T 0447/10 (Composition de teinture / L'OREAL) 14-11-2013
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Composition de teinture pour fibres kératiniques avec un colorant direct cationique et un polymère épaississant
Henkel AG & Co. KGaA
Kao Germany GmbH
Requêtes principale et subsidiaires 1 et 3: marque déposée dans le disclaimer - clarté (non)
requêtes subsidiaires 2 et 4: disclaimer non divulgué - pas admissible
Requêtes subsidiaires 4 et 5: activité inventive (non)
Exposé des faits et conclusions
I. Le requérant I (opposant 1), le requérant II (opposant 2) et le requérant III (propriétaire du brevet) ont chacun introduit un recours contre la décision intermédiaire de la division d'opposition selon laquelle le brevet européen nº 0 970 687 pouvait être maintenu sur la base du jeu de 30 revendications déposé comme requête subsidiaire 1 le 29 septembre 2009, dont la revendication 1 s'énonce comme suit:
"1. Composition pour la teinture des fibres kératiniques et en particulier des fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, renfermant dans un milieu approprié pour la teinture, (i) au moins composé choisi parmi ceux de formules (I), (II), (III), (III') suivantes :
a) les composés de formule (I) suivante:
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle:
D représente un atome d'azote ou le groupement -CH,
R1 et R2, identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène ; un radical alkyle en C1-C4 pouvant être substitué par un radical -CN, -OH ou -NH2 ou forment avec un atome de carbone du cycle benzénique un hétérocycle éventuellement oxygéné ou azoté, pouvant être substitué par un ou plusieurs radicaux alkyle en C1-C4; un radical 4'-aminophényle,
R3 et R'3, identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène ou d'halogène choisi parmi le chlore, le brome, l'iode et le fluor, un radical cyano, alkyl en C1-C4, alcoxy en C1-C4 ou acétyloxy,
X**(-) représente un anion de préférence choisi parmi le chlorure, le méthyl sulfate et l'acétate,
A représente un groupement choisi par les structures A1 à A18 suivantes :
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans lesquelles R4 représente un radical alkyle en C1-C4 pouvant être substitué par un radical hydroxyle et R5 représente un radical alcoxy en C1-C4, sous réserve que lorsque D représente -CH, que A représente A4 ou A13 et que R3 est différent d'un radical alcoxy, alors R1 et R2 ne désignent pas simultanément un atome d'hydrogène;
b) les composés de formule (II) suivante:
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle :
R6 représente un atome d'hydrogène ou un radical alkyle en C1-C4,
R7 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle pouvant être substitué par un radical -CN ou par un groupement amino, un radical 4'-aminophényle ou forme avec R6 un hétérocycle éventuellement oxygéné et/ou azoté pouvant être substitué par un radical alkyle en C1-C4,
R8 et R9, identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène, un atome d'halogène tel que le brome, le chlore, l'iode ou le fluor, un radical alkyle en C1-C4 ou alcoxy en C1-C4, un radical-CN,
X**(-) représente un anion de préférence choisi parmi le chlorure, le méthyl sulfate et l'acétate,
B représente un groupement choisi par les structures B1 à B6 suivantes:
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans lesquelles R10 représente un radical alkyle en C1-C4, R11 et R12, identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène ou un radical alkyle en Cl-C4,
c) les composés de formules (III) et (III') suivantes:
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans lesquelles :
R13 représente un atome d'hydrogène, un radical alcoxy en C1-C4, un atome d'halogène tel que le brome, le chlore, l'iode ou le fluor ou un radical amino,
R14 représente un atome d'hydrogène, un radical alkyle en C1-C4 ou forme avec un atome de carbone du cycle benzénique un hétérocycle éventuellement oxygéné et/ou substitué par un ou plusieurs groupements alkyle en C1-C4,
R15 représente un atome d'hydrogène ou d'halogène tel que le brome, le chlore, l'iode ou le fluor,
R16 et R17, identiques ou différents, représentent un atome d'hydrogène ou un radical alkyle en C1-C4,
