T 0060/02 14-11-2006
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Composition de teinture d'oxydation des fibres kératiniques comprenant la 2-(bêta-hydroxyéthyl) paraphénylènediamine, la 2-méthylrésorcine et la résorcine et procédé de teinture mettant en oeuvre une telle composition
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Henkel
Bristol-Myers Squibb Company
Nouveauté (oui) : usage antérieur - lacunes dans l'administration de la preuve - combinaison non divulguée
Activité inventive (non) : amélioration (non) - essais comparatifs insuffisants - alternative - choix arbitraire
I. La mention de la délivrance du brevet européen nº 688 558 basé sur la demande de brevet européen nº 95400979.1, déposée le 28 avril 1995 et revendiquant la priorité de la demande FR 9407582 en date du 21 juin 1994, a été publiée le 14 janvier 1998. La revendication 1 du brevet tel que délivré s'énonce comme suit :
"1. Composition de teinture d'oxydation pour fibres kératiniques, en particulier pour fibres kératiniques humaines telles que les cheveux, du type comprenant, dans un milieu approprié pour la teinture, au moins un précurseur de colorant d'oxydation et au moins un coupleur, caractérisée par le fait qu'elle contient, à titre de précurseur de colorant d'oxydation, de la 2-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine et, à titre de coupleur, une association de 2-méthyl résorcine et de résorcine, ou les sels d'addition de ces différents composés avec un acide".
II. Quatre oppositions ont été formées en vue d'obtenir la révocation du brevet en sa totalité.
Les opposantes ont invoqué un manque de nouveauté et d'activité inventive (Article 100 (a) CBE) en se basant, entre autres, sur le document suivant :
(1) EP-A-0 400 330.
L'opposante 02 s'est également fondée sur un usage antérieur en invoquant, entre autres, la déposition du témoin Rose devant la division d'opposition et les documents suivants :
(B1a) : Formulation 7231600030 pour le produit Koleston 2000 Nuance 8/0,
(B1b) : Formulation 7231900090 pour le produit Koleston 2000 Nuance 5/1,
(B3a) : Extrait d'un registre de production de Koleston 2000 Nuance 8/0,
(B3b) : Extrait d'un registre de production de Koleston 2000 Nuance 5/1,
(B7a) à (B7c) : Copies de factures et
(B9) : document daté du 23.07.1996 mentionnant la production et la livraison au dépôt de Weiterstadt, entre autres, de charges 58009 et 67001 de produits K 2000/ 8/0 et K 2000/ 5/1.
III. Par la décision signifiée par voie postale le 28 décembre 2001, la division d'opposition a rejeté les oppositions.
Selon la division d'opposition, la déposition du témoin Rose et l'examen des preuves invoquées dans le cadre de l'usage antérieur prétendu mettant en oeuvre les produits Koleston 2000, nuances 8/0 et 5/1 n'avaient pas permis d'établir avec certitude la composition chimique de ces produits, ni si ces derniers avaient effectivement été livrés et mis à la disposition d'un public non tenu au secret. Les produits Koleston 2000 ne faisaient donc pas partie de l'état de la technique. En outre, comme le document (1) ne divulguait pas la combinaison de coupleurs résorcine et 2-méthyl résorcine les compositions revendiquées étaient nouvelles. Le problème à résoudre par l'invention objet du brevet litigieux par rapport à l'état de la technique le plus proche représenté par le document (1) était de trouver des compositions engendrant des teintures particulièrement résistantes. Les essais comparatifs soumis par la propriétaire démontraient que la combinaison des deux coupleurs résorcine et 2-méthyl résorcine permettait l'obtention d'une coloration offrant une meilleure résistance aux shampooings que celle observée avec les coupleurs individuels préconisés par le document (1). Cet effet ne pouvait être déduit de l'état de la technique. Les compositions revendiquées impliquaient donc une activité inventive.
IV. Les quatre opposantes ont introduit un recours contre cette décision et acquitté la taxe correspondante. Seules les opposantes 2, 3 et 4 (respectivement requérantes 2, 3 et 4) ont déposé le mémoire exposant les motifs du recours. L'opposante 1 qui n'avait pas déposé le mémoire exposant les motifs du recours a retiré son recours au début de la procédure orale tenue le 14 novembre 2006 devant la Chambre et est désormais partie de droit à la procédure.
