T 0128/03 (Difluorométhane/ARKEMA) 19-04-2005
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Procédé de fabrication du difluorométhane
Requête principale : nouveauté (oui) - procédé non explicitement décrit dans l'état de la technique cité
Activité inventive (oui) - solution non évidente
I. La requérante (titulaire du brevet) a formé recours contre la décision de la Division d'opposition de révoquer le brevet n° 0 751 108 (demande de brevet n° 96 401 151.4) conformément aux dispositions de l'article 102(1) CBE.
II. Le brevet européen comprend six revendications. La revendication 1, la seule revendication indépendante, s'énonce comme suit :
"1. Procédé de fabrication du difluorométhane par fluoration catalytique en phase gazeuse du chlorure de méthylène au moyen d'acide fluorhydrique anhydre, caractérisé en ce que l'on opère en présence de chlore."
III. L'opposition a été formée aux motifs que l'objet du brevet était dépourvu de nouveauté ou n'impliquait pas d'activité inventive (article 100a) CBE).
Les documents suivants ont été cités à l'appui de cette opposition :
(1) US Statutory Invention Registration H 1129
(2) US-A-3 385 794
(3) Traduction en langue anglaise de JP-A-51-82206/76
(4) WO-A-94/21580
(5) EP-A-0 546 883
(6) US-A-3 183 276
(7) JP-A-49 134 612 ainsi que sa traduction en langue anglaise (7bis).
IV. Dans sa décision la Division d'opposition a considéré que le procédé revendiqué est nouveau vis-à-vis du document (2) en raison du fait que ce document ne décrit explicitement qu'un procédé de préparation de difluorométhane (F32) à partir du chlorure de méthylène (F30) dans lequel le chlore est utilisé séparément pour régénérer le catalyseur (mode discontinu).
En ce qui concerne l'activité inventive, la Division d'opposition a estimé que partant du document (2) en tant qu'art antérieur le plus proche le problème technique à résoudre consiste à proposer un procédé de préparation de difluorométhane présentant une bonne productivité tout en maintenant in situ la stabilité du catalyseur.
Contrairement à l'avis du titulaire du brevet, le document (2) n'établit pas un préjugé contre le passage d'un mode discontinu (régénération séparée du catalyseur) à un mode continu (régénération in situ du catalyseur par un courant de chlore) en ce qui concerne la fluoration du chlorure de méthylène. Par ailleurs, le document (1) enseigne que la présence de chlore in situ dans le cadre de la fluoration en mode continu du CF3CH2Cl (F133a) maintient le taux de production de CF3CH2F (F134a). Il s'ensuit que l'homme du métier aurait été conduit de manière évidente pour résoudre le problème technique à effectuer la fluoration du dichlorométhylene en présence de chlore afin de régénérer in situ le catalyseur et améliorer ainsi la productivité. L'effet technique lié à une sélectivité améliorée ne peut correspondre dans ces conditions qu'à un effet bonus sans incidence sur l'appréciation de l'activité inventive.
V. Lors de la procédure écrite devant la Chambre, la requérante a soumis huit requêtes subsidiaires (cf. point 4 ci-dessous).
VI. Une procédure orale eut lieu le 19 avril 2005.
VII. Au cours de la procédure écrite et lors de la procédure orale la requérante a fait valoir les arguments suivants :
Le document (2) décrit la stabilisation des catalyseurs à base de chrome par addition de chlore au cours de la réaction de fluoration ou en l'absence de produits à fluorer dans le cas où l'on peut craindre une chloration indésirable. Ce document envisage donc deux modes distincts de stabilisation du catalyseur. Le seul mode décrit de fluoration du chlorure de méthylène requiert l'interruption du procédé et la régénération du catalyseur en présence de chlore et en l'absence de produits à fluorer. Le procédé revendiqué se distingue donc du procédé décrit dans le document (2).
