin à de nouvelles inventions. La base de données ne contient pas seulement les brevets délivrés, mais aussi toutes les demandes de brevet. En d'autres termes, elle donne accès à toutes les idées pour lesquelles un brevet a été demandé, qu'il ait été obtenu ou non.
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les investissements en R&D : l'engagement de l'État à défendre les droits des inventeurs (en fournissant des tribunaux et un cadre juridique) donne aux innovateurs la confiance nécessaire pour financer la recherche et le développement. Les innovateurs peuvent ainsi attirer des investissements, obtenir des revenus en concédant des licences et s'assurer des parts de marché.
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les avancées techniques qui comptent vraiment : l'obligation de payer des taxes annuelles de maintien en vigueur – de plus en plus coûteuses d'année en année – signifie que les brevets ne sont maintenus que sur les technologies qui sont appréciées par le marché et qui génèrent encore des revenus. Les brevets portant sur des technologies redondantes s'éteignent, et la technologie devient libre d'utilisation pour tous. Rares sont les brevets maintenus en vigueur jusqu'à leur 20e et dernière année. Et puisque les brevets finissent par expirer et ne peuvent pas être maintenus en vigueur éternellement, leur inventeur ne peut pas non plus se reposer sur ses acquis et doit continuer à innover.
Les taxes de maintien en vigueur jouent un rôle supplémentaire dans le système des brevets : les revenus compensent les coûts initiaux. L'Office européen des brevets ne répercute pas l'intégralité du coût de la recherche et de l'examen des brevets sur les demandeurs par le biais de ses taxes, afin qu'au départ, le coût des inventions ne soit pas trop élevé. Ce sont les revenus générés par les taxes de maintien en vigueur qui couvrent ce déficit, paient l'intégralité des coûts de personnel et des frais généraux de l'OEB, et subventionnent effectivement le système de demande de brevet pour chacun. En d'autres termes, ceux qui profitent déjà le plus du système des brevets couvrent en partie les coûts des brevets pour la prochaine génération d'inventions.