D1 et D2, identiques ou différents, représentent un atome d'azote ou le groupement -CH,
m = 0 ou 1,
étant entendu que lorsque R13 représente un groupement amino non substitué, alors D1 et D2 représentent simultanément un groupement -CH et m = 0,
X**(-) représente un anion de préférence choisi parmi le chlorure, le méthyl sulfate et l'acétate,
E représente un groupement choisi par les structures E1 à E8 suivantes:
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans lesquelles R' représente un radical alkyle en C1-C4;
lorsque m = 0 et que D1 représente un atome d'azote, alors E peut également désigner un groupement de structure E9 suivante:
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
dans laquelle R' représente un radical alkyle en C1-C4;
ladite composition étant caractérisée par le fait qu'elle contient en outre (ii) au moins un polymère épaississant comportant au moins un motif sucre choisi dans le groupe comprenant:
(ii)1 - les gommes de guar non-ioniques;
(ii)2 - les gommes de biopolysaccharides d'origine microbienne telles que les gommes de Scléroglucane ou de Xanthane;
(ii)3 - les gommes issues d'exudats végétaux telles que les gommes Arabique, Ghatti, Karaya, Tragacanthe, Carrageenane, Agar et Caroube;
(ii)4 - les pectines;
(ii)5 - les alginates;
(ii)6 - les amidons;
(ii)7 - les hydroxyalkylcelluloses et carboxyalkylcelluloses,
à l'exclusion des compositions suivantes:
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
(*): Support de teinture commun:
- Ethanol 20,0 g
- Hydroxyéthylcellulose vendue sous la dénomination NATROSOL 250 HR ® par la société AQUALON 1,0 g
- Alkyl (C8-C10) polyglucoside en solution
aqueuse à 60 % de matière active (M.A.) tamponné
par du citrate d'ammonium (0,5%), vendu sous la dénomination ORAMIX CG110® par la société SEPPIC 8,0 g
- Monoéthanolamine q.s. pH=9,5
le colorant de structure (V1) correspondant à la formule suivante:
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
le colorant de structure (V4) correspondant à la formule suivante:
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE ."
II. Une opposition avait été formée par les requérants I et II en vue d'obtenir la révocation du brevet dans sa totalité pour manque de nouveauté et dactivité inventive (Article 100 (a) CBE) se basant, entre autres, sur les documents suivants :
(1) WO-A-99/17730,
(5) DE-A-196 17 626,
(6) WO-A 95/15144,
(7) WO-A-95/01772,
(8) EP-A-0 756 861,
(12) EP-A-0 850 636,
(13) EP-A-0 850 637 et
(14) EP-A-0 850 638.
III. Selon la division d'opposition, l'introduction du disclaimer dans la revendication 1 du brevet litigieux tel que délivré excluant les compositions 1 et 2 divulguées dans le document (1), qui était un état de la technique au sens de l'Article 54 (3) et (4) de la CBE, était conforme aux exigences de l'Article 123(2) CBE et de clarté (Article 84 CBE) et établissait la nouveauté par rapport au document (1). L'objet des revendications était aussi nouveau par rapport aux documents (12) à (14). Le document (6) (ou le document (7)), qui divulguait des colorants directs cationiques en évoquant le problème de l'homogénéité de la coloration sur des fibres kératiniques, représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention. Le problème technique à résoudre était celui de la mise à disposition de nouvelles compositions colorantes conduisant à des colorations sur des fibres kératiniques plus homogènes. La solution était caractérisée par la présence d'un polymère à motif sucre épaississant tel que défini dans la revendication 1. Les essais comparatifs du requérant III déposés avec une lettre datée du 27 juillet 2009 montraient que l'homogénéité de la coloration était améliorée par la présence d'un épaississant dans la composition colorante, tel que l'hydroxyéthylcellulose, la gomme de xanthane ou l'hydroxypropyl guar. Le problème technique était donc résolu par les compositions de la revendication 1. Il n'était pas évident à la lumière de l'état de la technique d'ajouter un agent épaississant aux compositions des documents (6) ou (7) comprenant des colorants directs cationiques afin d'en améliorer l'homogénéité de la coloration sur les cheveux. L'objet des revendications de la requête subsidiaire 1 était donc inventif.
