T 0867/96 (Agent d'hygiène en hémodialyse) 21-06-2000
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Agent d'hygiène en hémodialyse
Solvay Interox Ltd.
Intervenante :
CAIR LGL
Nouveau motif d'opposition invoqué dans la procédure de recours : pas de compétence pour l'examiner sans le consentement du titulaire
Activité inventive (non) - alternative-solution évidente
Exposé des faits et conclusions
I. La requérante I (opposante) a fait opposition à la délivrance du brevet européen n 0 370 850 (demande n 89 403 013.9), demandant la révocation du brevet dans sa totalité pour absence de nouveauté et d'activité inventive (articles 100(a), 54 et 56 CBE). La revendication 1 telle que délivrée s'énonçait comme suit :
"Agent d'hygiène en hémodialyse à base d'acide peracétique, caractérisé en ce qu'il est constitué par une solution aqueuse contenant du peroxyde d'hydrogène à une concentration pondérale de 6 à 8%, de l'acide peracétique à une concentration pondérale de 0,3 à 1% et de l'acide acétique à une concentration pondérale de 2 à 10%."
II. Pour en contester la brevetabilité, la requérante I a cité, entre autres, les documents suivants :
(1) WO 88/08 667
(2) J. Fischbach, "Renalin: Qualification As a Dialyzer Sterilant", AAMI Technol. Anal. Rev., 1985, pages 15-19
(3) F. Greenspan et al., "Peracetic Acid Aerosols", 42nd Annual Meeting Chemical Specialties Manuf. Ass., 1995, pages 59-64
(4) Sprößig et al. "Desinfektion von Hämodialyseanlagen mit Peressigsäure" Dtsch. Ges.wesen 27, 1972, pages 1085-1089.
L'intimée (titulaire) a fait référence, entre autres, aux documents suivants :
(5) RenalinR, Dialyser Reprocessing Concentrate, Instructions for Use and Technical Notes, 1987 (6) SEPPIC, DialoxR, Guide de l'Utilisateur, 1994.
III. Dans sa décision intermédiaire signifiée par voie postale le 5 juillet 1996, la Division d'opposition a estimé que rien ne s'opposait au maintien du brevet sous forme modifiée, sur la base d'un jeu de revendications principal (article 106(3) CBE).
Selon les termes de cette décision, la requérante n'a pas contesté la nouveauté de ce jeu de revendications.
En ce qui concerne l'activité inventive, la Division d'opposition a considéré que le problème à résoudre consistait à mettre au point un agent d'hygiène en hémodialyse qui soit simultanément un bon désinfectant et un bon détartrant, tout en étant notamment stable, prêt à l'emploi, sans danger pour les patients et non agressif vis-à-vis des éléments de la chaîne de dialyse. Elle a conclu que ni le document (1), ni le document (2) ne suggéraient à l'homme du métier les compositions revendiquées dans le brevet attaqué. Les avantages de ces compositions n'étaient pas évidents non plus au vu des documents cités par la requérante au cours de la procédure d'opposition.
IV. Le 4 septembre 1996, la requérante I a formé un recours contre la décision de la Division d'opposition et acquitté simultanément la taxe correspondante.
V. Par la suite, le 5 septembre 1996 au cours de la procédure de recours, deux tierces sociétés ont produit conjointement une déclaration d'intervention conformément à l'article 105 CBE ; elles ont en même temps formé un recours et acquitté une seule taxe d'opposition et une seule taxe de recours.
Dans une notification de la Chambre de recours, l'attention des parties a été attirée sur le fait qu'une question soumise à la Grande Chambre de recours dans l'affaire en instance G 3/99, à savoir si, dans le cas d'une opposition formée conjointement par deux personnes ou plus, une ou plusieurs taxes d'opposition devaient être acquittées, était également pertinente dans le cas du présent recours. Par ailleurs, les intervenantes ont été informées de l'avis provisoire de la Chambre, selon lequel il n'y avait pas lieu de traiter différemment "intervenants" et "opposants" dans le cadre de cette question mais qu'une décision éventuelle de la Grande Chambre de recours imposant l'acquittement de plusieurs taxes d'opposition perdrait toutefois sa pertinence pour la présente affaire, si l'intervention de la deuxième société était retirée.
A l'ouverture de la procédure orale, tenue le 21. juin 2000, le représentant commun des tierces sociétés a retiré l'action de la deuxième société.
