T 1880/09 (Complexe d'acide orthosilicicique et un polypeptide/EXSYMOL) 16-07-2014
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Complexe à base d'acide orthosilicique biologiquement assimilable, se présentant sous forme solide, stable et concentrée, et procédé de préparation
EXSYMOL S.A.M.
Seguin, Marie-Christine
Possibilité d'exécuter l'invention - (oui)
Nouveauté - (oui)
Activité inventive - (oui)
Arguments produits tardivement - recevable (non)
Répartition des frais - (non)
I. Le recours a été formé par l'opposant (ci-après "le requérant") contre la décision de la division d'opposition qui a rejeté l'opposition formée contre le brevet européen n° 1092728 intitulé "Complexe à base d'acide orthosilicique biologiquement assimilable, se présentant sous forme solide, stable et concentrée, et procédé de préparation" et basé sur la demande européenne n° 00480090.0.
II. Le brevet faisait l'objet d'une opposition au titre de l'article 100 a) CBE pour manque de nouveauté (article 54 CBE) et d'activité inventive (article 56 CBE), et au titre de l'article 100 b) CBE.
Les revendications 1 à 6 telles que délivrées s'énoncent comme suit :
"1. Complexe à base d'acide orthosilicique, caractérisé en ce que l'acide orthosilicique est complexé à un polypeptide et en ce que ledit complexe se présente sous forme solide, stable, concentrée et biologiquement assimilable.
2. Complexe selon la revendication 1, caractérisé en ce que ledit polypeptide est un hydrolysat de protéines d'origine animale ou végétale.
3. Complexe selon l'une des revendications 1 ou 2, caractérisé en ce que ledit polypeptide est un hydrolysat de collagène, tel que le collagène de porc ou de poisson.
4. Procédé de préparation du complexe selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce qu'il comprend les étapes suivantes:
- le polypeptide est dissous dans 1 volume d'eau distillée
- le pH est ajusté entre 2 et 4
- on ajoute sous agitation, dans une proportion allant de 1/4 de volume à 1 volume, un alcool soluble dans l'eau, préférablement l'éthanol
- un précurseur hydrolysable d'acide orthosilicique, de préférence un tétraalcoxysilane, est introduit au goutte à goutte
- le mélange est maintenu sous agitation jusqu'à hydrolyse complète du précurseur
- l'alcool et l'eau sont évaporés.
5. Composition cosmétique ou pharmaceutique, caractérisée en ce qu'elle comprend, en association avec tout excipient approprié, un complexe à base d'acide orthosilicique biologiquement assimilable selon l'une des revendications 1 à 3.
6. Complément nutritionnel caractérisé en ce qu'il comprend, en association avec tout excipient alimentairement approprié, un complexe à base d'acide orthosilicique biologiquement assimilable selon l'une des revendications 1 à 3."
III. Les documents suivants sont cités dans cette décision :
D2: WO 95/21124
D3: FR-A-2122529
D4: H.G. Kristinsson et al., Critical Reviews in Food Science and Nutrition, 2000, 40(1), p. 43-81
D5: V.A. Mukhin et al., Applied Biochemistry and Microbiology, 2001, 37(3), p. 338-343
D6: M. Calomme, Rapport nr. BIO 19 /2/ 2007, du 19 février 2007
D18: R.K. Iler: "THE CHEMISTRY OF SILICA", JOHN WILEY & SONS, NEW YORK, p. 10, 11, 94-97
D22: F. Loru: "attestation" SEDIFA LABORATOIRE, du 1**(er) décembre 2008
D27: Analyse RMN**(29)Si de deux lots de Exsynutriment, du 8 janvier 2009
D30: Lettre de G. Langrand du 22 décembre 2008
D33: UNIVERSITÉ DE NICE SOPHIA-ANTIPOLIS, Spectre RMN**(29)Si, Lot n° 40946, du 12 septembre 2008
D34: N. Sahai, et al., Geochimica et Cosmochimica Acta, 2001, 65(13), p. 2043-2053
D35: Spectre RMN**(29)Si d'un lot de Exsynutriment sous forme solide, Biominerals, novembre 2006
D36: Rapport Expérimental de M. Calomme, du 2 novembre 2009
D37: Rapport Expérimental du Prof. P. Adriaensens, du 27 octobre 2009
D38d: P. Creach, J. Adrian, "Le Silicium dans la chaîne alimentaire et sa Localisation dans L'organisme", Méd. et Nut., 1990, T. XXVI., N°2
D40: G.B. Alexander, "The Reaction of Low Molecular Weight Silicic Acids with Molybdic Acid", 1953, p. 5655
D44: G. Langrand, Préparation de l'échantillon Exsynutriment (lot 40946) pour analyse RMN**(29)Si liquide, du 17 mai 2010
D45: Gaysinski M., analyse RMN**(29)Si, du 10 mai 2010
D46: Ziarelli F., Exsynutriment, analyse RMN**(29)Si solide, du 18 mai 2010
D48: Calomne M. et al., Les Ions Métalliques en Biologie et en Médecine, 1998, 5, p. 228-232
D49: Photos du Biosil
D50: Ziarelli F., Biosil, analyse RMN**(29)Si solide du 30 novembre 2012
D55: Déclaration du Prof. Peter Adriaensens, du 10 juillet 2014
D56: S.A. Greenberg, J. Chem. Education, 1959, 36(5), p. 218, 219
IV. Dans son mémoire exposant les motifs du recours, le requérant a fait valoir que le brevet présentait une insuffisance de divulgation en ce qui concerne l'objet de la revendication 1, les informations divulguées dans le brevet ne permettant pas à l'homme du métier de préparer un complexe selon la revendication 1. Cette objection été confirmée par les données expérimentales des documents D35 à D37. Par ailleurs, l'objet de la revendication 1 manquait de nouveauté par rapport à la divulgation du document D2 et/ou d'activité inventive par rapport à l'enseignement du document D2 avec ensemble les connaissances générales de l'homme du métier.
