T 0468/00 20-09-2006
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Composition de teinture d'oxydation des fibres kératiniques comprenant une paraphénylènediamine, une métaphénylènediamine et un paraaminophénol ou un métaaminophénol
Henkel
Wella AG
Bristol-Myers Squibb Company
Modifications : admissibles (non)
Saisine de la Grande Chambre (non) : question pas décisive pour l'issue du recours
I. La mention de la délivrance du brevet européen nº 667 143 basé sur la demande de brevet européen nº 94402695.4, a été publiée le 9 octobre 1996.
II. Trois oppositions ont été formées en vue d'obtenir la révocation du brevet en sa totalité. Par la décision intermédiaire signifiée par voie postale le 29 mars 2000, la division d'opposition a décidé que le brevet amendé sur la base d'un jeu de 14 revendications soumis comme première requête subsidiaire le 11 janvier 2000 satisfaisait aux conditions de la CBE.
III. La requérante 01 (opposante 01) et la requérante 02 (opposante 03) ont introduit un recours contre cette décision respectivement les 11 mai 2000 et 25 mai 2000.
IV. En réponse aux mémoires de recours l'intimée (propriétaire du brevet litigieux) a déposé le 24 avril 2001 un jeu de 12 revendications à titre de requête principale.
La revendication indépendante 1 selon la requête principale s'énonce comme suit :
"1. Composition de teinture d'oxydation pour fibres kératiniques, en particulier pour fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, caractérisée par le fait qu'elle comprend, dans un milieu approprié pour la teinture contenant des agents tensio-actifs anioniques, cationiques, non-ioniques, amphotères ou leurs mélanges, dans des proportions comprises entre 0,5 et 55% en poids par rapport au poids total de la composition :
(a) au moins un premier précurseur de colorant d'oxydation choisi parmi les paraphénylènediamines de formule (i) suivante :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle les radicaux R1, R2, R3 et R4 ont les significations soumises aux conditions suivantes :
- R1 et R2 représentent un atome d'hydrogène, et R3 et R4, identiques, représentent un groupement -(CH2)n-OH, dans lequel n est égal à 2, 3 ou 4,
et/ou au moins un des sels d'addition de ces composés de formule (i) avec un acide ;
(b) au moins un premier coupleur de type métaphénylènediamine de formule (II) suivante :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
choisie parmi le 1-(beta-hydroxyéthyloxy) 2,4-diamino benzène et le 1-méthoxy 2-amino 4-(beta-hydroxyéthylamino) benzène
et/ou au moins l'un des sels d'addition de ces composés de formule (II) avec un acide ;
(c)
- soit au moins un deuxième précurseur de colorant d'oxydation, de type paraaminophénol de formule (III) suivante :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle R10 représente un radical alkyle, monohydroxyalkyle ou monoalcoxyalkyle, les radicaux alkyle et alcoxy ci-dessus contenant de 1 à 4 atomes de carbone,
et/ou au moins l'un des sels d'addition de ces composés de formule (III) avec un acide ;
- soit au moins un deuxième coupleur, de type méta-aminophénol de formule (IV) suivante :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle R11 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle contenant 1 ou 2 atomes de carbone, un radical beta-hydroxyalkyle contenant de 2 à 3 atomes de carbone,
et/ou au moins l'un des sels d'addition de ces composés de formule (IV) avec un acide."
V. Avec une lettre datée du 2 avril 2002 la requérante 02 a requis que son opposition soit transférée à la société "The Procter and Gamble Company". Lors de la procédure orale tenue devant la Chambre le 20 septembre 2006 la requérante 02 a expressément abandonné cette requête.
VI. La procédure orale s'est tenue devant la Chambre en l'absence de l'opposante 02 (partie de droit à la procédure). Cette dernière avait indiqué dans une lettre datée du 29 août 2006 qu'elle ne participerait pas à la procédure orale. Au cours de l'audience l'intimée a déposé deux jeux de revendications à titre de requête subsidiaires 1 et 2.