En ce qui concerne l'activité inventive, le problème technique à résoudre en partant du document (4) en tant qu'art antérieur le plus proche est de proposer un procédé de préparation de difluorométhane avec une bonne productivité et sélectivité tout en maintenant l'activité du catalyseur. Ce document ne suggère pas d'effectuer le procédé en présence de chlore. En outre, l'homme du métier aurait conclu à la lecture du document (2) à un effet négatif de l'addition du chlore en même temps que la charge à fluorer. Le document (7) se situe dans la ligne de l'enseignement du document (2). Le document (1) concerne un procédé amélioré de préparation de tetrafluoro-1,1,1,2-éthane. Les réactions secondaires de déhydrohalogénation qui conduisent dans le cadre de ce procédé à des oléfines halogénées ne peuvent avoir lieu avec le chlorure de méthylène. Le document (1) concerne donc un domaine technique éloigné que l'homme du métier n'aurait pas considéré pour résoudre le problème technique à la base de l'invention.
Par ailleurs, les documents
(8) WO-A-95/16654
(9) US-A-5 723 700
confirment la non évidence de l'objet revendiqué.
Toutefois, lors de la procédure orale, la Chambre a informé les parties que le document (9) publié après la date de dépôt du brevet en cause n'était pas admis dans cette procédure. La requérante n'a pas soulevé d'objections à ce sujet.
VIII. Au cours de la procédure écrite et lors de la procédure orale l'intimée (Opposante) a fait valoir les arguments suivants:
La revendication 3 du document (2) divulgue un procédé de stabilisation d'un catalyseur d'oxyfluorure de chrome par un courant de chlore en présence de fluorure d'hydrogène en phase gazeuse et d'un composé carboné halogéné, ledit composé étant fluoré au moyen de ce catalyseur. Le chlorure de méthylène est cité parmi les composés carbonés halogénés. Il est vrai que ce document met en garde contre la mise en ouvre de ce procédé de fluroration en présence d'un courant de chlore lorsque les composés organiques de départ sont susceptibles de réagir avec le chlore dans certaines conditions réactionnelles. Cela ne conduit cependant pas le lecteur averti à exclure définitivement le chlorure de méthylène en tant que produit à fluorer car cela dépend en tout état de cause des conditions réactionnelles. Même si aucun exemple ne décrit la fluoration du chlorure de méthylène en présence de chlore, cela ne change pas la divulgation générale du document (2).
En ce qui concerne l'activité inventive, le problème technique à résoudre en partant du document (2) ou du document (4) en tant qu'art antérieur le plus proche est de proposer un procédé de préparation de difluorométhane combinant une bonne productivité et sélectivité tout en maintenant l'activité du catalyseur.
D'une part, le problème technique n'est pas résolu dans tout le domaine technique revendiqué étant donné qu'aucune limite supérieure concernant la quantité de chlore n'est indiquée, ce qui revient à couvrir des mises en oeuvre conduisant à de faibles sélectivités.
D'autre part, la solution revendiquée découle de manière évidente de l'état de la technique pour les raisons suivantes :
Contrairement à l'opinion de la requérante, le document (2) ne constitue pas un enseignement négatif, encore moins un préjugé, à l'encontre d'un procédé de fluoration de chlorure de méthylène en présence de chlore car ce document insiste autant, pour éviter les réactions secondaires, sur les conditions réactionnelles que sur le produit de départ. A cet égard, l'exemple 1 ne saurait servir l'argumentation de la requérante puisque le tétrachlorure de carbone est exemplifié au même titre que le chlorure de méthylène alors qu'il ne peut réagir avec le chlore. De même, il n'existe aucune indication dans le document (7) susceptible d'établir un enseignement négatif à l'encontre de la fluoration du chlorure de méthylène en présence de chlore. Ce document enseigne seulement que dans certaines conditions de température et pour certains produits de départ, le chlore ne peut être présent.
Bien au contraire, l'homme du métier sait par ses connaissances générales que l'interruption d'un procédé de fluoration a un impact négatif sur la productivité comme sur le coût. L'homme du métier saurait que passer à un procédé en continu représente un avantage à cet égard. Comme il sait aussi que les réactions secondaires dépendent tout autant des conditions réactionnelles que du produit de départ, il pourra sélectionner sans effort inventif les conditions permettant d'opérer la fluoration du chlorure de méthylène en présence de chlore et ainsi arriver à l'invention revendiquée. L'introduction de chlore dans la réaction de fluoration afin de maintenir l'activité du catalyseur est également rapportée dans le document (10) qui fait partie des connaissances générales de l'homme du métier. Le document (2) déjà à lui seul, au vu des connaissances générales de l'homme du métier, rend évident le procédé revendiqué.