V. Dans sa réponse, les titulaires (ci-après "les intimés") ont demandé que les documents D35 à D37 ne soient pas admis à la procédure. Le document D35 n'a pas été admis par la division d'opposition et n'était donc pas partie de la procédure. Les documents D36 et D37 auraient déjà dû être produits en première instance et ont donc été déposés tardivement. En outre, ils sont de prime abord dépourvus de pertinence et leur production constitue un abus de procédure. Des arguments et des données expérimentales (documents D45 et D46) ont également été présentés pour montrer que le complexe de la revendication 1 pouvait être préparé à l'aide des informations techniques divulguées dans le brevet, lequel satisfaisait par conséquent aux exigences de l'article 83 CBE. Des arguments ont aussi été présentés selon lesquels l'objet de la revendication 1 est nouveau et inventif par rapport à la divulgation du document D2.
VI. Dans sa réponse, le requérant a justifié le dépôt tardif des documents D35 à D37 et argué en faveur de leur pertinence. Il a contesté les données expérimentales des documents D45 et D46 et soutenu une argumentation nouvelle selon laquelle l'objet de la revendication 1 manquait de nouveauté par rapport à la divulgation du document D3.
VII. Les intimés ont réagi en produisant notamment des données expérimentales supplémentaires (documents D49 et D50) ainsi que des arguments en faveur de la suffisance de l'exposé, et en demandant une répartition des frais.
VIII. Les parties ont été convoquées à une procédure orale fixée au 16 juillet 2014. Par la suite, la chambre, par notification conformément à l'article 15(1) RPCR, a exprimé son opinion préliminaire et sans valeur contraignante selon la quelle l'objet des revendications telles que délivrées satisfait aux exigences des articles 54 et 56 CBE; elle ne voyait pas de difficulté quant à la suffisance de l'exposé; et que la division d'opposition avait correctement exercé sa discrétion quant au document D35 de sorte qu'il ne devait pas faire partie de la procédure.
IX. Le requérant a répliqué en produisant la déclaration D55 et le document D56.
X. La chambre a tenu la procédure orale de 16 juillet 2014.
XI. Les arguments du requérant peuvent se résumer comme suit:
Recevabilité du document D35 et de la déclaration D55
C'est la notification accompagnant la citation à la procédure orale de la division d'opposition, qui est à l'origine de l'analyse du complexe de la revendication 1 par RMN (cf. point 7.4). Bien que la détection par RMN d'acide orthosilicique dans un échantillon liquide du complexe ait été évoquée dans un moyen produit par le titulaire en date du 12 janvier 2009 en référence au document D27, le spectre RMN partiel proprement dit de l'expérience n'a été soumis que le 4 mars 2009 (document D33). Plus tard, le 10 mars 2009, l'opposant a soumis un spectre RMN complet du complexe à l'état solide (document D35) démontrant l'absence d'acide orthosilicique. La division d'opposition n'a pas admis le document D35 à la procédure au motif qu'il n'avait été produit que deux jours avant la procédure orale et que les données RMN divulguées à ce document n'étaient pas pertinentes. La division d'opposition n'a pas indiqué pourquoi elle estimait le document dépourvu de pertinence et il n'y avait donc aucune raison de ne pas admettre cette information technique pertinente à la procédure.
La déclaration D55 doit être admise à la procédure puisqu'elle a été produite en réponse directe à l'opinion préliminaire de la chambre.
Argumentation nouvellement soutenue dans les moyens du 12 juillet 2012 reposant sur le document D3
L'argument concernant la nouveauté basé sur le document D3 n'était en fait pas nouveau, car le document D3 avait déjà été utilisé dans la procédure d'opposition. Il a été produit suite aux données de l'analyse par RMN à l'état solide fournies par les intimés (document D46) en réponse au mémoire exposant les motifs du recours, données démontrant en fait que dans le complexe défini à la revendication 1, on ne trouvait pas l'acide orthosilicique monomérique, mais seulement l'acide silicique polymérique et ses formes colloïdales. Ces éléments pertinents n'étaient devenus disponibles que tardivement dans la procédure de recours, et justifiaient donc le nouvel argument relatif à la nouveauté. Au reste, l'article 12(4) RPCR n'interdit pas l'introduction d'arguments tardifs.
Suffisance de l'exposé
Les informations divulguées dans le brevet ne permettent pas à l'homme du métier de préparer le complexe d'acide orthosilicique à l'état solide, stable et biologiquement assimilable de la revendication 1. Les exemples 1 à 6 du brevet ne prouvent pas que le complexe d'acide orthosilicique de la revendication 1 a été réalisé. Le brevet ne divulgue pas non plus de méthode permettant à l'homme du métier d'établir la présence d'acide orthosilicique dans le complexe revendiqué, contrairement aux conditions définies à la décision T 449/90. Le fascicule du brevet ne suffit donc pas à enseigner à l'homme du métier comment le complexe de la revendication 1 peut être préparé et stabilisé. Le fardeau de la preuve est donc déplacé sur les intimés, conformément à la jurisprudence constante (décision T 63/06).
