J 0014/86 (Expiration d'un délai exprimé en mois) 28-04-1987
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1. Pour le calcul des délais exprimés en mois, les seules indications fournies par la règle 83, paragraphe 2 CBE en ce qui concerne le point de départ du délai peuvent paraître insuffisantes. Cependant, le moment où expirent les délais exprimés en années, mois et semaines est explicitement défini dans les paragraphes suivantes de cette même règle. Le calcul des délais effectué en application de la règle 83 CBE aboutit au même résultat que lorsqu'on applique la règle 80 PCT
2. Le fait que la règle 83(2) CBE fixe le point de départ de l'ensemble des délais et définisse ce point de départ comme étant le jour suivant celui où a eu lieu l'événement faisant courir le délai ne peut être interprété comme nécessitant d'ajouter un jour aux délais exprimés en années, mois et semaines, c'est-à-dire d'accorder pour des motifs d'équité un jour supplémentaire.
3. Le moment o" expirent les délais exprimés en années, mois ou semaines découle des paragraphes 3, 4 et 5 de la règle 83 CBE, paragraphes qui établissent sans équivoque, en liaison avec le paragraphe 2 de cette même règle, que les délais sont fixés en années, mois et semaines entiers, sans possibilité de réduction ni de prorogation de ces délais.
Expiration d'un délai exprimé en mois
Notification établie conformément à la règle 50
Délai supplementaire prévu à la règle 85ter
Avis concernant ce délai
I. La demande de brevet européen n° 84 400 877.1, revendiquant une priorité du 11 mai 1983, a été déposée le 2 mai 1984. Par une notification en date du 26 septembre 1984, le mandataire de la demanderesse a été informé que les préparatifs techniques en vue de la publication de la demande de brevet européen, au sens de la règle 48 CBE, étaient achevés et que mention de cette publication serait faite à la date du 21 novembre 1984 dans le numéro 47 du Bulletin européen des brevets. Par notification du 29 novembre 1984, ce même mandataire a été informé conformément à la règle 50 CBE que cette mention avait été publiée le 21 novembre 1984, et son attention a été appelée sur les dispositions de l'article 94(2) et (3) CBE, dont le texte était annexé à la notification.
II. Le 22 mai 1985, le mandataire de la demanderesse a remis à la Banque Nationale de Paris, Agence France-Etranger (ci- après dénommée "BNP"), qui tient un compte ouvert au nom de l'OEB, un chèque pour le paiement de la taxe d'examen, dont le montant a ét crédité par la BNP au compte de l'OEB le 23 mai 1985.
III. Par notification sous pli recommandé, en date du 20 juin 1985 (formulaire 1149), il a été indiqué à la demanderesse que la taxe d'examen avait été acquittée tardivement mais qu'elle pouvait remédier à cette irrégularité en acquittant une surtaxe dans le délai supplémentaire prévu à la règle 85ter CBE. Comme l'a confirmé l'Administration française des Postes, cette lettre recommandée a été remise le 21 juin 1985 au domicile du mandatair de la demanderesse, mais, en l'absence de celui-ci, c'est une autre personne résidant au même domicile qui en a assuré la réception.
IV. Le 3 septembre 1985, l'OEB a notifié au mandataire, conformément la règle 69(1) CBE, que la demande de brevet européen était réputée retirée, au motif que la taxe d'examen n'avait pas été acquittée dans les délais. C'est alors seulement que l'attention du mandataire a été attirée sur la perte du droit. Il a déclaré que son cabinet avait par erreur enregistré la date de la notification du 29 novembre 1984 comme étant celle de la publication dans le Bulletin européen des brevets (21 novembre 1984). Il en avait faussement conclu que le délai de six mois fixé pour formuler la requête en examen expirait le 29 mai 1985. Il a ajouté qu'il n'avait pas reçu d'avis (formulaire 1149) attirant son attention sur le délai supplé-mentaire prévu à la règle 85ter CBE. Il a requis une décision constatant que le délai avait été respecté.
V. La Section de dépôt de l'OEB a émis une notification intermédiaire et apporté la preuve, par les renseignements pris auprès de l'Administration des Postes, que la notification (formulaire 1149) sous pli recommandé avait été effectivement signifiée comme indiqué précédemment au point III.