V. Avec une lettre datée du 14 mars 2003 la propriétaire du brevet litigieux (intimée) a demandé que le brevet soit maintenu tel que délivré ou sur la base de l'une des deux requêtes auxiliaires 1 ou 2 déposées devant la division d'opposition.
La revendication 1 selon la requête auxiliaire 1 diffère de la revendication 1 du brevet tel que délivré (requête principale) uniquement par le fait qu'elle précise que la composition contient également "des solvants organiques dans des proportions comprises entre 1 et 40% en poids par rapport au poids total de la composition".
La revendication 1 selon la requête auxiliaire 2 diffère de la revendication 1 selon la requête auxiliaire 1 par le fait qu'elle précise que la composition contient également "des agents tensio-actifs dans des proportions comprises entre 0,5 et 55% en poids, par rapport au poids total de la composition".
L'intimée avait également déposé par écrit une requête auxiliaire 3 qu'elle a cependant formellement retirée lors de la procédure orale devant la Chambre.
VI. Avec une lettre datée du 2 avril 2002 la requérante 4 a requis que son opposition soit transférée à la société "The Procter and Gamble Company". Lors de la procédure orale tenue devant la Chambre la requérante 4 a expressément renoncé à cette requête.
VII. Selon les requérantes et la partie de droit le document (1) décrivait déjà l'association de coupleurs définie par la revendication 1 du brevet litigieux. En outre, la sélection des deux coupleurs particuliers ne remplissait pas les critères établis par la jurisprudence relative aux inventions de sélection. Les compositions revendiquées n'étaient donc pas nouvelles au vu du document (1). Selon la requérante 2 l'usage antérieur mettant en oeuvre la vente des produits Koleston 2000, nuances 8/0 et 5/1 était suffisamment prouvé par les documents soumis lors de la procédure d'opposition et les factures (B7d) à (B7i) soumises lors de la procédure de recours. Cet usage antérieur s'opposait donc également à la nouveauté des compositions revendiquées. Les résultats des essais comparatifs soumis par l'intimée dans le brevet litigieux et dans les notes techniques 1 à 4 déposées devant la division d'opposition ne permettaient pas de reconnaître aux compositions revendiquées un quelconque avantage par rapport aux compositions selon l'état de la technique le plus proche représenté par le document (1) en terme de résistance de la coloration à la lumière, aux shampooings ou à la transpiration, que ce soit en présence ou en l'absence de solvants organiques. Ceci était confirmé par les résultats d'essais comparatifs soumis par la requérante 2 au cours de la procédure de recours. Dans ces circonstances, les compositions revendiquées ne pouvaient être que le résultat d'un choix arbitraire opéré au sein des compositions envisagées par l'enseignement du document (1) et n'impliquaient donc pas d'activité inventive.
VIII. Selon l'intimée la déposition du témoin Rose et l'ensemble des éléments de preuve figurant au dossier ne permettaient pas d'acquérir la preuve au delà de tout doute raisonnable que des produits Koleston 2000 ayant une composition conforme aux revendications litigieuses étaient accessibles au public avant la date de priorité du brevet. D'autre part, le document (1) ne divulguait pas la combinaison de la 2-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine avec une association de 2-méthyl résorcine et de résorcine. Les critères de nouveauté établis par la jurisprudence dans le cas de la sélection d'un sous-domaine de valeurs numériques ne s'appliquaient pas au cas d'espèce. Les compositions revendiquées étaient donc nouvelles. Le document (1) représentait l'état de la technique le plus proche de l'invention pour l'appréciation de l'activité inventive. Comme ce document ne suggérait nullement la combinaison de coupleurs revendiquée, une activité inventive devait être reconnue même sans avoir égard au problème technique posé dans le brevet litigieux. Cependant, les essais comparatifs figurant à la fois dans le brevet litigieux et dans les notes techniques 1 et 4 soumises par l'intimée pendant la procédure d'opposition démontraient que les compositions revendiquées amélioraient à la fois la résistance aux shampooings, à la lumière et à la transpiration par rapport aux compositions selon le document (1). Au vu de ces résultats surprenants, l'objet des revendications selon la requête principale impliquait une activité inventive. Les résultats exposés dans les notes techniques 3 et 4 montraient une amélioration de la résistance de la coloration lorsque la composition renfermait un solvant organique comme requis par les revendications de la requête auxiliaire 1. Sur la base des essais comparatifs décrits dans le brevet et la note technique 1, une amélioration de la résistance de la coloration pouvait également être reconnue en présence d'agents tensio-actifs caractérisant les compositions selon la requête auxiliaire 2. Ces effets étaient surprenants au regard de l'état de la technique invoqué par les requérantes. L'objet des revendications selon les requêtes auxiliaires 1 et 2 impliquait donc également une activité inventive.