Les données expérimentales basées sur la résonance magnétique nucléaire (RMN) ne prouvent nullement la présence d'acide orthosilicique dans les échantillons solides des exemples 1 et 2 du brevet (cf. documents D37 et D46). L'utilisation d'échantillons solides est essentielle, car c'est la seule façon d'éviter l'hydrolyse des composés polymériques du silicium (colloïdes) en acide orthosilicique monomérique en présence d'eau lourde (D2O) acide, hydrolyse donnant des résultats faussement positifs. L'analyse par RMN effectuée sur des échantillons liquides par les intimés n'exclut pas que le complexe ait été stocké dans une solution aqueuse acide pendant près de quatre semaines (voir document D44), de sorte que la détection d'acide orthosilicique est vraisemblablement due à l'hydrolyse du silicium polymérique.
L'essai au bleu de molybdène (voir document D22) a également été effectué sur des échantillons liquides sans utilisation de contrôle et sans divulgation des conditions expérimentales. Ses résultats sont donc douteux.
L'utilisation d'un hydrolysat de protéine pour préparer le polypeptide a entraîné un mélange indéfini de peptides, d'acides aminés et de polypeptides (voir documents D4, page 64, colonne 2, lignes 4 à 7, et D5, tableau 1). On ne voit donc pas clairement lequel de ces composés est responsable de la complexation et stabilisation de l'acide orthosilicique.
Nouveauté
L'objet de la revendication 1 n'est pas nouveau par rapport à document D2, lequel divulgue un complexe stable d'acide orthosilicique avec des acides aminés tels que la sérine et la proline (voir page 2, lignes 23 à 38).
Activité inventive
La divulgation du document D2, qui représente l'art antérieur le plus proche, diffère de l'objet de la revendication 1 en ce que des acides aminés sont utilisés au lieu d'un polypeptide pour stabiliser l'acide orthosilicique monomérique. Cette différence n'entraîne aucun bénéfice en termes de stabilité ou de biodisponibilité du complexe revendiqué. Le problème technique objectif à résoudre est donc de fournir un autre complexe stable d'acide orthosilicique. Le document D2 enseigne à l'homme du métier que l'effet stabilisant de l'acide aminé sur l'acide orthosilicique provient de la paire d'électrons libres de l'atome d'azote du groupe amino (voir page 2, lignes 23 à 38). La présence d'atomes d'azote ayant des paires d'électrons libres dans les polypeptides (par exemple dans le groupe amino à la terminaison N ou dans les liaisons peptidiques) fait partie des connaissances générales de l'homme du métier. Au vu de document D2, l'utilisation d'un polypeptide au lieu d'un acide aminé pour stabiliser l'acide orthosilicique constitue une alternative évidente.
Eu égard à l'objet de la revendication 2, la divulgation du document D2 est différente en ce que des acides aminés sont utilisés pour stabiliser l'acide orthosilicique monomérique au lieu d'un polypeptide obtenu à partir d'un hydrolysat de protéine. Cette différence n'entraîne aucun bénéfice en termes de stabilité ou de biodisponibilité du complexe revendiqué. Le problème technique objectif à résoudre est donc de fournir un autre complexe stable d'acide orthosilicique. Toutefois, l'utilisation d'un hydrolysat de protéine est évidente pour l'homme du métier à la recherche d'une source alternative bon marché d'acides aminés, laquelle source est aussi connue comme contenant en plus des polypeptides en quantités considérables (voir documents D4, page 64, colonne 2, lignes 4 à 7, et D5, tableau 1). L'homme du métier arriverait donc automatiquement à l'objet de la revendication 2, sans faire preuve d'activité inventive.
Répartition des frais
Aucune des situations visées à l'article 16 RPCR ne s'applique à la conduite de la procédure par le requérant. Les documents D35 à D37 ont été déposés avec le mémoire exposant les motifs du recours. Document D48 a été déposé en réponse aux moyens produits par les intimés. Le nouvel argument relatif à la nouveauté basé sur document D3 est facile à comprendre et la déclaration D55 et le document D56 ont été déposés en réponse à l'opinion préliminaire émise par la chambre. Ils doivent donc être pris en considération dans la procédure en vertu de l'article 12 RPCR. Les parties doivent être traitées équitablement, le requérant ne s'étant opposé ni au dépôt tardif des documents D27, D33 et D34 par le titulaire du brevet durant la première instance, ni au document D44 déposé par les intimés durant la procédure de recours. Le document D44 porte notamment la date du 9 décembre 2008 et aurait par conséquent dû être déposé dès la première instance. Étant donné ce qui précède, la requête en répartition des frais formulée par les intimés doit être rejetée.
XII. Les arguments des intimés peuvent se résumer comme suit:
Recevabilité du document D35 et de la déclaration D55
Les données RMN du document D35 n'ont pas été admises à la procédure d'opposition parce qu'elles furent déposées deux jours seulement avant la procédure orale et que le requérant n'avait pas expliqué les raisons de ce dépôt tardif, alors que la division d'opposition dans la notification accompagnant la citation à la procédure orale avait déjà suscité une telle production et que les données portent un cachet remontant à 2006. Le requérant n'explique pas non plus pourquoi ces données sont pertinentes de prime abord. La division d'opposition a donc fait un usage correct de son pouvoir discrétionnaire en n'admettant pas le document à la procédure. Par conséquent, le document D35 ne doit pas non plus être admis à la procédure de recours.
N'ayant été soumise qu'après citation des parties à la procédure orale, la déclaration D55 ne doit pas être admise à la procédure par la chambre (article 13(3) RPCR).
Argumentation nouvellement soutenue dans les moyens du 12 juillet 2012 reposant sur le document D3
Aucun argument de manque de nouveauté basé sur la divulgation du document D3 n'a été formulé dans le mémoire exposant les motifs du recours ou durant l'opposition ou l'examen. La soumission d'un tel argument est une modification des moyens présentés par le requérant. Le caractère tardif de l'argument ne peut être justifié par le dépôt du document D46 puisque les documents D35 et D37, déposés tous deux par le requérant à un stade antérieur de la procédure, fournissaient des spectres RMN essentiellement identiques. L'argument ne doit donc pas être admis à la procédure.
