Information
Cette décision n'est disponible qu'en Anglais.
T 1184/18 (ELEMENT DE SECURITE/Oberthur) 22-07-2021
Téléchargement et informations complémentaires:
ELEMENT DE SÉCURITÉ POUR UN DOCUMENT-VALEUR, UN PROCEDE DE FABRICATION, ET DOCUMENT CORRESPONDANT
I. Le présent recours de l'opposante (ci-après la requérante) fait suite à la décision de la division d'opposition de rejeter l'opposition formée contre le brevet européen n° 2 691 573, de revendication 1 libellée comme suit:
"1. Elément de sécurité (12) pour un document-valeur (1) qui est constitué d'un support (G) initialement plan, comprenant un réseau (14) de lignes (16) en relief, chaque ligne en relief (16) comportant un profil (F), ledit profil (F) comportant des variations de forme graduelle le long d'une ligne (16) déterminée ou d'une ligne à l'autre, ledit réseau (16) étant coloré, caractérisé par le fait que ledit réseau coloré (16) est constitué d'une répétition de bandes (3) contiguës, formées de filets (120, 121, 122) d'au moins deux couleurs différentes (B, R, J), adjacents ou contigus, ces bandes (3) présentant la même direction que lesdites lignes (16) dudit réseau (14)."
II. Dans son mémoire de recours, la requérante a demandé la révocation du brevet au motif que son objet tel que revendiqué présenterait un défaut d'activité inventive au vu du contenu du document D1 (WO 2010/100360 A1) pris en combinaison avec l'enseignement du document D2 (WO 2008/049566 A2). Alternativement, elle a considéré que les documents D3 (WO 97/17211 A1), D4 (EP 0157921 B1), D6 (WO 03/107042 A2) ou D7 (WO 00/20225 A1) pouvaient également représenter l'état de la technique le plus proche et que leur objet individuellement combiné à celui de D2, éventuellement en prenant en compte le contenu de D5 (US 5,105,306 A) dans le cas de D4, anticiperait l'objet du brevet délivré.
III. Par courrier daté du 17 décembre 2018, la propriétaire du brevet (ci-après l'intimée) a contesté ces objections, demandé le rejet du recours et conjointement déposé cinq jeux de revendications modifiées à titre de requêtes subsidiaires 1 à 5.
IV. En réponse à l'avis préliminaire de la chambre selon lequel l'objet du brevet tel que délivré apparaissait ne pas découler de manière évidente de l'état de la technique connu de l'homme du métier, la requérante a fait valoir un défaut d'activité inventive en partant de D2 comme représentant l'état de la technique le plus proche, pris en combinaison avec l'enseignement du document D1.
V. A l'audience, qui s'est tenue le 22 juillet 2021, le débat s'est concentré sur la conformité du brevet aux dispositions de l'article 56 CBE, et les combinaisons du document D1 avec D2 ou D3 ont été discutées. Concernant les attaques basées sur les autres documents, la requérante s'est référée à ses écrits.
A la clôture des débats, les parties ont confirmé leurs requêtes telles qu'établies en début d'audience, à savoir que:
- la requérante a demandé l'annulation de la décision et la révocation du brevet;
- l'intimée a demandé à titre principal le rejet du recours et à titre subsidiaire, le maintien du brevet sur la base de l'une des requêtes subsidiaires déposées conjointement au mémoire de recours.
1. Brevet tel que délivré - activité inventive
Par application de l'approche-problème solution, la chambre est parvenue à la conclusion que l'objet des revendications telles que délivrées satisfaisait aux dispositions de l'Article 56 CBE pour les raisons qui suivent:
1.1 Concernant l'identification du document représentant l'état de la technique le plus proche, il est de jurisprudence constante que celui-ci est normalement celui qui divulgue un objet conçu dans le même but ou visant à atteindre le même objectif que l'invention revendiquée et présentant pour l'essentiel des caractéristiques techniques semblables, à savoir qui appellent peu de modifications structurelles (voir "La Jurisprudence des Chambres de recours", I.D.3.1).