De même, l'enseignement du document (1), cité dans la demande de brevet du brevet contesté, qui concerne la fluoration de chloro-2-trifluoro-1,1,1-éthane (F133a) pour préparer le tétrafluoro-1,1,1,2-éthane (F134a) incite l'homme du métier à mettre en ouvre le procédé revendiqué. En effet, la requérante a reconnu dans cette demande de brevet que l'on pouvait supposer que le comportement du chlorure de méthylène serait comparable à celui du F133a en ce qui concerne la réaction en présence de chlore. Or les exemples du document (1) montrent que même avec une faible quantité de chlore l'activité du catalyseur est maintenue.
IX. La requérante demande l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet comme délivré ou dans la forme de l'une des requêtes subsidiaires 1 à 8 déposées par lettre reçue le 16 mars 2005.
L'intimée demande le rejet du recours.
X. La décision de la Chambre a été prononcée à la fin de la procédure orale.
1. Le recours est recevable.
2. Article 54 CBE
2.1 La nouveauté de la revendication principale du brevet en cause (cf. point II ci-dessus) a été contestée par l'intimée sur la base de la divulgation constituée par le document (2).
2.2 Le document (2) concerne de façon générale un procédé de stabilisation d'un catalyseur de fluoration à base d'oxyfluorure de chrome au moyen d'un courant de chlore passant sur ledit catalyseur à une température comprise entre 200°c et 500°C (colonne 1, lignes 35 à 40). L'utilisation de ce catalyseur est bien connue dans les procédés de fluoration des composés aliphatiques carbonés et halogénés, notamment le chlorure de méthylène, comme ceci est indiqué dans la présentation de l'art antérieur (cf. colonne 1, lignes 13 à 29).
2.2.1 L'intimée s'est appuyée, d'une part, sur la divulgation constituée par la revendication 3 du document (2) qui décrit un procédé pour activer ou stabiliser un catalyseur à base d'oxyfluorure de chrome consistant à faire passer un courant de chlore à une température comprise entre 100°C et 500°C en présence de fluorure d'hydrogène et d'un composé carboné halogéné qui est fluoré au moyen dudit catalyseur et, d'autre part, sur la mention dans la description du chlorure de méthylène (cf. colonne 1, lignes 28-29).
2.2.2 La Chambre admet avec l'intimée que la revendication d'un brevet, en tant qu'antériorité, est bien comprise dans l'état de la technique au sens de l'article 54 CBE au même titre que tout autre partie de la description de ce brevet. Cependant, le rôle d'une revendication est, en premier lieu, de définir un concept et constitue, en conséquence, une divulgation générique non susceptible de décrire de façon non ambiguë tous les modes de réalisation y englobés (cf. T 378/94, point 3.1.1 des motifs). Il est certes possible de combiner cette divulgation générique avec une information contenue dans la description, en l'occurrence la mention du chlorure de méthylène, encore faut-il que le lecteur averti puisse associer sans ambiguïté cette information particulière à la divulgation générique de la revendication.
2.2.3 Ce n'est cependant pas le cas dans la présente affaire. En effet, comme l'a souligné la requérante, la description du document (2) décrit deux modes de réalisation distincts, d'une part, un procédé de stabilisation du catalyseur par un courant de chlore au cours de la fluoration du composé aliphatique carboné et halogéné (procédé en continu) et, d'autre part, un procédé dans lequel le catalyseur est régénéré en l'absence de produits à fluorer (procédé en discontinu), (cf. colonne 1, lignes 42 à 70). Or, ce document indique qu'une condition pour procéder en continu doit être que les composés organiques à fluorer ne réagissent avec le chlore que dans une faible mesure comme les paraffines halogénées, le chlorure de trichloroacétyle ou le chloral (cf. colonne 1, lignes 42 à 50). Ce n'est à l'évidence pas le cas du chlorure de méthylène qui comporte deux atomes d'hydrogène. Le lecteur averti ne comprendrait donc pas au vu de ce passage de la description que le chlorure de méthylène peut-être fluoré alors que le catalyseur est stabilisé in situ par un courant de chlore. De plus, l'exemple 1, le seul exemple relatif à la fluoration du chlorure de méthylène, décrit un procédé en discontinu, c'est à dire avec interruption du procédé et régénération séparée du catalyseur par un courant de chlore (cf. colonne 2, lignes 57 à 62 et lignes 68 à 72). Il importe peu dans ces conditions que le chlorure de méthylène soit mentionné dans la discussion de l'état de la technique du document (2) en tant que composé carboné et halogéné (cf. colonne 1, lignes 28 à 29) contrairement à l'argumentation de l'intimée.