La première société est donc la seule intervenante restante (requérante II).
VI. A l'issue du débat pendant la procédure orale portant sur l'admissibilité des requêtes déposées le 18. mars 1997, au regard de l'article 123 CBE, l'intimée a renoncé à ses requêtes antérieures et transformé sa deuxième requête auxiliaire en requête unique. Le libellé de la revendication 1, modifiée selon cette requête unique, est le suivant :
"Agent d'hygiène en hémodialyse à base d'acide peracétique, caractérisé en ce qu'il est constitué par une solution aqueuse contenant du peroxyde d'hydrogène à une concentration pondérale de 6 à 8%, de l'acide peracétique à une concentration pondérale de 0,3 à 0,4% et de l'acide acétique à une concentration pondérale de 3,5 à 4,5%."
Les revendications indépendantes 3 (application) et 9 (procédé) correspondent, quant à elles, aux revendications indépendantes 4 et 10 du jeu principal du brevet tel que maintenu par la Division d'opposition, leur portée ayant été adaptée à celle de la revendication 1 actuelle.
VII. Au cours de la procédure de recours, la requérante I a objecté pour la première fois que les revendications 1 à 12. telles qu'acceptées par la Division d'opposition n'étaient pas en accord avec les dispositions de l'article 83 CBE. Cette objection ne découle pas des modifications apportées aux revendications du brevet au cours de la procédure d'opposition et ce motif n'a jamais été invoqué auparavant.
Selon la Grande Chambre de recours au point 18 de l'avis G 10/91 (JO OEB 1993, 420), il n'est permis ni à l'opposant, ni à la Chambre de recours agissant d'office, d'introduire dans la procédure un nouveau motif d'opposition sans le consentement du titulaire du brevet.
Par conséquent, l'intimée n'ayant pas donné son accord à l'introduction de ce nouveau motif, celui-ci ne peut pas être pris en considération au stade de la procédure de recours.
VIII. Dans leur mémoire de recours et au cours de la procédure orale les requérantes ont développé essentiellement les arguments suivants :
Des solutions aqueuses contenant du peroxyde d'hydrogène, de l'acide peracétique et de l'acide acétique pour la désinfection, notamment dans les domaines médical, paramédical et de l'hygiène, étaient connues bien avant la date de priorité. Vu l'état de la technique cité, le problème que se proposait de résoudre l'invention revendiquée ne pouvait être vu que dans la mise à disposition d'une solution désinfectante d'acide peracétique, adaptée notamment à l'hémodialyse.
Cependant, selon les requérantes, il n'existerait pas, en termes de désinfection ou décontamination biologique, de problèmes spécifiques liés à l'hémodialyse. Aussi, les agents de désinfection et de détartrage de matériel médico-chirurgical ou d'équipements alimentaires devaient déjà satisfaire aux conditions énumérées dans le brevet attaqué.
D'ailleurs, la description du brevet attaqué n'établissait aucune relation univoque de causalité entre un moyen particulier des compositions revendiquées, et un avantage ou bénéfice quelconque auquel l'intimée se réfère. De surcroît, les résultats d'essais comparatifs montraient, que les compositions revendiquées ne présentaient pas l'avantage d'être plus stables que les solutions désinfectantes comparables de l'état de la technique, par exemple des documents (1) ou (2).
En outre, les valeurs de concentration pondérale retenues pour chacun des composants de la solution revendiquée ne constituaient pour l'homme du métier que des variantes évidentes de l'état de la technique, sans aucun effet technique particulier.
IX. Les arguments présentés par l'intimée dans ses observations soumises par écrit et au cours de la procédure orale peuvent être résumés comme suit :
L'agent d'hygiène en hémodialyse selon la revendication 1. combinait de très nombreux avantages non rencontrés avec les agents d'hygiène en hémodialyse préalablement connus. Plus particulièrement, un des mérites de l'invention était la mise au point d'un agent qui soit simultanément un bon désinfectant et un bon détartrant. La solution aqueuse revendiquée permettait de remplir ces deux fonctions efficacement, tout en étant stable, prête à l'emploi, sans danger pour les patients et les utilisateurs qui le mettaient en oeuvre, et non agressif vis-à-vis des éléments de la chaîne de dialyse.