IV. Lors de la procédure orale tenue le 14 novembre 2013 devant la Chambre le requérant III a défendu son brevet sur la base d'une requête principale déposée avec une lettre datée du 23 avril 2010 et sur la base des requêtes subsidiaires 1 à 5, les requête subsidiaire 1 à 3 étant déposées avec la lettre datée du 8 novembre 2013 et les requêtes subsidiaires 4 et 5 avec la lettre du 25 juillet 2013 en tant que requêtes subsidiaires 9 et 10.
La revendication 1 de la requête principale est identique à la revendication 1 de la requête subsidiaire 1 pendante devant la division d'opposition et sur la base de laquelle la division d'opposition avait décidé de maintenir le brevet litigieux.
La revendication 1 de la requête subsidiaire 1 diffère de la revendication 1 de la requête principale en ce que les noms commerciaux définissant le support de teinture des compositions exclues par le disclaimer ont été retirés.
Les compositions de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 sont limitées par rapport à celles de la revendication 1 de la requête principale aux compositions renfermant un composé de formule (I) dans laquelle A représente un groupement de structure A1, A4, A7, A13 ou A18 et de formule (III) dans laquelle E représente un groupement de structure E1, E2 ou E7 en combinaison avec un polymère épaississant de formule (ii)1, (ii)2 ou (ii)7.
La revendication 1 de la requête subsidiaire 3 diffère de la revendication 1 de la requête subsidiaire 2 en ce que les noms de marque déposée définissant le support de teinture des composition exclues par le disclaimer ont été retirés.
La revendication 1 de la requête subsidiaire 4 s'énonce comme suit:
"1. Composition pour la teinture des fibres kératiniques et en particulier des fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, renfermant dans un milieu approprié pour la teinture, (i) au moins composé choisi parmi ceux de formules
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
ladite composition étant caractérisée par le fait qu'elle contient en outre (ii) au moins un polymère épaississant comportant au moins un motif sucre choisi dans le groupe comprenant:
(ii)1 - les gommes de guar non-ioniques;
(ii)2 - les gommes de biopolysaccharides d'origine microbienne telles que les gommes de Scléroglucane ou de Xanthane;
(ii)3 - les gommes issues d'exudats végétaux telles que les gommes Arabique, Ghatti, Karaya, Tragacanthe, Carrageenane, Agar et Caroube;
(ii)4 - les pectines;
(ii)5 - les alginates;
(ii)6 - les amidons;
(ii)7 - les hydroxyalkylcelluloses et carboxyalkylcelluloses."
Les compositions de la revendication 1 de la requête subsidiaire 5 sont limitées par rapport à celles de la revendication 1 de la requête subsidiaire 4 aux compositions contenant un polymère épaississant de formule (ii)1 ou (ii)7.