Suffisance de l'exposé
Les informations fournies dans le brevet, notamment aux exemples 1 et 2, permettent à l'homme du métier de préparer le complexe de la revendication 1. L'exemple 4 démontre que le complexe contient effectivement de l'acide orthosilicique. En effet, ce n'est que sous sa forme monomérique ou oligomérique que l'acide orthosilicique est soluble (voir document D18, page 10, deuxième paragraphe complet) et assimilable biologiquement parce que capable de traverser la barrière intestinale du duodénum (voir documents D38d et D48). Les résultats d'expériences obtenus par dosage au bleu de molybdène ou par RMN - conformément à la suggestion de la division d'opposition dans la notification annexée à la citation à la procédure orale (cf. point 7.4) - sur des échantillons liquides du complexe préparés selon les exemples 1 et 2 du brevet, apportent un supplément de preuve de la présence d'acide orthosilicique (pour les résultats RMN, voir les documents D27, D33, D44; pour l'essai au bleu de molybdène, voir document D22).
Il a également été démontré que des solutions de polypeptides exemptes d'acides aminés étaient à même de stabiliser l'acide orthosilicique dans le complexe revendiqué (voir document D30).
L'incapacité du requérant à détecter l'acide orthosilicique par RMN dans les échantillons solides (documents D37 et D46) ne prouve pas qu'ils n'en contenaient pas. La sensibilité de la RMN dans ces conditions était peut-être trop faible, car elle nécessite la présence d'au moins 5% d'acide orthosilicique rapportés au contenu total en silicium dans l'échantillon analysé (voir document D46).
Nouveauté
Un polypeptide n'est pas un acide aminé, et le document D2 ne divulgue pas les polypeptides pour stabiliser l'acide orthosilicique. L'objet de la revendication 1 est donc nouveau par rapport à la divulgation du document D2.
Activité inventive
L'objet de la revendication 1 diffère de la divulgation du document D2, laquelle représente l'art antérieur le plus proche, en ce que le complexe renferme un polypeptide et non pas un acide aminé pour stabiliser l'acide orthosilicique monomérique. Cette différence améliore la stabilité du complexe aux pH acides et alcalins, ainsi que la résorption et donc la biodisponibilité de l'acide orthosilicique. Le problème technique objectif est de fournir un complexe comprenant de l'acide orthosilicique ayant une meilleure stabilité et une meilleure biodisponibilité. L'amélioration de la stabilité et de la biodisponibilité de l'acide orthosilicique dans le complexe de la revendication 1 résulte de son incorporation dans la structure tridimensionnelle du polypeptide, laquelle empêche sa polymérisation sous des formes polysiliciques colloïdales insolubles. Cet effet inattendu du polypeptide sur l'acide orthosilicique était inconnu de l'homme du métier. L'objet de la revendication 1 implique dès lors une activité inventive.
Répartition des frais
La répartition des frais est justifiée du fait des coûts importants occasionnés par le dépôt tardif des documents D35 à D37 et D56, et de la déclaration D55, et aussi en raison de l'introduction dans la procédure du nouvel argument relatif à la nouveauté basé sur le document D3. Ces moyens ont forcé les intimés à procéder à des contre-expériences onéreuses et ont entraîné des frais de déplacement supplémentaires pour les experts techniques amenés à participer à la procédure orale (voir décision T 2165/08). Par ailleurs, l'échelonnement de ces moyens tout au long de la procédure de recours représente une tactique de "salami" qu'il convient d'éviter.
Les requêtes des parties
Le requérant a demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
Les intimés ont requis le rejet du recours, et le rejet des débats du document D35 et de la déclaration D55 pour irrecevabilité, ainsi qu'une répartition des frais différente.
Recevabilité du document D35 et de la déclaration D55
1. À l'origine, les intimés s'opposaient à l'introduction du document D35 déjà refusée par la division d'opposition, des documents D36 et D37 versés avec le mémoire de recours, ainsi que du document D48 et de la déclaration D55 versés respectivement le 12 juillet 2012 et 10 juillet 2014. Après la discussion sur leur recevabilité lors de la procédure orale, les intimés ontmaintenu son objection uniquement à l'encontre du document D35 et de la déclaration D55.
2. En ce qui concerne le document D35, comme la chambre l'avait indiqué à titre provisoire dans sa communication, ce document a été écarté des débats par la division d'opposition dans l'exercice normal de son pouvoir d'appréciation. Les motifs donnés au
paragraphe 16.1 de la décision, en effet, sont de nature à établir le bien-fondé de cette décision, à savoir ce document versé après la date limite prévue par la règle 116 CBE pour prouver que l'homme du métier ne pouvait reproduire l'invention n'apparaissait pas de prime abord être de nature à rapporter une telle preuve. En conséquence de quoi la chambre a décidé d'écarter le document D35 des débats.
3. La déclaration D55 n'a pas été discutée lors de la procédure orale. La chambre n'a dès lors pas eu à se prononcer sur sa recevabilité.
Suffisance de l'exposé
4. L'article 100(b) CBE stipule que l'invention doit être exposée dans le brevet européen de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. D'après la jurisprudence constante des chambres de recours, cela veut dire que l'invention doit pouvoir être reproduite par l'homme du métier sur la base d'informations tirées du fascicule de brevet et/ou des connaissances générales, sans que l'homme du métier n'ait à fournir d'efforts excessifs.
