D 0008/82 (Manquement aux règles de conduite professionnell) 24-02-1983
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1. Dans la procédure disciplinaire, le mandataire agréé concerné, a, outre l'obligation de fournir des informations prévue à l'article 18 RDM, une obligation générale d'apporter son concours à l'instance disciplinaire, car la procédure a également pour but de la disculper, c'est-à-dire de préserver ou de lui rendre sa dignité professionnelle au sens de l'article 1er, paragraphe 1 RDM.
2. La commission de discipline est en droit de transmettre une affaire au conseil de discipline quand l'intéressé ne satisfait pas à son obligation de coopération, et par là retarde ou complique la procédure. C'est au conseil de discipline qu'il incombe d'apprécier si la condition de l'intéressé témoigne vis-à-vis de la commission de discipline d'un manque de respect qui mérite d'être sanctionné.
3. L'obligation de dire la vérité, visée à l'article 1er, paragraphe 1, deuxième phrase RDM, s'applique non seulement à l'exercice de la profession, mais également aux déclarations faites dans le cadre d'une procédure disciplinaire.
Manquement aux règles de conduite professionnelle
Publicité illicite
Obligation de fournir des informations
Obligation de dire la vérité
I. En 1981, une revue spécialisée en matière de brevets a publié une annonce recommandant un mandataire agréé près l'OEB (le requérant, en l'occurrence), lequel proposait ses services pour l'obtention de brevets européens.
La commission de discipline de l'Institut des mandataires agréés près l'OEB en fut informée (cf. à ce sujet le "règlement en matière de discipline des mandataires agréés" (RDM), JO de l'OEB n° 2/1978 p. 91 s.). Se référant à l'article 8, paragraphe 1 des "règlements de procédure additionnels" des instances disciplinaires (JO de l'OEB n° 7/1980 p. 177s., dénommés respectivement RAD 1 pour la commission de discipline et RAD 3 pour la Chambre de recours statuant en matière disciplinaire), et rappelant l'ensemble des dispositions en la matière, y compris le "code de conduite professionnelle" (JO de l'OEB, n° 7/1980, p. 213 s,), la commission de discipline a invité le requérant à présenter sa défense par écrit. Après l'expiration du délai, le requérant a répondu par télex en citant une déclaration faite à propos de cette même annonce publicitaire au cours d'une procédure devant des instances disciplinaires de son pays. La citation en question comporte le passage suivant: "... je puis vous dire que j'ignore le nom de la personne qui a fait paraître l'annonce dont vous parlez". Par ailleurs, le requérant se borne à affirmer dans ce télex qu'un autre conseil en brevets a eu un comportement semblable.
Ayant jugé que ce télex ne comportait pas de prise de position, le rapporteur de la commission de discipline a écrit et téléphoné au requérant pour l'inviter à faire connaître sa position. Le requérant a présenté ses excuses par télex en prétextant "avoir été très pris par d'autres affaires" et a déclaré qu'il ne répondrait qu'après avoir reçu copie de l'accusé de réception de la première lettre qui lui avait été envoyée. Cette copie lui a été adressée avec un rappel des dispositions de l'article 8(3) RAD 1.
En réponse, l'épouse du requérant a fait parvenir un télex. Tout d'abord, elle y explique qu'il est désormais possible "grâce à l'accusé de réception signé par ma femme de ménage de localiser le dossier". En outre, on peut lire dans le télex: "... nous n'arrivons absolument pas à comprendre comment l'annonce dont vous parlez a pu être publiée; ni mon mari ni moi-même n'avons fait insérer rien de tel". Là encore l'auteur du télex se borne à accuser d'autres conseils en brevets et à suggérer qu'il pourrait s'agir en l'occurrence "d'un acte de vengeance de la part d'un conseil en brevets qui aurait jadis été dénoncé".
II. Par décision en date du 23 juillet 1982, la commission de discipline de l'Institut des mandataires agréés près l'Office européen des brevets a prononcé à l'encontre du requérant le "blâme" prévu à l'article 4(1) b) RDM; le fait que le requérant ait attaqué des confrères au lieu de fournir des informations, comme il en avait le devoir, a été retenu comme une circonstance aggravante. L'exposé des motifs avancé par la commission correspond pour l'essentiel au sommaire de ladite décision, dont la teneur est la suivante:
"Agit en infraction au code de conduite professionnelle le Membre de l'Institut qui fait paraître dans une revue une annonce publicitaire dans laquelle il propose ses services pour le dépôt de demandes de brevets européens. Si le Membre prétend qu'il n'est pas à l'origine de l'annonce, il doit fournir les preuves appropriées à l'appui de la véracité de ses dires".