V. Les requérants I et II ont contesté la recevabilité du recours du requérant III. La revendication 1 de la requête principale et de la requête subsidiaire 2 manquait de clarté en raison de la caractérisation de composés par des noms de marque déposée dans le disclaimer qui excluait des composition comprenant de l'hydroxyéthylcellulose vendue sous la dénomination NATROSOL 250 HR ® par la société AQUALON alors que cette cellulose commerciale était susceptible de modification au cours de la durée de vie du brevet. Les compositions exclues étaient donc définies de manière équivoque. La suppression des noms de marque déposée dans la revendication 1 des requêtes subsidiaires 1 et 3 changeait la portée du disclaimer. En effet, 1.0 g d'hydroxyethylcellulose n'était pas égale à 1,0 g d'hydroxyethylcellulose vendue sous la dénomination NATROSOL 250 HR ® déjà en raison du degré de pureté du produit commercial. Le disclaimer de la revendication 1 des requêtes subsidiaires 1 et 3 n'établissait donc pas la nouveauté par rapport au document (1). L'objet de la revendication 1 des requêtes subsidiaires 4 et 5 manquait de nouveauté par rapport aux documents (12) à (14). Selon le requérant I, le document de l'état de la technique le plus proche de l'invention pouvait être l'un des documents (6), (7), (8), (12), (13) ou (14) alors que pour le requérant II c'était le document (8). Le requérant III n'avait pas rendu crédible que le problème de l'amélioration de l'homogénéité des coloration était résolu dans l'ensemble du domaine revendiqué, puisque le seul essai comparatif a mis un uvre un seul colorant direct cationique et un seul polymère. Le problème technique devait donc être reformulé en la mise à disposition de compositions de teinture directes alternatives. Comme les colorants cationiques des composition revendiquées étaient connus, en particulier du document (7), il était évident pour l'homme de métier de les employer dans la composition du document (8) et parvenir ainsi à l'objet de la revendication 1 des requêtes subsidiaires 4 et 5 sans faire preuve d'activité inventive.
VI. Selon le requérant III, la composition exclue par le disclaimer ne manquait pas de clarté car les composantes des compositions exclues étaient en premier lieu caractérisées par leur dénomination chimique. Les noms de marque déposée suppléant ces dénominations chimiques étaient superfétatoires et pouvaient donc être supprimés sans changer la porté du disclaimer. Le document de l'état de la technique le plus proche de l'invention était soit le document (6), soit le document (7), ces documents concernant la teinture des cheveux à l'aide de colorants directs cationiques et le même problème technique que celui à la base du brevet litigieux, à savoir l'amélioration de l'homogénéité des colorations alors que le document (8) visait à accroitre la stabilité des compositions de teinture directe et les documents (12) à (14) ne concernant pas la teinture directe des cheveux, mais la teinture d'oxydation. De plus les documents (6) et (7) étaient cités dans le brevet litigieux comme point de départ de l'invention. En partant toutefois du document (8) comme le suggérait le requérant II, le problème technique à résoudre était celui de l'amélioration de l'homogénéité de la coloration des cheveux. Les essais comparatifs déposés avec la lettre du 26 mars 2012 comparaient une composition selon document (8) comprenant le Basic Red 22 avec une composition selon l'invention comprenant le Basic Red 51, à savoir un composé de formule (I4) qui était le composé structurellement le plus proche du colorant Basic Red 22 du document (8). Ces essais montraient donc que le problème de l'amélioration de l'homogénéité était résolu pour l'ensemble des compositions revendiquées. Cette amélioration de la sélectivité des colorations n'était pas évidente à la lumière de l'état de la technique. L'objet des revendication des requêtes subsidiaires 4 et 5 impliquait donc une activité inventive.
VII. Les requérants I et II ont demandé l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
Le requérant III a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet sur la base de la requête principale déposée avec le mémoire de recours daté du 23 avril 2010, ou, subsidiairement, sur la base d'une des requêtes subsidiaires 1, 2 et 3 déposées avec la lettre du 8 novembre 2013 comme requêtes subsidiaires (A)RS1, (A)RS2 et (A)RS3 ou encore sur la base des requêtes subsidiaires 4 et 5, déposées comme requêtes subsidiaires 9 et 10 avec la lettre du 25 juillet 2013.
VIII. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.
