T 0831/15 (Dispositif de protection/INGENICO) 01-03-2021
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Dispositif de protection, procédé et produit programme d'ordinateur correspondant
Possibilité d'exécuter l'invention - exposé de l'invention permettant sa mise en oeuvre (non),
Revendications - clarté (non),
Renvoi - (non),
Modification des moyens invoqués - justification pour soumettre la modification dans la procédure de recours (non),
I. Le recours a été formé contre la décision de la Division d'Examen de refuser la demande en vertu de l'article 97(2) CBE.
II. Les motifs du rejet faisaient état d'un manque de nouveauté des revendications par rapport aux documents D1 (WO 2010/007314) et respectivement D2 (US 2009/058628).
III. Avec le mémoire de recours, la demanderesse/requérante demandait l'annulation de la décision attaquée et la délivrance d'un brevet sur la base d'un jeu de revendications à titre de requête principale, ou sur la base d'un jeu de revendications à titre de requête subsidiaire, les deux annexés au mémoire de recours.
IV. La Chambre a invité la requérante à une procédure orale. Dans la citation, la Chambre a indiqué que la requête principale manquait de clarté, que le sujet revendiqué n'y était pas suffisamment exposé, qu'il manquait de nouveauté ou activité inventive par rapport à D1 ou D2, et qu'elle avait tendance à considérer la requête subsidiaire comme irrecevable conformément à l'article 12(4) RPCR 2007.
V. Pendant la procédure orale, la requérante a déposé une nouvelle première requête subsidiaire, l'ancienne requête subsidiaire étant renumérotée en deuxième requête subsidiaire, et a aussi demandé le renvoi en première instance sur la base de la requête principale ou de la première requête subsidiaire.
VI. Les requêtes finales de la requérante sont donc les suivantes:
La requérante demande l'annulation de la décision attaquée et le renvoi de l'affaire à l'instance du premier degré sur la base d'un jeu de revendications à titre de requête principale, annexé au mémoire exposant les motifs du recours, ou d'un jeu de revendications à titre de la première requête subsidiaire, soumis au cours de la procédure orale du 1er mars 2021, ou la délivrance d'un brevet sur la base d'un jeu de revendications à titre de requête principale, annexé au mémoire exposant les motifs du recours, ou sur la base d'un jeu de revendications à titre de première requête subsidiaire, soumis au cours de la procédure orale du 1er mars 2021, ou sur la base d'un jeu de revendications à titre de deuxième requête subsidiaire, annexé en tant que requête subsidiaire au mémoire exposant les motifs du recours.
VII. La revendication 1 de la requête principale définit un
Dispositif de protection d'un terminal de paiement électronique, ledit terminal de paiement électronique comprenant au moins un circuit imprimé (10) et un boîtier, ledit dispositif de protection comprenant:
- au moins un détecteur capacitif (13) comprenant deux parties (13', 13"), ladite première partie (13') étant reliée électriquement audit circuit imprimé (10), ladite deuxième partie (13") étant montée au sein dudit boîtier dudit terminal de paiement électronique sans être reliée électriquement à ladite première partie (13'), ledit au moins un détecteur capacitif (13) étant configuré pour délivrer une capacité de référence lorsqu'il est monté dans ledit terminal de paiement électronique;
- un microprocesseur de mesure capacitive relié électriquement audit au moins un détecteur capacitif, configuré pour détecter une variation de capacité dudit au moins un détecteur capacitif;
- des moyens de transmission d'une information représentative de ladite variation de capacité, lorsqu'une valeur absolue d'une différence entre ladite capacité mesurée et ladite capacité de référence excède un seuil prédéterminé
ledit dispositif de protection étant caractérisé en ce que ledit détecteur capacitif comprend en outre au moins une troisième partie (13"') constituée d'au moins un polyèdre (13-1,...,13-4) recouvert d'une surface conductrice, définissant une capacité unique associée au boîtier dudit terminal.
VIII. La revendication 1 de la première requête subsidiaire se différencie de celle de la requête principale en ce que dans la partie caractérisante la formulation capacité unique a été remplacé par capacité de référence.
IX. La revendication 1 de la seconde requête subsidiaire se différencie de celle de la requête principale en ce que la partie caractérisante
ledit détecteur capacitif comprend en outre au moins une troisième partie (13"') constituée d'au moins un polyèdre (13-1,...,13-4) recouvert d'une surface conductrice, définissant une capacité unique associée au boîtier dudit terminal
a été remplacée par
ladite deuxième partie change de forme quand ledit clavier est démonté.
Renvoi en première instance
1. La demanderesse a demandé le renvoi de l'affaire en première instance, car elle estimait ne pas avoir suffisamment eu la possibilité de s'exprimer devant la Division d'Examen. La conclusion hâtive de cette procédure a forcé la demanderesse à proposer des modifications avec le recours, lesquels ont fait le sujet de nouvelles objections de la Chambre, bien que ces caractéristiques fussent déjà présentes dans les revendications dépendantes pendant la procédure d'examen.
