T 1071/00 (Emulsion lipidique/CLINTEC NUTRITION COMPANY) 26-01-2006
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Emulsion lipidique destinée à la nutrition parentérale ou entérale
I. Le brevet européen nº 302 769 a été délivré le 10 juillet 1991 sur la base de la demande européenne nº 88 401 810.2.
Le jeu de revendications tel que délivré comportait 17 revendications.
La revendication 1 s'énonçait:
"1. Emulsion lipidique destinée à la nutrition parentérale ou entérale, caractérisée par le fait que la phase lipidique est un mélange d'acides gras à chaîne longue (C > 12) dont 15 à 45% du total des acides gras sont des acides gras essentiels."
II. La requérante a fait opposition à la délivrance de ce brevet européen, demandant sa révocation en application de l'article 100a) de la CBE en invoquant l'absence de d'activité inventive.
Entre autres, les documents suivants ont été cités au cours des procédures d'opposition et de recours:
(21) STP Pharma 1(1), 1985, pages 12-19
(22) Organische Chemie, Fieser and Fieser, 1224, 1968
(23) American Journal of Clinical Nutrition, 1965, pages 80-87
III. Dans la décision rendue par la Division d'Opposition à l'issue de la procédure orale en date du 6 juillet 2000, il a été décidé que la première requête auxiliaire du brevet européen No. 0 302 769 satisfaisait aux conditions énoncées dans la CBE.
Concernant le jeu de revendication de la requête principale, la division d'opposition était de l'avis que l'objet de la revendication 1 était anticipé par la divulgation de l'émulsion d'huile de coton décrite dans les documents 21 et 23 au vu de la composition de l'huile de coton donnée dans le document 22.
La Division d'Opposition a par ailleurs considéré que l'objet de la première requête auxiliaire était nouveau par rapport à l'état de la technique disponible et qu'il impliquait une activité inventive.
En effet, selon elle, aucune des combinaisons des documents de l'état de la technique disponible ne rendait évident le choix d'une émulsion contenant un mélange d'acides gras à longues chaînes (C>12) dont 15 à 45% du total des acides gras sont des acides gras essentiels en vu de résoudre de problème de la mise à disposition d'une émulsion qui fournit des acides gras essentiels, est stable, n'inhibe pas la métabolisation des acides gras essentiels, ne présente pas d'effets immunosuppresseurs et résout les problèmes de peroxydation.
Elle a également fait droit à la requête du breveté concernant la répartition des frais. Ainsi, la Division d'Opposition a décidé que les frais afférents à la production tardive de documents pertinents de la part de l'opposante soient à la charge de cette dernière.
IV. L'opposante et la titulaire du brevet ont introduit un recours contre cette décision. La titulaire du brevet a par la suite retiré son recours.
Le mandataire de la société Pharmacia & Upjohn agissant en qualité d'opposante dans la présente procédure d'opposition a adressé le 27 octobre 2000, à l'Office européen des brevets, un courrier qui se lit comme suit :
"CLINTEC NUTRITION COMPANY
Einspruch gegen das Europäische Patent 0 302 769 (88 401 810.2-2117) Emulsion lipidique destinée a la nutrition parentérale ou entérale
Gegen den Beschluss des Europäischen Patentamts vom 22. August 2000 wird hiermit Beschwerde eingelegt....Es wird beantragt, den Beschluss vom 22.8.2000 aufzuheben. Hilfsweise wird die Anberaumung einer mündlichen Verhandlung beantragt.
Dr. Luderschmidt"
(CLINTEC NUTRITION COMPANY
Opposition formée à l'encontre du brevet européen 0 302 769 (88 401 810.2-2117)
Emulsion lipidique destinée à la nutrition parentérale ou entérale
Il est par la présente formé recours contre la décision de l'Office européen des brevets du 22 août 2000....Il est demandé que la décision du 22 août 2000 soit annulée. Il est demandé à titre subsidiaire la tenue d'une procédure orale.
Dr. Luderschmidt)
Par lettre datée du 29 décembre 2000, un mémoire exposant les motifs du recours a été produit en langue anglaise. Les références visées dans cette lettre se lisent comme suit :
"File Reference T 1071/00 - 3.3.2
Patent No.0 302 769
Application No. 88 401 810.2-2117
Proprietor: CLINTEC NUTRITION COMPANY
Appellant: Fresenius Kabi Deutschland GmbH
Emulsion lipidique destinée à la nutrition parentérale ou entérale"
Suivent alors les "Grounds of Appeal" ; la lettre est signée par Dr. Luderschmidt.