IX. Les requérantes et la partie de droit demandent l'annulation de la décision contestée et la révocation du brevet.
L'intimée demande à titre principal le rejet des recours et par tant le maintien du brevet tel que délivré et, à titre subsidiaire, que le brevet soit maintenu sur la base de l'une de ses deux requêtes auxiliaires déposées l'une le 23 mars 2001, l'autre pendant la procédure orale tenue devant la division d'opposition le 17 octobre 2001.
X. La Chambre a rendu sa décision à la fin de la procédure orale.
Admissibilité des recours
1. Les recours des opposantes 2, 3 et 4 (requérantes 2, 3 et 4) sont recevables. L'opposante 1 qui a retiré son recours lors de la procédure orale devant la Chambre est désormais partie de droit à la procédure (Article 107 CBE).
Requête principale
2. Nouveauté
2.1 Usage antérieur public
2.1.1 La requérante 2 a invoqué un usage antérieur public prétendument préjudiciable à la nouveauté des compositions revendiquées. Cet usage antérieur émane de son activité propre dans la mesure où les faits invoqués sont la fabrication et la commercialisation de compositions colorantes de dénomination Koleston 2000 nuances 8/0 et 5/1 par la requérante 2 même.
2.1.2 Selon la jurisprudence constante des Chambres de Recours gouvernant l'administration de la preuve, lorsqu'il s'agit de trancher une question de fait, plus cette question est grave et lourde de conséquences pour le sort du brevet, plus les éléments de preuve s'y rapportant doivent être convaincants (T 750/94, JO OEB 1998, 32). Notamment, si de cette question de fait dépend la décision de la chambre de révoquer le brevet, les éléments de preuve fournis à cet égard doivent être examinés avec beaucoup de rigueur et d'esprit critique. Par conséquent, la chambre doit avant de conclure qu'une utilisation est déjà comprise dans l'état de la technique, s'assurer que les preuves produites permettent de constater avec une conviction pratiquement absolue, en d'autres termes avec une certitude allant au delà de tout doute raisonnable, que telle utilisation antérieure a bien eu lieu avant la date de priorité du brevet litigieux (T 97/94, JO OEB 1998, 467, point 5.1).
La requérante 2 a implicitement fait valoir que l'usage antérieur impliquait des compositions produites en masse (Massenprodukte) qui de ce seul fait devaient nécessairement avoir été livrées aux clients. Le niveau de preuve requis devait donc être moins élevé et, ainsi, même en l'absence de preuves directes de la mise à la disposition du public, l'usage antérieur devait être reconnu.
Cependant, le cas d'espèce se rapporte à la production à des fins de test de charges spécifiques de produits Koleston 2000 nuances 8/0 et 5/1 qui n'ont été préparées qu'une seule fois (voir le point 2.1.3 ci-dessous). Il ne s'agit donc pas d'une production "en masse" d'un produit pour laquelle il serait improbable qu'une mise à la disposition du public n'eût pas eu lieu (voir T 55/01, non publiée au JO OEB). Par conséquent, un niveau de preuve moins exigeant se fondant sur la seule balance de probabilité des faits allégués ne peut s'appliquer dans le cas d'espèce.
