J 0008/07 (Langue de la procédure) 01-07-2010
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Langue de la procédure - Suite à donner à l'issue de la décision de la Grande Chambre de recours
Renvoi à l'instance du premier degré afin de poursuivre la procédure (oui)
I. La société MERIAL, ci-après la requérante, a déposé en langue française, le 5 avril 2002, une demande internationale de brevet en vertu du Traité de coopération en matière de brevets (PCT).
Cette demande a été publiée en langue française le 17 octobre 2002 sous le numéro WO 02/081621.
II. Le 3 novembre 2003, la requérante accomplissait les actes pour entrer dans la phase régionale. Elle joignait une traduction en anglais de la demande internationale de brevet laquelle entrait dans la phase européenne devant l'Office européen des brevets (OEB) sous le numéro 02759818.4.
La requérante sollicitait à titre principal que la langue de la procédure soit désormais l'anglais. Elle expliquait que la Convention sur le brevet européen (CBE) n'interdisait pas ce changement lors de l'entrée dans la phase régionale, ajoutant que les dispositions de l'article 158 (2) CBE 1973 permettaient de soumettre la demande internationale de brevet dans l'une quelconque des langues officielles de l'Office.
Si la requête devait être rejetée, invoquant la décision J 18/90 (JO OEB 1992, 511) elle sollicitait, à titre de première requête auxiliaire, que toute la procédure écrite, incluant les décisions, soit rédigée par l'OEB dans la langue anglaise.
Si l'OEB venait à décider de ne pas utiliser la langue anglaise, la requérante sollicitait, à titre de seconde requête auxiliaire, que la demande internationale de brevet entrée dans la phase régionale, soit traitée comme une demande de brevet européen.
III. L'agent des formalités agissant pour la division d'examen prononçait le 13 décembre 2006 une décision par laquelle il déboutait la requérante de sa requête principale et de sa première requête auxiliaire, la seconde requête auxiliaire n'ayant pas été traitée dans la décision.
IV. Le 6 février 2007, la requérante formait un recours contre cette décision. Pour solliciter la réformation de la décision soumise au recours et la substitution dans la procédure de l'anglais au français, celle-ci soutenait à titre principal dans ses écritures datées et reçues le 2 avril 2007 notamment que :
- aucune disposition de la CBE, et en particulier pas l'article 158 CBE 1973, n'exige que la langue officielle de l'OEB utilisée pour rédiger la demande internationale de brevet soit maintenue au cours de la procédure subséquente devant l'Office,
- l'interprétation restrictive énoncée dans la décision contestée est discriminatoire et juridiquement erronée; elle est de nature à porter préjudice aux intérêts des sociétés commerciales internationales qui ont l'anglais comme langue usuelle lorsque des filiales françaises déposent des demandes de brevet dans une langue autre que l'anglais,
- le dépôt à titre de demande principale de la traduction en langue anglaise de la demande internationale de brevet rédigée en français au moment de l'entrée dans la phase régionale est conforme aux dispositions de l'article 14(3) CBE 1973,
- au moment de l'entrée dans la phase régionale, elle a respecté les dispositions de l'article 158(2) et (3) CBE 1973 en fournissant une traduction en anglais de la demande internationale de brevet originellement rédigée en français,
- une nouvelle publication de la demande PCT n'est pas nécessaire du fait qu'elle a déjà fait l'objet d'une publication en français,
- aucune disposition de l'article 158 CBE 1973 n'impose que la langue de la demande internationale de brevet publiée soit la même que celle utilisée lors de l'entrée de la demande dans la phase devant l'Office européen des brevets,
et à titre subsidiaire, pour le cas où il ne serait pas fait droit à la requête principale que :
- la demande internationale de brevet, entrée dans la phase régionale, soit considérée comme une demande de brevet européen en application à la règle 1(1) CBE 1973 et que, conformément à la décision J 18/90 (JO OEB 1992, 511), ainsi qu'à la décision T 788/91 du 25 novembre 1994, l'ensemble de la procédure écrite et des décisions soit rédigé en anglais,
- la motivation contenue dans la décision contestée selon laquelle la décision J 18/90 serait une décision isolée qui serait devenue obsolète du fait de la suppression des dispositions de la règle 3 CBE est erronée en raison de ce que cette décision a été publiée postérieurement à l'abrogation des règles 1 et 3 CBE dont les effets sont entrés en vigueur le 1er juin 1991, et de ce qu'en son point 1.2, la décision énonce explicitement que la suppression de la règle 3 CBE n'a certainement pas interdit que la langue de la procédure ne soit pas changée avec l'accord des parties à la procédure,
- les dispositions de la règle 107(1) CBE (1973) sont respectées, quand bien même la langue utilisée est l'anglais aux lieu et place du français, et alors surtout que le changement de langue n'est pas de nature à influencer la suite de la procédure d'examen du brevet.
