T 2043/17 (ADCC optimisée/LFB) 29-07-2021
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Utilisation d'anticorps ayant une ADCC optimisée pour traiter les patients répondant faiblement au traitement par anticorps
Laboratoire Français du Fractionnement et des
Biotechnologies
König Szynka Tilmann von Renesse
Adams, Harvey Vaughan John
Activité inventive - requête principale (non),
Activité inventive - requêtes subsidiaires 1 à 6 (non)
I. Le recours de l'opposant 2 (ci-après dénommé « le requérant ») est dirigé contre la décision de la division d'opposition selon laquelle le brevet européen No. 1 648 513 (« le brevet ») sous forme modifiée dans la version de la requête subsidiaire 4, et l'invention qui en constitue l'objet, satisfont aux conditions énoncées dans la CBE. Ce brevet s'intitule : « Utilisation d'anticorps ayant une ADCC optimisée pour traiter les patients répondant faiblement au traitement par anticorps ».
II. La division d'opposition a considéré dans la décision contestée que l'objet des revendications 1 et 8 de la requête principale et des requêtes subsidiaires 1 et 2 s'étendait au-delà du contenu de la demande telle que déposée (article 123(2) CBE). En ce qui concerne la requête subsidiaire 3, elle a décidé que les revendications satisfaisaient à l'exigence de clarté énoncée à l'article 84 CBE et aux exigences de l'article 123(2) et (3) CBE, mais que l'objet de la revendication 1 n'était pas nouveau au sens de l'article 54 CBE. Elle a en revanche estimé que les revendications de la requête subsidiaire 4 satisfaisaient aux exigences de la règle 80, de l'article 123(2) et (3) et de l'article 84 CBE, que l'invention qui en constitue l'objet était exposée de façon suffisamment claire et complète (article 83 CBE) et que leur objet était nouveau et inventif (articles 54 et 56 CBE).
III. Avec son mémoire de recours, le requérant a soumis entre autres trois nouveaux documents (numérotés D82 à D84).
IV. La titulaire du brevet est l'intimée dans la procédure de recours. Avec sa réponse au recours, elle a soumis entre autres des jeux de revendications d'une requête principale et de 16 requêtes subsidiaires (désignées l, 2A, 2B, 3A à 3D, 4A à 4D, 5A à 5D et 6) ainsi que 12 nouveaux documents (numérotés D85 à D96). La requête principale est identique à la requête subsidiaire 4 que la division d'opposition avait jugée conforme aux exigences de la CBE.
V. L'opposante 1, partie de droit à la procédure de recours, n'a pas pris position sur le contenu de la réponse au recours ni sur les nouvelles requêtes soumises pendant la procédure de recours.
VI. La revendication 1 de la requête principale s'énonce comme suit:
« 1. Utilisation d'une composition d'anticorps monoclonal chimérique, humanisé ou humain d'isotype IgG1 anti-Rhésus du globule rouge humain dont la structure glycannique du domaine Fc de l'anticorps correspond à un type biantenné, avec des chaînes courtes, une faible sialylation, des mannoses et GlcNAc du point d'attache terminaux non intercalaires, et une faible fucosylation, ladite composition présentant une teneur supérieure à 80% pour les formes G0 + G1 + G0F + G1F et une teneur pour les formes G0F + G1F inférieure à 30%, pour la préparation d'un médicament destiné au traitement de la maladie hémolytique du nouveau-né chez des patients homozygotes pour la phénylalanine en position 158 du CD16 (FCGR3A-158F homozygotes) ou des patients hétérozygotes valine/phénylalanine en position 158 du CD16 (FCGR3A-158V/F). »
La revendication 7 concerne une composition pour la même utilisation médicale selon l'article 54(5) CBE.
Les revendications 1 et 7 de la requête subsidiaire 1 diffèrent de celles de la requête principale en ceci que l'expression « du domaine Fc de l'anticorps » est supprimée.