2.3 Au vu de ce qui précède, la Chambre conclut que le document (2) ne décrit pas sans ambiguïté un procédé catalytique de fluoration de chlorure de méthylène au moyen d'acide fluorhydrique en présence de chlore.
2.4 L'intimée n'a pas contesté la nouveauté de l'objet revendiqué selon la revendication 1 du brevet délivré sur la base des autres documents cités. Après avoir vérifié le contenu de ces documents, la Chambre est aussi d'avis que ces documents n'affectent pas la nouveauté de la revendication 1. En absence de contestation, il n'est pas nécessaire d'en donner les raisons.
2.5 Au vu de ce qui précède, la Chambre arrive à la conclusion que l'objet de la revendication 1 satisfait au critère de nouveauté selon l'article 54 CBE. Il en va de même des revendications dépendantes 2 à 6.
3. Article 56 CBE
3.1 L'objet du brevet tel que revendiqué concerne un procédé de préparation de difluorométhane. Il est de jurisprudence constante que lorsque l'invention a pour objet l'amélioration d'un procédé de fabrication d'un composé connu, comme c'est le cas pour le difluorométhane, les seuls documents à prendre en considération pour la détermination de l'état de la technique le plus proche sont ceux qui décrivent ce composé et sa fabrication (cf. La Jurisprudence des Chambres de Recours de l'Office Européen des Brevets, 4ème édition 2001, I.D.3.6).
3.2 L'intimée a fait valoir que le document (2) pouvait être considéré comme l'art antérieur le plus proche étant donné qu'il divulguait un procédé de préparation de difluorométhane, même s'il était vrai que selon l'exemple 1 ce composé était un produit secondaire de la réaction de fluoration du chlorure de méthylène. Ce document présentait en effet pour l'essentiel des caractéristiques semblables au brevet en cause, à savoir la stabilisation du catalyseur par un courant de chlore.
3.2.1 Cependant la Chambre estime que dans le cas d'un procédé relatif à la fabrication de difluorométhane, c'est-à- dire un composé utile pour la substitution des CFC et qui doit donc être produit en quantité importante, il serait artificiel de définir le problème à résoudre à partir du document (2) qui décrit dans le seul exemple pertinent l'obtention de difluorométhane seulement à titre de produit secondaire comme cela a été admis par l'intimée.
3.2.2 Encore faut-il remarquer qu'il existe une incertitude au sujet de la quantité de difluorométhane obtenue selon l'exemple 1 du document (2). En effet, l'exemple 1 ne mentionne pas les produits finaux obtenus. Ainsi, dans le cas de la fluoration du chlorure de méthylène en l'absence de chlore, le taux d'échange des atomes de chlore par des atomes de fluor est de 1.27, mais il n'est pas précisé après quelle durée de réaction cette mesure a été faite. Par contre, après cinquante heures le taux d'échange tombe à 1.01, valeur qui révèle une proportion plus faible de difluorométhane.
3.2.3 En l'absence d'indication supplémentaire, qu'il revenait à l'intimée de fournir, le document (2) ne peut être considéré comme le point de départ permettant de définir le problème technique dans le cadre d'un procédé de préparation de difluorométhane.
3.3 Le document (4) a également été cité par les parties comme point de départ pour définir le problème technique à résoudre.