Le document (2) décrivait une composition utile pour l'hémodialyse, comprenant 4,5% d'acide peracétique et 28% de peroxyde d'hydrogène. Ce type de composition connu était commenté dans la demande de brevet telle que déposée. Contrairement à l'agent revendiqué, les compositions selon le document (2) étaient irritantes pour la peau et les muqueuses et présentaient donc des risques pour le personnel soignant. Par ailleurs, ces compositions étaient nettement moins stables que celles revendiquées.
Même si le produit divulgué dans le document (2) était assez stable sous forme concentrée, il devrait être introduit dans l'appareil d'hémodialyse après avoir été préalablement dilué environ au cinquième. Ainsi, il était clair qu'il ne s'agissait pas d'un agent d'hygiène en hémodialyse prêt à l'emploi. Une fois dilué, ledit produit présentait une instabilité importante de l'acide peracétique.
Le document (1) décrivait des compositions microbicides contenant du peroxyde d'hydrogène, de l'acide acétique et de l'acide peracétique. Ces compositions avaient été mises au point pour être transportables. Elles se caractérisaient par leur stabilité. Ces solutions aqueuses renfermaient de 0,2 à 8%, de préférence moins de 2% en poids de peroxyde d'hydrogène et de 0,2 à 11%, de préférence moins de 6% en poids d'acide total. Cependant, à la lecture de (1), il était clair que le résultat recherché quant à la stabilité des ces solutions était obtenu, contrairement à l'agent d'hygiène en hémodialyse revendiqué, avec des compositions pour lesquelles le rapport acide total/peroxyde d'hydrogène était très supérieur à 1, la concentration en peroxyde d'hydrogène étant inférieure ou égale à 2% en poids.
A la date de priorité du brevet en cause, aucune des solutions utilisées pour désinfecter le matériel de dialyse n'était prête à l'emploi. Il découlait des considérations précédentes que l'homme du métier n'aurait pas réalisé l'objet de la revendication 1, car au vu de l'enseignement des documents (1) ou (2), il ne pouvait s'attendre qu'à un échec dans la tentative de résolution de son problème technique qui, entre autres, était d'obtenir des solutions prêtes à l'emploi et en même temps stables.
X. Les requérantes demandent l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
L'intimée demande le maintien du brevet modifié sur la base de la requête unique ("deuxième jeu subsidiaire" déposé le 18 mars 1997).
Motifs de la décision
1. Le recours formé par la requérante I est recevable.
2. L'intervention produite par la requérante II répond aux exigences de forme énoncées à l'article 105 CBE ; elle est donc également recevable. L'absence de contestation fait qu'il est inutile de s'étendre en détail sur ce sujet.
3. Au cours de la procédure de recours la revendication principale a été limitée par les pourcentages pondéraux en peroxyde d'hydrogène, en acide peracétique et en acide acétique considérés comme avantageux dans la demande telle que déposée (page 4, lignes 8 à 9). La revendication 2 a été limitée également par les pourcentages pondéraux divulgués comme très avantageux (page 4, lignes 10 à 11). Les revendications 3 à 11 se réfèrent toutes, directement ou indirectement, à la revendication 1 et, par conséquent, comportent les mêmes restrictions que la revendication principale.
Les revendications modifiées sont donc toutes recevables ; elles se fondent sur la demande telle que déposée et elles satisfont, à cet égard, aux conditions énoncées aux articles 84 et 123(2) CBE quant à la forme.
En outre, les modifications apportées aux revendications aboutissent à une caractérisation plus précise des objets revendiqués et, par conséquent, à une restriction de la protection. Les revendications modifiées sont donc également recevables au titre de l'article 123(3) CBE.
4. Au cours de la procédure orale, les parties ont convenu que le document (2) représentait l'état de la technique le plus proche de l'objet du brevet attaqué. Ce document concerne un produit d'hygiène en hémodialyse bien connu de l'homme du métier sous le nom commercial RenalinR. Il s'agit d'un produit à base d'acide peracétique, concentré. Le produit RenalinR tel que décrit dans le document (2) est constitué par une solution aqueuse contenant du peroxyde d'hydrogène à une concentration pondérale de 28% et de l'acide peracétique à une concentration pondérale de 4,5%. La teneur en acide acétique n'est pas spécifiée explicitement dans le document (2).