III. Le 25 août 1982, le requérant a formé un recours contre cette décision.
Il a contesté la validité des signatures apposées au bas de ladite décision. A propos du reproche de publicité illicite qui lui était adressé, il a déclaré avoir "... déjà clairement fait savoir que cette accusation ne saurait le concerner" et qu'il y avait lieu en l'occurrence d'appliquer le principe selon lequel "le doute profite à l'accusé". Ce n'est pas au prévenu de prouver son innocence; au contraire c'est à l'instance chargée de rendre la sentence qu'il appartient de prouver les faits sur lesquels elle fonde sa décision. Le requérant a demandé le remplacement des signatures contestées par des signatures valables, l'annulation de la décision contestée et le classement de l'affaire. Il n'a pas demandé de procédure orale.
IV. Le rapporteur de la Chambre a téléphoné à deux reprises au requérant et lui a également adressé deux lettres, pour attirer son attention sur la situation de droit et de fait qui s'était créée et le mettre au courant de l'état de la procédure. Il lui a également rappelé qu'il était tenu de dire la vérité (article 1er, paragraphe 1, deuxième phrase RDM) et de fournir toute information nécessaire (article 18 RDM); il lui a également fait observer que son comportement au cours de la procédure menée en première instance pourrait être jugé par des instances disciplinaires. Dans sa deuxième lettre, en date du 21 janvier 1983, le rapporteur a informé le requérant que la Chambre de recours se réunirait le 24 février pour statuer sur son cas. Il précisait également que le requérant avait encore la possibilité:
1) d'adresser au président de la Chambre de recours une déclaration écrite dans laquelle, après avoir rappelé son obligation de dire la vérité, il l'assurerait qu'il ignorait qui avait fait insérer l'annonce, et
2) d'autoriser le président à se renseigner auprès de l'éditeur de la revue sur les conditions de parution de l'annonce.
V. Le jour fixé pour la décision de la Chambre (24 février 1983), des lettres correspondant aux déclarations proposées ci-dessus sont parvenues à la Chambre, mais dans la lettre correspondant à la déclaration n° 1, le requérant n'affirmait pas expressément qu'il ne savait pas qui était à l'origine de l'annonce.
1. Le recours répond aux conditions énoncées à l'article 22(1) RDM et à l'article 6 RAD 3; il est donc recevable.
2. Les signatures apposées au bas de la décision contestée sont valables. Seule la signature du président de la commission de discipline pourrait susciter certaines réserves. Juste avant cette signature ont été dactylographiés l'initiale du prénom ainsi que le nom de famille en toutes lettres. L'initiale du prénom dans la signature apposée au-dessous est lisible. Certes le nom de famille n'apparaît que comme un paraphe dans lequel on distingue encore la première lettre, et reconnaît aux lettres suivantes qu'il s'agit d'une signature; on peut néanmoins constater une similitude entre ce nom et le nom dactylographié précédant la signature. Dans certains Etats contractants, une signature n'est pas obligatoirement composée de lettres distinctes et lisibles. Il suffit qu'elle présente des caractéristiques permettant d'identifier le signataire. Même en droit allemand (cf. Recueil de jurisprudence de la Cour fédérale des brevets, vol. 24, p. 132 s., notamment le milieu de la page 133), cette signature pourrait être reconnue valable. La Chambre de recours ne doute pas qu'une telle signature fasse foi dans le commerce juridique.
3. Aux termes de l'article 1er, paragraphe 1, première phrase RDM, tout mandataire agréé près l'OEB "doit, dans l'exercice de ses fonctions, faire preuve de conscience professionnelle et observer une attitude compatible avec la dignité de sa profession". Conformément au point n° 2 du code de conduite professionnelle (JO de l'OEB n° 7/1980, p. 215), la Chambre de recours considère qu'il est contraire à la dignité de la profession d'essayer d'attirer des clients par de la publicité faite par des Membres. Par conséquent, s'il a fait paraître une annonce publicitaire, le requérant n'a pas respecté les "règles de conduite professionnelle" visées à l'article 1er et à l'article 4 RDM.
