T 0159/07 10-02-2009
Téléchargement et informations complémentaires:
Plaquette de fraise
I. Par décision remise à la poste le 30 novembre 2006, la division d'opposition a révoqué le brevet européen n( 10000692, délivré sur la base de la demande de brevet européen nº 99 402 785.2.
II. Le libellé de la revendication 1 du brevet tel que délivré est le suivant:
"1. Plaquette amovible pour fraise d'attaque en bout d'une pièce à usiner, plaquette comportant les arêtes de coupe suivantes:
- une arête principale latérale externe (a), prévue pour être disposée de façon radialement externe par rapport à un axe longitudinal de la fraise,
- une arête avant d'attaque en bout (B,C), constituant une saillie axiale de l'arête principale (a), et
- une arête interne (e), constituant une suite, en retrait axial, de l'arête d'attaque en bout (B,C), l'arête interne (e) étant, partiellement, tournée vers l'avant et vers une direction opposée à celle de l'arête principale (a), en formant un angle (alpha) déterminé avec l'arête principale (a),
plaquette caractérisée par le fait que l'arête interne (e) se poursuit, jusqu'à un côté latéral opposé à l'arête principale (a), par une arête transversale (d) à orientation sensiblement perpendiculaire à l'arête principale (a), en formant avec l'arête principale (a) un angle supérieur à l'angle (alpha) de l'arête interne (e) et inférieur à 90 degrés."
III. Selon la division d'opposition, l'objet de la revendication 1 ne s'étendait pas au-delà du contenu de la demande telle qu'elle avait été déposée (article 100(c) CBE). Toutefois il n'était pas nouveau au vu de l'art antérieur connu du document D2.
IV. La requérante (titulaire) a formé le 30 janvier 2007 un recours contre cette décision. Le payement de la taxe de recours a été enregistré le même jour. Avec le mémoire exposant les motifs du recours, qui a été déposé le 6 avril 2007, la requérante a déposé quatre nouveaux jeux de revendications correspondants à quatre requêtes subsidiaires de maintien du brevet sous une forme modifiée.
V. Dans l'annexe à la convocation à la procédure orale prévue pour le 10 février 2009, la Chambre a exprimé un avis provisoire selon lequel l'objet de la revendication 1 semblait s'étendre au-delà du contenu de la demande telle qu'elle avait été déposée. En effet, selon la revendication 1 d'origine, l'arête transversale D était sensiblement perpendiculaire à l'arête principale A. Cela impliquait, pour un lecteur ordinaire, que ces arêtes formaient un angle proche de 90º. Par contre, selon la revendication 1 telle que délivrée, l'arête transversale D formait un angle avec l'arête principale A qui était inférieur à 90º et supérieur à l'angle alpha de l'arête interne, lequel angle alpha pouvait varier selon la description du brevet entre 10º et 70º. Dans ce contexte l'expression "sensiblement perpendiculaire" avait donc une signification différente de celle qu'elle avait dans la demande initiale.
VI. Par lettre datée 9 janvier 2009 la requérante a déposé sept jeux de revendications correspondants à des requêtes subsidiaires 1 à 7 de maintien du brevet sous une forme modifiée et a désigné les requêtes subsidiaires déposées avec le mémoire de recours comme requêtes auxiliaires 8 à 11. Par lettre datée 26 janvier 2009 la requérante a déposé deux jeux de revendications en remplacement de ceux fournis précédemment pour les requêtes subsidiaires 6 et 7.
VII. Une procédure orale, à l'issue de laquelle la Chambre a rendu sa décision, a eu lieu le 10 février 2009.
La requérante a demandé l'annulation de la décision contestée et le maintien du brevet tel que délivré ou sinon le maintien du brevet à la base des requêtes subsidiaires 1 à 5 produites avec lettre du 9 janvier 2009 ou à la base des requêtes subsidiaires 6 et 7 produites avec lettre du 26 janvier 2009 ou à la base des requêtes subsidiaires 8 à 11 produites avec lettre du 9 janvier 2009.
L'intimée (opposante) a demandé le rejet du recours.
VIII. Dans toutes les requêtes subsidiaires, la revendication 1 inclut la caractéristique de la revendication 1 du brevet tel que délivré selon laquelle:
"l'arête interne (e) se poursuit, jusqu'à un côté latéral opposé à l'arête principale (a), par une arête transversale (d) à orientation sensiblement perpendiculaire à l'arête principale (a), en formant avec l'arête principale (a) un angle supérieur à l'angle (alpha) de l'arête interne (e) et inférieur à 90 degrés."