En fait, il est bien connu de l'homme du métier que de telles solutions aqueuses binaires (H2O2, acide peracétique) conduisent inéluctablement en pratique à des solutions ternaires (H2O2, acide peracétique, acide acétique), compte tenu d'une part de l'instabilité du radical peroxyde, et, d'autre part, de l'équilibre chimique suivant et de sa cinétique (voir à titre d'exemple, document (3), page 60, colonne de droite) :
acide acétique + H2O2.....acide peracétique + H2O
..................K = 2.09 à 20 C.................
Sur la base de la constante d'équilibre mentionnée ci-dessus, la teneur en acide acétique calculée par le requérante I est d'environ 7% (exactement 6.94%). Ce calcul est conforme à l'information présentée par l'intimée dans sa lettre en date du 22 décembre 1995, selon laquelle le produit RenalinR renferme 28% de peroxyde d'hydrogène, 4,5% d'acide peracétique et donc environ 6 à 7% d'acide acétique.
5. Bien que le produit RenalinR ait fait la preuve de son efficacité bactéricide, fongicide, sporicide et virucide dans des essais de désinfection et stérilisation des générateurs de dialyse (voir (2) : tableaux 1 à 3 ; page 16, colonne de droite au premier paragraphe de la page 18, colonne de gauche), de ses propriétés détartrantes et de sa stabilité sous forme concentrée pendant au moins une année (voir (5): début de la page 17), l'intimée a néanmoins expliqué qu'il présentait le désavantage de ne pas être un agent d'hygiène prêt à l'emploi.
En effet, ce produit doit être dilué manuellement (hors appareil), préférablement cinq fois (voir (5) : page 4, points 2 et 3), avant son utilisation dans le dialyseur et, une fois dilué, il doit être utilisé assez rapidement car, sous forme diluée, il n'est alors pas très stable. Dans le rapport technique (5), concernant le produit RenalinR, il est conseillé de le diluer avec de l'eau pure et de l'employer dans un délai de sept jours à compter de la date de sa dilution (voir (5) : page 1, dernier paragraphe encadré).
6. Par rapport à cet état de la technique considéré comme le plus proche, le problème que se propose de résoudre le brevet attaqué est de mettre à disposition un agent d'hygiène en hémodialyse qui possède des propriétés désinfectantes, stérilisantes et détartrantes au moins aussi bonnes que le produit RenalinR tout en étant prêt à l'emploi et, sous cette forme (prête à l'emploi), plus stable.
D'après les compositions telles que définies dans la revendication 1, le brevet attaqué propose de résoudre ce problème en mettant au point des solutions aqueuses renfermant 6 à 8% d'H2O2, 0.3 à 04% d'acide peracétique et 3,5 à 4,5% d'acide acétique.
7. Etant donné que ni le document (2), ni aucun autre document cité au cours de la procédure ne divulguent de composition dont les concentrations en peroxyde d'hydrogène, acide peracétique et acide acétique tombent dans les plages revendiquées dans la revendication 1, l'objet des revendications est nouveau (art. 54 CBE). Ceci n'ayant pas été contesté, il est inutile de s'étendre davantage sur la nouveauté des compositions selon le brevet attaqué.
8. Il reste donc à examiner si l'exigence d'activité inventive est remplie :
Il ne fait aucun doute que les solutions de l'invention soient prêtes à l'emploi. Bien que, selon le brevet attaqué (voir page 4, lignes 42-48 ; revendication 9), la possibilité de mettre en oeuvre en hémodialyse l'agent d'hygiène revendiqué à une dilution comprise entre 1/10ème et 1/35ème n'ait pas été exclue, des solutions plus concentrées introduites dans le dialyseur sont automatiquement diluées au sein des générateurs de la chaîne de dialyse et aucune dilution (pré-dilution) manuelle hors appareil n'est nécessaire.
Par ailleurs, l'effet désinfectant, stérilisant et détartrant des solutions d'hygiène en hémodialyse telles que revendiquées n'a pas été mis en cause.
9. Par contre, la requérante I a mis en doute, compte tenu de son compte-rendu d'expériences inclus dans le mémoire de recours, la "stabilité extraordinaire" des solutions de l'invention dans l'ensemble du domaine couvert par les revendications.