5. La chambre note que le brevet divulgue deux procédés (exemples 1 et 2) pour préparer les complexes solides selon la revendication 1 comprenant de l'acide orthosilicique et un polypeptide. En reproduisant ces exemples, le requérant peut obtenir un tel complexe (cf. document D36, page 1).
6. Le requérant a fait valoir l'insuffisance de l'exposé eu égard à l'objet de la revendication 1, affirmant, dans un premier argument, que le brevet ne divulgue pas de méthode pour détecter l'acide orthosilicique dans les échantillons solides. Ce qui autorise à douter de la présence d'acide orthosilicique lors de la réalisation des exemples 1 et 2.
6.1 Le brevet divulgue un essai physiologique basé sur le duodénum du rat pour tester l'absorption, et donc la biodisponibilité, de l'acide orthosilicique dans le complexe revendiqué (voir exemple 4). L'acide orthosilicique monomérique et/ou oligomérique est hydrosoluble - contrairement aux formes polymériques du silicium qui sont insolubles ? et peut dès lors être absorbé en passant la barrière intestinale du duodénum (voir document D38d, Méd. et Nut., 1990, T.XXVI - N. 2, abrégé; document D48, page 230, premier paragraphe).
6.2 L'exemple 4 du brevet montre que dans le complexe préparé selon l'exemple 1 du brevet, le silicium traverse la barrière intestinale, preuve de la présence d'acide orthosilicique. La chambre ne peut en conséquence pas suivre le requérant quand il affirme que le brevet ne divulgue aucune méthode permettant à l'homme du métier de vérifier si l'acide orthosilicique est oui ou non présent. Au contraire les exigences établies dans la décision T 449/90 du 5 décembre 1991 (voir point 3.3 des motifs) sont remplies dans ce cas.
6.3 Il se déduit également de ce qui précède, que les informations fournies dans le brevet litigieux rendent la préparation et la présence d'acide orthosilicique dans le complexe de la revendication 1 crédibles à l'homme du métier, et permettent de conclure que le complexe de la revendication 1 fait l'objet d'un exposé suffisant. En conséquence de quoi, la chambre estime que les informations fournies dans le brevet suffisent pour permettre à l'homme du métier d'exécuter le complexe de la revendication 1.
6.4 Contrairement à l'argumentation proposée, la chambre estime que les faits de l'espèce ne justifient nullement de déplacer sur les intimés le fardeau de la preuve. Cette position de la chambre est conforme au principe général selon lequel il incombe à la partie de prouver ses allégations (voir Jurisprudence des chambres de recours, septième édition, III.G.5.1.1;
décision T 63/06 du 24 juin 2008, point 3 des motifs).
Pour ces raisons la chambre n'a pas a considérer les données expérimentales soumises par les intimés, que ces données soient basées sur une analyse par RMN d'échantillons liquides du complexe d'acide orthosilicique préparé selon les exemples 1 et 2, ou sur un essai au bleu de molybdène (spectres RMN divulgués dans les documents D33 et D44; essai au bleu de molybdène dans le document D22). Le même raisonnement s'applique aux expériences des intimés montrant que des solutions d'acides aminés dépourvues de polypeptides sont à même de stabiliser l'acide orthosilicique dans le complexe de la revendication 1 (voir document D30). La chambre note que le requérant a mis en doute la validité de ces résultats présentés par les intimés, sans pour autant proposer lui-même des faits vérifiables. Mais le requérant ne peut, par simple affirmation, remettre en question la présomption suffisante établie par les données ds intimés.
7. Le requérant et les intimés ont présenté des expériences de RMN sur des échantillons du complexe à l'état solide préparé selon les exemples du brevet. La présence d'acide orthosilicique n'a pu être détectée dans aucun de ces complexes (voir document D37, points 16 et 17, spectre RMN ; document D46, point 3). Dans une deuxième argumentation, le requérant a fait valoir que ceci prouvait que le brevet n'expose pas suffisamment l'objet de la revendication 1.
8. Toutefois la chambre estime que la non détection d'acide orthosilicique par analyse RMN d'échantillons solides ne prouve pas en soi l'absence d'acide orthosilicique. En effet la non détection peut s'expliquer par plusieurs raisons.
Une raison peut être par exemple que la sensibilité de la RMN est en l'espèce trop faible pour détecter l'acide orthosilicique dans des échantillons solides. Les intimés suggèrent comme limite de détection de l'acide orthosilicique par RMN une teneur minimale de 5% rapportée à la quantité totale de silicium présente dans l'échantillon (voir document D46, page 4, deuxième paragraphe), une limite non contestée par le requérant. La teneur divulguée d'acide orthosilicique dans les échantillons préparés selon les exemples 1 et 2 du brevet n'est cependant que de 1,5 ou 2,5%. Il s'agit là d'une explication tout à fait crédible de la non détection d'acide orthosilicique selon les documents D37 et D46.
9. Compte tenu des observations des points 6 à 6.4 et 8 ci-dessus, la chambre conclut que le brevet expose l'objet de la revendication 1 de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter.
10. Le requérant n'a pas soulevé d'objections pour insuffisance de l'exposé à l'encontre de l'objet des revendications 2 à 6. La chambre n'a pas de raison de le faire. Il est donc satisfait aux exigences de l'article 100(b) CBE.
Nouveauté
11. L'objet de la revendication 1 est un complexe à base d'acide orthosilicique caractérisé en ce que l'acide orthosilicique est complexé avec un polypeptide.
Le document D2 divulgue des complexes d'acide orthosilicique avec des composés ammonium quaternaires tels que la choline, ou des acides aminés tels que la proline ou la sérine (voir document D2, page 2, lignes 23 à 38). Le document D2 ne divulgue pas un complexe comprenant de l'acide orthosilicique et un polypeptide. D'autre part, un polypeptide est un polymère d'acides aminés. Il diffère d'un acide aminé non seulement par la structure, mais aussi par ses propriétés physiques et chimiques. Par conséquent, la chambre estime que l'objet de la revendication 1 est nouveau par rapport à la divulgation du document D2.