2.1.3 Selon la requérante 2, le prétendu usage antérieur consiste en la commercialisation de compositions de coloration par oxydation de dénomination commerciale "Koleston 2000" nuances 8/0 et 5/1 préparées respectivement selon les formulations (Rezept-Nr.) 7231600030 et 723190090 mentionnées dans les documents (B1a) et (B1b). Selon ces documents, ces compositions contiennent les trois composants requis par la revendication 1 du brevet litigieux, à savoir le sulfate de 2-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine (Betoxol II), la 2-méthyl résorcine (Reomyl) et la résorcine (Reol). Cependant, l'extrait du cahier de production (B3a) ne fait état d'une production du produit Koleston 2000 nuance 8/0 suivant la formulation 7231600030 que le 20 septembre 1990. Cette composition particulière est définie par le numéro de charge (Ansatz-Nr) 58009. Or dès avant et puis encore après cette date la production du produit de même dénomination commerciale a été réalisée selon d'autres formulations qui selon la requérante 2 ne contiennent pas de Betoxol II. De même, l'extrait du cahier de production (B3b) ne fait état d'une production du produit Koleston 2000 nuance 5/1 suivant la formulation 723190090 que le 22 mai 1991 (numéro de charge 67001). En effet, selon le document (B3b) le produit Koleston 2000 nuance 5/1 a été fabriqué avant et après cette date en suivant d'autres formulations. Par conséquent, la composition des produits Koleston 2000, nuances 8/0 et 5/1 est variable et des charges répondant à toutes les caractéristiques de la revendication 1 litigieuse n'ont été produites qu'une seule fois. Les diverses factures (B7a) à (B7i) soumises par la requérante 2 pour tenter d'établir une mise à la disposition du public par la vente et la livraison des compositions de coloration font toutes référence aux produits Koleston 2000 8/0 et 5/1 sans toutefois préciser les numéros de charge. Ces factures ne permettent donc pas d'établir que les deux charges 58009 ou 67001 ont jamais été vendues et livrées à des clients faisant partie du public. La requérante 2 a également invoqué à cet égard le document (B9) dont se peut déduire que les deux charges pertinentes avaient été conditionnées en tubes puis livrées au dépôt de Weiterstadt appartenant à la société de la requérante 2 (lignes 1 à 4 du document (B9)). Ce document ne fait cependant pas état du sort ultérieur des produits livrés au dépôt de Weiterstadt et ne permet donc pas de constater irréfragablement leur mise à la disposition du public après leur stockage dans ce dépôt.
Selon la requérante 2 il était évident qu'un produit livré et stocké au dépôt de Weiterstadt fût ensuite vendu puis livré à des clients. Ainsi, même en l'absence de preuves directes, les charges 58009 et 67001 de produit Koleston 2000 devaient nécessairement avoir été vendues et livrées. Le fait allégué n'est cependant pas prouvé avec certitude, c'est à dire au-delà de tout doute raisonnable. En effet, les deux charges en question n'ont été produites qu'isolément en tant que tests comme l'indiquent les mentions "Test Betoxol II" et "Testproduktion" dans les documents (B3a) et (B3b). La requérante 2 n'a pas soumis de document faisant état de la vente ou d'un quelconque autre sort de ces produits test alors même que leur production et leur stockage relevaient de sa propre activité. Dans ces circonstances, la Chambre ne peut aboutir à la conviction pratiquement absolue que les deux charges produites à des fins de tests aient jamais été mises à la disposition du public.
2.1.4 La Chambre constate donc que l'administration des preuves invoquées par la requérante 2 comporte des lacunes dans son enchaînement et ne permet donc pas d'établir avec l'exigence requise (voir le point 2.1.2 ci-dessus) que l'usage antérieur public allégué appartienne à l'état de la technique. Cet usage antérieur prétendu ne peut donc porter préjudice à la nouveauté des compositions selon la revendication 1 du brevet litigieux.
2.2 Document (1)
2.2.1 Les requérantes et la partie de droit ont invoqué un défaut de nouveauté en se fondant sur le document (1). Ce document divulgue des compositions pour la coloration par oxydation des cheveux comprenant à titre de précurseur le même précurseur que celui envisagé dans le brevet litigieux, à savoir la 2-(2,5-diaminophényl)éthanol ou un de ses sels (autre terminologie pour la 2-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine utilisée dans le brevet litigieux), et au moins un coupleur choisi parmi la résorcine, la 2-méthyl résorcine, la 4-chlororésorcine, le 3,4-méthylènedioxyphénol, le 3-aminophénol, et la N-(2-hydroxyéthyl)-3,4-méthylènedioxyaniline ou leurs sels (page 2, lignes 38 à 40; revendication 1). Selon la revendication 2 du document (1) le coupleur est choisi au sein d'une liste plus restreinte de 4 coupleurs, à savoir, la résorcine, la 2-méthyl résorcine, la 4-chlororésorcine et le 3-aminophénol. Alors que les exemples 1, 3 et 4 concernent des compositions ne comprenant qu'un seul coupleur, l'exemple 2 décrit une combinaison de trois coupleurs à savoir la résorcine, le 3-aminophénol et la N-(2-hydroxyéthyl)-3,4-méthylènedioxyaniline. Toutefois, la présence au sein d'une même composition à titre de coupleur de la résorcine et la 2-méthyl résorcine telle que requise par la revendication 1 du brevet litigieux n'est nulle part divulguée spécifiquement dans le document (1).