Motifs de la décision
1. Les recours des requérants I et II sont recevables.
La recevabilité du recours du requérant III a été contesté par les autres requérants. Cependant, dans le cas d'espèce il n'est pas nécessaire de trancher ce point puisque les requêtes pendantes n'ont pas une portée plus large que la requête maintenue par la division d'opposition. Que le requérant III soit partie à la procédure en ayant le statut de requérant ou celui d'intimé n'a pas d'incidence en l'espèce.
Requête principale et requêtes subsidiaires 1 à 3
2. Modifications - Disclaimer
Les revendications 1 de ces requêtes ont été modifiées par l'ajout d'un disclaimer dans le but de restaurer la nouveauté par rapport au document (1), qui est une demande de brevet européenne interférente au sens de l'Article 54 (3) et (4) CBE. Les requérants I et II ont contesté l'admissibilité des disclaimers au vu des exigences de l'Article 123(2) CBE.
L'admissibilité des disclaimers dans les revendications et les situations dans lesquelles ils peuvent être employées a notamment fait l'objet de la décision G 1/03 de la Grande Chambre de Recours (J.O. OEB, 2004, 413), qui énonce qu'un disclaimer non divulgué dans la demande telle que déposée peut être admis inter alia dans la mesure où il rétablit la nouveauté en délimitant la revendication par rapport à un état de la technique au sens de l'Article 54 (3) et (4) CBE. La formulation de la revendication incluant le disclaimer doit répondre aux exigences de clarté et de concision prévues à l'Article 84 CBE (point 3 des motifs; point 2.4 du dispositif). Il est d'autre part stipulé qu'un disclaimer ne devrait pas retrancher plus que ce qui est nécessaire pour rétablir la nouveauté (point 3 des motifs; point 2.2 du dispositif).
Requête principale et requête subsidiaire 2
Le disclaimer exclut deux compositions spécifiques divulguées dans le document (1). Ces compositions sont définies entre autres par le fait qu'elles contiennent 1,0 % en poids d'une hydroxyéthylcellulose vendue sous la dénomination NATROSOL 250 HR ® par la société AQUALON.
Selon la jurisprudence constante des chambres de recours, la caractérisation dans une revendication d'un produit par référence à une marque commerciale manque de clarté puisqu'une une modification de la composition du produit est possible pendant la durée du brevet (voir décisions T 762/90, point 4.1.1 des motifs; T 270/11, point 3.3 des motifs, non publiées dans J.O. OEB ). Dans le cas présent, le requérant III a simplement affirmé sans en amener la moindre démonstration que le produit "NATROSOL 250 HR®" vendu par la société AQUALON n'était pas un produit susceptible d'être modifié. Or cette affirmation n'est pas crédible, puisque la composition d'un produit commercial est évidemment susceptible d'être modifiée. Ainsi, le disclaimer définissant des compositions contenant 1,0 % en poids d'un hydroxyéthylcellulose vendue sous la dénomination NATROSOL 250 HR ® par la société AQUALON a une portée incertaine, de sorte que l'objet de la revendication 1 des ces requêtes manque de clarté.
Requêtes subsidiaires 1 et 3
Dans ces requêtes subsidiaires, le disclaimer a été modifié par la suppression des noms de marque déposé.
Le requérant III a argumenté que les noms de marque déposé étaient superfétatoires car les produits étaient déjà caractérisés dans le disclaimer par le terme "hydroxyéthylcellulose".
Cependant le terme "hydroxyéthylcellulose" est une définition générique qui désigne tous les polymères hydroxyéthylcellulose, alors que "l'hydroxyéthylcellulose vendue sous la dénomination NATROSOL 250 HR ® par la société AQUALON" désigne un polymère hydroxyéthylcellulose particulier ayant, entre autres, une masse moléculaire moyenne, un degré de pureté et une valeur d'humidité résiduelle particuliers. La caractérisation de l'hydroxyéthylcellulose par son nom de marque déposé n'est donc pas superfétatoire, puisqu'elle définit un produit spécifique contenant une l'hydroxyéthylcellulose particulière.