12. Le requérant n'a pas soulevé un défaut de nouveauté à l'encontre de l'objet des revendications 2 à 6. Au demeurant, la chambre est convaincue que l'objet de ces revendications est nouveau par rapport à la divulgation des documents de l'état de la technique cités. L'objet des revendications 1 à 6 satisfait donc aux exigences de l'article 54 CBE.
Argumentation nouvellement soutenue dans les moyens du 12 juillet 2012 reposant sur le document D3
13. Le requérant a soutenu, lors de la procédure orale, qu'il ne s'agissait pas d'un nouveau motif d'opposition et que le document D3 était dans les débats dès le début de la procédure d'opposition. Il a fait ensuite valoir que la pertinence de cette argumentation ne lui est apparue qu'après avoir pris connaissance des résultats de l'analyse RMN ds intimés mettant en valeur la présence d'autres composants que l'acide orthosilicique et le polypeptide (cf. document D46). Toutefois, dans ses moyens du 12 juillet 2012, il disait fonder cette nouvelle argumentation sur ses propres éléments de preuve, notamment les documents D33, D36 et D37.
14. La chambre remarque que cette nouvelle argumentation caractérise une modification des moyens du requérant au sens de l'article 12(2) et 13(1) RPCR, dont l'admission relève du pouvoir d'appréciation de la chambre. Pour exercer son pouvoir d'appréciation, la chambre dispose de plusieurs critères. Le premier tient à la raison pour laquelle cette modification intervient tardivement. À ce sujet, les arguments du requérant sont insuffisants pour expliquer pourquoi cette argumentation n'a pas pu être soutenue devant la division d'opposition ou dans le mémoire exposant les motifs du recours. Il ne suffit pas en effet que les documents soient mentionnés pour faire partie des débats. Il appartient aux parties d'argumenter dès que possible l'usage qu'elles veulent faire d'un document au moyen d'un raisonnement et d'une démonstration juridiques.
15. Ensuite, la chambre doit évaluer si la modification des moyens du requérant peut être traitée sans délai et si son incidence sur l'issue de la procédure (validité du brevet) est immédiatement appréciable. En fait, cette modification très tardive ne pourrait se justifier que si l'argumentation développée sur la base de document D3 faisait apparaître clairement et sans examen exigeant un allongement de la procédure que la nouveauté de l'objet du brevet est compromise.
16. Ce n'était pas le cas, car la chambre s'est vue confrontée à la notion d'acide silicique ou polysilicique du document D3 sans savoir ce que cette notion recouvrait, étant observé que l'objectif du document D3 était tout à fait différent. En d'autres termes, l'acceptation de ce document dans les débats aurait généré un retard aux fins d'une analyse approfondie alors que de prime abord, la chambre n'entrevoyait pas d'incidence réelle sur la nouveauté.
17. Pour l'ensemble de ces raisons, l'argumentation du défaut de nouveauté à partir de document D3 n'a pas été admise aux débats (l'article 12(2) et 13(1) RPCR).
Activité inventive
18. Pour déterminer si une invention revendiquée satisfait aux exigences de l'article 56 CBE, les chambres de recours de l'OEB suivent normalement l'approche "problème-solution". Celle-ci a comme première étape l'identification de l'état de la technique le plus proche.
État de la technique le plus proche
19. L'état de la technique le plus proche est généralement un document de l'état de la technique qui divulgue un objet conçu dans le même but ou visant à atteindre le même objectif que l'invention revendiquée et présentant pour l'essentiel des caractéristiques techniques semblables, à savoir qui appellent peu de modifications structurelles (voir Jurisprudence des chambres de recours, septième édition 2013, I.D.3.1).
20. Le brevet porte sur un complexe à base d'acide orthosilicique complexé avec un polypeptide, ledit complexe étant stable, solide, concentré et assimilable biologiquement.
21. Les parties ont estimé que le document D2 représentait l'état de la technique le plus proche du fait qu'il divulgue un complexe semblable d'acide orthosilicique, quoique stabilisé par la présence d'un acide aminé tel que la sérine ou la proline. La chambre se rallie à ce choix puisqu'il poursuit le même objectif que je complexe de la présente invention.
Problème à résoudre et solution
22. D'après la jurisprudence constante, le problème technique doit être formulé au vu de l'état de la technique le plus proche d'une part, et d'autre part au vu de l'invention revendiquée et des effets obtenus (voir Jurisprudence des chambres de recours, septième édition 2013, I.D.4.1).
23. La seule différence technique entre le complexe divulgué dans le document D2 et le complexe revendiqué est la nature du stabilisant (acides aminés sérine ou proline dans document D2; polypeptide dans le complexe de la revendication 1). Les intimés font valoir que le complexe de la revendication 1 a une stabilité et une biodisponibilité améliorées par rapport au complexe du document D2. Comme il n'existe aucune preuve dans le brevet ou dans l'art antérieur cité au cours de la procédure que le complexe revendiqué a une meilleure stabilité ou une meilleure biodisponibilité que le complexe divulgué dans document D2, la chambre estime que le problème technique se ramène à fournir un autre complexe stable d'acide orthosilicique.
24. Compte tenu des expériences divulguées dans le brevet (cf. exemple 4) qui montrent que l'acide orthosilicique est présent dans le complexe préparé selon la méthode de l'exemple 1, la chambre est convaincue que l'objet de la revendication 1 résout ce problème.