Les revendications 1 et 7 de la requête subsidiaire 2A diffèrent de celles de la requête principale en ceci que l'expression « dont la structure glycannique du domaine Fc de l'anticorps correspond à un type biantenné, avec des chaînes courtes, une faible sialylation, des mannoses et GlcNAc du point d'attache terminaux non intercalaires, et une faible fucosylation » est supprimée et que l'expression « au niveau de la structure glycannique du domaine Fc de l'anticorps » est insérée après « ladite composition présentant ».
Les revendications 1 et 7 de la requête subsidiaire 2B diffèrent de celles de la requête principale en ceci que l'expression « dont la structure glycannique du domaine Fc de l'anticorps correspond à un type biantenné, avec des chaînes courtes, une faible sialylation, des mannoses et GlcNAc du point d'attache terminaux non intercalaires, et une faible fucosylation » est supprimée.
Les revendications de la requête subsidiaire 3A correspondent à celles de la requête principale, à ceci près que les revendications 2, 5, 8 et 11 visant l'utilisation, chez les patients faibles répondeurs, d'anticorps dirigés contre un antigène d'une cellule cancéreuse avec une glycosylation particulière sont limitées par exclusion des anticorps anti-GD3.
Les revendications des requêtes subsidiaires 3B à 3D combinent cette modification avec celles qui sont exposées respectivement dans les requêtes subsidiaires 1, 2A et 2B.
Les revendications de la requête subsidiaire 4A correspondent à celles de la requête principale, à ceci près que les revendications 2 et 5 visant l'utilisation, chez les patients faibles répondeurs, d'anticorps dirigés contre un antigène d'une cellule cancéreuse avec une glycosylation particulière sont limitées au cas où l'anticorps est un anticorps anti-CD20 et où le cancer est la leucémie lymphoïde chronique (LLC-B).
Les revendications des requêtes subsidiaires 4B à 4D combinent cette modification avec celles qui sont exposées respectivement dans les requêtes subsidiaires 1, 2A et 2B.
Les revendications de la requête subsidiaire 5A correspondent à celles de la requête principale, à ceci près que les revendications 2 à 5 et 8 à 11 visant l'utilisation, chez les patients faibles répondeurs, d'anticorps dirigés contre un antigène d'une cellule cancéreuse avec une glycosylation particulière ont été supprimées. Les revendications sont donc limitées à l'utilisation chez les patients faibles répondeurs d'anticorps anti-Rhésus D avec une glycosylation particulière dans le traitement de la maladie hémolytique du nouveau-né.
Les revendications des requêtes subsidiaires 5B à 5D combinent cette modification avec celles qui sont exposées respectivement dans les requêtes subsidiaires 1, 2A, et 2B.
Les revendications de la requête subsidiaire 6 correspondent à celles de la requête principale, à ceci près que les revendications indépendantes ont été limitées par insertion de la caractéristique selon laquelle l'anticorps présente « une activité cytotoxique qui n'est pas affectée par le polymorphisme FCGR3A-158F homozygotes ou FCGR3A-158V/F de l'acide aminé 158 du CD16 ».
VII. Les documents suivants sont cités dans cette décision :
D1|R. L. Shields et al., "Lack of Fucose on Human IgG1 N-linked Oligosaccharide Improves Binding to Human FcgammaRIII and Antibody-dependent Cellular Toxicity", The Journal of Biochemistry 277(30), 2002, 26733-26740. |
D3|WO 01/77181 |
D5|G. Cartron et al., "Therapeutic activity of humanized anti-CD20 monoclonal antibody and polymorphism in IgG Fc receptor FcgammaRIIIa gene", Blood 99(3), 2002,754-758. |
D9|WO 03/035835 |
VIII. Conformément à l'article 15(1) RPCR, la chambre a notifié son avis préliminaire aux parties. Elle a, entre autres, indiqué qu'elle considérait que l'invention à laquelle les revendications de la requête subsidiaire 2B font référence était suffisamment exposée et que l'objet de ces revendications était nouveau, mais présentait vraisemblablement une absence d'activité inventive. Le même constat concernant l'activité inventive était fait vis à vis des autres requêtes subsidiaires.
IX. La chambre a cité les parties à une procédure orale pour le 23 mars 2021. Le requérant a ensuite rétracté sa requête visant à la tenue d'une procédure orale. L'intimée et l'opposante 1 ont informé la chambre qu'elles ne seraient ni présentes ni représentées à la procédure orale.