1.1.1 Dans le cas d'espèce, la chambre note que parmi les documents cités par la requérante, D1 est manifestement le point de départ le plus prometteur car divulguant dans ses revendications indépendantes 1 et 2 un élément de sécurité comprenant un réseau de lignes en relief, chaque ligne comprenant au moins un flanc (18, 18A) définissant chacun un angle d'inclinaison (alpha1) par rapport à une direction normale (Z) au réseau (14), l'angle d'inclinaison (alpha1) du flanc (18, 18A) d'au moins une ligne (16) du réseau (14) variant graduellement le long de cette ligne (16) (revendication 1), ou d'au moins deux lignes adjacentes du réseau (14) variant graduellement d'une ligne à l'autre (revendication 2), de manière à former en réflexion lumineuse un effet optique dégradé changeant en fonction d'un angle d'observation (theta,theta1,theta2) de l'élément de sécurité (12).
Ce dernier est en outre décrit en page 17, lignes 22 à 24 de D1 comme pouvant donner lieu, selon le motif de variation de l'angle du flanc de chaque ligne, à des vagues ou des effets de moiré.
Le contenu de D1 diffère par conséquent de celui de l'objet de la revendication 1 du brevet contesté en ce que le réseau de lignes en relief est constitué d'une répétition de bandes contiguës, formées de filets d'au moins deux couleurs différentes, adjacents ou contigus, lesdites bandes présentant la même direction que les lignes dudit réseau.
1.1.2 Aucun des autres documents (D2 à D7) cités par la requérante ne décrivant la variation graduelle le long d'une ligne ou d'une ligne à l'autre, et encore moins l'effet de moiré, déjà pour cette raison leur contenu est plus éloigné de l'invention revendiquée.
1.1.3 A cet égard, la chambre ne peut se joindre à l'argument de la requérante présenté à l'audience - selon lequel D3 divulguerait une variation graduelle d'une ligne à l'autre dans sa Figure 20 - car dans cette dernière le réseau de lignes forme une succession de vagues, avec la vague n étant de hauteur plus élevée que la vague n+1, mais la vague n+2 étant à nouveau plus élevée que la vague n+1. Pour la chambre, cette succession de vagues ne crée pas un réseau de lignes de variation graduelle comme dans le brevet, mais un réseau de lignes de variation alternée, de sorte que D3 ne peut représenter l'état de la technique le plus proche.
1.2 Eu égard au problème technique sous-tendant l'invention, l'intimée a fait valoir que celui-ci résidait dans l'amélioration de l'élément de sécurité connu de D1 pour le rendre plus difficilement identifiable et falsifiable. Elle s'est à cet égard référée aux paragraphes [0010], [0015] et [0078] du brevet, arguant que la solution proposée (qui en l'espèce correspond aux différences de caractéristiques avec l'élément de sécurité selon D1) - à savoir la répétition de bandes contiguës et de même direction que les lignes, lesdites bandes étant formées de filets d'au moins deux couleurs différentes, adjacents ou contigus - permettait d'obtenir un effet de moiré (à savoir avec des reflets changeants et chatoyants, selon la définition du dictionnaire Petit Larousse) particulièrement spectaculaire sans devoir nécessairement utiliser des réseaux non parallèles.
1.2.1 La requérante a contesté cette définition du problème, prétendant que tous les modes de réalisation du brevet, en particulier celui de la Figure 7 - dans lequel les lignes sont parallèles et présentent un profil en marches d'escalier de hauteur progressive - ne permettraient pas d'obtenir l'effet de moiré spectaculaire décrit dans le brevet.
1.2.2 La chambre observe que la requérante n'a étayé cette allégation d'aucune preuve tangible, et l'intimée a confirmé à l'audience que dans ce mode particulier de l'invention, l'effet de moiré était certes spectaculaire mais de moindre ampleur que pour ceux des Figures 3 et 4. Il s'ensuit que le problème technique tel que présenté par l'intimée ne peut être rejeté et, en l'absence de preuve du contraire, il ne peut être conclu qu'il n'est pas plausiblement résolu sur toute l'étendue de la protection recherchée.
1.3 A la question de savoir si la solution proposée au problème susmentionné était ou non évidente pour l'homme du métier à la lumière de l'état de la technique, la chambre ne peut se joindre à l'avis de la requérante selon lequel celle-ci serait suggérée par le document D2, en particulier par le mode spécifique illustré par sa Figure 1, car celui-ci divulgue certes l'utilisation dans un élément de sécurité de bandes contiguës formées de filets d'au moins deux couleurs différentes présentant la même direction que les lignes d'un réseau sur lequel se trouve un profil en relief, mais - comme expliqué plus haut - ce dernier ne comporte pas de variation graduelle le long de la ligne, et surtout, le document D2 ne mentionne nullement le problème sous-tendant l'invention, à savoir l'obtention d'un effet de moiré plus intense par rapport à celui obtenu sans les filets d'au moins deux couleurs. En outre, tel que décrit dans les toutes premières lignes du document D2 (voir page 1, lignes 3 à 9) l'invention est basée dans cet art antérieur sur un tout autre effet, à savoir l'effet de basculement qui, dans le cas particulier de la Figure 1, permet de voir la structure en forme de V dans une couleur uniforme en l'observant dans une première direction A et dans une deuxième couleur (également uniforme) en l'observant dans la direction opposée.