Évidence
25. La question pertinente est de savoir si l'homme du métier, ayant à résoudre le problème consistant à réaliser ou à préparer un autre complexe stable d'acide orthosilicique, serait motivé, en partant du complexe divulgué dans le document D2, à utiliser un polypeptide au lieu d'un acide aminé comme autre stabilisant possible de l'acide orthosilicique.
26. Le document D2 lui-même divulgue que les stabilisants entrant en ligne de compte doivent contenir des atomes d'azote ayant des paires d'électrons libres capables de former des complexes avec les groupes silanol de l'acide orthosilicique, et donc d'en empêcher la polymérisation (voir page 2, lignes 22 à 26). Les stabilisants sont soit des composés ammonium quaternaires, à savoir des composés ayant un atome d'azote chargé positivement attaché à quatre atomes de carbone, comme la choline, ou alternativement, des acides aminés tels que la proline et la sérine. Tous les stabilisants divulgués se caractérisent par leur absence de structure tertiaire, leur taille réduite, et un nombre connu de paires d'électrons libres par mole de stabilisant. Ceci permet à l'homme du métier de choisir le bon rapport molaire entre le stabilisant et l'acide orthosilicique, afin d'obtenir la stabilisation recherchée (voir page 3, lignes 1 à 26; page 5, lignes 2 à 6).
Les polypeptides en tant que stabilisants ne sont ni divulgués ni suggérés dans le document D2. Ils ne sont pas non plus divulgués comme stabilisants dans les autres documents de l'état de la technique cités. La chambre note toutefois que les polypeptides sont des grandes molécules ayant une structure tertiaire et ont des propriétés physico-chimiques non caractérisées. Ils ne sont ni des composés ammonium quaternaires, pas plus qu'ils n'ont un nombre connu de groupes amino avec des paires d'électrons disponibles. L'homme du métier n'est donc pas en mesure de formuler correctement le polypeptide censé stabiliser l'acide orthosilicique. Pour ces raisons seules, la chambre est convaincue que l'art antérieur ne rend pas l'objet de la revendication 1 évident aux yeux de l'homme du métier.
27. Le requérant a plaidé l'évidence dans une première argumentation, en affirmant que les polypeptides possèdent au moins un atome d'azote avec une paire d'électrons libres à leur terminaison N et de nombreux autres atomes d'azote dans les liaisons peptidiques.
27.1 La chambre admet qu'un polypeptide a en principe au moins un groupe amino avec un atome d'azote, et donc une paire d'électrons libres à sa terminaison N, mais compte tenu de l'encombrement stérique, cette dernière n'est toutefois pas forcément accessible à l'acide orthosilicique. La chambre fait en outre observer que le contexte chimique d'un atome d'azote dans une liaison peptidique est différent de celui d'un atome d'azote dans un groupe amino, car il n'est plus relié à trois atomes d'hydrogène, mais à un atome d'hydrogène et à deux atomes de carbone, avec un des atomes de carbone relié à son tour par double liaison à un atome d'oxygène. On ne peut donc pas s'attendre à ce que les propriétés physico-chimiques des deux atomes d'azote soient identiques, à savoir à ce que l'atome d'azote de la liaison peptidique soit toujours à même de donner sa paire d'électrons pour stabiliser l'acide orthosilicique. Le requérant n'a pas produit de documents prouvant qu'une paire d'électrons est vraiment disponible sur chaque atome d'azote d'une liaison peptidique. Par conséquent, en l'absence de preuve, les arguments du requérant sont insuffisants.
27.2 La chambre fait par ailleurs observer que le mécanisme par lequel les polypeptides revendiqués stabilisent l'acide orthosilicique est basé sur la liaison hydrogène de ce dernier et sur la structure tertiaire du polypeptide (voir paragraphe [0021] du brevet), ce qui est fondamentalement différent de la stabilisation par paire d'électrons divulguée dans le document D2. La chambre en conclut dès lors qu'au lieu de trouver, dans l'état de la technique, un indice l'incitant clairement à utiliser le polypeptide de la revendication 1 comme stabilisant, l'homme du métier penserait plutôt que les polypeptides ne sont pas de nature à stabiliser l'acide orthosilicique.
28. Dans une deuxième argumentation, le requérant faisait valoir qu'il aurait été évident pour l'homme du métier, partant de document D2 pour stabiliser l'acide orthosilicique, d'envisager d'utiliser un hydrolysat de protéine, ce dernier constituant une source bon marché d'acides aminés. Ce faisant, l'homme du métier serait arrivé automatiquement à l'objet de la revendication 2, et donc à l'objet de la revendication 1.
28.1 La chambre fait remarquer que le document D2 ne divulgue ni ne suggère un hydrolysat de protéine comme source d'acides aminés stabilisants (serine et proline). Isoler la sérine et la proline à partir d'un hydrolysat de protéine nécessite notamment le recours à des méthodes de purification chromatographiques, ce qui rend le tout plutôt onéreux. En effet, l'homme du métier qui envisagerait l'utilisation d'un hydrolysat de protéine comme source bon marché d'acides aminés saurait qu'un tel hydrolysat renferme, en plus des acides aminés, des peptides et/ou polypeptides (voir documents D4, page 64, colonne 2, lignes 4 à 7 et D5, tableau 1). Le même homme du métier devrait donc éliminer les peptides et/ou polypeptides de l'hydrolysat ou opter pour des conditions permettant une hydrolyse totale de la source protéinique afin d'obtenir les acides aminés divulgués dans le document D2.
28.2 Il s'ensuit que l'homme du métier n'arriverait pas à l'objet de la présente revendication 2, laquelle englobe les polypeptides. Les arguments du requérant ne sont donc pas pertinents.
