J 0004/85 (Correction des dessins) 28-02-1986
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1. Une demande de correction, basée sur la règle 88 de la CBE, visant à substituer à des dessins erronés un nouveau jeu de dessins, a pour effet de remettre en cause le contenu initial de la demande de brevet européen par suite du caractère rétroactif de la correction. De ce fait, la notification prévue par la règle 43 de la CBE ne peut être valablement émise qu'après rendu de la décision sur la demande de correction.
2. Pour l'application de la règle 88 de la CBE, il est indispensable de tenir compte de tous les faits et preuves qui permettent d'établir immédiatement, au moment de l'examen de la demande de correction, l'intention du demandeur et de ne pas limiter l'examen à la demande de brevet proprement dite et aux documents déposés avec elle. Le document de priorité est un élément important pour l'établissement de l'intention du demandeur et doit être pris en considération même s'il n'a pas été déposé avec la demande de brevet européen.
3. Les attributions de la Section de dépôt ne comportent pas un examen technique du dossier; elle ne devrait donc pas statuer sur une demande de correction qui nécessite un tel examen mais laisser la demande de correction en suspens jusqu'au transfert du dossier à la division d'examen.
4. En décidant que la règle 43 de la CBE n'était pas exorbitante des dispositions de la règle 88, la Chambre s'est écartée de l'interprétation de la Convention donnée dans la décision antérieure J 01/82, car elle a estimé que,les corrections effectuées en application de la règle 88 étant rétroactives, la notification de la règle 43 ne pouvait être émise qu'après un éventuel refus des corrections demandées.
Correction des dessins erronées
Utilisation des documents de priorité
Incompetence de la Section de dépôt en matière d'examen technique
Interprétation de la CBE s'écartant de celle d'une décision antérieure
I. Le requérant a déposé auprès de l'Institut national de la Propriété Industrielle à Paris (France), le 9 décembre 1983, sous le numéro 83402385.5, une demande de brevet européen comportant 4 planches de dessins et revendiquant la priorité d'une demande de brevet antérieure déposée en France le 10 décembre 1982 sous le numéro 8220695.
II. Par lettre du 19 décembre 1983, reçue à l'OEB le 21 décembre 1983, la mandataire du requérant a adressé à l'Office européen des brevets trois nouveaux jeux de 4 planches de dessin en demandant leur substitution aux dessins initialement déposés du fait que "par suite d'une erreur, les dessins qui ont été joints (à la demande) ne correspondent pas à la description". Le document de priorité comportant des dessins identiques aux nouveaux dessins fournis était également joint à cette lettre.
III. Par lettre recommandée du 6 février 1984, la section de dépôt informait le requérant qu'il n'était pas permis de déposer des dessins ultérieurement et attirait son attention sur la règle 43 et sur ses conditions d'application explicitées dans le formulaire OEB1114 annexé à cette lettre. Elle indiquait également que les dessins déposés avec la demande n'ayant aucun rapport avec l'objet de la demande, elle ne les publierait pas sauf avis contraire du requérant dans le délai prescrit.
IV. Par lettre du 24 février 1984, reçue à l'OEB le 28 février 1984, le requérant donnait son accord à la non publication des dessins erronés tout en maintenant sa de mande de correction, en invoquant, à l'appui de cette de mande, le fait qu'il avait, le 9 décembre 1983, demandé à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) une copie officielle de la demande de brevet français n° 8220695 et payé la taxe correspondante et en arguant que, de ce fait, le document de priorité devait être considéré comme déposé auprès de l'OEB à la date de dépôt de la demande de brevet européen et, en tout cas, dans le délai de priorité qui, compte tenu de la fermeture de l'INPI, expirait le 12 décembre 1983. Il ajoutait en outre "Je vous prie donc de bien vouloir considérer l'emploi des dessins du document de priorité initial comme une rectification d'erreur matérielle selon la règle 88 du réglement d'exécution de la Convention sur le brevet européen".
V. Dans une lettre du 9 mars 1984 adressée à l'OEB en réponse à une communication de l'OEB du 8 mars 1984, qui maintenait les termes de la communication du 6 février, le requérant invoquait, à titre d'argument nouveau, le fait "qu'une autre copie officielle de la même demande de priorité, qui avait été requise dès le 6 décembre 1983, a été retirée de l'un des services de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) le 9 décembre 1983, et remise le jour même au service chargé des demandes européennes". Un bordereau de demande de copie officielle daté du 6 décembre 1983 et indiquant comme pays de destination "Demande internationale" était joint à cette lettre. Par ailleurs, le requérant précisait :
"Notre lettre du 24 février 1984 constituait une réponse à la notification du 6 février. Nous entendions que la date de dépôt de la demande de brevet européen ne soit pas reportée. Par contre, nous sollicitons une correction d'erreur matérielle, selon la règle 88 du règlement d'exécution de la Convention sur le brevet européen...".
VI. La demande de brevet européen a été publiée sans dessin le 4 juillet 1984, sous le numéro de publication 0112761 et le requérant a déposé une requête en examen le 5 novembre 1984.
