T 0773/00 25-10-2002
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Procédé et dispositif de réalisation d'une enveloppe métallique sur une âme de forme allongée
I. Le recours vise à infirmer la décision datée du 25. mai 2000 d'une division d'opposition de l'OEB, qui a rejeté l'opposition formée contre le brevet européen EP-B-0 693 011, dont les deux revendications indépendantes s'énoncent comme suit :
Revendication 1 :
"Procédé et dispositif de réalisation d'une enveloppe métallique (2) sur une âme (1) de forme allongée et de composition métallurgique différente de celle de ladite enveloppe (2), pour former un produit composite bimétallique, comme par exemple un cylindre de laminoir, procédé dans lequel :
- on déplace l'âme (1) verticalement et coaxialement dans une lingotière (10) dont la paroi interne (10a) ménage un espace (4) avec la paroi externe (1c) de l'âme (1) et dont la section interne correspond sensiblement à la section de ladite enveloppe (2),
- on coule, dans ledit espace (4), un métal d'apport (5) en fusion destiné à former ladite enveloppe (2),
- on chauffe la partie supérieure de la lingotière (10),
- et on refroidit la partie inférieure de ladite lingotière (10) pour solidifier ledit métal d'apport (5), caractérisé en ce que :
- on déplace l'âme (1) dans la lingotière (10) en lui communiquant une oscillation verticale continue associée au mouvement vertical de descente de ladite âme (1),
- on recouvre le métal d'apport (5) en fusion, à l'intérieur de la lingotière (10) et au niveau de la partie supérieure (11) de ladite lingotière (10), pa r un laitier électroconducteur (7),
- on chauffe le laitier électroconducteur (7) à une température supérieure à 1450° C,
- et on communique audit laitier électroconducteur (7) un mouvement de rotation autour de l'âme (1) pour effectuer le décapage de la paroi externe (1c) de ladite âme avant son contact avec le métal d'apport (5) en fusion."
Revendication 4 :
"Dispositif de réalisation d'une enveloppe métallique (2) sur une âme (1) de forme allongée, pour la mise en oeuvre du procédé selon l'une des revendications 1 à 3, ledit dispositif comprenant une lingotière (10) de section interne correspond sensiblement à la section de ladite enveloppe (2) et dont la paroi interne (10a) ménage un espace (4) avec la paroi externe (1c) de ladite âme (10) pour un métal d'apport (5) en fusion destiné à former ladite enveloppe (2), ladite lingotière (10) comportant à sa partie inférieure des moyens de refroidissement pour la solidification dudit métal d'apport (5), caractérisé en ce qu'il comporte des moyens communiquant une oscillation verticale continue à l'âme associée à son mouvement vertical de descente lors de la coulée du métal d'apport et la lingotière (10) est formée d'un anneau supérieur (11) de chauffage et de mise en rotation d'un laitier électroconducteur (7) disposé au-dessus du métal d'apport (5) dans ladite lingotière (10), d'un anneau inférieur (12) muni desdits moyens de refroidissement et d'une couronne (13) isolante électriquement et séparant lesdits anneaux (11, 12)."
II. La requérante (opposante) a formé le recours et payé la taxe afférante le 20 juillet 2000. Dans son mémoire de recours reçu le 2 octobre 2000,
- d'une part elle a cité la nouvelle antériorité suivante, qui est référencée D9 :
D9 : "Technical Documentation on Rolls, Rollers by CPC Method (CPP Method)", publiée par Fuij Kogyosho en décembre 1981,
accompagnée d'une traduction,
- et, d'autre part, elle a fait référence aux document s suivants de l'art antérieur, déjà cités durant la procédure devant la première instance :
D1 : US-A-3 455 372
D2 : US-A-4 185 682
D3 : JP-A-61-60256 (avec traduction anglaise)
D4 : Continuous Casting, Proceedings of Technical Sessions of the Iron & Steel Division, October 24, 1961, Detroit, Michigan (USA), pages 10 à 12
D5 : Continuous Casting, Proceedings of the Fourt h International Iron & Steel Congress, 12-14 M ay 1982, The Metal Society, London (1982), pages 8/1 et 8/2
D6 : G. Hoyle, Electroslag Processes, Applied Science Publishers, 1983, London & New York, page 9
D8 : GB-A-1 469 113.