4. Lorsque le requérant affirme que "cette accusation ne saurait le concerner", c'est-à-dire qu'il n'est pas à l'origine de l'annonce, son comportement va à l'encontre de ce que l'on observe généralement dans la pratique. On peut cependant imaginer un cas de ce genre. Toutefois, le requérant fait erreur lorsqu'il allègue que c'est aux instances disciplinaires de prouver que la personne dont on vante les services dans une annonce est celle-là même qui a fait paraître l'annonce. La procédure disciplinaire n'est pas destinée seulement à sanctionner les manquements aux règles de conduite professionnelle, elle donne également aux mandataires agréés près l'OEB la possibilité de se justifier, au cas où ils auraient donné l'impression de ne pas avoir respecté la dignité de la profession. L'intéressé est tenu d'apporter son concours aux instances disciplinaires, ne serait-ce que parce que la procédure disciplinaire peut également permettre de le disculper. Au demeurant, l'article 18 RDM affirme expressément l'existence d'une "obligation de fournir des informations". Par conséquent, dès le stade de la procédure devant la commission de discipline, le requérant avait la possibilité et le devoir d'agir pour se justifier, en faisant une déclaration sur l'honneur qui ne laisse place à aucune équivoque et en apportant sa contribution à l'éclaircissement de l'affaire. Ce n'est certainement pas le comportement qu'il a eu au cours de la procédure en première instance. Compte tenu de l'obligation faite à l'intéressé d'apporter son concours aux instances disciplinaires afin de tenter de se justifier, et de son obligation de fournir toute information nécessaire, obligation, visée à l'article 18 RDM, la commission de discipline, se référant à ce qui se fait généralement dans la pratique, a pu conclure que l'annonce a été passée par la personne même dont elle prônait les services.
5. Parmi les mesures disciplinaires énumérées à l'article 4(1) RDM, la commission de discipline a retenu le "blâme", ne voulant pas se borner à un simple "avertissement".
A supposer que le requérant ait fait paraître l'annonce, s'il s'était montré coopératif vis-à-vis de la commission de discipline et avait avoué sa faute, en s'engageant à ne pas recommencer, une décision de clémence aurait rapidement mis fin à la procédure disciplinaire, et le requérant ne se serait pas exposé à d'autres manquements aux règles de conduite professionnelle. Ainsi, vu le comportement du requérant au cours de la procédure, le choix du "blâme" comme mesure disciplinaire ne peut donner lieu à contestation.
Il ressort de l'exposé des faits de la décision initiale que le débat direct, en privé, entre l'auteur de la plainte et le requérant, au sens où l'entend le point n° 5b) du code de conduite professionnelle (CCP), n'a pas abouti. A vrai dire, on ne trouve pas au dossier copie de la lettre destinée à préparer ce débat en privé. C'est pourquoi la Chambre de recours n'est pas en mesure de juger si ce débat avait été préparé de telle manière que le requérant aurait dû l'accepter.
6. Au cours de la procédure devant la commission de discipline, le requérant a manqué très gravement à son obligation de coopération. A en juger par la nature de ses réactions et la teneur de ses déclarations, il paraît avoir eu un comportement déplacé vis-à-vis des confrères siégeant dans cette instance. Les membres de la commission de discipline exercent à titre honorifique, pour servir les intérêts de la profession, une activité qui ne les passionne guère. Ils doivent donc pouvoir compter en conséquence sur la considération du confrère concerné, de même qu'ils trouvent naturel de lui offrir toutes les possibilités de se disculper. Le requérant n'a pas apprécié correctement la situation, car il a manqué gravement à son obligation de coopérer avec les instances disciplinaires.
7. Compte tenu de ce qui précède, la Chambre de recours est amenée à constater que la commission de discipline est en droit, lorsque l'intéressé retarde ou complique la procédure par une attitude peu coopérative, de renvoyer une affaire au conseil de discipline, même s'il s'agit semble-t-il d'infractions mineures aux règles de conduite professionnelle (cf. article 6(2)c) RDM). Toutefois, dans des cas semblables, c'est au conseil de discipline qu'il appartient d'apprécier si l'intéressé a manqué de respect à l'égard de la commission de discipline, c'est-à-dire si son comportement est contraire aux règles de conduite professionnelle au sens où l'entend l'article 4(1) RDM, et doit être sanctionné comme tel.