X. La chambre a donc annulé la procédure orale et informé les parties que la décision serait rendue dans le cadre d'une procédure écrite sur la base des observations des parties actuellement incluses dans le dossier.
XI. Les arguments du requérant peuvent, pour autant qu'ils s'avèrent pertinents pour la décision, se résumer comme suit :
Requête principale - revendications 1 et 7
Activité inventive (article 56 CBE)
La divulgation du document D3 représente l'état de la technique le plus proche pour l'objet des revendications 1 et 7.
La différence entre l'objet de ces revendications et la divulgation du document D3 se trouve dans la sélection d'un sous-groupe de patients nouveau-nés atteints de la maladie hémolytique, à savoir le sous-groupe portant la variation 158F du récepteur FcgammaRIIIA. L'effet de cette différence est qu'un sous-groupe avec une activité ADCC réduite est traité.
Relativement au document D3, le problème technique objectif se pose en ces termes : « to provide treatment of haemolytic disease in a subgroup of new born patients associated with weaker ADCC activity » (« de fournir un traitement de la maladie hémolytique dans un sous-groupe de patients nouveau-nés associés à une activité ADCC plus faible » ; traduction fournie par la chambre ; voir mémoire exposant les motifs du recours, page 44).
Il était évident pour l'homme du métier de traiter le sous-groupe de patients portant la variation 158F comme tous les autres patients, car ce groupe est large. Environ 80 % de la population sont porteurs de cette variation (voir document D5).
De plus, rien dans l'état de la technique ne suggérait que ce traitement n'était pas efficace sur ce type de patient.
Si l'homme du métier avait considéré que l'activité ADCC de l'anticorps était essentielle pour le traitement, il aurait aussi attendu un traitement efficace parce que les anticorps divulgués dans le document D3 montraient une activité ADCC supérieure.
De surcroît, il aurait trouvé dans le document D9 la divulgation du fait que les anticorps avec une faible fucosylation (comme celui de D3) montraient une affinité augmentée pour le variant 158F et en conséquence une activité ADCC augmentée.
XII. Les arguments de l'intimée peuvent, pour autant qu'ils soient pertinents pour la présente décision, se résumer comme suit :
Requête principale - revendications 1 et 7
Activité inventive (article 56 CBE)
Le document D1 est le seul document à mentionner les patients porteurs d'un génotype faible répondeur du récepteur FcgammaRIIIA et à décrire des compositions d'anticorps ayant la glycosylation revendiquée. D1 est considéré comme étant l'état de la technique le plus proche pour l'ensemble des revendications de la requête principale.
Le document D3 concerne la même utilisation thérapeutique que dans les revendications 1 et 7, mais il ne mentionne pas le sous-groupe de patients revendiqués, qui est à la base de l'invention. Il n'est donc pas l'état de la technique le plus proche.
Si le document D3 était considéré comme l'état de la technique le plus proche par la chambre, l'objet de la revendication 1 serait néanmoins inventif pour les raisons qui suivent.
L'objet des revendications 1 et 7 diffère de la divulgation du document D3 par la sélection du sous-groupe de patients porteurs d'un génotype FcgammaRIIIA faible répondeur (158F/F ou 158F/V). Cette différence a pour effet de permettre pour la première fois un traitement clinique efficace de ce sous-groupe de patients, à un niveau du même ordre que celui des autres patients (voir les figures 2 et 3 du brevet ; voir diagramme figurant à la page 93 de la réponse au mémoire de recours).
Le problème technique objectif au vu du document D3 peut être défini comme: « de fournir un traitement efficace par anticorps anti-Rhésus du sous-groupe de patients porteurs d'un génotype FcgammaRIIIA faible répondeur (158F/F ou 158F/V), avec une efficacité du même ordre que pour les autres patients » (voir réponse au recours, point 4.4.3.1, page 101).