2.2.2 Afin d'aboutir à la composition revendiquée dans le brevet litigieux il convient d'associer le précurseur envisagé par le document (1) à une combinaison d'au moins deux coupleurs particuliers. Il faut donc ainsi sélectionner au sein de la liste de coupleurs envisagés par le document (1) d'abord un premier coupleur particulier, à savoir la résorcine, puis dans un deuxième temps sélectionner au sein de cette même liste un deuxième coupleur particulier, à savoir la 2-méthyl résorcine, puis l'associer ensuite au premier coupleur. Ainsi, la composition revendiquée est le fruit d'une combinaison spécifique non décrite au sein du document (1). Ce document ne divulgue donc pas de façon directe et non équivoque les compositions revendiquées.
2.2.3 Selon la requérante 2 le document (1) mentionnait à la page 4, lignes 27 et 28, que les compositions comprenaient les coupleurs préconisés seuls ou en mélange ("einzeln oder im Gemisch miteinander") et divulguait donc l'utilisation des 6 coupleurs au sein d'une même composition. Par conséquent, le document (1) décrivait déjà l'association résorcine et 2-méthyl résorcine selon le brevet litigieux. Cependant, le passage du document (1) auquel se réfère la requérante 2 ne mentionne nullement que le mélange englobe la totalité des coupleurs énumérés dans le document (1). Ce passage ne divulgue donc pas de façon directe et non équivoque l'association obligatoire des deux coupleurs définis dans la revendication 1 du brevet litigieux.
Dans son objection de manque de nouveauté par rapport au document (1) la requérante 4 s'est fondée sur les trois critères de nouveauté décrits dans les décisions T 198/94 et T 279/89 (non publiées au JO OEB). La Chambre constate cependant que ces décisions concernent le problème de la nouveauté d'un sous-domaine de valeurs numériques sélectionné au sein d'un domaine de valeurs numériques plus large alors que le cas d'espèce ne concerne pas ce type de sélection mais le problème différent de la nouveauté d'une composition chimique définie par une combinaison spécifique de composants. Par conséquent, les décisions citées par la requérante 4 ne sont pas pertinentes pour l'examen de la nouveauté des compositions selon le brevet litigieux.
Selon la requérante 2, l'homme du métier savait d'autres documents de l'état de la technique que la combinaison de coupleurs résorcine et 2-méthyl résorcine était d'utilisation courante dans le domaine des teintures par oxydation. Ainsi l'homme du métier aurait déduit implicitement de la lecture du document (1) que ce dernier divulguait également cette combinaison de coupleurs. Ce point de vue avancé au titre du manque de nouveauté relève toutefois d'une argumentation relevant de l'appréciation de l'activité inventive puisque combinant la divulgation du document (1) avec celle d'autres documents. Ce raisonnement n'est donc pas pertinent pour l'examen de la nouveauté et doit comme tel être rejeté.
2.3 Les compositions revendiquées sont donc nouvelles (Article 54 CBE).
3. Activité inventive
Selon la jurisprudence constante des Chambres de Recours de l'OEB, l'activité inventive s'apprécie de façon objective en utilisant l'approche problème-solution. Cette approche consiste à identifier d'abord l'état de la technique le plus proche, puis partant de cet état de la technique à identifier le problème technique que l'invention se propose de résoudre, à examiner ensuite si ce problème a bien été résolu par la solution revendiquée, sinon, à reformuler un problème technique moins ambitieux et, enfin, à examiner si la solution revendiquée s'imposait à l'évidence à l'homme du métier au vu de l'état de la technique pertinent.