III. Les arguments de la requérante présentés dans ce mémoire sont essentiellement les suivants :
L'antériorité D2 enseigne un mouvement de rotation du laitier dans un appareil similaire à celui de la présente invention. Une caractéristique nouvelle de l'invention telle que revendiquée ci-dessus semble résider dans l'énoncé du but de ce mouvement giratoire, à savoir le décapage de la paroi externe de l'âme. Or, ce résultat n'est pas nouveau, car il est implicitement réalisé dans l'appareil de D2 du seul fait de l'existence de la rotation.
La deuxième caractéristique nouvelle concerne le mouvement vertical d'oscillation de l'âme, qui est dit associé au mouvement de descente de l'âme, qui est connu en soi de D2. Dans la décison de la première instance, il a été affirmé que cette caractéristique améliore la séparation de l'âme d'avec la lingotière. Un tel argument ne peut être accepté, car le retrait de l'âme de la lingotière ne fait pas partie du problème que cherche à résoudre le brevet et est nulle part attribué au mouvement d'oscillation, même en considérant le passage de la colonne 4, lignes 51 à 54. Selon la description du brevet, ce retrait est simplement obtenu par le mouvement de descente. Par suite, cette caractéristique n'apporte rien du point de vue technique et est le résultat d'un choix quelconque, qui n'implique aucune activité inventive, puisqu'un mouvement d'oscillation de l'âme est par ailleurs connu en soi, comme le montrent les documents D1, D4, D5 et D9. La revendication 1 en indiquant que les deux mouvements sont associés ne requiert pas qu'ils soient effectués simultanément.
La requérante a demandé la tenue d'une procédure orale à titre subsidiaire.
IV. L'intimée (titulaire du brevet) par lettre reçue le 4. avril 2001, a répliqué aux arguments ci-dessus et demandé, elle aussi, la tenue d'une procédure orale à titre subsidiaire.
En septembre 2001, la requérante a pris position par écrit sur les arguments de l'intimée.
Dans une notification jointe à une invitation datée du 8. mai 2002 à participer à une procédure orale prévue pour le 9 octobre 2002, la chambre a fait part de son appréciation provisoire du cas, qui est résumée de la façon suivante :
- la description du brevet enseigne que les deux mouvements d'oscillation et de descente sont simultanés, si bien que la revendication 1 mentionne une combinaison de moyens qui vise à faciliter le démoulage de l'âme (article 69 CBE). Cette combinaison n'est suggérée par aucun des documents cités ;
- même si on admettait que D2 enseigne une rotation du laitier, rien dans ce document ne laisse deviner que cette rotation assurerait un décapage du laitier, alors que la description du brevet en cause enseigne qu'une certaine vitesse de rotation est nécessaire pour obtenir cet effet ;
- une combinaison de moyens supplémentaire invoquée pa r l'intimée, à savoir la combinaison de la rotation de l'âme avec le mouvement d'oscillation, n'est pas non plus à exclure, une telle combinaison agissant sur l e décapage et les qualités de liaison entre les deux métaux du produit composite.
V. Par lettre datée du 20 septembre 2002, la requérante a annoncé qu'elle ne participerait pas à la procédure orale.
Cette dernière a par suite été annulée par la chambre de recours.
VI. La requérante a sollicité l'annulation de la décision de la première instance et la révocation du brevet en cause en son entier.
L'intimée a sollicité le rejet du recours.
1. Le recours est recevable.
2. Point de procédure
Selon la jurisprudence des chambres de recours (décision T 3/90, JO OEB 1992, 737), lorsqu'une partie déclare qu'elle ne participera pas à une procédure orale qui a été prévue, cette déclaration équivaut à un retrait de sa requête pour la tenue d'une procédure orale. Dans la présente affaire, une telle déclaration provenant de la requérante rendait sans objet la procédure orale, la chambre ayant fait part de son appréciation de l'affaire. Les droits visés à l'article 113(1) CBE ont donc été respectés.
3. Nouveauté du procédé revendiqué (revendication 1)
3.1. Par rapport au document D1 qui est cité dans la description du brevet en cause et qui a servi de base pour la forme en deux parties de la revendication 1, le document D2 a été considéré comme représentant mieux l'art antérieur le plus proche de l'invention, du fait qu'il enseigne en plus du mouvement de descente de l'âme dans la lingotière un mouvement de rotation du laitier, qui est une des caractéristiques importantes de la présente invention.