Rien ne permettait à l'homme du métier de conclure que les anticorps décrits dans le document D3 pour la population globale permettraient de fournir un traitement efficace par anticorps anti-Rhésus du sous-groupe de patients porteurs d'un génotype FcgammaRIIIA faible répondeur (158F/F ou 158F/V), avec une efficacité du même ordre que pour les autres patients.
Aucun des autres documents de l'état de la technique ne fournit à l'homme du métier une espérance raisonnable de succès pour fournir un traitement pour la population de patients de génotype FcgammaRIIIA faible répondeur (158F/F ou 158F/V), qui jusqu'alors ne répondait pas de manière satisfaisante, avec une efficacité du même ordre que celle des patients de génotype FcgammaRIIIA fort répondeur (158V/V).
Requêtes
Le requérant demande l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
L'intimée demande le maintien du brevet sur la base des revendications de la requête principale, ou à titre subsidiaire, sur la base de l'un des jeux de revendications des 16 requêtes subsidiaires, dans l'ordre hiérarchique indiqué dans le tableau 6 de la réponse au recours.
1. Le recours est recevable.
L'invention
2. L'invention concerne le traitement de la maladie hémolytique du nouveau-né (MHNN) ou le traitement du cancer dans un sous-groupe de patients porteurs d'un génotype du récepteur FcgammaRIIIA (appelé aussi CD16A ou FCGR3A) faible répondeur (158F/F ou 158F/V) avec des anticorps monoclonaux chimériques, humanisés ou humains, de glycosylation spécifique présentant une forte interaction pour le récepteur FcgammaRIIIA des cellules effectrices du système immunitaire (voir paragraphe [0001] du brevet). « F » est l'abréviation de l'acide aminé phénylalanine selon le code des acides aminés d'une lettre et « V » celle de l'acide aminé valine.
3. L'activité d'un anticorps induisant des cellules effectrices à lyser des cellules cibles est appelée « ADCC ». La cytotoxicité cellulaire médiée par les anticorps nécessite une fixation de la partie Fab des anticorps sur leur cible ainsi qu'un engagement de leur domaine Fc sur les récepteurs Fc des cellules effectrices (RFc). Sur les cellules « natural killer » (NK), le récepteur responsable de cette activité cytotoxique est FcgammaRIIIA (voir paragraphe [0004] du brevet). Les patients porteurs d'au moins un allèle 158F du récepteur FcgammaRIIIA répondent moins bien aux traitements par anticorps monoclonaux classiques, et cette différence de réponse est pour partie attribuée à la plus faible affinité de leur récepteur FcgammaRIIIA pour les anticorps de type IgG (voir paragraphe [0015] du brevet).
4. La structure et la composition de glycosylation d'un anticorps varient, entre autres, en fonction du type de lignée cellulaire utilisé pour sa production.
Requête principale - revendications 1 et 7
5. La revendication 1 concerne une utilisation médicale selon la décision G 5/83 (revendication « de type suisse »), à savoir « Utilisation d'une composition ... pour la préparation d'un médicament destiné au traitement de la maladie hémolytique du nouveau-né chez... ». La revendication 7 concerne une composition pour l'utilisation médicale selon l'article 54(5) CBE, à savoir « Composition ... pour son utilisation dans le traitement de la maladie hémolytique du nouveau-né chez... ». Dans le cas présent, la chambre considère ces deux formulations comme identiques pour la question de l'activité inventive. Par conséquent, seule la revendication 1 sera traitée ci-après.
Activité inventive (article 56 CBE)
État de la technique le plus proche ; différence et effet de cette différence
6. Contrairement à l'avis de l'intimée, la chambre est d'accord avec le requérant pour dire que la divulgation du document D3 représente un point de départ approprié pour l'analyse de l'activité inventive de l'objet de la revendication 1. Dans tous les cas, si l'invention revendiquée est considérée comme n'impliquant pas d'activité inventive par rapport à une élément particulier de l'état de la technique, le choix du point de départ ne nécessite pas de justification spécifique car l'invention revendiquée doit être inventive par rapport à tout état de la technique, sous réserve des dispositions de l'article 56, deuxième phrase CBE (voir, par exemple, la décision T 967/97 ; voir point 20. ci-dessous).