Le document (1) divulgue des compositions contenant 1,0% en poids d'une hydroxyéthylcellulose vendue sous la dénomination NATROSOL 250 HR ® par la société AQUALON. Le disclaimer modifié selon la revendication 1 des requêtes subsidiaires 1 et 3 exclut des compositions qui contiennent 1,0% en poids d'hydroxyéthylcellulose. Ce disclaimer serait susceptible de rétablir la nouveauté de la revendication 1 par rapport au document (1) si le produit NATROSOL 250 HR® vendu par la société AQUALON était une hydroxyéthylcellulose pure à 100%, à savoir sans adjuvant et totalement anhydre. Or, le document (1) ne mentionne pas les caractéristiques de ce produit commercial et le requérant III n'a fourni aucune information tendant à montrer que le produit NATROSOL 250 HR® est constitué à 100% d'hydroxyéthylcellulose.
Le disclaimer modifié n'est donc pas basé sur la divulgation du document (1) et n'est donc pas propre à rétablir la nouveauté des compositions revendiquées par rapport au document (1). Les conditions d'amissibilité d'un disclaimer énoncées dans la décision G 1/03 ne sont donc pas remplies, de sorte que la revendication 1 des requêtes subsidiaires 1 et 3 ne remplit pas les exigences de l'Article 123(2) CBE.
Requête subsidiaire 4
3. Activité inventive
3.1 Art antérieur le plus proche
Au cours de la procédure orale devant la Chambre, les documents (6), (7), (8) et (12) à (14) ont été considérés par les requérants comme pouvant chacun représenter l'art antérieur le plus proche de l'invention.
Selon la jurisprudence constante des chambres de recours de l'OEB (voir, en particulier, T 606/89 et T 273/92, non publiées dans JO OEB), l'art antérieur le plus proche de l'invention est généralement celui qui s'attache à atteindre le même objectif que l'invention, et qui exige le moins de modifications structurelles et fonctionnelles.
3.1.1 Le brevet en litige concerne des compositions de teinture pour fibres kératiniques comprenant au moins un colorant direct cationique et au moins un polymère épaississant comportant au moins un motif sucre. L'objectif visé par le brevet litigieux est l'obtention de colorations directes puissantes, peu sélectives et résistant bien aux diverses agressions que peuvent subir les cheveux (lumière, intempéries, shampooings) (voir paragraphes [0005] et [0006] du brevet litigieux).
Le document (8) a aussi pour objectif la coloration directe des fibres kératiniques et l'obtention de compositions de teinture stables qui améliorent le résultat de la coloration. Les compositions de teinture comprennent au moins un colorant direct cationique en combinaison avec de l'hydroxyalkyl guar (gomme de guar non-ionique) (voir revendications 1 et 4; page 1, lignes 15 et 16). Le colorant direct cationique est par exemple le Basic Red 22 (voir page 2, ligne 50).
Le colorant direct "Basic Red 22" est un composé de formule
FORMULE/TABLEAU/GRAPHIQUE
(voir annexe à la lettre du requérant III datée du 26 mars 2012), c'est-à-dire un colorant direct cationique envisagé par la revendication 1 du brevet litigieux tel que délivré (composé de formule (I) dans laquelle A représente le groupement A6). Il est structurellement très proche des colorants directs cationiques encore envisagés dans la revendication 1 de la requête subsidiaire 4, se différentiant du composé de formule I(2) uniquement par le remplacement d'un groupement -CH= par un groupement -N= dans l'hétérocycle.
3.1.2 Les documents (6) et (7) concernent également la teinture de fibres kératiniques à l'aide de colorants directs et ont comme objectif de remédier aux inconvénients des colorants directs cationiques, à savoir d'améliorer l'homogénéité et la tenue de la coloration (voir page 1, deuxième et troisième paragraphes). Cependant les compositions de teinture décrites dans ces documents sont structurellement plus éloignées de celles du brevet litigieux que celles divulguées dans le document (8), en raison de l'absence d'un polymère épaississant comprenant un motif sucre.