3.1 Le brevet litigieux concerne des compositions de teinture d'oxydation des fibres kératiniques. En accord avec les parties, la Chambre considère que le document (1) cité dans la spécification du brevet litigieux représente un point de départ adéquat pour l'appréciation de l'activité inventive.
3.2 Selon le brevet litigieux les compositions associant comme précurseur la 2-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine et les coupleurs définis dans le document (1) engendrent des teintures peu résistantes aux shampooings, à la lumière et à la transpiration (page 2, lignes 29 à 31). Ainsi, selon l'intimée et en accord avec le brevet litigieux le problème technique à résoudre par l'invention est de proposer des compositions pour la teinture des matières kératiniques qui engendrent une amélioration de la résistance des nuances à la fois aux shampooings, à la lumière et à la transpiration (brevet litigieux, page 2, lignes 34 à 36).
3.3 La solution proposée par le brevet litigieux à ce problème est la composition de teinture par oxydation selon la revendication 1, caractérisée par la présence à titre de coupleurs d'une combinaison comprenant au moins la résorcine et la 2-méthyl résorcine.
3.4 Pour démontrer que les améliorations alléguées vis-à-vis du document (1) ont été effectivement accomplies par la combinaison de ces deux coupleurs particuliers, l'intimée s'est référée aux tests comparatifs décrits dans le brevet litigieux et les notes techniques 1 et 4.
L'exemple 1 du brevet litigieux décrit des tests de résistance aux shampooings, à la lumière et à la transpiration mettant en jeu une composition selon l'invention comprenant à titre de précurseur un sel de la 2-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine et à titre de coupleur une combinaison de résorcine et de 2-méthyl résorcine (tableau de la page 5). Les résistances observées avec cette composition selon l'invention ont été comparées avec celles obtenues avec deux compositions renfermant en remplacement de l'association résorcine et 2-méthyl-résorcine, soit seulement la 2-méthylrésorcine (composition comparative A), soit seulement la résorcine (composition comparative B) (page 5, ligne 34 à 49). La note technique 1 soumise par l'intimée le 23 juillet 1999 expose une comparaison de la résistance aux shampooings observée avec une composition selon l'invention (composition 1) et une composition renfermant à titre de coupleur une association de 4-chlororésorcine et de résorcine (composition 2). Enfin la note technique 4 soumise le 17 juillet 2001 concerne la comparaison de la résistance à la lumière observée avec une composition selon l'invention (composition 3) et avec une composition comparative ne renfermant à titre de coupleurs que la résorcine (composition 1).
Ces différents essais demeurent éloignés de l'enseignement du document 1 dans la mesure où ils mettent en jeu des compositions ne renfermant qu'un seul coupleur, à savoir la résorcine ou la 2-méthyl résorcine, ainsi qu'une composition comprenant une combinaison de deux coupleurs, notamment la 4-chlororésorcine et la résorcine. Cette dernière combinaison tombe sous l'enseignement général du document (1) bien que n'y étant pas explicitement divulguée.
Cependant, aucun des essais ne concerne la composition selon l'exemple 2 du document (1) alors même qu'il divulgue déjà explicitement une combinaison de coupleurs, à savoir la résorcine, le 3-aminophénol et la N-(2-hydroxyéthyl)-3,4-methylènedioxyaniline, et de ce fait représente au sein du document (1) une composition plus proche de l'invention que les compositions ne comprenant qu'un seul coupleur ou la combinaison avec la 4-chlororésorcine.
Il s'en suit que les essais présentés par l'intimée au soutien d'une amélioration de la résistance de la coloration à la fois à la lumière, aux shampooings et à la transpiration ne sont pas pertinents pour démontrer qu'au regard de l'enseignement de l'art antérieur le plus proche, la combinaison des deux coupleurs revendiquée soit la cause de cette amélioration. Ces essais ne permettent donc pas de conclure que le problème technique à résoudre tel que défini par l'intimée (point 3.2 ci-dessus) ait effectivement été résolu.
3.5 Dans ces circonstances il convient donc de redéfinir le problème technique à résoudre par l'invention de façon moins ambitieuse, à savoir, de proposer une alternative aux compositions de teinture d'oxydation des fibres kératiniques de l'état de la technique.