3.3.1 Le document (4) décrit un procédé de préparation de difluorométhane par fluoration de chlorure de méthylène en présence de fluorure d'hydrogène au moyen d'un catalyseur de fluoration comprenant du zinc ou un composé de zinc et un oxide, flurorure ou oxyfluorure de métal. Un tel procédé permet d'accroître la sélectivité en difluorométhane et diminue la production de monochloromonofluorométhane (F31) (cf. page 2, lignes 19 à 28). Par ailleurs, les exemples confirment que dans certaines conditions, le rendement en difluorométhane est supérieur à 90%.
3.3.2 De l'avis de la Chambre, un tel document répond aux exigences définies pour déterminer l'art antérieur le plus proche dans le cas d'une invention relative à un procédé de préparation d'un composé connu (cf. point 3.1 ci-dessus).
3.4 Il s'agit de déterminer ensuite l'effet technique éventuellement obtenu par le procédé revendiqué vis-à- vis du document (4) afin de formuler le problème technique objectif à résoudre.
3.4.1 Au vu des exemples décrits dans le brevet en cause, la Chambre ne constate aucune amélioration en ce qui concerne la sélectivité vis-à-vis des exemples contenus dans le document (4). Par contre, les exemples du brevet en cause démontrent que cette sélectivité peut être maintenues pendant au moins 300 heures, et même au delà de 500 heures (cf. exemples 1 et 7), alors que le document (4) prévoit la nécessité d'interrompre la réaction pour régénérer le catalyseur (cf. page 3, lignes 20 à 23), ce qui implique une désactivation de celui-ci. Enfin, de l'avis de la Chambre, le fait que dans le brevet en cause la sélectivité vis-à-vis du difluorométhane soit maintenue tout au long de la réaction et que l'activité du catalyseur soit également maintenue implique que la productivité du procédé revendiqué est satisfaisante.
3.4.2 La Chambre estime donc que le problème technique à résoudre est de proposer un procédé de préparation du difluorométhane combinant une bonne productivité et sélectivité tout en maintenant l'activité du catalyseur.
3.5 L'intimée a contesté que le problème technique indiqué ci-dessus ait été résolu dans tout le domaine revendiqué étant donné que la revendication 1 n'établissait aucune limite supérieure concernant la quantité de chlore, ce qui reviendrait à couvrir des mises en oeuvre conduisant à de faibles sélectivités. Toutefois, l'intimée n'a soumis aucun fait susceptible de rendre crédible une telle affirmation, alors que la charge de la preuve lui en incombait. La Chambre, de son coté, au vu des exemples du brevet, n'a aucune raison de douter que le problème technique n'est pas résolu dans tout le domaine revendiqué.
3.6 Il reste à décider si la solution revendiquée découlait ou non de manière évidente de l'état de la technique cité. Concrètement, il s'agit de décider s'il aurait été évident pour un homme du métier de produire du difluorométhane à partir du chlorure de méthylène en présence de chlore pour résoudre ainsi le problème technique défini ci-dessus.
3.6.1 Le document (4), à cet égard, ne suggère aucunement à l'homme du métier d'effectuer la réaction en présence de chlore. Il se cantonne, au contraire, à l'enseignement selon lequel, pour maintenir l'activité du catalyseur, celui-ci doit être régénéré en interrompant le processus réactionnel (cf. page 3, lignes 20 à 23).
3.6.2 Le document (2), comme la Chambre l'a déjà souligné (cf. point 2.2 ci-dessus) décrit pour la fluoration du chlorure de méthylène un procédé discontinu nécessitant la régénération ex situ du catalyseur par un courant de chlore. Ce document n'enseigne, par ailleurs, la réaction de fluoration en présence de chlore que pour des composés organiques qui ne réagissent avec le chlore que dans une faible mesure comme les paraffines halogénées, le chlorure de trichloroacétyle ou le chloral (cf. colonne 1, lignes 42 à 50). La Chambre admet avec l'intimée que le tétrachlorure de méthylène peut également entrer dans cette catégorie. Mais ces composés diffèrent suffisamment du chlorure de méthylène par l'absence d'hydrogène réactif pour que l'homme du métier ne soit pas incité à appliquer cet enseignement au chlorure de méthylène. Cette réticence aurait été renforcée par l'indication selon laquelle si une chloration indésirable du composé à fluorer est possible ou si le catalyseur a déjà été désactivé du fait de son utilisation dans des réactions de fluoration, le procédé de fluoration doit être interrompu et on fait passer du chlore, avantageusement avec du fluorure d'hydrogène, sur le catalyseur en l'absence du composé organique à fluorer (cf. colonne 1, lignes 60 à 66). Il s'ensuit que l'enseignement du document (2) loin de suggérer à l'homme du métier la solution revendiquée contient un avertissement à l'encontre de cette solution.