V. Une procédure orale devant la chambre de recours s'est tenue le 26 janvier 2006.
Cette procédure orale faisait suite à la procédure orale en date du 22 avril 2004 qui avait été suspendue afin de permettre au mandataire de l'opposante d'établir l'identité exacte de la requérante ainsi que l'admissibilité du recours et au cours de laquelle la titulaire du brevet avait retiré son propre recours.
Une seconde procédure orale, prévue pour le 19 mai 2005, avait été ajournée en raison de la publication imminente de la décision de la Grande Chambre de Recours G2/04 (OJ, 2005, 549) concernant la question du transfert du statut d'opposant.
VI. La requérante (opposante) a contesté la brevetabilité du brevet européen.
Concernant la recevabilité du recours, l'intimée (titulaire du brevet) a exposé pour l'essentiel ce qui suit :
Le recours est irrecevable du fait que l'acte de recours ne comporte pas le nom de la requérante et qu'il n'apparaît donc pas clairement qui a formé le recours. Même si l'on ne voit là aucune infraction aux dispositions de l'article 107 CBE et si l'on considère la société Pharmacia & Upjohn comme étant la requérante, le recours est irrecevable puisqu'il a été motivé par une partie qui n'était pas habilitée à le faire. Il est en outre nécessaire qu'en cas de transmission de la qualité d'opposant, la transmission soit opérée et prouvée avant la formation du recours.
A titre subsidiaire, l'intimée a formulé à ce sujet des questions à soumettre à la Grande Chambre de recours.
VII. L'exposé de la requérante (opposante) quant à la recevabilité du recours peut se résumer comme suit :
Ainsi qu'il découle clairement de toutes les circonstances de l'espèce, le recours a été formé pour la société Pharmacia & Upjohn qui était partie à la procédure de première instance. En dépit de la désignation "Appellant : Fresenius Kabi Deutschland GmbH" mentionnée dans le mémoire exposant les motifs du recours, il n'y a pas eu substitution de partie ; les parties ont bien plus été "interverties" ; cette désignation est par conséquent due à une erreur. Il se trouve en fait que les activités économiques correspondantes de la société Pharmacia & Upjohn ont finalement été transférées à la société Fresenius Kabi Deutschland qui, suite à ce transfert, est maintenant la partie concernée par le brevet. Malgré cela, pour des raisons de forme, la procédure peut et doit toutefois être conduite au nom et avec les pleins pouvoirs de Pharmacia & Upjohn qui a la qualité de partie initiale.
VIII. Au début de la procédure orale du 26 janvier 2006, la Chambre s'est prononcée sur la question de la recevabilité du recours. Les parties ont eu l'occasion de prendre position sur l'avis provisoire de la Chambre.
L'intimée (titulaire du brevet) a réaffirmé les arguments qu'elle avait avancés sur ce point et a notamment fait observer qu'il n'est pas permis de démontrer après coup que les conditions requises pour une substitution de partie sont bien remplies.
Le mandataire de la requérante (opposante) a déclaré qu'il était toujours habilité à agir au nom de Pharmacia & Upjohn même s'il était également en possession d'un pouvoir émanant de la société Fresenius Kabi Deutschland GmbH. Son intention n'avait nullement été d'annoncer une substitution de partie dans le mémoire exposant les motifs du recours. Les liens juridiques n'ont, à son sens, été éclaircis que beaucoup plus tard, à savoir en 2004.
IX. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet nº 0 302 769.
L'intimée demande que le recours soit déclaré irrecevable ; à titre subsidiaire le rejet du recours.
Recevabilité du recours
La Chambre devait tout d'abord statuer sur la recevabilité du recours de l'opposante.
1. En vertu de l'article 107 CBE, toute partie lésée par une décision susceptible de recours au titre de l'article 106 CBE est admise à former recours. La personne pour laquelle le recours a été formé doit ce faisant être clairement indiquée. Tout risque de confusion doit ici être évité pour la simple raison que la question de savoir si le requérant a subi ou non un grief du fait de la décision attaquée ne pourra être éclaircie que si l'identité du requérant est établie. Il faut, également dans le cas de procédures réunissant plusieurs parties autour de la même cause, pouvoir distinguer qui est partie à la procédure de recours ou qui est "autre partie" à la procédure au sens de l'article 107, deuxième phrase, CBE.