La revendication indépendante 1 selon la requête subsidiaire 1 s'énonce comme suit :
"1. Composition de teinture d'oxydation pour fibres kératiniques, en particulier pour fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, caractérisée par le fait qu'elle comprend, dans un milieu approprié pour la teinture :
(a) au moins un premier précurseur de colorant d'oxydation choisi parmi les paraphénylènediamines de formule (i) suivante :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle les radicaux R1, R2, R3 et R4 ont les significations soumises aux conditions suivantes :
- R1 et R2 représentent un atome d'hydrogène, et R3 et R4, identiques, représentent un groupement -(CH2)n-OH, dans lequel n est égal à 2, 3 ou 4,
et/ou au moins un des sels d'addition de ces composés de formule (i) avec un acide ;
(b) au moins un premier coupleur de type métaphénylènediamine de formule (II) suivante :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle R6 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle, mono- ou polyhydroxyalkyle, R7 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle ou monohydroxyalcoxy, R8 représente un atome d'hydrogène ou un radical alkyle, R9 représente un radical alcoxy, aminoalcoxy, mono- ou poly-hydroxyalcoxy ou un radical 2,4-diaminophénoxyalcoxy, lesdits radicaux alkyle ou alcoxy ci-dessus contenant de 1 à 4 atomes de carbone, lesdits radicaux mono- ou polyhydroxyalkyle et mono- ou poly-hydroxyalcoxy ci-dessus désignant des radicaux alkyle ou alcoxy contenant de 2 à 3 atomes de carbone et comportant de 1 à 3 groupements hydroxyle, étant entendu qu'au moins un des radicaux R7 ou R8 désigne un atome d'hydrogène,
et/ou au moins l'un des sels d'addition de ces composés de formule (II) avec un acide ;
(c)
- soit au moins un deuxième précurseur de colorant d'oxydation, de type paraaminophénol de formule (III) suivante :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle R10 représente un radical alkyle, monohydroxyalkyle ou monoalcoxyalkyle, les radicaux alkyle et alcoxy ci-dessus contenant de 1 à 4 atomes de carbone,
et/ou au moins l'un des sels d'addition de ces composés de formule (III) avec un acide ;
- soit comme unique coupleur de type méta-aminophénol le coupleur de formule (IV) suivante :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle R11 représente un radical alkyle contenant 1 ou 2 atomes de carbone, ou le radical -CH2-CH2-CH2OH,
et/ou au moins l'un des sels d'addition de ces composés de formule (IV) avec un acide ;
à l'exclusion :
(i) d'une composition renfermant simultanément des composés de formules (i), (II) et (IV) pour lesquelles R1, R2, désignent le radical méthyle en position 2 sur le noyau benzénique, R3, R4, R6, R7, R8, désignent un atome d'hydrogène, R9 désigne un radical aminoéthyloxy, et R11, un groupement beta-hydroxyéthyle,
et (ii) d'une composition renfermant simultanément des composés de formules (i), (II) et (IV) pour lesquelles R1, R2, R3, R6, R7, R8, R11, désignent l'hydrogène, R4 désigne un radical méthoxyéthyle, et R9 désigne un groupement beta-hydroxyéthyloxy."
La revendication indépendante 1 selon la requête subsidiaire 2 diffère de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1, d'une part, par l'adjonction de l'expression "des précurseurs de colorants d'oxydation et des coupleurs uniquement choisis parmi" après l'expression "dans un milieu approprié pour la teinture" et, d'autre part, par la suppression des exclusions (i) et (ii) à la fin de la revendication.
VII. Selon les requérantes, la suppression dans la revendication 1 de la requête principale des exclusions divulguées dans la demande de brevet telle que déposée n'était pas supportée par ladite demande et enfreignait donc l'Article 123(2) CBE. D'autre part, l'objet de la requête principale était plus large que celui de la requête maintenue par la première instance et de ce fait violait le principe de la prohibition de la reformatio in peius. La modification de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 1 précisant que le coupleur de formule (IV) était dans les compositions revendiquées l'unique coupleur de type méta-aminophénol ne trouvait aucune base dans la demande telle que déposée. Il en était de même pour la modification de la revendication 1 selon la requête subsidiaire 2 visant à préciser que les précurseurs et les coupleurs étaient uniquement choisis parmi les composés de formule (i), (II), (III) et (IV). Par conséquent, les deux requêtes subsidiaires n'étaient pas en conformité avec les exigences de l'Article 123(2) CBE.
La partie de droit à la procédure n'a pas soumis d'argumentation.