3.1.3 En accord avec le requérant II, la Chambre considère donc que le document (8) constitue l'état de la technique le plus proche de l'invention et le point de départ pour l'évaluation de l'activité inventive.
3.1.4 Selon le requérant III, les documents (6) ou (7) représenteraient l'art antérieur le plus proche de l'invention puisqu'ils visent à résoudre le même problème technique que le brevet litigieux, à savoir celui de l'amélioration de la sélectivité de la coloration. De plus, ces documents étaient cités dans le brevet litigieux comme point de départ de l'invention.
La Chambre a considéré le fait que l'obtention d'une coloration homogène soit explicitement mentionné dans le brevet litigieux ainsi que dans les document (6) et (7) alors que le document (8) mentionne de manière générale une amélioration de la coloration. Cependant, une amélioration de la coloration se conçoit sous plusieurs aspects, la sélectivité en faisant incontestablement partie.
Les documents (6) et (7) sont cités dans le brevet litigieux puisqu'ils divulguent des colorants directs cationiques utilisables dans les compositions tinctoriales conforme à l'invention. Cependant le document (8) également aurait pu être cité dans le brevet litigieux au même titre que ces documents puisqu'il divulgue des colorants directs cationiques, notamment le Basic Red 22, qui est un composé conforme à la formule I du brevet litigieux. Par conséquent, les documents (6) ou (7) ne sauraient se substituer au document (8) comme point de départ pour l'évaluation de l'activité inventive au motif qu'ils ont été cités dans le brevet litigieux.
3.1.5 Le requérant I avait aussi avancé que les documents (12) à (14) pouvaient représenter l'art antérieur le plus proche de l'invention. Cependant ces documents concernent la teinture d'oxydation des cheveux, et non la teinture directe. Ils sont donc plus éloignés de l'invention que le document (8).
3.2 Selon le requérant III le problème technique à résoudre en partant du document (8) comme état de la technique le plus proche de l'invention est la mise à disposition de compositions tinctoriales pour le traitement des fibres kératiniques aboutissant à des colorations moins sélectives, et donc plus homogènes.
3.3 Les compositions de la revendication 1 qui sont caractérisées par le choix du colorant cationique de formules (I2), (I14), (III4) ou (III17) sont la solution proposée par le brevet litigieux.
4. Succès
Le requérant III se réfère aux essais comparatifs déposés avec une lettre datée du 26 mars 2012 pour démontrer que les compositions revendiquées sont moins sélectives que celles du document (8) sur des fibres kératiniques et donc permettent des colorations plus homogènes.
Ces essais montrent qu'une composition tinctoriale (B2) selon la revendication 1 de la requête subsidiaire 4 comprenant le colorant direct cationique de formule (I2), appelé "Basic Red 51" et un dérivé de gomme de guar est moins sélective qu'une composition (D2) selon le document (8) comprenant le colorant direct cationique Basic Red 22.
La différence de sélectivité constatée (DeltaE = 5,24 comparée à DeltaE = 0,63) montre de façon concluante que le simple remplacement dans une composition tinctoriale comprenant une gomme de guar du colorant direct cationique Basic Red 22 divulgué dans le document (8) par le colorant direct cationique de formule (I2) selon le brevet litigieux provoque une diminution de la sélectivité, et donc une amélioration de l'homogénéité de la coloration.
Un effet technique prétendu, dans le cas présent une diminution de sélectivité de coloration, pourrait justifier la présence d'une activité inventive pour l'objet de la revendication 1 s'il était crédible que cet effet technique puisse être obtenu dans l'ensemble du domaine revendiqué (voir décisions T 626/90, point 4.3.2 des raisons, non publiée au JO OEB; T 939/92, JO OEB 1996, 309, point 2.5.4 des raisons). Ce point est contesté par les requérants I et II. Il reste donc à déterminer si l'effet sur la sélectivité montré avec un seul colorant direct cationique, à savoir le composé de formule (I2), peut être extrapolé aux autres colorants cationiques envisagés pour les compositions revendiquées, à savoir ceux de formules (I14), (III4) ou (III17).