En conséquence, la règle 64a) CBE dispose que l'acte de recours doit comporter le nom et l'adresse du requérant.
2. Dans la présente espèce, l'acte de recours ne comporte ni le nom ni l'adresse du requérant. Il contient toutefois le numéro du brevet et de la demande du brevet ainsi que le nom de la titulaire du brevet et la date de la décision faisant l'objet du recours. Or le recours a été formé par le mandataire de la requérante, c'est-à-dire par le conseil en propriété industrielle Monsieur Dr. Luderschmidt, qui avait déjà représenté l'opposante au cours de la première instance. A cela s'ajoute que la procédure d'opposition ne comptait qu'une seule partie du côté de l'opposante. Par conséquent, il ne faisait d'emblée absolument aucun doute que le recours avait été formé pour l'opposante de la procédure de première instance. Il est de pratique constante que dans les cas suffisamment clairs comme celui-ci, les chambres de recours de l'Office européen des brevets considèrent comme recevable un recours même si le nom et l'adresse du requérant ne figurent pas dans l'acte de recours (cf. T 867/91 - 3.3.1, 12.10.73).
3. Il est donc clair pour la Chambre que le recours a été dûment formé. La requérante est bien la société opposante aux prétentions de laquelle il n'a partiellement pas été fait droit (révocation complète du brevet) dans la décision attaquée, c'est-à-dire la société Pharmacia & Upjohn AB citée dans la décision. Celle-ci est lésée par la décision vu qu'elle a été en partie déboutée de ses requêtes, et reste lésée bien que la société Fresenius Kabi Deutschland GmbH soit entre-temps la société concernée par le maintien ou le non-maintien du brevet attaqué. Il aurait donc été tout à fait possible de poursuivre et de mener à son terme la procédure de recours engagée pour Pharmacia & Upjohn.
4. Or le problème qui se pose dans la présente espèce vient de ce que le recours a été expressément motivé au nom de la société Fresenius Kabi Deutschland GmbH alors qu'elle n'avait pas la qualité de requérante. Il est évident que le recours doit être motivé par la partie qui l'a formé. Les motifs exposés par un tiers sont sans importance, à moins que le tiers ne se substitue à l'ancienne requérante pour intervenir en tant que nouvelle partie à la procédure. Dans ces conditions et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment du transfert des activités économiques correspondantes, entre-temps connu de la Chambre et prouvé, l'indication du nom de la société Fresenius Kabi Deutschland GmbH comme requérante dans l'exposé des motifs du recours aurait très bien pu être interprétée comme une annonce implicite de changement de partie dans l'intention de poursuivre la procédure de recours pour la nouvelle partie habilitée et de demander à la Chambre qu'elle autorise ce changement. La Chambre a déclaré au début de la procédure orale du 26 janvier 2006 qu'elle voulait interpréter dans ce sens les références visées dans le mémoire exposant les motifs du recours. La question qui reste encore à trancher est alors de savoir s'il est possible - ce que conteste la titulaire du brevet - de prouver après coup que la substitution de partie est recevable. La Chambre a, au début de la procédure orale, déjà fait connaître aux parties son avis positif sur cette question.
5. A la suite des déclarations de la Chambre et des moyens invoqués par le mandataire de l'intimée, le mandataire de l'opposante/la requérante a cependant clairement indiqué qu'il n'avait pas été dans ses intentions d'obtenir ni même d'annoncer une substitution de partie dans l'exposé des motifs du recours. Son intention avait au contraire toujours été de conduire la procédure du recours pour la requérante initiale.
Eu égard à cette déclaration parfaitement claire, la Chambre n'a pas la possibilité d'interpréter le mémoire exposant les motifs du recours car seules les déclarations équivoques peuvent faire l'objet d'une interprétation. La Chambre doit par conséquent admettre que le nom de la société Fresenius Kabi Deutschland GmbH mentionné comme étant le nom de l'auteur du mémoire exposant les motifs du recours a été indiqué par erreur. Indépendamment de la question de savoir si et le cas échéant comment une telle erreur peut être rectifiée, il convient de constater qu'il n'a jamais été apporté de rectification, notamment pas dans le délai requis pour le dépôt de ce mémoire.
6. Il reste par conséquent que le recours a été introduit en bonne et due forme dans le délai imparti mais qu'il n'a pas été motivé par la requérante. Le recours devait donc être rejeté comme irrecevable.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est irrecevable.