3.2. La figure 4 de D2 montre, tout comme la figure unique du brevet en cause, une lingotière de forme générale tubulaire, disposée verticalement et ayant un diamètre interne supérieur à l'objet métallique allongé - ici un cylindre - destiné à recevoir un revêtement. Ce cylindre, qui est appelé "l'âme" dans la revendication 1 du brevet attaqué, est placé coaxialement dans la lingotière. L'espace annulaire entre cette âme cylindrique et la paroi interne tubulaire de la lingotière est destiné à recevoir le métal d'apport prévu pour le recouvrement. La lingotière à sa partie supérieure comporte un anneau qui sert à la fois de self d'induction et d'électrode pour un courant de chauffage, l'autre électrode étant formée par la base de la lingotière. Au niveau de l'anneau supérieur, l'espace annulaire de la lingotière est rempli d'un bain laitier électroconducteur. Le métal de recouvrement, sous forme de pièces solides composées de ce métal, est déversé par le haut dans ce laitier, y fond sous l'effet du courant électrique de chauffage, lequel circule de l'anneau supérieur à la base de la lingotière. Le métal de recouvrement, à l'état fondu, continue de descendre, formant alors en dessous du laitier une enveloppe qui se solidifie progressivement sur la surface de l'âme à mesure que celle-ci descend. Les parties inférieures de la lingotière servent à assurer ce refroidissement progressif. Un anneau ou couronne intermédiaire, isolant électriquement, sépare l'anneau supérieur de chauffage des anneaux inférieurs de refroidissement, obligeant le courant électrique de chauffage à passer dans le laitier.
3.3. Par rapport au contenu de D2, la nouveauté du procédé selon la revendication 1 du brevet incriminé a été explicitement reconnue par la requérante, qui a aussi indiqué qu'elle souscrivait pour une grande part à l'analyse de la première instance relative aux caractéristiques nouvelles du procédé revendiqué, son seul point de désaccord concernant le mouvement de rotation du laitier, qui selon elle est aussi effectué autour de l'âme dans la lingotière selon D2. Selon elle, ce détail ressort implicitement du contenu de D2.
D2 mentionne "un mouvement de rotation unidirectionel et stable du laitier", qui serait dû à la conjonction des courants magnétiques créés à la fois par le courant de chauffage et par la spire d'induction de l'anneau supérieur. La figure 7 de ce document en combinaison avec le passage de la colonne 8, lignes 5 à 46, semble confirmer la thèse de la requérante de la présence d'au moins un mouvement principal de rotation autour de l'âme.
3.4. Par suite, le procédé de la revendication 1 du brevet contesté se distingue de cet art antérieur en ce que :
a) l'apport du métal de recouvrement est réalisé par coulée de métal en fusion (et non de pièces solides) ;
b) la température de chauffage du laitier est supérieur e à 1450°C (D2 ne dit rien à ce sujet) ;
c) on communique à l'âme une oscillation verticale continue associée à son mouvement de rotation ; et
d) le mouvement de rotation du laitier est effectué pou r effectuer le décapage de la paroi externe de l'âme avant son contact avec le métal d'apport en fusion.
Contrairement à l'opinion de la requérante, l'expression "oscillation continue associée au mouvement de rotation" implique clairement une simultanéité des deux mouvements, autrement les oscillations ne pourraient pas être dites "continues". Ceci est d'ailleurs confirmé par la description du brevet en cause, tel que délivré, en colonne 3, lignes 31 à 33 (article 69 CBE).
3.5. Il n'y a pas lieu de s'attarder sur les caractéristiques nouvelles a) et b), l'intimé lui-même ayant reconnu qu'elles n'impliquaient pas d'activité inventive. Elles sont en effet connues en soi dans ce domaine technique, voir par exemple, D1, colonne 3, lignes 9 à 15 pour la caractéristique a), et D6 pour la température du laitier, caractéristique b).