2. A cet égard, il y a lieu de citer le libellé de l'article 111(1) CBE qui est comme suit:
A la suite de l'examen au fond du recours, la chambre de recours statue sur le recours. Elle peut soit exercer les compétences de l'instance qui a rendu la décision attaquée, soit renvoyer l'affaire à ladite instance pour suite à donner.
Selon l'article 11 RPCR 2020 qui est lié à cette disposition:
La chambre ne renvoie l'affaire pour suite à donner à l'instance qui a rendu la décision attaquée que si des raisons particulières le justifient.
La Chambre constate que l'objet du recours étant distinct de l'objet de la décision attaquée en vue des jeux de revendications modifiés, selon l'article 111, première phrase, CBE, la Chambre est appelée à statuer sur le recours. Faisant usage de son pouvoir d'appréciation, la Chambre a opté d'exercer les compétences de la Division d'Examen. La Chambre remarque que la demanderesse a eu la possibilité de répondre aux nouvelles objectionspendant la procédure de recours, incluant une procédure orale. Il n'y a donc pas de raisons particulières au sens de l'article 11 RPCR 2020 justifiant un renvoi de l'affaire en première instance.
L'invention
3. L'invention se rapporte à un dispositif permettant de détecter une intrusion ou une ouverture d'un terminal de paiement électronique (page 1, lignes 5-10). La solution proposée utilise un capteur capacitif, dont la valeur varie en cas de modification ou ouverture du terminal. Le principe général consiste en l'utilisation d'un détecteur à plusieurs parties, dont le déplacement relatif induit une modification de la capacité mesurée, la première partie étant fixée et reliée au circuit imprimé (section 5.1).
4. Trois modes de réalisation sont ensuite détaillées pour les autres parties:
- section 5.2 fausses touches: un dôme métallique écrasé au montage qui se détend en cas de démontage
- section 5.3: une deuxième partie sur le boîtier, l'ouverture du boîtier entraînant le déplacement de la deuxième partie
- section 5.4: sur la base du deuxième mode, rajout d'une troisième partie formée par des polyèdres à surface conductrice, ayant pour but d'identifier le terminal de manière unique.
Requête principale
5. La revendication 1 définit une troisième partie constituée d'au moins un polyèdre recouvert d'une surface conductrice, définissant une capacité unique associée au boîtier dudit terminal.
Article 84 CBE
6. Le qualificatif unique n'est pas clair.
7. La demanderesse a argumenté que la capacité est unique en ce qu'elle caractérise le boîtier avec une combinaison de polyèdres spécifiques; il n'y a donc pas de problème d'interprétation pour l'homme du métier.
8. La Chambre est d'avis que, s'agissant de mesurer une seule valeur de capacité, cette valeur ne peut être unique que par rapport à un espacement présumé des valeurs possibles des capacités. En outre, il n'est généralement pas possible de définir l'unicité d'un objet sans faire référence aux caractéristiques d'un ensemble d'objets par rapport auxquels l'objet doit être uniquement (ou même suffisamment) distingué. Ici, c'est l'espacement des valeurs des capacités, résultant de la manière de disposer les polygones, qui caractérise l'unicité, si unicité il y en aurait. Celui-ci n'est ni revendiqué ni déductible de la demande (voir ci-dessous).
9. L'homme du métier se retrouve donc dans l'impossibilité de savoir si, en réalisant un dispositif comme revendiqué, celui-ci serait, ou ne serait pas, couvert par la portée de la revendication par rapport à la caractéristique d'unicité.
Article 83 CBE
10. L'unicité revendiquée serait, selon la description, le résultat de l'utilisation d'une combinaison unique de polyèdres (page 8, lignes 13-19; version du 12 mars 2015):
Pour remonter un terminal complet un attaquant ne pourra pas réutiliser un boîtier neuf quelconque; il faudra qu'il utilise exactement la même combinaison de polyèdres et pour cela il faudra qu'il connaisse cette combinaison. Il est aisé, pour le fabricant du boîtier de faire varier la forme, l'épaisseur, l'emplacement de façon à avoir un grand nombre de combinaisons possibles et donc rendre quasi nulle la probabilité que l'attaquant puisse recréer l'environnement capacitif initial du terminal de paiement électronique.
Et sur la même page, lignes 8-12:
En effet, le fait de modifier ces polyèdres (par exemple leur forme) ou leurs emplacements modifie de façon significative les lignes de champ et donc la valeur de la capacité mesurée par le processeur capacitif.
11. Cependant, le fait de pouvoir définir une combinaison unique de polyèdres n'implique pas de pouvoir y associer une capacité unique, car la fonction de transfert combinaison de polyèdres - capacité n'est pas injective. Par exemple, si on éloigne les deux plaques d'un condensateur on peut obtenir la même variation de sa capacité que si l'on diminuait la surface d'une plaque, bien qu'effectivement les lignes de champs se retrouvent modifiées. La demande ne donne aucune explication quant à la manière de modifier ou disposer les polyèdres afin d'assurer l'unicité revendiquée (voir aussi le point 8. ci-dessus).