3.6.3 Le document (10) est un extrait d'un manuel relatif aux réfrigérants hydrocarbonés. Il n'a pas été contesté par la requérante que ce document faisait partie des connaissances générales de l'homme du métier.
Ce document concerne la réaction de Swarts de fluoration de tétrachlorure de carbone, de chloroforme et de tétrachloroéthylène au moyen d'un catalyseur de pentachlorure d'antimoine, en présence d'une petite quantité de chlore. En ce qui concerne le tétrachlorure de carbone, ce document n'enseigne rien de plus que ce qui a déjà été déduit du document (2) (cf. point 3.6.2 ci-dessus).
L'intimée a prétendu que l'enseignement de ce document pour ce qui concerne le chloroforme, en combinaison avec l'enseignement du document (2) ou (4) rendait évident l'utilisation d'un courant de chlore dans la fluoration du chlorure de méthylène. Cependant, pour arriver à une telle conclusion, l'homme du métier aurait du disposer d'informations quant au comportement équivalent dans les conditions du procédé revendiqué du chloroforme et du chlorure de méthylène. C'est précisément l'absence d'une telle information qui rend le raisonnement de l'intimée incomplet pour établir l'évidence du procédé revendiqué. La Chambre observe, en outre, que ce document ne contient aucune donnée quantitative ni aucune référence permettant de connaître les conditions réactionnelles et, en particulier, la présence éventuelle de chlore. Il résulte de ce qui précède que le procédé revendiqué ne découle pas de manière évidente de l'enseignement technique constitué par les documents (4), (2) et (10).
3.6.4 L'intimée a prétendu que l'objet revendiqué était également évident au vu du document (4) ou (2) en combinaison avec l'enseignement du document (1).
Le document (1) concerne un procédé de fluoration du chloro-2-trifluoro-1,1,1-éthane (F133a) pour préparer le tétrafluoro-1,1,1,2-éthane (F134a) consistant à co- introduire avec le fluorure d'hydrogène une quantité efficace de chlore.
Cependant la Chambre observe que ce document est relatif à la fluoration d'un composé structurellement bien différent du chlorure de méthylène. La question se pose donc de savoir si l'homme du métier désirant résoudre le problème technique indiqué ci-dessus aurait eu de bonnes raisons de considérer l'enseignement de ce document.
L'intimée a fait valoir que ce document était cité dans la demande de brevet telle que déposée et que selon cette demande on pouvait supposer que le comportement du chlorure de méthylène serait comparable à celui du F113a. Cependant les déclarations d'un demandeur au moment du dépôt de sa demande ne font pas partie de l'état de la technique selon l'article 54 CBE et sont de plus subjectives dans la mesure où elles prennent en compte une expérience propre faisant partie d'un savoir-faire interne. Si on suit l'argumentation de l'intimée, ce n'est qu'à partir de la publication de la demande de brevet que l'homme du métier a pu chercher dans le document (1) une solution au problème technique (cf. T 28/87, OJ EPO 1989, 383, point 5.4 des motifs). Un tel argument ne peut être accepté par la Chambre car manifestement contraire aux dispositions de l'article 56 CBE interprétées à la lumière de l'article 54(2) CBE énonçant que l'état de la technique est seulement constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen.
La question est donc plutôt de savoir si d'un point de vue objectif le document (1) est relatif à un état de la technique proche ou éloigné du procédé revendiqué.