29. Étant donné ce qui précède, la chambre conclut que le complexe selon les revendications 1 et 2 n'est pas rendu évident par l'état antérieur de la technique.
30. Le requérant n'a pas soulevé d'objection pour manque d'activité inventive contre l'objet de l'une quelconque des autres revendications. La chambre n'a pas davantage de raison de le faire.
31. Compte tenu des considérations ci-dessus, la chambre estime que l'objet des revendications 1 à 6 implique une activité inventive (article 56 CBE).
Requête en répartition des frais
32. Les intimés ont précisé que cette requête se fondait non seulement sur les productions tardives des documents D35, D36 et D37, mais aussi sur les autres documents (déclaration D55 par exemple) et moyens nouveaux dans les écritures du 12 juillet 2012 qui ont nécessité des expertises et analyses séparées échelonnées dans le temps, alors que si le requérant n'avait pas utilisé la méthode du "salami" pour présenter ses moyens et ses preuves, les expertises et les moyens en défense auraient pu être traités tous en même temps, sans frais supplémentaires injustifiés pour leur client qui est une petite entreprise. Selon les intimés, la conduite du requérant a été inéquitable. Il est fait référence à la décision T 2165/08 du 6 mars 2013.
33. Le requérant a conclu au rejet de cette requête aux motifs que les intimés, de leur côté, ne s e sont pas toujours conformés à la production spontanée des pièces, comme ce fut le cas pour le spectre RMN ou le document D44 par exemple, et qu'il fallait apprécier l'ensemble des comportements des parties. Au reste, en ce qui concerne le document D3, il n'était pas difficile pour les intimés d'évaluer ce document, et la déclaration D55 et le document D56 ont été introduits en réaction à l'opinion préliminaire de la chambre, elle-même tardive.
34. L'article 104 CBE dispose que chacune des parties supporte ses frais, sauf répartition différente dans la mesure où l'équité l'exige. L'article 16 RPCR prévoit que le remboursement de tout ou partie des frais par une partie peut être ordonné en cas de (i) modification en application de l'article 13 des moyens invoqués par une partie conformément à l'article 12(1); (ii) toute prolongation d'un délai; (iii) tout acte ou toute omission ayant nui au bon déroulement de la procédure orale ou ayant conduit à la retarder; (iv) tout manquement à une ordonnance de la chambre; (v) tout abus de procédure.
35. La chambre doit donc examiner si l'équité ou la modification apportée par le requérant à ses moyens justifie de mettre à sa charge une partie des frais de s intimés.
36. La modification des moyens résultant des écritures du 12 juillet 2012 se résume essentiellement à la nouvelle argumentation relative à la nouveauté (voir points 13 à 16). Pour le reste, il ressort de l'ensemble de la procédure d'opposition et de recours que le c½ur du débat a consisté pour les parties à établir l'existence/l'absence, selon la partie concernée, de l'acide orthosilicique dans le produit solide.
37. Il est vrai que la production fragmentée des éléments de preuve est en soi condamnable et peut effectivement donner lieu à un remboursement des frais supplémentaires qu'elle occasionne pour la partie adverse. Toutefois, cette façon d'agir doit être replacée dans le contexte de l'espèce. En l'occurrence, par application des principes généraux, la charge de la preuve incombait à l'opposant. Dans la pratique néanmoins, la situation n'est pas aussi tranchée et rien n'interdit au titulaire du brevet, dans son propre intérêt et pour plus de sécurité, de rapporter de son côté des éléments de preuve pour contrecarrer les prétentions de l'opposant, ce que les intimés ont au demeurant fait (par exemple documents D33 ou D49).
38. En l'absence d'une preuve irréfutable de l'absence ou de la présence d'acide orthosilicique (voir point 8, supra), la division d'opposition et ensuite la chambre ont eu recours au principe de l'appréciation des probabilités (l'existence de présomption suffisante) pour se forger leur conviction. La difficulté en rapport avec l'objet à prouver a contraint les parties, et pas seulement le requérant, à procéder par étapes, chacune en fonction des progrès de l'autre. Dès lors les griefs qui sont faits au requérant doivent s'apprécier dans ce contexte.
39. La chambre ne trouve pas, dans l'historique du dossier, des éléments permettant d'imputer l'échelonnement des preuves dans le temps à une volonté délibérée du requérant. Une décision de remboursement des frais ne peut se fonder que sur un comportement procédural non conforme au comportement attendu d'une partie en fonction du déroulement de l'instance. En l'espèce, le requérant n'a pas retenu de moyens de preuve pour les produire au dernier moment mais a tenté dès le début de rapporter la preuve qui lui incombait. Au fur et à mesure que ses éléments étaient rendus insuffisants par les moyens de défense des intimés, il a tenté de pallier ces insuffisances.
Les nouvelles pièces produites en recours n'étaient pas destinées à pallier une carence due à une négligence ou une tactique de sa part devant la première instance: elles s'inscrivent dans la continuité du processus de la preuve à rapporter (circonstances différentes de celles de l'espèce de la décision T 2165/08, supra, voir notamment le point 48). Sans nier l'existence des coûts générés par l'étirement dans le temps de la production des éléments de preuve, la chambre considère qu'il n'y a pas d'élément permettant de penser que le requérant a agi dans le but de gêner une entreprise plus faible (voir travaux préparatoires IV/3076/62-F), mais qu'il s'agit d'un enchaînement qui peut se produire lorsque aucune des parties n'est à même d'apporter une preuve irréfutable de ses prétentions et doit essayer de faire pencher la balance des probabilités de son côté.
40. Il suit de ces motifs que la requête en répartition des frais est rejetée.
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. Le recours est rejeté.
2. La requête à répartition des frais est rejetée.