3.6. Aucune des antériorités citées ne divulgue l'association du mouvement de descente de l'âme dans la lingotière avec un mouvement d'oscillation de celle-ci (caractéristique c) ci-dessus). Selon l'intimé et la description du brevet en cause, colonne 4, lignes 51 à 54, le mouvement d'oscillation améliore le démoulage du produit composite de la lingotière. Il est possible, comme la requérante l'a fait valoir, que le mouvement de descente à lui seul permette ce démoulage, mais la requérante n'a pas démontré que cette étape du procédé n'est pas améliorée par le mouvement d'oscillation, alors qu'un tel effet est plausible en soi. L'association de ces deux mouvements constitue donc une combinaison de moyens au sens du droit des brevets.
La requérante a cité le document D9, qui selon elle enseignerait un démoulage par un mouvement d'oscillation, mais son interprétation du contenu de ce document n'est pas correcte : en page 2 de cette antériorité, il est en effet indiqué que le retrait du produit réalisé est obtenu par un mouvement de descente par intermittence du support disposé à la base du produit. Il ne s'agit pas là d'un mouvement d'oscillation. Le document D1, qui concerne une lingotière verticale très semblable à celle de la présente invention et de D2, enseigne un mouvement d'oscillation de l'âme à l'intérieur de la lingotière, mais ce mouvement est effectué en début du procédé lors du préchauffage de la lingotière jusqu'à obtention d'une température de 600°C à la surface de l'âme. Ensuite, l'âme est amenée dans une position donnée, puis animée d'un mouvement de descente continu durant la formation de l'enveloppe métallique autour de l'âme. Les documents D4 et D5 concernent des lingotières pour la coulée continue de brames de section rectangulaires. Les procédés de coulée continue ne sont pas comparables à un procédé pour appliquer une enveloppe métallique sur un corps allongé et, de plus, dans D6 et D5, c'est la lingotière elle-même qui est animée d'un mouvement d'oscillation.
Cette caractéristique b) n'est donc pas suggérée par l'art antérieur et implique, par suite, une activité inventive. La requérante elle-même a indirectement confirmé cette conclusion, en soutenant que pour l'homme du métier un mouvement d'oscillation de l'âme était considéré comme dangereux dans un procédé de recouvrement utilisant un laitier conducteur.
3.7. Le mouvement de rotation du laitier selon la carctéristique nouvelle d) vise à décaper la surface externe de l'âme avant son contact avec le métal d'apport en fusion (description du brevet en cause, colonne 4, lignes 25 à 30). Selon le brevet en cause, ceci exige une certaine vitesse de rotation du laitier, ce qui implique qu'une rotation à elle seule n'implique pas nécessairement un décapage. Si l'art antérieur le plus proche D2 enseigne une rotation, par contre il ne fournit aucun renseignement sur une vitesse quelconque de rotation et suggère encore moins un décapage. La rotation dans le procédé selon D2 a en effet pour but de mieux répartir la chaleur dans le métal fondu et de purifier ce métal de ses impuretés. Le but est donc différent et n'implique pas une vitesse susceptible de décaper un métal. La requérante a affirmé que le décapage est une conséquence obligatoire de toute rotation du laitier, mais elle n'a fourni aucune preuve correspondante.
D2 étant le seul des documents cités qui enseigne une rotation du laitier, il s'ensuit de ce qui précède que le mouvement de rotation selon la caractéristique d) n'est pas suggéré par ce document et implique donc une activité inventive. La requérante a d'ailleurs indirectement reconnu ce fait en indiquant qu'un décapage de la surface de l'âme par ce moyen est inutile, puisque selon elle la seule présence du laitier suffit à décaper cette surface.
3.8. Dans ces conditions, il est inutile de s'étendre sur la question de savoir si une autre combinaison de moyens existe entre les caractéristiques c) et d) de la revendication 1 comme l'a affirmé l'intimée, voir le dernier paragraphe du point IV ci-dessus.
3.9. Pour toutes ces raisons, l'objet de la revendication 1 implique une activité inventive. La revendication 4 de dispositif se réfère au procédé selon la revendication 1 et mentionne les moyens correspondant aux caractéristiques d) et c) ci-dessus. Les revendications 2, 3 et 5 à 7 concernent des caractéristiques supplémentaires du procédé selon la revendication 1 ou du dispositif selon la revendication 4. Ces revendications sont donc brevetables (articles 52 et 56 CBE).
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.