7. Le document D3 est une demande de brevet déposée par l'intimée et concerne le traitement de patients atteints de la maladie hémolytique du nouveau-né (MHNN, voir page 1, lignes 10 à 13 ; revendication 25) avec entre autres l'anticorps anti-Rhésus D R297 (voir Tableau 1, page 12 ; page 35, lignes 23 à 24; page 36, lignes 1 à 2 ; figures 6 et 7) qui est identique à l'anticorps anti-Rhésus D R297 utilisé dans le brevet (voir exemples et légendes de figures, page 9 du brevet). Ce fait n'est pas disputé par les parties. Dans la suite de la présente décision, l'analyse de l'activité inventive est limité à l'anticorps anti-Rhésus D R297 qui constitue un objet de la revendication 1.
8. Les parties s'accordent également sur le fait que la différence entre l'objet de la revendication 1 et la divulgation du document D3 est la sélection du sous-groupe de patients qui sont porteurs d'un génotype 158F/F ou 158F/V du récepteur FcgammaRIIIA.
9. En ce qui concerne l'effet technique produit, l'intimée a considéré que cette différence permettait un traitement clinique efficace de ce sous-groupe de patients faibles répondeurs, à un niveau du même ordre que celui des patients qui ne portent pas ce génotype. Le requérant a considéré que cette différence permettait le traitement d'un sous-groupe de patients associé avec une activité ADCC moins forte.
10. L'anticorps T125 exprimé dans la ligne cellulaire YB2/0 possède une activité ADCC pour ce sous-groupe de patients, à savoir les porteurs d'un génotype du récepteur FcgammaRIIIA 158F/F, qui n'est pas significativement différent de celui des patients avec un génotype du récepteur FcgammaRIIIA 158V/V (voir les figures 2 et 3 du brevet et le diagramme figurant à la page 93 de la réponse de l'intimée).
En d'autres termes, comme l'intimée l'a constaté: « les réponses ADCC via FcgammaRIIIA (CD16A) des patients de génotype FcgammaRIIIA (CD16A) faible répondeur (158F/F) et fort répondeur (158V/V) obtenues avec la composition d'anticorps monoclonal anti-Rhésus D ayant la glycosylation revendiquée (T125 YB2/0) sont extrêmement proches, montrant qu'il n'y a plus, avec les compositions d'anticorps ayant la glycosylation revendiquée, de différence significative de réponse entre les deux groupes de patients (la différence observée est statistiquement non significative, avec une p-value >0.05 (Student Test)). » (réponse au recours, page 93).
11. La chambre convient que l'effet constaté par l'intimée est obtenu pour l'anticorps T125 exprimé dans la ligne cellulaire YB2/0 (par exemple, R297). Ce fait n'est pas contesté par le requérant.
Problème technique objectif
12. Le problème technique objectif à résoudre par l'homme du métier est donc l'identification d'un groupe de patients qui profite particulièrement du traitement de la MHNN avec l'anticorps anti-Rhésus D R297 (T125 produits dans les cellules YB2/0).
13. La solution à ce problème est le choix du sous-groupe de patients homozygotes pour la phénylalanine en position 158 ou hétérozygotes valine/phénylalanine en position 158 du FcgammaRIIIA (158F/F ou 158V/F).
Évidence
14. Dans le document D3, le sous-groupe de patients porteurs d'un génotype FcgammaRIIIA faible répondeur (158F/F ou 158F/V) n'est pas identifié. Néanmoins, rien dans le document D3 ni dans les connaissances générales n'aurait indiqué à l'homme du métier d'exclure du traitement les patients ayant un génotype FcgammaRIIIA-158F/F ou FcgammaRIIIA-158V/F, d'autant moins que ce groupe constitue environ 80 % de la population générale (voir document D5, page 757, colonne de gauche, lignes 10 à 17).
15. Le document D3 enseigne que l'anticorps R297 (T125 exprimé dans les cellules YB2/0), se trouve parmi les « Anticorps actifs en ADCC FCRgammaRIIIA » (voir page 12, Tableau 1) et comme l'intimée l'a constaté dans sa réponse, voir page 65 : « ... il était connu de D3 que, pour être prédictive d'une efficacité in vivo, l'ADCC induite par des anticorps d'isotype lgG devait être induite via le récepteur FcgammaRIIIA ... ».