Pour la chambre, il apparaît donc que l'homme du métier cherchant à améliorer la sécurité de l'élément selon D1, ne peut parvenir à l'objet de la revendication 1 en instance sauf à avoir recours à une analyse ex post facto qui suppose une connaissance préalable de la solution revendiquée. L'homme du métier n'a en effet à sa disposition aucune information dans D2 lui permettant de conclure que le moyen tel que proposé dans la partie caractérisante de la revendication 1 telle que délivrée résoudrait ce problème, et encore moins l'obtention d'un effet de moiré plus spectaculaire qu'en l'absence des filets de couleurs.
1.3.1 Pour la chambre, la même conclusion s'impose pour les combinaisons des enseignements des documents D3 avec D2, D4 avec D2, D6 avec D2, et D7 avec l'un des documents D1 à D4 ou D6 et éventuellement D2, mises en avant par écrit par la requérante, car celles-ci se basent toutes sur une combinaison avec le document D2, qui pour les raisons énoncées ci-avant ne peut mener à l'objet revendiqué car ne résolvant pas le problème lié à l'obtention d'un effet de moiré plus spectaculaire (ou intense) qu'en l'absence des filets de couleurs, et ne pouvant donc mener à la solution proposée dans l'objet revendiqué.
Quant à la combinaison de l'un des documents D1 à D4 avec D5, ce dernier n'abordant pas plus le problème lié à l'obtention d'un effet de moiré et ne décrivant encore moins les caractéristiques de la partie caractérisante de la revendication 1 telle que délivrée, il ne peut pas plus mener à l'objet revendiqué.
1.3.2 Concernant enfin l'objection de défaut d'activité inventive basée sur D2 comme point de départ alternatif, la requérante a fait valoir que même si celle-ci était présentée pour la toute première fois au cours de cette procédure, elle devait être prise en considération par la chambre en vertu de l'article 12(4) RPCR.
La chambre ne peut suivre cet argument car s'il est exact que l'article 12(4) RPCR 2007 impose à la chambre de prendre en considération tout élément présenté par les parties, ce même article précise que cette condition est limitée aux éléments remplissant les conditions visées à l'article 12(2) RPCR 2007, qui dispose que le mémoire exposant les motifs du recours doit contenir l'ensemble des moyens invoqués par une partie, ce qui dans le cas d'espèce n'est pas le cas, puisque que l'objection a été soumise pour la première fois en réponse à l'opinion préliminaire de la chambre.
Sa soumission tardive soulève donc un problème de recevabilité, qui relève du pouvoir d'appréciation de la chambre conféré par l'article 12(4) RPCR 2007 et qui lui permet de considérer comme irrecevables les faits, preuves et requêtes qui auraient pu être produits au cours de la procédure de première instance.
Comme dans le cas d'espèce, ce nouveau grief aurait manifestement pu être produit au cours de la procédure d'opposition, les deux documents D1 et D2 faisant partie de la procédure de première instance, la chambre a décidé de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de ne pas prendre en considération ce grief présenté tardivement.
1.3.3 La chambre observe au demeurant que, même si en faveur de la requérante, ce grief avait été pris en considération, l'objection ainsi formulée n'avait pas plus de chance d'aboutir car aucun des deux documents ne faisant valoir l'intensification de l'effet de moiré en associant les deux moyens techniques décrits individuellement dans D1 et D2, les mêmes conclusions que ci-dessus s'imposeraient à l'évidence.
1.4 La chambre en conclut que la combinaison de faits invoqués par la requérante est insuffisante pour prouver que l'objet selon la revendication 1 (et a fortiori celui des revendication 2 à 15 qui en dépendent) découle de manière évidente de l'enseignement des documents cités, qui de ce fait satisfait aux exigences de l'Article 56 CBE et donc de cette dernière.
Par ces motifs, il est statué comme suit
Le recours de l'opposante est rejeté.