Selon le brevet attaqué, il est affirmé que des solutions aqueuses renfermant 6 à 8% de peroxyde d'hydrogène, 0,3 à 0,4% de l'acide peracétique et 3.5 à 4.5% de l'acide acétique (voir revendication 1) et également des solutions aqueuses renfermant 7% de peroxyde d'hydrogène, 0,35% d'acide peracétique et 3.5 à 4% d'acide acétique (voir revendication 2) se conservent à la température ambiante dans leur emballage d'origine et sont stables pendant au moins une année (voir page 3, lignes 26 à 33). C'est ce que confirme l'information donnée dans le document (6), selon lequel un agent d'hygiène, selon l'invention, bien connu de l'homme du métier sous le nom commercial DialoxR "se conserve sous abri à température ambiante pendant deux ans dans son emballage d'origine scellé" (voir (6) : début de la page 10).
Au cours de la procédure orale, l'intimée a rappelé
- qu'il ne ressortait du compte-rendu d'expériences soumis par la requérante I aucune information sur la qualité et la pureté des produits chimiques utilisés dans les essais (voir la lettre de la requérante I en date du 5 novembre 1996, page 1, dernier alinéa : "l'acide peracétique utilisée était telle qu'accessible sur le marché") ;
- et que, au contraire de l'eau bi-osmosée utilisée pour la préparation et la dilution de l'agent d'hygiène en hémodialyse revendiqué, l'eau utilisée par la requérante dans ses essais était simplement déminéralisée (voir la lettre de la requérante I en date du 5 novembre 1996, page 2, ligne 2).
L'intimée a fait valoir, à ce propos, que des traces minimales d'impuretés, surtout des traces d'ions métalliques dissous, catalysent et accélèrent la décomposition des compositions revendiquées. Il n'y aurait pas, selon elle, à chercher d'autres raisons à la relative instabilité des compositions soumises au test de stabilité par la requérante I.
Compte tenu de ce qui précède, les affirmations avancées par chacune des parties en ce qui concerne la stabilité des compositions revendiquées apparaissent contradictoires. A ce sujet, il y a lieu de formuler les observations suivantes :
- contrairement au compte-rendu d'expériences soumis par la requérante I, la durée de la stabilité des compositions dans leur emballage d'origine scellé est indiquée dans le brevet ;
- il n'a pas été contesté qu'il est bien connu de l'homme du métier que la stabilité dépend, à un degré important, de la pureté des produits chimiques et de l'eau utilisée et notamment de la présence ou de l'absence de traces d'ions métalliques qui catalysent la décomposition ;
- il doit, de plus être admis, comme faisant partie des connaissances générales de l'homme du métier, que la durée de stabilité des compositions revendiquées ne dépend pas seulement de la constante d'équilibre mentionnée ci-dessus, mais qu'elle dépend aussi à un degré très important, de la cinétique réactionnelle prévalant dans la présente réaction d'équilibre (décomposition) ;
- en conséquence, les compositions revendiquées peuvent être assez stables en l'absence d'agents catalytiques, même en dehors de l'état d'équilibre.
Aussi la Chambre est-elle d'avis que, pour les motifs susmentionnés, les expériences menées par la requérante I ne suffisent pas à mettre en cause la solution du problème, également en ce qui concerne la stabilité des compositions revendiquées. Il faut en conclure que la requérante, qui est l'opposante, n'a pas été en mesure de contester valablement la solution revendiquée. Il y a donc lieu de penser que la stabilité des solutions revendiquées reste compatible avec leur utilisation dans le contexte de l'invention et que le problème peut-être considéré comme résolu dans la totalité du domaine revendiqué.
10. L'utilisation de solutions aqueuses contenant du peroxyde d'hydrogène, de l'acide peracétique et de l'acide acétique (selon l'équilibre mentionnée ci-dessus) en matière de désinfection, stérilisation et détartrage d'appareils d'hémodialyse est déjà connue depuis 1984 (voir (2) : page 15, colonne de gauche, "History", lignes 4-6). Il n'a pas été contesté qu'il soit bien connu de l'homme du métier que, dans de telles solutions, l'acide peracétique constitue le principal agent actif de désinfection, par la conjonction de l'oxygène actif qu'il contient et de son activité acide (voir, à titre d'exemple (2) : page 15, colonne de gauche, "History", lignes 1-3).
Outre le document (2), décrivant le produit RenalinR, bien d'autres publications antérieures à la date de priorité citées par les requérantes constatent l'utilité de telles solutions pour désinfecter le matériel de dialyse. D'ailleurs les valeurs de concentration pondérale retenues pour chacun des trois composants de l'agent d'hygiène en hémodialyse revendiqué sont très proches de celles selon certains documents de l'art antérieur.
