T 0317/86 (Titre de l'invention) 15-04-1988
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Acte d'opposition - conditions requises
Titre de l'invention - nécessité de le mentionner
I. Le 20 février 1985, a été annoncée dans le Bulletin européen des brevets la délivrance d'un brevet publié sous le numéro 0 054 378 (demande n° 81 305 677.7). Le titulaire du brevet était "F.L. Smidth & Co. A/S", la langue de la procédure l'anglais, et le titre de l'invention s'énonçait : "Method of controlling operation of an electrostatic precipitator" ("Méthode de contrôle de fonctionnement d'un précipitateur électrostatique"). En anglais, la revendication 1 commençait par ces termes : "A method of controlling the operating parameters of an electrostatic precipitator", et, en allemand, comme suit : "Verfahren zur Regelung der Betriebsparameter eines elektrostatischen Abscheiders" ("Une méthode de contrôle des paramètres de fonctionnement d'un précipitateur électrostatique").
II. Le 21 novembre 1985, l'opposante 01 a déposé un acte d'opposition en allemand dans lequel étaient indiqués le numéro de publication, le numéro de dépôt de la demande ainsi que le nom du titulaire du brevet attaqué. L'exposé des motifs de l'opposition, également rédigé en allemand, commençait par ces termes : "Das Patent bezieht sich auf ein Verfahren zur Regelung der Betriebsparameter eines elektrostatischen Abscheiders, der ..." ("Le brevet concerne une méthode de contrôle des paramètres de fonctionnement d'un précipitateur électrostatique qui ...) et se poursuivait sur plus de cinq pages dans lesquelles étaient reproduites des indications figurant dans le brevet.
III. Par une notification établie conformément à la règle 56(2) CBE le 2 décembre 1985 (formulaire OEB 2302.9 04.81), l'agent des formalités a signalé à l'opposante 01 que le titre de l'invention ne figurait pas dans l'acte d'opposition, comme le prévoit la règle 55 b) CBE, et il l'a invitée à remédier à cette irrégularité dans un délai de deux mois. L'opposante a immédiatement envoyé un télex (reçu le 5 décembre 1985) mentionnant le titre du brevet en anglais afin de régulariser son acte d'opposition.
L'opposante n'a aucunement confirmé ce télex.
(...)
VI. Par décision en date du 16 juillet 1986, l'agent des formalités a rejeté comme irrecevable l'opposition formée par l'opposante 01, en arguant pour l'essentiel qu'il ne suffit pas d'envoyer un télex, sans en confirmer ensuite le contenu, pour remédier à une irrégularité. Le fait de citer l'objet du brevet quelque part dans l'acte d'opposition ne satisfait pas à l'exigence de forme énoncée à la règle 55 b) CBE, selon laquelle il y a lieu de fournir le titre du brevet. Ce qui était demandé, c'était une désignation au sens de la règle 26(2)b) CBE, telle que le "titre" ou la "dénomination" de l'invention apparaissant sur le fascicule de brevet, sous le code INID "54" conformément à la norme OMPI St. 9.
VII. L'opposante 01 a formé un recours contre cette décision le 13 septembre 1986 et acquitté la taxe requise. ...
1. Le recours répond aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 ainsi qu'à la règle 64 CBE ; il est donc recevable.
2. Il ressort du point 6 du "Communiqué du Vice-Président chargé de la direction générale 2, en date du 15 juin 1984, visant à confier aux agents des formalités certaines tâches incombant normalement aux divisions d'opposition de l'OEB" (JO OEB 1984, 319) que l'agent des formalités avait compétence pour prendre une décision du type de celle faisant l'objet du présent recours.
3. On ne peut affirmer catégoriquement que l'agent des formalités a fait preuve d'un formalisme injustifié. Il n'a fait en somme qu'appliquer à la lettre les règles 55 b), 56(2) et 36(5) CBE. De plus, les Directives relatives à l'examen, dans la Partie D, chapitre IV, 1.2.2.2b), deuxième alinéa ("Chacune des indications ... doit être fournie") montrent en l'occurrence cette voie. Il faut également rappeler que le titulaire d'un brevet est en droit de considérer (ce qu'il a fait dans la présente espèce) que le non-respect dans les délais d'une condition, fût-elle purement formelle, rend à coup sûr irrecevable une opposition à l'encontre de son brevet. C'est précisément en invoquant cet argument que, lors des recours T 114/82 et T 115/82, instruits conjointement (JO OEB 1983, 323), le titulaire de deux brevets distincts avait résolument refusé d'admettre que l'acte d'opposition déposé à l'encontre de l'un de ces brevets concernait effectivement ce brevet, sous le simple prétexte que l'opposant avait confondu les numéros de publication des deux brevets. L'affaire avait été renvoyée à la division d'opposition 024, laquelle a rendu ensuite la décision en date du 15 juin 1983 (JO OEB 1984, 118) déjà citée ci-avant.