16. Finalement, le document D3 souligne l'importance d'une teneur en fucose réduite en constatant qu'« une composition selon l'invention particulièrement efficace comprend par exemple une teneur supérieure à 60 %, de préférence supérieure à 80 % pour les formes G0 + G1 + G0F + G1F étant entendu que les formes G0F + GlF sont inférieure à 50 %, de préférence inférieure à 30 % » (page 11, lignes 18 à 21). L'anticorps anti-Rhésus D R297 analysé pour sa glycosylation dans D3 (voir figure 7) possède toutes ces caractéristiques.
17. Pour choisir un groupe qui profite particulièrement du traitement avec un anticorps optimisé comme le décrit le document D3, c'est-à-dire l'anticorps anti-Rhésus D R297 faiblement fucosylé, l'homme du métier aurait consulté le document D9 qui enseigne que les anticorps avec une faible fucosylation montrent une interaction plus forte avec la variante 158F du FcgammaRIIIA et provoquent une ADCC plus prononcée chez les patients porteurs de l'allèle 158F (voir D9, page 10, dernier paragraphe) :
« [...] the glycoprotein in the composition comprises a mature core carbohydrate structure which lacks fucose, attached to the Fc region of the glycoprotein. Such compositions were demonstrated herein to exhibit a surprising 100-fold improvement in binding to FcgammaRIIIA(F158), which is not as effective as FcgammaRIIIA(V158) in interacting with human IgG. »
(« [...] la glycoprotéine dans la composition contient une structure glucidique centrale mature à faible teneur en fucose, attachée à la région Fc de la glycoprotéine. Il a été démontré ici que ces compositions présentaient une surprenante amélioration par un facteur 100 de l'attachement au FcgammaRIIIA(F158) qui est moins efficace dans l'interaction avec l'IgG humain que FcgammaRIIIA(V158) » ; traduction fournie par la chambre).
18. Le fait que le document D9 ne mentionne pas la MHNN n'aurait pas empêché l'homme du métier de le prendre en considération car il fait partie des connaissances générales que l'activité ADCC d'un anticorps est causé par la partie constante Fc de l'anticorps et non par la partie donnant la spécificité pour une cible (Fab). Le document D9 fait référence à une multitude de maladies (voir par exemple page 89, premier paragraphe).
19. L'homme du métier aurait donc choisi ce sous-groupe de patients, c'est-à-dire ceux portant un génotype FcgammaRIIIA 158F/F ou 158F/V, comme groupe qui profite particulièrement d'une activité ADCC augmentée. Au vu des résultats obtenus pour les anticorps issus de T125 et produits dans YB2/0 (par exemple R297) dans le document D3, l'homme du métier n'aurait pas douté que ce groupe de patients pouvait être traité avec un tel anticorps.
20. L'objet de la revendication 1 de la requête principale est donc dénué d'activité inventive.
Requêtes subsidiaires 1 à 6 (y compris leurs versions A à D, le cas échéant)
Activité inventive (article 56 CBE)
21. L'intimée n'a pas expliqué pourquoi ni comment les requêtes subsidiaires 1 à 6 (y compris leurs versions A à D, le cas échéant) soumises avec la réponse au mémoire de recours répondaient aux objections concernant l'activité inventive au vu du document D3 pris comme état de la technique le plus proche en combinaison avec le document D9.
22. De plus, les modifications de chacune des revendications 1 de ces requêtes par rapport à la revendication 1 de la requête principale ne changent pas l'objet de ces revendications de manière à établir une différence supplémentaire avec l'état de la technique D3 car l'anticorps R297 pour le traitement de la MHNN reste un objet des ces revendications.
23. Par conséquent, l'objet de chacune des revendications 1 de ces requêtes est également dénué d'activité inventive.
Conclusion
24. Comme aucune des requêtes ne satisfait aux exigences de l'article 56 CBE, le brevet doit être révoqué.
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision contestée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.