VIII. Selon l'intimée la requête principale n'enfreignait pas les principes de la prohibition de la reformatio in peius établis par la Grande Chambre de Recours dans la décision G 1/99 (JO OEB 2001, 391). Si sa requête n'était pas admissible, motifs pris de ce qu'en théorie il serait toujours possible d'introduire dans les revendications une limitation très restrictive, les conditions 2 et 3 du dispositif de la décision G 1/99 deviendraient illusoires et de ce fait jamais remplies. Dans ce cas, la Grande Chambre devrait être saisie afin qu'elle donne une interprétation du terme "impossible" utilisé dans le dispositif de la décision G 1/99.
Les modifications de la revendication 1 selon les requêtes subsidiaires 1 et 2 se basaient sur la demande telle que déposée qui divulguait des combinaisons ne faisant intervenir que des coupleurs et précurseurs de formules (i), (II) et (III) ou (IV). Les revendications étaient "ouvertes" dans le sens qu'elle autorisaient la présence d'autres coupleurs et précurseurs mais leur présence n'était qu'optionnelle. Par conséquent, les exigences de l'Article 123(2) CBE étaient respectées.
IX. Les requérantes ont demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
L'intimée a demandé que la décision contestée soit annulée et que le brevet soit maintenu sur le fondement de sa requête principale déposée le 24 avril 2001 ou de l'une de ses deux requêtes subsidiaires déposées lors de la procédure orale tenue devant la Chambre le 20 septembre 2006. L'intimée a subsidiairement requis que la Grande Chambre soit saisie de la question suivante soumise pendant la procédure orale devant la Chambre :
"Comment doit-on interpréter le terme "impossible" puisqu'en théorie il sera toujours possible d'introduire une limitation très restrictive, ce qui rend les conditions 2 et 3 de la décision G 1/99 non applicables."
La partie de droit à la procédure n'a pas formulé de requête.
X. La Chambre a rendu la décision à la fin de la procédure orale.
1. Les recours sont recevables.
Modifications (Article 123(2) CBE).
2. Afin de déterminer si une modification répond aux exigences de l'Article 123(2) CBE il faut examiner si la modification introduit une information technique que l'homme du métier ne pouvait déduire de façon directe et non équivoque de la demande de brevet telle que déposée (voir par exemple T 288/92, point 3.1, non publiée au JO OEB).
3. Requête principale
3.1 La demande telle que déposée excluait expressément du cadre de l'invention, une composition (i) renfermant simultanément des composés de formules (i), (II) et (IV) pour lesquelles R1, R2, désignent le radical méthyle en position 2 sur le noyau benzénique, R3, R4, R6, R7, R8, désignent un atome d'hydrogène, R9 désigne un radical aminoéthyloxy, et R11, un groupement beta-hydroxyéthyle, et une composition (ii) renfermant simultanément des composés de formules (i), (II) et (IV) pour lesquelles R1, R2, R3, R6, R7, R8, R11, désignent l'hydrogène, R4 désigne un radical méthoxyéthyle, et R9 désigne un groupement beta-hydroxyéthyloxy (page 5, lignes 7 à 18 ; revendication 1). Cette exclusion a été supprimée dans la revendication selon la requête principale. L'intitulé de la revendication prévoit par l'utilisation de l'expression "caractérisé en ce qu'elle comprend" que la composition revendiquée puisse inclure d'autres composés que ceux définis par les formules (i), (II) et (III) ou (IV). Ainsi, bien que la définition des composants de formules (i) et (II) ait été limitée dans la revendication 1, les compositions (i) et (ii) exclues de l'invention selon la demande de brevet telle que déposée ne sont plus exclues de l'objet de la revendication modifiée. Le retrait de cette exclusion ne trouve cependant pas de support dans la demande de brevet telle que déposée et ne satisfait donc pas aux exigences de l'Article 123(2) CBE.
Par conséquent, la requête principale n'est pas admissible.
3.2 Dans ces circonstances donc, il n'est plus nécessaire pour la solution du présent litige de décider si la requête principale n'enfreint point le principe de la prohibition de la reformatio in peius tel qu'énoncé dans la décision G 1/99 (loc. cit.).