IX. Les arguments de la requérante considérés pertinents pour la présente décision peuvent être résumés comme suit :
La revendication 1 définissait que l'arête transversale (d) avait une orientation sensiblement perpendiculaire à l'arête principale (a). Cela voulait dire que l'arête transversale (d) formait avec l'arête principale (a) un angle proche de 90º. En outre, la revendication 1 spécifiait que cet angle était inférieur à 90º. La revendication 1 de la demande telle que déposée ne contenait pas cette caractéristique, mais elle pouvait se déduire clairement et sans ambiguïtés de la figure 3 de la demande telle que déposée. Dans les figures 4(a) et 4(b) cet angle était égal ou supérieur à 90º. Toutefois les figures 4(a) et 4(b) étaient plus schématiques et, contrairement à la figure 3, ne servaient pas à illustrer la géométrie des arêtes selon l'invention. De toute manière, même si les modes de réalisation des figures 4(a) et 4(b) n'étaient pas couverts par la définition de la revendication 1, cela n'enlevait rien au fait que la figure 3 divulguait clairement un angle inférieur à 90º. La revendication 1 précisait ensuite, en définissant que l'angle formé par l'arête transversale (d) avec l'arête principale (a) était supérieur à l'angle alpha de l'arête interne (e), que l'arête interne (e) et l'arête transversale (d) formaient un renfoncement en direction de l'arête principale. Bien que selon la description l'angle alpha était compris entre 10º et 70º, on ne pouvait pas dériver de cette définition que l'angle formé par l'arête transversale (d) avec l'arête principale (a), qui devait être inférieur à 90º, pouvait avoir toute valeur dans la plage de 10º à 90º. Cela était en claire contradiction avec la condition de la revendication 1 que l'arête transversale (d) devait être sensiblement perpendiculaire à l'arête principale (a).
En outre, bien que l'angle alpha était explicitement décrit dans la demande telle que déposée comme étant l'angle formé par l'arête interne (e) avec l'axe de la fraise, il était clair que, au moins dans le mode de réalisation de la figure 3, l'axe de la fraise était parallèle à l'arête principale (a) et donc l'angle alpha était aussi l'angle formé par l'arête interne (e) avec l'arête principale (a) comme défini à la revendication 1.
X. L'intimée a argumenté en substance comme suit :
Le seul enseignement qu'on pouvait déduire de la demande telle que déposée était que l'arête transversale (d) était sensiblement perpendiculaire, donc qu'elle formait un angle de 90º, ou proche de 90º, avec l'arête principale (a). Du fait qu'elle définissait que cet angle était inférieur à 90º, la revendication 1 du brevet tel que délivré concernait une plage de valeurs pour ledit angle qui n'avait pas de fondement dans la demande telle que déposée. En outre, la revendication 1 définissait que cet angle était supérieur à l'angle (alpha) de l'arête interne (e), lequel pouvait varier selon la description du brevet entre 10º et 70º. Ainsi la revendication 1 du brevet tel que délivré couvrait des modes de réalisation dans lesquels l'angle était très différent de la valeur de 90º, un particulier un mode de réalisation dans lequel l'angle était de 11º. Finalement, dans la demande telle que déposée l'angle (alpha) de l'arête interne (e) était l'angle formé par l'arête interne (e) avec l'axe de la fraise (z) et non pas l'angle formé par l'arête interne (e) avec l'arête principale (a) comme défini à la revendication 1 du brevet tel que délivré. La figure 3 étant schématique, on ne pouvait pas déduire de celle-ci que l'arête principale (a) était parallèle à l'axe de la fraise. Il n'y avait non plus dans le reste de la demande telle que déposée une base pour cette caractéristique. D'ailleurs la figure 4(b) divulguait un mode de réalisation dans lequel l'arête principale était clairement inclinée par rapport à l'axe de la fraise.
1. Le recours est recevable.
2. Requête principale - brevet tel que délivré
2.1 Dans la demande telle que déposée il est divulgué que l'arête proximale (d) est "sensiblement transversale" (voir la revendication 1 et colonne 4, ligne 16, de la publication de la demande). Aussi, on peut déduire de la demande telle que déposée (voir colonne 3, ligne 50 de la publication de la demande) qu'une orientation est dite transversale si elle l'est par rapport à l'axe Z de la fraise. En admettant, comme cela a été implicitement fait tout au long de la procédure par les parties, que le terme "transversale" soit équivalent à "perpendiculaire", on peut conclure que la demande telle que déposée divulgue que l'arête proximale (d) est "sensiblement perpendiculaire" à l'axe de la fraise, c'est-à-dire, selon l'interprétation commune de cette expression, que l'arête proximale forme un angle très proche de 90º avec l'axe de la fraise, une déviation minimale étant possible, par exemple de l'ordre de quelques degrés, par défaut comme dans la figure 3, par excès comme dans la figure 4(b), ou même une déviation nulle comme apparemment montré à la figure 4(a). Aucune information spécifique sur la valeur maximale de la déviation ne peut toutefois être tirée des figures qui sont schématiques (voir p. ex. T 857/91).
La revendication 1 du brevet tel que délivré définit non seulement que l'arête proximale (d), désignée arête transversale (d), est sensiblement perpendiculaire à l'arête principale (a), et donc à l'axe de la fraise si on suppose que l'arête principale (a) est parallèle à l'axe de la fraise, mais aussi que l'arête proximale (d) forme un angle supérieur à l'angle (alpha) de l'arête interne et inférieur à 90º.