3.6 La seule question en suspens est de savoir si la solution proposée par le brevet litigieux pour résoudre le problème technique ainsi défini découlait de façon évidente de l'état de la technique disponible, en d'autres termes s'il était évident pour l'homme du métier que les compositions de teinture par oxydation comprenant à titre de précurseur la 2-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine et à titre de coupleur une combinaison de résorcine et de 2-méthyl résorcine étaient des alternatives aux compositions de l'état de la technique.
3.6.1 Le document (1) préconise l'utilisation dans les compositions de teinture des matières kératiniques comprenant la 2-beta-hydroxyéthyl paraphénylènediamine comme précurseur, d'au moins un coupleur choisi parmi une liste de quatre coupleurs mentionnant expressément la résorcine et la 2-méthyl résorcine (page 2, ligne 37 à 40 en liaison avec la revendication 2). Ainsi, une des alternatives envisagées par l'enseignement du document (1) est l'utilisation à titre de coupleur d'une combinaison de résorcine et de 2-méthyl résorcine. Les compositions revendiquées ne représentent donc qu'un choix arbitraire opéré au sein des compositions envisagées par le document (1).
Par conséquent, l'enseignement du document (1) conduit à lui seul l'homme du métier qui ne voudrait que produire des alternatives aux compositions connues du document (1) de façon évidente aux compositions revendiquées.
La Chambre ne peut donc partager l'opinion de l'intimée selon laquelle l'utilisation de la combinaison de résorcine et de 2-méthyl résorcine comme coupleur ne pouvait découler de l'enseignement du document (1), indépendamment du problème technique résolu par l'invention.
Les compositions selon la revendication 1 de la requête principale n'impliquent donc pas d'activité inventive (Article 56 CBE) et cette requête doit être rejetée.
Requêtes auxiliaires 1 et 2
4. Modifications
4.1 La revendication 1 de la requête auxiliaire 1 se distingue de la revendication 1 du brevet tel que délivré (requête principale) uniquement par le fait qu'elle précise que la composition contient également "des solvants organiques dans des proportions comprises entre 1 et 40% en poids par rapport au poids total de la composition". Cette modification trouve un support à la page 6, ligne 11 à 13 de la demande de brevet telle que déposée et limite la protection conférée par le brevet tel que délivré, satisfaisant ainsi aux exigences de l'Article 123 (2) et (3) CBE.
4.2 La revendication 1 de la requête auxiliaire 2 se distingue de la revendication 1 selon la requête auxiliaire 1 par le fait qu'elle précise que la composition contient également "des agents tensio-actifs dans des proportions comprises entre 0,5 et 55% en poids, par rapport au poids total de la composition". Cette modification trouve également un support à la page 6, ligne 11 à 13 de la demande de brevet telle que déposée et limite la protection conférée par le brevet tel que délivré, satisfaisant ainsi également aux exigences de l'Article 123 (2) et (3) CBE.
5. Activité inventive
5.1 Les caractéristiques ajoutées aux revendications 1 des deux requêtes auxiliaires sont déjà en tant que telles connues de l'état de la technique le plus proche de l'invention représenté par le document (1). En effet, la composition de l'exemple 3 du document (1) comprend 7% en poids d'isopropanol dont il n'a pas été contesté qu'il est un solvant organique, ainsi que 3,5% en poids d'un agent tensio-actif, à savoir le sodium laurylalcool-diglycoléthersulfate (page 5, exemple 3). Ainsi le document (1) divulgue déjà la présence au sein de compositions de teinture par oxydation de solvants organiques et d'agents tensio-actifs dans les proportions requises par la revendication 1 des requêtes auxiliaires. Dès lors que ces caractéristiques techniques sont déjà connues de l'état de la technique le plus proche de l'invention elles ne peuvent du seul fait de leur adjonction pas contribuer à conférer une activité inventive.
Dans ces circonstances les essais réalisés par l'intimée dans le but de démontrer un avantage en terme de résistance de la coloration lié à la présence de solvant organique ne sont pas pertinents pour l'évaluation de l'activité inventive.
5.2 Par conséquent, les compositions selon la revendication 1 des requêtes auxiliaires 1 et 2 n'impliquent pas d'activité inventive pour les mêmes raisons que les compositions selon la revendication 1 de la requête principale (point 3 ci-dessus) et ces requêtes doivent également être rejetées.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est révoqué.