J 0007/89 21-12-1989
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Crème Laitvit - R.K.
Dépôt d'une demande de brevet européen
Personne physique non-domiciliée
Absence de représentation
Recevabilité de recours (oui)
Annulation d'une décision fondée sur l'apposition d'une date de réception erronée attribuée à une demande de brevet européen (oui)
Renvoi à la première instance (oui)
Representation - residence outside Contracting States - no representative
Form of appeal - admissible - representatives
Application - date of receipt - erroneous
Remittal to first instance - yes
I. Par décision du 30 août 1988 la Section de dépôt de l'Office européen des brevets a jugé que la demande de Brevet européen n° 87 202 259.5 ne serait pas traitée comme telle, aux motifs qu'elle ne remplissait pas les conditions imposées par l'article 80 CBE pour que lui soit attribuée une date de dépôt, et que le déposant n'avait pas remédié en temps utile aux irrégularités portées à sa connaissance en application des dispositions de l'article 90(2) CBE.
II. Le 29 septembre 1988 le requérant a, personnellement, introduit un recours contre cette décision précisant que "les documents convenables seront fournis dans delai règlementaire" (sic).
III. Par télex reçu le 27 octobre 1988 confirmé par une lettre originale signée du requérant reçue le 3 novembre 1988, l'Office a été avisé que la taxe de recours avait été payée.
IV. Le mémoire de recours rédigé et signé par le requérant, a été déposé le 30 décembre 1988. Les motifs du recours y sont exposés. Ils soutiennent une demande d'annulation de la décision du 30 août 1988 et une requête en poursuite de la procédure relative à la demande de brevet.
V. Afin d'être dûment représenté le requérant a versé au dossier les 6 janvier, 20 février et 26 juin 1989, trois procurations désignant des mandataires différents. Chacun, successivement, a refusé le mandat. Il en résulte que, au jour de la présente décision, le requérant agit sans représentant habilité.
1. Sur la recevabilité du recours
1.1 L'article 133(2) CBE dispose que les personnes physiques qui, tel l'appelant en la présente affaire, n'ont ni domicile ni siège sur le territoire de l'un des Etats contractants doivent être représentées par un mandataire agréé et agir par leur entremise, dans toute procédure instituée par la CBE, sauf pour le dépôt d'une demande de brevet européen.
1.1.1 La décision contestée émane de la Section de dépôt et a pour objet le refus d'attribution d'une date de dépôt. Elle s'inscrit donc dans le cadre d'une procédure de dépôt de demande de brevet européen pour laquelle, comme le lui permet le dernier membre de phrase de l'article 133(2) CBE le requérant n'a pas été contraint de recourir aux services d'un mandataire.
1.1.2 Enfin la Règle 66(1) CBE précise que les dispositions relatives à la procédure devant l'instance qui a rendu la décision faisant l'objet du recours sont applicables à la procédure de recours.
1.1.3 Dès lors, constatant qu'aucune disposition contraire ne s'y oppose, la Chambre considère que, dans la présente instance, la représentation du requérant n'étant que facultative, l'absence de mandataire ne saurait constituer un motif d'irrecevabilité du recours.
1.2 Concernant la taxe de recours, en application des dispositions de l'article 114(1)CBE, la Chambre relève les faits suivants.
1.2.1 Le requérant n'a ni domicile ni siège dans un Etat contractant.
1.2.2 Compte tenu des dispositions de la règle 78(2) CBE, de la date de la décision contestée et du fait que le 30 octobre 1988 était un dimanche, le délai institué par l'article 108 CBE pour le paiement de la taxe de recours était échu le 31 octobre 1988.
1.2.3 Le 23 juin 1988 l'Office a encaissé une somme de 2.554 DM versée par l'actuel requérant en paiement des "taxes exigées" (cf. sa lettre du 14 juin reçue le 27 juin 1988). Cependant, et bien que dans la décision contestée la Section de dépôt ait refusé de considérer la demande du déposant comme une demande de brevet européen, cette somme, que l'Office a administrativement imputée au paiement des taxes de dépôt et de recherche, n'a pas été restituée. Elle aurait pu l'être, car la taxe de dépôt et la taxe de recherche ne sont exigibles qu'à compter du jour de la date de dépôt. Elles ne sont donc toujours pas exigibles en la présente espèce. Toutefois, l'Office a pu à bon droit ne pas la rembourser, considérant qu'une procédure de recours était encore pendante et que le déposant ne la réclamant pas, elle pourrait trouver une affectation en temps utile.
1.2.4 Le 27 octobre 1988, dans le délai prescrit par l'article 108 CBE, l'Office a reçu un télex dans lequel l'appelant annoncait qu'il avait payé la taxe de recours. Comme la preuve en est rapportée au dossier, dès le 21 octobre 1988 il avait donné à sa banque un ordre de paiement supplémentaire de 680 DM. Cette somme n'a été encaissée que le 11 novembre 1988, postérieurement donc au délai de recours. Toutefois, en conséquence des développements précédents, la Chambre considère que les 2.554 DM versés le 23 juin 1988 constituaient au 27 octobre de la même année une provision sur laquelle l'Office devait, à compter de la même date, imputer la taxe de recours. Le décompte des sommes perçues par l'Office dans la présente affaire s'établit donc, au jour de la présente décision, de la façon suivante :
Sommes perçues par l'Office.........Imputation
23.06.88 : 2.554 DM...........680 DM taxe de recours 27.10.88
23.12.88 :....76 DM...........560 DM taxe de dépôt)
11.11.88 :...680 DM.........1.790 DM taxe de rech.) provisions
..............................280 DM taxe de désign.)