12. La demanderesse a argumenté que l'unicité est à discuter en relation avec la mesure de la capacité de référence (description, section 5.5). Puisque les polyèdres sont disposés de manière différente, cette capacité de référence peut être supposée unique, dans le sens ou la probabilité de recréer cette capacité avec un autre boîtier est quasi nulle. Par rapport à la manière de procéder à la réalisation des boîtiers, la demanderesse explique que des bouts de plastique (polyèdres) sont arrangés dans le boîtier et de la peinture métallique y est déposée. Il ne conviendrait pas de divulguer la manière exacte de disposer les polygones, afin de ne pas permettre la reproduction des boîtiers, par souci de sécurité. Néanmoins, l'homme du métier pourra atteindre l'unicité désirée en variant l'emplacement et la forme des polyèdres.
13. La chambre remarque que la relation entre la capacité de référence et la manière de disposer les polyèdres n'est ni explicite, ni claire, et est d'autant plus indéterminée que cette capacité, bien que censée représenter une valeur de référence pour le boîtier, est mesurée avec le terminal électronique monté (section 5.5). Ceci signifie que l'homme du métier n'est pas en mesure de prévoir l'influence de la variation dans la configuration des polyèdres sur la capacité, et qu'il n'est pas non plus en mesure d'estimer quelle serait la probabilité de recréer la capacité de référence mesurée avec un autre boîtier avec une autre configuration de polyèdres. Il n'est donc pas mis en possession d'un mode de configuration des polyèdres qui le mènerait, d'une manière reproductible, à obtenir des boîtiers avec des valeurs de capacité (suffisamment) uniques.
14. La Chambre trouve donc que l'exposé de l'invention est insuffisant quant à la manière d'obtenir l'unicité revendiquée (article 83 CBE).
La première requête subsidiaire
15. La demanderesse argumente que la revendication 1 ne définit plus de capacité unique. L'homme du métier comprend la notion de capacité de référence, peut mesurer cette capacité, et peut donc réaliser l'objet revendiqué.
16. La Chambre est d'avis que, dans le cas présent, la formulation capacité de référence ne peut être interprétée sans considération de l'objectif dans lequel cette référence est établie. Ici il s'agit d'assurer la protection du dispositif (voir l'intitulé de la revendication). La revendication ne définit pas la liaison fonctionnelle entre cette capacité, définie par des polyèdres, et l'objectif de protection. Pour pouvoir comprendre cette liaison, et donc la revendication, l'homme du métier doit avoir recours à la description du mode de réalisation correspondant, c.à.d. le troisième (section 5.4), qui est le seul utilisant des polyèdres, où il est spécifié que ceux-ci servent à rendre la capacité de référence unique / à rendre quasi nulle la probabilité que l'attaquant puisse recréer l'environnement capacitif initial. Sur la base de cette interprétation, les conclusions ci-dessus quant au manque de clarté et de suffisance de l'exposé relatives à la revendication 1 de la requête principale restent valables.
La deuxième requête subsidiaire
17. La revendication 1 de cette requête remplace le troisième mode de réalisation avec le premier, et nécessiterait de fait le recommencement de la procédure d'examen. Ce mode de réalisation n'était pas non plus initialement revendiqué, ce qui porte à croire qu'il n'a pas été couvert par la recherche quant à l'état de l'art. Si la demanderesse souhaitait obtenir une protection pour ce mode de réalisation, il aurait fallu présenter une requête dans ce sens auparavant, afin de permettre son examen en première instance.
18. La demanderesse a fait valoir que les documents D1 et D2 sont pertinents pour cette revendication aussi. Il ne peut donc pas être conclu que la recherche n'ait pas couvert ce mode. La demanderesse estime aussi qu'elle n'as pas eu suffisamment de possibilités de déposer des revendications pendant la procédure d'examen, car la demande a été rejeté après l'envoi d'une seule notification d'examen, ce qui était inhabituel à l'époque. La demanderesse n'avait pas fait de requête pour une procédure orale, car elle n'aurait pas pu y participer pour des raisons financières. Ceci expliquerait le dépôt tardif de cette requête, avec le mémoire de recours.
19. La Chambre remarque que, si on ne peut pas conclure que la recherche n'ait pas couvert ce premier mode, on ne peut pas conclure non plus que la recherche ait été faite de manière exhaustive, même si D1 et D2 seraient pertinents, et que la demanderesse aurait pu déposer cette requête par écrit, même si elle ne pouvait pas participer à une procédure orale. En ne faisant pas de requête pour une procédure orale, et en ne déposant pas ces nouvelles revendications, elle devait savoir qu'un rejet de la demande était possible.
20. La chambre considère donc cette requête comme irrecevable (article 12(4) RPCR 2007).
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours est rejeté.