4. Requête subsidiaire 1
Selon la revendication 1 modifiée, dans le cas où la composition comprend un coupleur de formule (IV), ce coupleur est l'"unique" coupleur de type méta-aminophénol. La demande telle que déposée ne divulgue pas spécifiquement cette caractéristique mais au contraire prévoit la présence au sein de la composition d'autres méta-aminophénols (revendication 1 ; page 12, lignes 1 à 3).
Selon l'intimée, cette modification trouvait un support dans l'énumération des différentes combinaisons (a)(b)(c) de la page 9, ligne 26 à la page 10, ligne 2 de la demande telle que déposée, puisque ces combinaisons concernaient en fait des compositions dans lesquelles le coupleur de formule (IV) était l'unique coupleur de type méta-aminophénol.
Toutefois, aucune de ces combinaisons ne met en jeu un coupleur de formule (IV) selon la revendication modifiée puisque les composés c1 et c2, qui sont les seuls méta-aminophénols dans les diverses combinaisons énumérées, ne sont plus couverts par la formule (IV) selon la revendication 1 de la requête subsidiaire 1. Ainsi, aucune de ces combinaisons ne tombe sous l'intitulé de la revendication 1 modifié. Il n'est donc pas possible de déduire de cette liste de combinaisons la caractéristique introduite dans la revendication 1 telle que modifiée.
Dans ce contexte, l'intimée a également fait référence à la liste de méta-aminophénols page 8, ligne 24 à 28 de la demande telle que déposée. Cependant, cette liste ne mentionne que les méta-aminophénols de formule (IV) particulièrement préférés (page 8, lignes 20 à 22) sans pour autant préciser qu'ils sont incorporés dans les compositions comme unique coupleur de type méta-aminophénol.
Par conséquent, la modification tendant à préciser que dans les compositions revendiquées le coupleur de formule (IV) est l'unique coupleur de type méta-aminophénol étend l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée et ne satisfait donc pas aux exigences de l'Article 123(2) CBE.
5. Requête subsidiaire 2
La revendication 1 a été modifiée en précisant que les précurseurs d'oxydation et les coupleurs sont choisis uniquement parmi ceux de formules (i), (II) et (III) ou (IV) telles que définies dans la revendication. Comme pour la requête subsidiaire 1, la demande telle que déposée ne divulgue pas spécifiquement cette caractéristique mais au contraire prévoit la présence au sein de la composition d'autres coupleurs et précurseurs (revendication 1 ; page 12, lignes 1 à 3).
L'intimée a également cité comme support pour la modification les différentes combinaisons (a)(b)(c) de la page 9, ligne 26 à la page 10, ligne 2 de la demande telle que déposée. Cependant, aucune des combinaisons citées dans ce passage ne concerne une composition comprenant un composé de formule (IV) telle que définie dans la revendication 1. Ainsi ces combinaisons ne peuvent servir de support pour la revendication 1 modifiée, notamment pour le cas où cette dernière comprend un composé de formule IV.
Par conséquent, la modification tendant à préciser que les précurseurs d'oxydation et les coupleurs sont choisis uniquement parmi ceux de formules (i), (II) et (III) ou (IV) étend l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée et ne satisfait donc pas aux exigences de l'Article 123(2) CBE.
6. En conclusion, aucune des requêtes soumises par l'intimée ne répond aux exigences de l'Article 123(2) CBE. Ces requêtes ne sont donc pas admissibles.
Saisine de la Grande Chambre de Recours
7. D'après l'Article 112(1)a) CBE une Chambre de recours peut, en cours d'instance, soit d'office, soit à la requête d'une des parties, saisir la Grande Chambre de recours d'une question de droit d'importance fondamentale si une décision est nécessaire à ces fins. En l'espèce, la Chambre est arrivé à la conclusion qu'aucune des requêtes ne répond aux exigences de l'Article 123(2) CBE. Par conséquent, les réponses qui seraient données par la Grande Chambre de recours à la question posée par l'intimée, à savoir l'interprétation des conditions gouvernant l'exception au principe de la prohibition de la reformatio in peius telles qu'énoncées dans la décision G 1/99 (voir point IX), ne seraient point décisoires pour le présent recours.
La requête en saisine de la Grande Chambre de recours ne répond donc pas aux exigences de l'Article 112(1) CBE et doit, de ce seul fait, être rejetée.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. La requête en saisine de la Grande Chambre de Recours est rejetée.
3. Le brevet est révoqué.