Comme indiqué ci-dessus, ce document traite exclusivement de la substitution d'un atome de chlore par un atome de fluor dans la préparation de tétrafluoro-1,1,1,2-éthane (F134a) à partir de chloro-2-trifluoro-1,1,1-éthane (F133a). Selon ce document, on observe rapidement une inactivation du catalyseur à base de chrome (III) inorganique due à une réaction de déhydrohalogénation conduisant à des composés oléfiniques. Or, une telle réaction de déhydrohalogénation ne peut avoir lieu avec le chlorure de méthylène comme substrat. Les réactions chimiques conduisant à l'inactivation du catalyseur étant différentes dans le cas du chlorure de méthylène et du chloro-2-trifluoro-1,1,1-éthane, l'homme du métier n'aurait eu aucune raison de considérer ce document pour essayer de résoudre le problème technique défini ci- dessus. Il résulte de ce qui précède que le procédé revendiqué ne découle pas de manière évidente de l'enseignement technique constitué par les documents (4), (2) et (1).
3.7 Bien que les parties n'aient pas établi d'argumentation structurée en faveur ou contre l'activité inventive sur la base des documents (3), (5), (6), (7) et (8), la Chambre a néanmoins vérifié le contenu de ces documents.
3.7.1 Le document (7) est relatif à la stabilisation du catalyseur par un courant de chlore dans la réaction de disproportionnement, c'est-à-dire d'échange d'atomes de chlore et de fluor entre deux molécules (cf. page 1, troisième paragraphe, lignes 4 à 7). Une telle réaction est différente de celle intervenant dans le procédé revendiqué, à savoir la réaction du fluorure d'hydrogène avec le chlorure de méthylène. L'homme du métier n'aurait eu en conséquence aucune raison de considérer ce document pour résoudre le problème technique défini ci-dessus.
3.7.2 Le document (6) décrit un procédé de fluoration de composés aliphatiques halogénés en présence d'acide fluorhydrique gazeux et de chlore au moyen d'un catalyseur à base de fluorure de thorium. Toutefois, ce document indique que le passage d'un mélange en phase vapeur de chlore, d'acide fluorhydrique et d'un dérivé halogéné d'hydrocarbures saturés ou insaturés sur un catalyseur à base de fluorure de thorium conduit à la substitution pour l'essentiel complète des atomes d'halogène par des atomes de fluor et simultanément à une substitution complète des atomes d'hydrogènes liés à l'origine aux atomes de carbone par des atomes de fluor (cf. colonne 2, lignes 29 à 37). Un tel enseignement n'aurait pu conduire l'homme du métier à la solution revendiquée puisqu'il aurait pu s'attendre à ce que la fluoration de chlorure de méthylène en présence de chlore à l'aide d'un catalyseur à base de fluorure de thorium produise un composé dépourvu d'atomes d'hydrogène et non au difluorométhane.
3.7.3 Le document (3) qui indique dans la présentation de l'état de la technique qu'un procédé amélioré est connu selon lequel une petite quantité de chlore est ajoutée au composé hydrocarboné halogéné ou au fluorure d'hydrogène pour inhiber la désactivation du catalyseur (cf. page 3, lignes 9 à 12) ne saurait procurer à l'homme du métier une information utile. En effet, la nature du composé n'est pas mentionnée.
3.7.4 Le document (5) décrit un procédé de fluoration par HF en phase gazeuse d'hydrocarbures halogénés au moyen d'un catalyseur à base d'oxydes de chrome et de nickel (cf. page 2, lignes 1 à 3 et page 4, ligne 47). Un tel document ne donne néanmoins aucune indication conduisant l'homme du métier à la solution revendiquée.
3.7.5 Enfin, le document (8) cité par la requérante en faveur de l'activité inventive n'est de l'avis de la Chambre pas pertinent car il concerne uniquement la production de pentafluoroéthane. La requérante n'a, à cet égard, pas démontré pourquoi l'homme du métier aurait considéré un tel document au vu du problème technique indiqué ci- dessus.
3.8 De ce qui précède, la Chambre arrive à la conclusion que l'objet de la revendication 1 ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique cité. Cette conclusion s'applique également aux revendications dépendantes 2 à 6 qui représentent des modes de réalisations particuliers de la revendication 1.
4. Compte tenu de l'issue de cette procédure, il n'est pas nécessaire de considérer les requêtes subsidiaires 1 à 8 (cf. point V ci-dessus).
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
1. La décision attaquée est annulée.
2. Le brevet est maintenu comme délivré.