VI. Par décision en date du 31 janvier 1986, la Section de dépôt de l'OEB a constaté que la demande de brevet européen était réputée retirée et que la taxe d'examen devait être remboursée, au motif que le paiement de la taxe d'examen avait été effectué tardivement et qu'aucune surtaxe n'avait ensuite été payée. Elle a également déclaré que le mandataire de la demanderesse ne pouvait se prévaloir juridiquement d'une erreur possible de signification de l'avis concernant le délai supplémentaire prévu par la règle 85ter CBE (formulaire 1149).
VII. Le 28 mars 1986, le mandataire de la demanderesse a formé un recours contre cette décision, tout en acquittant la taxe de recours ; il a déposé le 27 mai 1986 un mémoire exposant les motifs du recours. Pour l'essentiel, il a allégué, comme lors de la procédure orale qui s'est déroulée le 28 avril 1987, que le paiement tardif de la taxe effectué le 22 mai 1985 - date qui, selon lui, respectait cependant encore les délais - était dû au fait que la notification dont le texte était imprimé par ordinateur, en date du 29 novembre 1984, mettait optiquement en relief cette dernière date, alors que la date sur laquelle cette notification était censée attirer l'attention, c'est-à-dire celle du 21 novembre 1984, se trouvait "noyée" dans le texte, de sorte qu'il n'était guère possible de la découvrir. S'agissant de l'avis concernant le délai supplémentaire (formulaire 1149), celui-ci a été remis à une personne non habilitée, et il ne l'a donc pas reçu.
Le mandataire a également fait observer que même si ces circonstances ne revêtent aucune importance du point de vue juridique, elles montrent néanmoins que le paiement tardif effectué le 22 mai 1985 ne peut être attribué à une négligence. Dans sa situation, il serait en droit d'incriminer le texte de la règle 83 CBE qui est inintelligible et d'en déduire, conformément au principe selon lequel le bénéfice du doute est accordé à l'inventeur, qu'un délai exprimé en mois expire un jour plus tard que la date calculée en application de cette règle par les initiés.
En effet, la règle 83 CBE, au texte peu compréhensible, énumère tout d'abord divers délais dans un ordre qui ne correspond pas à leur importance dans la pratique. Ensuite, le paragraphe 2 de cette même règle concerne la date à laquelle le délai commence à courir et laisse supposer qu'il faut ajouter un jour à chaque délai sans exception. C'est seulement à la lecture des dispositions particulières des paragraphes 3, 4 et 5 que l'on constate que cela n'est pas le cas lorsqu'il s'agit de délais exprimés en années, mois ou semaines. En réalité, le paragraphe 2 n'a pas de sens. La Convention ne prévoit en effet pas de délais exprimés en jours pour le calcul desquels ce paragraphe pourrait éventuellement s'appliquer. La seule fonction qui puisse donner ùn sens à ce paragraphe est d'ajouter un jour aux délais prévus aux paragraphes 3, 4 et 5. C'est l'impression qui ressort de la lecture de cette règle. Par conséquent, aussi longtemps qu'elle demeure sous cette forme propre à égarer le lecteur, il convient d'interpréter cette règle, pour la sécurité des demandeurs, comme s'il fallait ajouter un jour aux délais exprimés en périodes d'années, de mois ou de semaines.
Le mandataire de la demanderesse a requis l'annulation de la décision attaquée et demandé à la Chambre de constater qu'il avait payé dans les délais la taxe d'examen en remettant le 22 mai 1985 un chèque à une banque qui tient un compte ouvert au nom de l'OEB.
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106,107 et 108 et à la règle 64 CBE ; il est donc recevable.