A titre d'exemple, le produit RenalinR, sous forme "prêt à l'emploi" (dilué au cinquième), est constitué par une solution aqueuse renfermant 5,6% d'H2O2, 0.9% d'acide peracétique et 1,7% d'acide acétique. En outre, d'après l'enseignement du document (4) une solution aqueuse contenant de l'acide peracétique à une concentration faible de 0,2%, c'est-à-dire une concentration d'acide peracétique comparable à celle utilisée dans les solutions revendiquées, permet une désinfection et une stérilisation complètes d'appareils d'hémodialyse (voir page 1086, colonne de droite, ligne 4).
Etant donné que les compositions selon le brevet attaqué sont très proches de celles de l'état de la technique mentionné ci-dessus, l'homme du métier pouvait s'attendre à ce qu'elles conservent des propriétés désinfectantes, stérilisantes et détartrantes aussi bonnes que celles des produits de l'art antérieur, par exemple le RenalinR. En l'absence de preuve que le léger changement de valeur des concentrations pondérales en H2O2, en acide peracétique et en acide acétique par rapport à l'état de la technique le plus proche soit associé de façon inattendue à une amélioration significative des propriétés mentionnées ci-dessus, la présomption prévaut que l'agent d'hygiène en hémodialyse selon la revendication 1 représente des effets prévisibles et, par conséquent, constitue une alternative évidente par rapport à l'état de la technique, en ce qui concerne son efficacité bactéricide, fongicide, sporicide et virucide.
11. Vis-à-vis du produit RenalinR, la requérante se réfère surtout à l'avantage selon lequel les solutions revendiquées sont prêtes à l'emploi et qu'aucune dilution (pré-dilution) manuelle n'est nécessaire avant leur introduction dans les appareils d'hémodialyse à traiter.
L'homme du métier, qui, face au problème consistant à mettre au point des solutions prêtes à l'emploi, aurait proposé le remplacement d'une solution aqueuse plus concentrée telle que le RenalinR, par une solution aqueuse beaucoup plus diluée telle que revendiquée, aurait néanmoins eu conscience de ce que ce remplacement avait pour conséquence une augmentation de volume d'un facteur cinq, au minimum, ce qui entraînait des inconvénients importants, à titre d'exemple, au niveau de la manipulation, des coûts d'expédition et du stockage.
Ainsi, la Chambre rejoint les requérantes pour dire que, pour tout homme du métier qui serait prêt à accepter ces inconvénients, la solution proposée dans le brevet attaqué, notamment la fabrication de solutions aqueuses plus diluées que celles de l'état de la technique le plus proche, s'imposait.
12. Comme déjà expliqué, l'homme du métier, face au problème consistant à améliorer la stabilité à long terme de telles solutions aqueuses fortement diluées, savait fort bien grâce à sa connaissance des compositions désinfectantes à base d'acide peracétique de l'art antérieur et grâce à ses connaissances générales, que la stabilité dépend d'une part, à un degré important, de la pureté des produits chimiques et de l'eau utilisée pour la dilution et notamment de l'absence totale de traces d'ions métalliques qui catalysent la décomposition et, d'autre part, de l'équilibre chimique entre les composants des solutions revendiquées.
Il devait donc apparaître à l'homme du métier que l'on pouvait résoudre le problème posé en utilisant des produits de grande pureté chimique et de l'eau bi-osmosée pour la fabrication des solutions revendiquées.
En outre, il était déjà connu de l'homme du métier que, lorsque l'on prépare une solution à base d'acide peracétique dont les concentrations des constituants sont régies par un équilibre chimique, ces dernières vont évoluer pour atteindre cet équilibre. Il était donc également évident de choisir des valeurs de concentration molaire des trois composants de la solution revendiquée proches de l'état d'équilibre chimique, ce qui réduit cette évolution et, par conséquent, améliore la stabilité chimique de telles solutions.
13. La Chambre estime donc que la solution au problème énoncé, fournie dans la revendication 1, découle de manière évidente de l'état de la technique et des connaissances techniques générales de l'homme du métier et qu'elle ne saurait donc être considérée comme impliquant une activité inventive (art. 56 CBE).
Puisque la revendication 1 n'est pas brevetable et qu'un jeu de revendications ne peut être considéré que dans son ensemble, il est inutile d'examiner la brevetabilité des autres revendications. En l'absence d'autres requêtes, le brevet doit donc être révoqué dans sa totalité.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.