VII. La section de dépôt a rendu le 8 octobre 1984 une décision rejetant, en premier lieu, la demande de correction selon la règle 88 CBE et décidant, en second lieu, en application de la règle 43(1) CBE, que les références aux dessins dans la demande de brevet étaient réputées supprimées.
VIII. Par lettre reçue à l'OEB le 27 novembre 1984, le requérant a formé un recours tout en payant simultanément la taxe de recours.
Dans son mémoire de recours reçu à l'OEB le 1er février 1985, le requérant a repris et développé les arguments qu'il avait présentés devant la section de dépôt, à savoir, dans un premier moyen, que le dépôt d'une demande de copie officielle à l'INPI et la remise par l'INPI d'un récépissé désignant comme pays de destination l'OEB, équivaudraient à la remise à l'OEB de la copie officielle à la date du récépissé et que, de ce fait, les dessins de la copie officielle devraient pouvoir être considérés comme ceux de la demande européenne. Le requérant soutient, en outre, à titre subsidiaire, qu'il aurait remis le 9 décembre 1983, jour du dépôt de la demande de brevet européen, une autre copie officielle de la demande de brevet français dont la priorité a été revendiquée, destinée à un dépôt PCT, entre les mains des responsables du transfert des dossiers OEB et PCT aux organismes internationaux compétents. "A partir de là, les dessins de la copie officielle faisant partie du dépôt, le mandataire requiert, comme précédemment, l'application de la règle 88...".
IX. Dans une requête subsidiaire, présentée pour le cas o" les deux requêtes ci-dessus seraient rejetées par la Chambre de recours, le requérant demande l'apport de corrections à la description en vertu de la règle 88 et, après acceptation de ces corrections, l'addition de nouveaux dessins en vertu de l'article 123 et de la règle 86.
X. Enfin, dans une dernière requête présentée à titre subsidiaire, en cas de rejet de toutes les autres requêtes, le requérant demande la restitutio in integrum à l'égard de la possibilité offerte par la communication du 6 février 1984 d'ajouter les dessins à la demande de brevet européen en demandant le report de la date de dépôt à la date de réception des nouveaux dessins à l'OEB.
Le requérant a payé la taxe de restitutio in integrum le 1er février 1985.
1. Le recours satisfait aux conditions énoncées aux articles 106, 107 et 108 et à la règle 64 de la CBE ; il est donc recevable.
2. Une Chambre de recours doit procéder à l'examen d'office des faits et elle n'est limitée ni aux moyens invoqués ni aux demandes présentées par le requérant (article 114(1) CBE). Par conséquent, si la Chambre de recours juridique considère que la décision attaquée a interprété la Convention sur le brevet européen d'une manière incorrecte, elle peut, même si le requérant n'a pas invoqué un tel moyen, infirmer la décision attaquée.
3. La Chambre considère qu'en présence de la demande de correction d'erreur matérielle présentée le 21 décembre 1983 par la mandataire du requérant, la Section de dépôt se trouvait dans l'obligation de surseoir à l'émission de la notification relative à la règle 43(1) de la CBE jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été rendue sur la demande de correction d'erreur. En effet, la correction d'une erreur a pour résultat de rétablir la demande sous la forme dans laquelle il a été déterminé que le demandeur avait eu l'intention de la déposer, la correction prenant ainsi effet "rétroactivement" à la date du dépôt de la demande.
4. Le fait que le demandeur n'ait pas spécifié, dans sa requête du 21 décembre 1983, qu'il appuyait sa demande de correction sur la règle 88 de la CBE, est sans importance étant donné qu'il résultait clairement des termes de cette lettre que telle était son intention.
5. Il y a lieu de noter qu'un retard dans l'application de la règle 43 de la CBE ne peut provoquer de retard dans la pour suite normale des autres étapes de la procédure d'examen de la demande de brevet européen, telles que la publication de la demande (article 93 de la CBE), dans la mesure où ces dernières doivent être effectuées à un moment donné calculé à partir de la date de dépôt ou de priorité puisque, tant qu'une décision en application de la règle 43 n'a pas été rendue, la seule date à prendre en considération est la date initiale de dépôt ou de priorité.
6. La Chambre considère également qu'en rejetant la requête déposée le 28 février 1984 en vue de la correction selon la règle 88 CBE de la demande de brevet européen par le dépôt ultérieur de cinq figures, au motif "qu'il n'apparaît pas immédiatement de la totalité des documents disponibles à la date de dépôt de la demande de brevet européen que les dessins omis étaient indiscutablement ceux qui ont été déposés le 21 décembre 1983", la décision attaquée a fait une interprétation erronée de la Convention.
7. La règle 88 de la CBE, deuxième phrase, met comme condition à l'acceptation d'une demande de rectification portant sur la description, les revendications ou les dessins que la rectification doit s'imposer à l'évidence en ce sens qu'il apparaît immédiatement qu'aucun texte autre que celui résultant de la rectification n'a pu être envisagé par le demandeur.