2. A propos des observations formulées par le requérant sur la forme de la notification établie conformément à la règle 50(1) CBE, il y a lieu de constater qu'aucune conséquence juridique ne saurait découler de cette forme. La règle 50(2) CBE se borne certes à indiquer que le demandeur ne peut se prévaloir "de l'omission de la notification", mais ceci n'exclut pas qu'il puisse se prévaloir du fait que la forme revêtue par cette notification l'a induit en erreur. Un tel cas pourrait poser des problèmes juridiques difficiles, particulièrement eu égard à l'exclusion par l'article 122(5) CBE de la possibilité du rétablissement du droit quant au délai de présentation de la requète en examen. Dans la présente espèce, l'on ne saurait cependant parler d'une forme propre à induire le demandeur en erreur, quoique la date déterminante sur laquelle il s'agit d'appeler l'attention ne soit pas particulièrement bien mise en relief - comme ce serait par exemple le cas en effectuant un déport - dans l'imprimé produit par ordinateur. On est en droit de s'attendre que le demandeur soit à même de lire avec compétence de tels imprimés. Cela n'exclut pas que l'Office fasse de son côté son possible pour mettre en relief dans le texte imprimé par ordinateur ce qui est essentiel par rapport à ce qui l'est moins. Il semble praticable et souhaitable d'améliorer la forme de cette notification particulièrement importante, que l'OEB est tenu d'envoyer conformément au règlement d'exécution de la CBE. Toutefois, le fait qu'il soit encore possible d'améliorer la présentation du texte ne signifie pas que la forme actuelle de la notification puisse être qualifiée de propre à égarer le lecteur.
3. De la même manière, le fait que l'avis concernant le délai supplémentaire prévu à la règle 85ter CBE (formulaire 1149) ait été remis à une personne non habilitée et ne soit donc pas parvenu au mandataire de la demanderesse, est sans incidence du point de vue juridique, comme l'admet lui-même le requérant. L'observation de ce délai supplémentaire ne dépend pas de l'envoi de cet avis, ni de sa réception par le demandeur. La Chambre renvoie à ce sujet à sa jurisprudence telle qu'elle est établie dans ses décisions J 18/82 "Force majeure/Cockerill" (JO OEB 11/1983, 442, point 3 des motifs) et J 12/84 "Restitutio in integrum/PROWECO" (JO OEB 4/1985, 108, point 4 des motifs).
4. Par conséquent, pour pouvoir rendre sa décision dans cette affaire, la Chambre doit déterminer le paiement de la taxe d'examen a pu être effectué encore suffisamment à temps au cours de la période critique couverte par les 21, 22 et 23 mai 1985. Selon le mode de calcul habituel des délais, le délai de paiement a expiré le 21 mai 1985. Or, le chèque a été remis le 22 mai à la BNP, une banque qui tient un compte ouvert au nom de l'OEB. Celle-ci a porté au crédit du compte de l'OEB la somme correspondante le 23 mai 1985, date qui est celle à laquelle le paiement est réputé avoir été effectué, conformément à l'article 8(1)a) du règlement relatif aux taxes de la CBE.
4.1. La question de savoir si, dans le cas de l'inscription au crédit du compte le 23 mai 1985, le délai a pu être encore observé ne se pose cependant qu'à condition que la remise du chèque le 22 mai à une banque qui tient un compte ouvert au nom de l'OEB soit intervenue elle-même dans le délai. Dans la présente espèce, cette question peut être laissée en suspens. La Chambre se bornera à faire observer que l'on ne peut affirmer d'emblée que le paiement a eu lieu dans les délais au sens de l'article 8(1) a) du règlement relatif aux taxes si, bien que le versement ait été effectué ou que le chèque ait été remis avant l'expiration du délai auprès d'une banque qui tient un compte ouvert au nom de l'OEB, l'inscription au crédit de ce compte intervient après l'expiration du délai. Une affirmation dans ce sens ne découle pas a priori de la jurisprudence des Chambres de recours, du fait qu'à chacun des cas incontestables dont elles ont eu à connaître s'appliquaient de surcroît des circonstances particulières. La Chambre renvoie aux décisions suivantes : J 26/80 "Date à laquelle le paiement est réputé effectué" (JO OEB 1/1982, 7) ; T 214/83 "Paiement par versement à un compte de chèques postaux/SIGMA" (JO OEB 1/1985, 10) ; J 05/84 "Non- fonctionnement ordinateur/RIPPES" (JO OEB 10/1985, 306).
4.2. A propos de la question de savoir si, compte tenu de la rédaction de la règle 83 CBE, un jour supplémentaire peut être ajouté aux mois entiers d'un délai exprimé en mois, le requérant a avancé des arguments qui ne sont pas dépourvus d'intérêt. Toutefois, la Chambre ne peut se ranger à son point de vue.