8. Le requérant a fait parvenir à la Chambre, juste avant que celle-ci ne rende sa décision, une déclaration qui, étant donné son contenu, ne peut être considérée comme une déclaration sur l'honneur. Cette déclaration ne permet pas de conclure sans aucun doute possible que le requérant n'est pas à l'origine de l'annonce et qu'il ne sait pas qui a passé l'annonce. En conséquence, la Chambre se voit contrainte d'annuler la décision de la commission de discipline et de renvoyer l'affaire au conseil de discipline de l'OEB, conformément à l'article 6(2)c) RDM. Les compétences exercées par la Chambre en l'occurrence découlent des dispositions conjointes de l'article 22(3) RDM et de l'article 111(1) de la CBE. Ce renvoi au conseil de discipline est justifié, car il n'a pas été jugé en première instance de tous les manquements aux règles de conduite professionnelle au sens de l'article 4(1) RDM, tels qu'ils peuvent ressortir des faits déjà connus ou restant éventuellement à élucider. Certes, en l'état actuel de la procédure - ainsi que la commission de discipline l'a déjà reconnu avec juste raison - il y a lieu de considérer qu'il y a bien eu publicité illicite, les éléments constitutifs de cette infraction étant effectivement réunis. De même, l'obligation de fournir toute information nécessaire, prévue à l'article 18 RDM, n'a pas été respectée vis-à-vis de la commission de discipline, et à elle seule, la dernière déclaration reçue par la Chambre ne permet pas d'affirmer que cette obligation a été remplie à l'égard de la Chambre de recours. Reste en outre à juger le comportement du requérant au cours des tentatives de conciliation avec l'auteur de la plainte, au sens où l'entend le point n° 5b) CCP, et surtout son attitude à l'égard de la commission de discipline.
9. Il convient également de faire remarquer au requérant qu'il connaît mal le droit de la procédure. Contrairement à ce qu'il prétend, l'intéressé n'a., dans la procédure disciplinaire, ni un "droit au secret" (cf. l'obligation de fournir des informations, visée à l'article 18 RDM) ni un "droit au mensonge (cf. l'obligation de dire la vérité, visée à l'article 1er, paragraphe 1, deuxième phrase RDM). Il ne s'agit pas en l'occurrence d'une procédure pénale, mais d'une procédure disciplinaire relevant du droit de la profession. Le prévenu est tenu de fournir des informations sur les faits importants du point de vue du droit de la profession (art. 18 RDM) et, ce faisant, de dire la vérité (article 1er, paragraphe 1, deuxième phrase RDM). L'obligation de dire la vérité au sens où l'entend ladite disposition ne s'applique pas seulement aux rapports avec le client et avec l'OEB dans l'exercice de la profession, mais également à la procédure disciplinaire, lorsqu'il s'agit d'établir s'il y a eu manquement aux règles de conduite professionnelle. Un manquement à l'obligation de dire la vérité constituerait également, de ce fait, une violation des règles de conduite professionnelle visées à l'article 4(1) RDM.
10. En tant que mandataire agréé près l'OEB, le requérant entend faire partie des organes de la justice dans le domaine du droit européen des brevets. Etant donné cette qualité qui est la sienne, il n'y a pour lui que deux manières correctes de se comporter. Si ce n'est pas lui qui a passé l'annonce, ainsi qu'il l'a laissé entendre, il serait temps qu'il fasse une déclaration sur l'honneur dissipant toute équivoque, et qu'il prête son concours aux instances disciplinaires pour les aider à éclaircir cette affaire. Si en revanche, c'était lui qui avait fait paraître l'annonce, il est certes bien tard mais pas trop tard pour en convenir et présenter ses excuses pour sa conduite. Il ne sied pas à un mandataire agréé près l'OEB d'accaparer les instances disciplinaires pour une affaire pareille. Ce faisant, il n'agit pas pour la sauvegarde de ses droits, mais cherche à détourner de leur véritable destination des institutions qui ont été mises en place par la profession, ce qui là encore constitue un manquement aux règles de conduite professionnelle visées à l'article 4(1) RDM.
11. Le montant des frais de procédure visés à l'article 27(2), deuxième phrase RDM ne sera fixé qu'au moment où sera rendue la décision mettant fin aux poursuites.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit:
1. La décision de la commission de discipline de l'Institut des mandataires agréés près l'OEB en date du 23 juillet 1982 est annulée.
2. L'affaire est renvoyée au conseil de discipline de l'OEB.
3. Le montant des frais de procédure ne sera fixé qu'au moment où sera rendue la décision mettant fin aux poursuites.