L'unique essai mis en uvre pour démontrer l'amélioration de la sélectivité compare les colorants cationiques directs "Basic Red 51" et "Basic Red 22". Ces deux composés se différencient uniquement par la nature du groupement A, à savoir un groupement un imidazole pour Basic Red 51 et un 1,2,4-triazole pour Basic Red 22. Ces deux groupements sont des hétérocycles aromatiques à 5 chaînons qui ne se distinguent que par le replacement d'un atome de carbone par un atome d'azote dans le cycle.
Cependant, les colorants de formules (III4) et (III17) diffèrent structurellement du colorant testé de formule (I2) en de nombreux points (voir les formules), ce qui ne permet pas une extrapolation de l'augmentation de l'homogénéité observée avec le composé (I2) aux composés de formule (III4) et (III17).
Etant donné que dans le cas présent, l'effet technique sur lequel le requérant III fonde une activité inventive manque de support expérimental propre à le rendre crédible pour les compositions comprenant les colorants de formules (III4) et (III17), le problème technique défini dessus (point 3.2) nécessite une reformulation moins ambitieuse.
4.1 Ainsi, au vu du document (8), le problème technique se réduit à la mise à disposition d'autres compositions de teinture pour fibres kératiniques.
4.2 Il reste encore à déterminer si la solution proposée par le brevet litigieux découle de façon évidente de l'état de la technique disponible, en d'autres termes s'il était évident pour l'homme du métier souhaitant proposer une alternative aux compositions connues du document (8), de remplacer au sein de ces compositions le colorant direct cationique par un colorant cationique de formule (III4) ou (III17) définis dans la revendication 1 de la requête subsidiaire 4.
Le document (8) n'impose aucune restriction quant aux colorants directs cationiques qui peuvent être utilisés dans les compositions de teinture qui y sont décrites (voir revendication 4). Le document (7) décrit des colorants directs cationiques pouvant être incorporés dans les compositions de teinture des cheveux, en particulier celui de l'exemple 1 qui est le colorant direct cationique de formule (III4) de la revendication 1 de la requête subsidiaire 4 du brevet litigieux. Il était ainsi évident pour l'homme du métier ayant comme objectif de produire une composition de teinture pour cheveux alternative, de faire un choix arbitraire au sein de colorants cationiques connus, par exemple celui de l'exemple 1 du document (7), et d'aboutir ainsi à la solution proposée par le brevet litigieux.
Par conséquent, l´enseignement du document (8) en combinaison avec le document (7) conduit l´homme du métier désirant mettre à disposition une composition de teinture pour fibres kératiniques alternative, de façon évidente aux compositions de la revendication 1 de la requête subsidiaire 4.
L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 4 n'implique donc pas d'activité inventive (Article 56 CBE) et cette requête doit être rejetée.
Requête subsidiaire 5
5. Les compositions de la revendication 1 diffèrent de celle de la revendication 1 de la requête subsidiaire 4 uniquement en ce que le polymère épaississant est restreint aux gommes de guar non-ioniques, aux hydroxyalkylcelluloses et aux carboxyalkylcelluloses.
Les compositions de teinture pour cheveux du document (8) contiennent toutefois déjà une gomme de guar non ionique (voir revendication 1). La modification opérée dans la revendication 1 ne peut donc contribuer à rendre inventif l'objet de la revendication modifiée.
L'objet de la revendication 1 de la requête subsidiaire 5 n'est donc pas inventive pour les mêmes raisons que la revendication 1 de la requête subsidiaire 4 (voir point 4 ci-dessus).
Dispositif
Par ces motifs, il est statué comme suit
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.