TOTAL :....3.310 DM.........3.310 DM
1.2.5 Il résulte donc des articles 106 à 108, 133(2) CBE, des règles 64 et 66(1) CBE, et de ce qui précède, que lerecours est recevable.
2. Sur le fond
2.1 Sur la demande d'annulation
2.1.1 La première correspondance adressée par le requérant à l'Office est datée du 10 décembre 1986. Elle a été reçue le 5 janvier 1987. Le requérant y expose que sa volonté "serait de faire breveter la crème Laitvit. Inf - R.K" et la substance active "sulfate de barium sulfuricum". Il précise toutefois que ses "possibilités actuelles ne permettent pas de satisfaire aux exigences procédurales concernant le brevetage Office européen des brevets" (sic).
Il ajoute encore "je vous prie de traiter la demande ci-dessus comme temporaire" "Mon mandataire s'occupera de cette affaire" ; "peu à peu tout sera complété". Cette lettre selon la Chambre exprime clairement la volonté du requérant d'obtenir rapidement des renseignements afin de procéder à un dépôt de demande de brevet européen.
2.1.2 Cette interprétation a été aussi dans un premier temps celle de la Section de dépôt. Cette dernière a en effet répondu, dès le 6 janvier 1987, en envoyant un exemplaire du guide du déposant.
2.1.3 Toujours dans l'intention de procéder, dès qu'il serait en mesure de le faire, à un dépôt en bonne et due forme, le requérant a, dans un second courrier daté du 10 avril 1987, demandé que lui soient envoyés "les formulaires indispensables pour solliciter un brevet" et que lui soit indiqué "le montant de la taxe à payer". Ceci confirme qu'à ce stade encore le déposant estimait toujours ne pas être en possession des renseignements nécessaires pour entreprendre les formalités concrètes relatives à un dépôt de demande de brevet. Il n'est donc pas possible de considérer qu'à cette date une telle demande ait été effectivement déposée, même si, pour tenter de préserver une priorité, le requérant a ultérieurement, comme la Section de dépôt l'incitait à le faire, modifié son point de vue initial.
2.1.4 Le 19 novembre 1987, sans qu'aucun élément nouveau ne soit intervenu en l'affaire (et notamment sans qu'il ait été répondu à la lettre du 10 avril 1987), la Section de dépôt a décidé d'enregistrer "la demande", notifiant au déposant dès le 20 novembre 1987 que celle-ci ne satisfaisait pas aux conditions posées par l'article 80 CBE (aucune désignation d'au moins un Etat contractant et caetera) et qu'il disposait d'un délai d'un mois pour remédier aux irrégularités.
2.1.5 Le 28 mars 1988, constatant que le requérant n'avait pas satisfait, dans le délai prescrit, aux exigences de la notification précitée, la Section de dépôt lui a signifié que sa demande ne serait pas traitée en tant que demande de brevet européen.
2.1.6 Par courrier du 21 avril 1988 le requérant a fait valoir qu'il n'aurait jamais rien reçu qui puisse "disqualifier" sa demande.
2.1.7 Considérant qu'il s'agissait là d'une requête en décision selon la règle 69(2) CBE, la Section de dépôt a, dans la décision aujourd'hui contestée, confirmé son refus.
2.1.8 La Chambre, sans avoir à rechercher dans quelles conditions le requérant a ou n'a pas reçu la notification du 20 novembre 1987, ne peut que constater que c'est à tort que la Section de dépôt a attribué une date de réception de demande de brevet européen fixée au 18 novembre 1987.
2.1.9 En effet, la règle 24(2) CBE impose à l'Administration auprès de laquelle la demande de brevet européen est déposée, d'apposer leur date de réception sur les pièces de la demande et de délivrer sans délai au demandeur un récépissé la lui indiquant. En l'espèce, cette règle a été doublement violée, car il apparait d'une part qu'aucune pièce n'a été effectivement déposée le 18 novembre 1987 (cf. 2.1.4) et de l'autre qu'à cette date les deux seuls documents émanant du requérant et concernant ce dossier étaient les correspondances reçues par l'Office les 5 janvier et 17 avril 1987 dont il a été montré qu'elles ne sauraient constituer une demande de brevet (cf. 2.1.1 et 2.1.3).
2.1.10 En conséquence, la Chambre considère que la violation de la règle 24(2) CBE entraîne la nullité des notifications des 20 novembre 1987 et 28 mars 1988, et par la même celle de la décision du 30 août 1988. Ces trois actes de procédure interdépendants s'avèrent en effet fondés sur l'attribution d'une date de réception erronée.
2.2 Sur l'attribution d'une date de dépôt
2.2.1 En considération de ce qui précède et en application des dispositions de l'article 111(1) dernier membre de phrase de la CBE, la Chambre décide de renvoyer l'affaire à la Section de dépôt afin :
a) qu'elle attribue comme date de réception au sens de la règle 24(2) CBE ; celle du 2 juin 1988, jour où l'Office a reçu du déposant les pièces constituant incontestablement une demande de brevet européen ;
b) qu'elle décide, au moment où elle l'examinera, si cette demande remplit, compte tenu de l'ensemble des pièces du dossier, les conditions pour qui lui soit accordée une date de dépôt ;
3. La violation de la règle 24(2) CBE constituant un vice substantiel de procédure, la Chambre de recours considère comme équitable le remboursement de la taxe de recours.
DISPOSITIF
Par ce motifs, il eststatué comme suit :
1. La décision prise le 30 août 1988 par la Section de dépôt est annulée ;
2. l'affaire est renvoyée à la Section de dépôt pour suite à donner conformément aux dispositions de l'article 111(2) CBE ;
3. le remboursement de la taxe de recours est ordonné.