4. Toutefois, dans l'affaire en question, il s'agissait pour la division d'opposition de décider si le brevet avait ou non été "désigné de manière suffisante avant l'expiration du délai d'opposition", conformément à la règle 56, paragraphe 1 CBE. Il ne s'agissait pas, comme dans la présente espèce, de savoir quelles informations supplémentaires (ou données bibliographiques) devaient encore être fournies conformément à la règle 56, paragraphe 2 en liaison avec la règle 55 b) CBE, à supposer que le brevet ait été désigné de manière suffisante comme le prévoit la règle 56, paragraphe 1 CBE (ce qui ne fait aucun doute dans la présente espèce). Il faut donc distinguer deux aspects différents dans la manière de désigner le brevet attaqué. Cette distinction s'éclaire si l'on interprète les règles 55 et 56 à la lumière de l'article 99(1) CBE, dont elles sont censées assurer l'exécution.
5. L'article 99(1) CBE prévoit notamment que "toute personne" peut faire opposition au brevet européen. L'opposition donne lieu à l'ouverture d'une nouvelle procédure devant l'OEB, dont l'objet, à savoir le brevet attaqué et les parties concernées, doit être établi de manière non équivoque et irrévocable.
6. A propos de l'identité de l'opposant, qui ne constitue pas le point litigieux dans la présente affaire, ce serait aller à l'encontre de l'article 99(1) CBE que de prendre au pied de la lettre les dispositions conjointes des règles 55 a) et 56 CBE en considérant qu'il n'est pas nécessaire, pour pouvoir signaler des irrégularités, que l'opposant soit déjà identifié. On pourrait être amené à tirer pareille conclusion si l'on s'en tenait uniquement à la règle 55 a) CBE prise à la lettre hors du contexte de l'article 99(1) CBE. Il a cependant été affirmé clairement que - contrairement à ce qui découlerait d'une interprétation littérale des règles 55 a) et 56(2) CBE - l'opposant ne peut pas à sa guise communiquer son identité après coup ; cf. à cet égard la décision T 10/82, JO OEB 1983, 407 et, à la suite de celle-ci, la décision de la division d'opposition publiée dans le JO OEB 1986, 56, ainsi que les décisions T 25/85, JO OEB 1986, 81 et T 219/86, JO OEB 1988, 254.
Chacune de ces décisions concerne, à propos de l'identité de l'opposant, l'interprétation du texte de la règle 55 a) compte tenu du sens de l'article 99(1). La question est donc de savoir quelles sont les conditions qui doivent absolument être remplies à l'expiration du délai d'opposition et celles qui peuvent l'être par la suite.
7. L'article 99(1) CBE porte exclusivement sur le brevet européen attaqué, sans qu'il y soit fait la moindre allusion au titulaire du brevet, dont il est en revanche question à la règle 55 b) CBE. Ceci montre que l'une des conditions énoncées dans cette règle, à savoir la désignation du titulaire du brevet, n'a pas une importance si décisive ; en effet, une fois que l'on a établi contre quel brevet l'opposition est formée, on connaît automatiquement l'identité du titulaire. Celle-ci peut en outre avoir changé si un transfert de droits a eu lieu entre temps, auquel cas l'opposant n'a ni la possibilité ni l'obligation de fournir à l'OEB cette indication, parmi celles prévues à la règle 55 b) CBE (cf. Directives, D-IV, 1.2.2.2b), dernier alinéa). Par conséquent, si la règle 55 b) CBE spécifie les indications que l'opposant doit fournir, il s'agit là uniquement de données bibliographiques contribuant à l'identification du brevet attaqué et perdant leur raison d'être dès lors qu'il n'en est plus besoin pour cela.