4.2.1. La Chambre a déjà eu l'occasion, dans des décisions antérieures, de traiter la question du calcul des délais en application de la règle 83 CBE. Dans la décision J 09/82 "Calcul des délais composés/ACNO" (JO OEB 2/1983, 57, point 5 des motifs), elle a déjà précisé que "la règle 83(2)... ne prive pas de portée la disposition de la règle 83(4)...". La Chambre s'est à nouveau penchée sur la question de la relation existant entre les paragraphes 2 et 4 de la règle 83 CBE, dans sa décision J 22/85 "Substitution du mode de paiement/NUSSER", en date du 23 juillet 1986 (non encore publiée). Elle y constate (point 2 des motifs) que les dispositions des paragraphes 2 et 4 de la règle 83 CBE forment un tout, fixant le moment auquel le délai commence à courir et celui auquel il prend fin et déterminant par là des délais en mois entiers, c'est-à-dire auxquels n'est ajouté ou dont n'est retranché aucun nombre de jours.
4.2.2. Le calcul des délais suivant la règle 80 PCT est identique, quoique la rédaction de cette règle évite dans une grande mesure les difficultés de compréhension que pose la règle 83 CBE.
4.2.3. Le fait que la Chambre ait eu à rendre les décisions mentionnées et que, sur le plan rédactionnel, les dispositions correspondantes du PCT diffèrent de celles de la règle 83 CBE bien que le fond soit identique confirme cependant le point de vue du requérant, selon lequel cette même règle 83 CBE présente certaines difficultés d'application. C'est à cette conclusion que parvient également Gall dans "Die europäische Patentanmeldung in Frage und Antwort" (Questions et réponses relatives à la demande de brevet européen), Heymann 1982 (question 9, p. 7 et 70). Le seul fait que cet auteur voie là une question méritant d'être traitée, qui "se pose régulièrement" (op. cit., Avant-propos), montre bien que la règle 83 CBE présente des difficultés de compréhension.
4.3. S'il est vrai que l'inobservation du délai n'a pas été due à une difficulté d'application de la règle 83, comme le requérant l'a admis lui-même, il n'est pas niable que son intérêt de même que celui des demandeurs en général, eu égard aux difficultés que soulève la rédaction actuelle de la règle 83 CBE, serait d'obtenir un jour de délai supplémentaire. Cependant, la Chambre ne peut pas répondre favorablement à sa demande pour les raisons suivantes :
4.3.1. Pour le calcul des délais exprimés en mois, les seules indications fournies par la règle 83, paragraphe 2 CBE en ce qui concerne le point de départ du délai peuvent paraître insuffisantes. Cependant, le moment où expirent les délais exprimés en années, mois et semaines est explicitement défini dans les paragraphes suivants de cette même règle.
4.3.2. Le fait que la règle 83(2) CBE fixe le point de départ de l'ensemble des délais et définisse ce point de départ comme étant le jour suivant celui où a eu lieu l'événement faisant courir le délai ne peut être interprété comme nécessitant d'ajouter un jour aux délais exprimés en années, mois et semaines, c'est-à-dire d'accorder pour des motifs d'équité un jour supplémentaire.
4.3.3. Le moment o" expirent les délais exprimés en années, mois ou semaines découle des paragraphes 3, 4 et 5 de la règle 83 CBE, paragraphes qui établissent sans équivoque, en liaison avec le paragraphe 2 de cette même règle, que les délais sont fixés en années, mois et semaines entiers, sans possibilité de réduction ni de prorogation de ces délais.
Si, par le rejet qu'elle prononce et les conséquences qu'elle entraîne, la présente décision peut sembler d'une sévérité excessive et donc insatisfaisante, cela ne tient ni à la manière dont les formulaires de l'Office sont présentés, ni aux insuffisances en matière de signification des notifications ni aux difficultés de calcul des délais suivant la règle 83 CBE, mais au fait que la Convention exclut le délai de présentation de la requête en examen de la restitutio in integrum. Le mandataire de la demanderesse et son cabinet supportent certes une part de responsabilité. Cependant, si cette exclusion n'était pas prévue, il aurait été possible, compte tenu des circonstances de l'affaire, de considérer cette défaillance lourde de conséquences comme éventuellement excusable et de reconnaître que preuve avait été faite d'une vigilance suffisante pour permettre l'application de l'article 122 CBE.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours contre la décision de la Section de dépôt de l'Office européen des brevets, en date du 31 janvier 1986, constatant que la demande de brevet européen est réputée retirée, est rejeté.