Pour le cas où la langue anglaise ne serait pas utilisée au cours de la procédure, la requérante demandait in fine de traiter la demande internationale de brevet en phase régionale comme constituant une demande de brevet européen.
V. Au cours de la procédure orale tenue le 16 avril 2008 devant la Chambre de recours juridique, la requérante indiquait que pour le cas où la chambre estimerait ne pas pouvoir faire droit à sa demande de changement de la langue de la procédure, elle sollicitait la saisine de la Grande Chambre de recours afin que lui soient posées les questions qu'elle a formulées par écrit.
VI. Par décision du 8 décembre 2008, la Chambre de recours juridique soumettait à la Grande Chambre de recours les questions suivantes :
1) Lorsqu'une demande internationale de brevet a été déposée et publiée en vertu du Traité de coopération en matière de brevets (PCT) dans une langue officielle de l'Office européen des brevets (OEB), le demandeur peut-il, dès l'entrée dans la phase régionale devant l'OEB, déposer une traduction de la demande dans l'une des autres langues officielles de l'OEB avec l'effet que la langue de la traduction soit désormais considérée comme constituant la langue de la procédure qui doit être utilisée dans toutes les procédures devant les instances de l'OEB ?
2) Si la réponse à cette question est négative, les organes de l'OEB peuvent-ils utiliser au cours de la procédure écrite d'une demande européenne de brevets (ou d'une demande internationale entrée en phase régionale) une des langues officielles de l'OEB autre que celle de la procédure utilisée pour la demande ?
3) Si la réponse à la deuxième question est positive, quels sont les critères à appliquer pour déterminer la langue officielle qui sera utilisée ? En particulier, les organes de l'OEB doivent-ils faire droit à une telle requête émanant d'une ou des parties ?
VII. Par décision datée du 16 février 2010 (G 4/08, non encore publiée au Journal Officiel), la Grande Chambre de recours a statué de la façon suivante :
Question 1 :
Lorsqu'une demande internationale de brevet a été déposée et publiée en vertu du PCT dans une langue officielle de l'OEB, il n'est pas possible, lors de l'entrée en phase européenne de déposer une traduction de la demande dans l'une des deux autres langues.
Question 2 :
Les organes de l'OEB ne peuvent utiliser dans la procédure écrite d'une demande européenne de brevet ou d'une demande internationale en phase régionale une des langues officielles de l'OEB autre que celle de la procédure utilisée pour la demande en application de l'article 14(3) CBE.
Question 3 :
Cette question est dépourvue d'objet.
VIII. La requérante a été incitée dans la communication datée du 23 avril 2010 à prendre ultimement position afin qu'elle précise la suite qu'elle entend donner à la présente affaire.
IX. Dans sa réponse datée du 1er juin 2010, elle indiquait vouloir la continuation de la procédure sur la base de la deuxième requête auxiliaire visée dans sa lettre datée du 3 novembre 2003 produite en première instance.
1. Conformément aux dispositions de l'article 112(3) CBE, la décision de la Grande Chambre de recours qui se rapporte à une question de droit d'importance fondamentale visée au paragraphe 1 a) lie la chambre de recours juridique pour le recours en instance.
2. La décision de la Grande Chambre de recours du 16 février 2010 s'impose à la chambre de recours juridique en application des dispositions de l'article 112(3) CBE.
3. La chambre de recours juridique ne peut en conséquence que confirmer la décision rendue le 13 décembre 2006 par la division d'examen. Le recours formé par la requérante contre cette décision devant la chambre de recours juridique doit donc être rejeté.
4. La deuxième requête auxiliaire visée dans la lettre datée du 3 novembre 2003 n'a pas été traitée dans la décision attaquée et ne fait donc pas l'objet de la présente procédure de recours.
L'affaire doit être renvoyée à l'instance du premier degré afin de poursuivre la procédure.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. Le recours formé contre la décision de la division d'examen datée du 13 décembre 2006 est rejeté.
2. L'affaire est renvoyée à l'instance du premier degré afin de poursuivre la procédure.