En exigeant que la rectification soit évidente au vu des documents "disponibles à la date de dépôt de la demande de brevet européen", la décision attaquée ajoute aux conditions expresses de la règle 88 de la CBE une exigence qui n'est justifiée par aucune disposition de la CBE.
La Chambre de recours juridique a toujours considéré qu'il était indispensable pour l'application de la règle 88 de la CBE de tenir compte de tous les faits et preuves qui permettent d'établir immédiatement, au moment de l'examen de la demande de correction, sans que le plus faible doute soit possible, l'intention du demandeur et de ne pas limiter l'examen à la demande proprement dite et aux documents déposés simultanément. Le document de priorité est un élément extrêmement important pour l'établissement de l'intention du demandeur et le refus de le prendre en considération du fait qu'il n'avait pas été déposé en même temps que la demande de brevet européen est contraire à la jurisprudence constante de la Chambre de recours juridique (J 08/80 J.O. de l'OEB 1980, 293-298 ; J 04/80 J.O. de l'OEB 1980, 351-354 ; J 19/80 J.O. de l'OEB 1981, 65-68 ; et J 04/82 J.O. de l'OEB 1983, 121-126).
8. C'est ainsi, par exemple, que dans l'affaire J 19/80, la Chambre a autorisé la correction d'un dessin dont une partie manquait du fait que la partie pertinente de la description correspondait au dessin proposé à titre de correction et qu'il résultait clairement d'une comparaison avec le document de priorité, déposé à une date postérieure à la date de dépôt de la demande de brevet européen, qu'aucun autre dessin que celui proposé n'avait pu être envisagé par le demandeur.
9. D'autre part, en décidant le rejet de la demande de correction fondée sur la Règle 88, 2ème phrase de la CBE, au motif que bien qu'il ressorte de la page 3 de la description que la de mande de brevet doit comporter cinq figures et qu'il soit évident que les dessins déposés avec la demande de brevet n'ont aucun rapport avec le contenu de la demande, il n'apparaît pas immédiatement que les dessins omis étaient indiscutablement ceux qui ont été déposés le 21 décembre 1983", la Section de dépôt a basé sa décision de rejet sur le résultat d'un examen technique du dossier qui n'entre pas normalement dans les limites des compétences qui lui sont conférées par les articles 16, 90 et 91 de la CBE. Elle aurait donc dû laisser, dans le présent cas, la demande de correction en suspens jusqu'au transfert du dossier à la Division d'examen.
10. Etant donné que l'affaire doit être renvoyée à la Division d'examen pour qu'elle statue sur la requête en correction présentée le 21 décembre 1983, il est inutile d'examiner la demande de modification basée sur l'article 123(1) et sur la règle 86 de la CBE présentée par le requérant dans son mémoire de recours.
11. De même, la demande de restitutio in integrum, eu égard à la possibilité offerte par la notification du 6 février 1984 de reporter la date de dépôt de la demande de brevet européen au 21 décembre 1983, date de dépôt des dessins de la demande, est sans objet étant donné que cette notification doit être considérée comme non avenue.
12. En décidant que la règle 88 de la CBE pouvait être invoquée pour demander l'apport de corrections visant à ajouter à la demande de brevet européen des dessins omis lors du dépôt, et en décidant, par conséquent, qu'une telle requête en correction devait être examinée avant qu'une décision en application de la règle 43 de la CBE puisse être rendue, la présente décision s'est écartée de l'interprétation de la Convention donnée dans la décision antérieure J 01/82 du 7 avril 1982 (J.O. de l'OEB 1982, 293-295) qui avait refusé une telle demande de correction en déclarant que la règle 43 de la CBE qui vise à empêcher l'introduction d'éléments nouveaux dans la demande, conformément à l'article 123(2) de la CBE, était exorbitante des dispositions générales de la règle 88 et devait seule s'appliquer dans ce cas.
13. La Chambre a en effet considéré que cette décision antérieure avait fait une analyse erronée de la Convention. Elle estime que l'application des dispositions de la règle 88, 2ème phrase de la CBE ne peut en aucun cas contrevenir aux dispositions de l'article 123(2) étant donné que l'application de cette règle 88 a pour effet de rétablir la demande sous la forme qu'elle aurait dû avoir, si l'erreur n'avait pas été commise, au jour du dépôt. La règle 43 n'est donc pas exorbitante mais simplement complémentaire des dispositions de la règle 88.
14. Aucune demande de remboursement de la taxe de recours basée sur la règle 67 de la CBE n'a été déposée et les circonstances ne justifient pas un tel remboursement.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision en date du 8 octobre 1984 de la Section de dépôt de l'Office européen des brevets est annulée.
2. Le remboursement de la taxe de restitutio in integrum est ordonné.
3. L'affaire est renvoyée à la Division d'examen pour la poursuite de l'examen de la demande de correction présentée le 21 décembre 1983 en vue de remplacer les dessins initialement déposés par erreur par un autre jeu de dessins joint à cette demande de correction.