8. Dans une procédure d'opposition, aux fins de laquelle l'identification sans équivoque de l'opposant est indispensable (cf. point 5 supra), il faut également que le brevet attaqué soit identifié sans équivoque. Le contenu de l'exposé des motifs de l'opposition suffit déjà à remplir cette condition. A supposer qu'il soit conforme aux dispositions de l'article 100 et de la règle 55 c) CBE, il ne peut avoir de validité que pour un seul brevet européen, même s'il reste à vérifier de quel brevet il s'agit. Pour l'identification du brevet, la règle 56(1) CBE exige cependant plus qu'un simple exposé des motifs de l'opposition : il faut que "le brevet en cause" soit désigné "de manière suffisante" dans l'acte d'opposition. Toutefois, cela ne veut pas dire que l'on puisse interpréter les règles 55 b) et 56(1) et (2) CBE en ce sens que, pour désigner le brevet conformément aux dispositions de la règle 56(1) CBE, il soit indispensable de fournir toutes les indications énumérées à la règle 55 b). Ainsi, dans la mesure où il est en principe possible de remédier à des irrégularités isolées, certaines indications, visées à la règle 56(2) CBE, peuvent être fournies à un stade ultérieur. La Chambre partage donc le point de vue exprimé par la division d'opposition 024 lorsque, dans la décision précitée, elle constatait qu'"un brevet est désigné de manière suffisante au sens de la règle 56(1) CBE dès lors que les autres indications contenues dans l'acte d'opposition permettent à l'Office, en mettant en oeuvre des moyens raisonnables, d'identifier le brevet attaqué avec certitude, avant l'expiration du délai d'opposition". Des indications même différentes de celles énumérées à la règle 55 b) CBE, telles que par exemple la date de publication dans le Bulletin européen des brevets de la mention de la délivrance du brevet, ou d'autres données bibliographiques, peuvent contribuer à "permettre à l'Office, en mettant en oeuvre des moyens raisonnables, d'identifier le brevet attaqué avec certitude, avant l'expiration du délai d'opposition".
9. Si donc, comme le prévoit la règle 56(2) CBE, l'Office doit notifier à l'opposant, pour que celui-ci y remédie, les irrégularités constatées en ce qui concerne des indications devant être fournies conformément à la règle 55 b), il ne saurait plus alors être question de désigner le brevet au sens de la règle 56, paragraphe 1 CBE. Par conséquent, les dispositions conjointes des règles 56, paragraphe 2 et 55 b) ont uniquement pour objet de permettre à l'OEB d'identifier sans difficulté le brevet attaqué ; aussi, dès lors que les indications fournies au sujet du brevet sont suffisantes, considérées dans leur ensemble, pour permettre de l'identifier facilement et sans le moindre doute, la situation n'est plus celle visée à la règle 56(2) CBE, dans laquelle une irrégularité doit être notifiée à l'opposant afin qu'il y remédie.
10. Normalement, il suffit que soit indiqué le numéro de publication ou le numéro de dépôt de la demande pour que l'on puisse retrouver et consulter un dossier ; le numéro du brevet européen requis à la règle 55 b) CBE, dont les projets de rédaction remontent à 1964 et 1970, peut consister en l'un ou l'autre de ces deux numéros, car ce n'est que par la suite qu'une distinction s'est établie à leur sujet dans les pratiques administratives. Bien entendu, le numéro de dépôt de la demande et les autres données bibliographiques sont non seulement utiles, mais encore indispensables s'il subsiste des doutes et pour permettre de rectifier toute erreur (cf. décision de la division d'opposition 024 en date du 15 juin 1983 déjà évoquée ci-dessus).
11. Il convient en outre de faire observer qu'en obligeant l'opposant à indiquer le titre de l'invention, on peut sans le vouloir lui tendre un piège si, en application de la règle 1 CBE, il utilise une langue officielle autre que la langue de la procédure, telle qu'elle est définie à l'article 14(3) CBE. En effet, pour l'opposant qui n'utilise pas dans la procédure d'opposition la même langue que celle dans laquelle le brevet attaqué a été publié, le risque est grand de ne pas reproduire le titre de l'invention imprimé sur le fascicule de brevet.
L'objectif de la règle 55 b) CBE, en demandant d'indiquer le titre de l'invention, est de permettre d'identifier le brevet attaqué, et non pas de tendre à l'opposant un piège linguistique ; les revendications étant traduites dans le fascicule de brevet dans les deux autres langues officielles, le titre remplit normalement tout aussi bien son rôle comme élément d'identification s'il est fourni dans ces langues. C'est donc à tort que l'on assimilerait le "titre de l'invention", au sens de la règle 55 b) CBE, aux seules indications figurant sous le code INID "54" selon la norme OMPI St. 9. Un titre se présentant différemment ou dans une autre langue ne cesse pas de constituer l'élément d'identification demandé par la règle 55 b) CBE. Les auteurs du projet de règlement d'exécution de 1964 (doc. CEE 4419/IV/63, en date du 20 janvier 1964, Ad art. 88, N° 1) et de celui de 1970 (dans le document consacré au second avant-projet de la CBE, 1971, Ad art. 101, N° 1) n'y ont fort probablement pas vu de tels liens ni de tels effets.
(...)
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
La décision attaquée est annulée et l'affaire est renvoyée devant la première instance.