De l'avis de la Chambre, l'expression "sensiblement perpendiculaire" prend dans ce contexte une signification différente par rapport à celle qu'elle avait dans le contexte de la demande telle que déposée. En effet, l'angle (alpha) de l'arête interne peut varier de façon très large sans sortir du cadre de l'invention, et en particulier entre 10º et 70º comme divulgué dans le brevet contesté (voir colonne 4, lignes 31, 32). La revendication 1 peut donc se lire comme définissant que l'arête transversale (d) forme avec l'arête principale (a) un angle supérieur à un angle alpha qui est compris dans une plage allant de 10º à 70º. Bien que, de l'avis de la Chambre, il n'est pas raisonnable de considérer l'arête transversale comme "sensiblement perpendiculaire" si elle forme un angle, par exemple 11º, très proche de la valeur limite inférieure de cette plage, l'arête transversale peut néanmoins être raisonnablement considérée dans ce contexte comme "sensiblement perpendiculaire" si elle forme un angle de, par exemple, 71º ou 80º. Ces angles sont supérieurs à la valeur limite supérieure de plage susmentionnée et, même s'ils sont relativement éloignés de 90º, ils correspondent toutefois à une inclinaison relativement modeste d'une droite par rapport à une autre. Il s'en suit que la modification effectuée à la revendication 1 a pour effet de donner un sens plus large à l'expression "sensiblement perpendiculaire" par rapport au sens qu'il avait dans la demande telle que déposée. La revendication 1 étend ainsi l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande telle que déposée (article 100(c) CBE).
2.2 La requérante a essentiellement fait valoir que l'expression "sensiblement perpendiculaire" devait être lue indépendamment de l'expression "formant avec l'arête principale (a) un angle supérieur à l'angle alpha", cette dernière ne pouvant pas être utilisée pour donner à l'expression "sensiblement perpendiculaire" un sens plus large que son sens normal.
Bien que l'expression "sensiblement perpendiculaire" implique normalement pour l'homme du métier un angle proche de 90º, donc différant très peu de 90º, par exemple d'au maximum quelques degrés, cela n'enlève rien au fait qu'il s'agit d'une expression vague, dont les limites ne sont pas définis. Étant donné qu'une revendication doit être lue comme un tout, on ne peut ne pas tenir compte d'autres expressions dans la revendication qui, objectivement, permettent une interprétation de cette expression vague. De l'avis de la Chambre il est donc correct de lire l'expression "sensiblement perpendiculaire" à la lumière des expressions "en formant avec l'arête principale (a) une angle supérieur à l'angle (alpha) de l'arête interne (e)" et "inférieur à 90 degrés" comme fait ci-dessus.
2.3 De toute manière, même en acceptant le point de vue de la requérante, selon lequel l'expression "en formant avec l'arête principale (a) un angle supérieur à l'angle (alpha) de l'arête interne (e)" ne sert qu'à indiquer que l'arête interne (e) et l'arête transversale (d) forment un renfoncement en direction de l'arête principale (comme dans la figure 3), la Chambre arrive aussi à la conclusion que la revendication 1 étend l'objet du brevet au-delà de la demande telle que déposée à cause de la présence de la caractéristique selon laquelle ledit angle est inférieur à 90 degrés.
Cette caractéristique, comme admis par la requérante lors de la procédure orale devant la Chambre, se base exclusivement sur la divulgation de la figure 3 de la demande telle que déposée. En ce qui concerne l'introduction dans une revendication d'une caractéristique présentée uniquement dans un dessin de la demande telle que déposée, il est de jurisprudence constante que la caractéristique doit se déduire clairement et sans ambiguïtés des dessins, soit en termes de structure que de fonction, et aussi que la divulgation soit telle que l'homme du métier puisse reconnaitre cette caractéristique comme formant part de l'invention (voir T 241/88, point 2.2 des raisons). Dans le cas d'espèce, la figure 3 montre effectivement une arête transversale (d) formant avec l'arête principale (a) un angle inférieur à 90 degrés. On ne peut toutefois déduire de la représentation schématique de la figure 3 ni une valeur spécifique de l'angle ni un enseignement relatif à une plage de valeurs proches et inférieurs à 90 degrés. Ni d'ailleurs le reste de la demande telle que déposée contient des indications permettant à l'homme du métier de conclure que le choix d'un angle proche et inférieur à 90 degrés a en soi un effet technique particulier. En faites, la demande telle que déposée ne fait aucune distinction entre un angle égal (voir figure 4(a)), supérieur (voir figure 4(b)) ou inférieur à 90 degrés (voir figure 3). Par conséquent l'homme du métier n'est objectivement pas capable de reconnaitre que la caractéristique que l'angle est dans une plage de valeurs qui sont proches et inférieurs à 90º degrés forme part de l'invention dans le sens qu'elle fournit une contribution technique à l'invention.
En d'autres mots, la Chambre considère qu'il n'est pas admissible de limiter la revendication 1 au moyen d'une plage pour l'angle formé par l'arête transversale (d) avec l'arête principale (a), qui n'est pas divulguée en tant que telle dans la demande telle que déposée et qui est de facto obtenue en excluant de la plage divulguée dans la demande telle que déposée (angle proche de 90º) une plage choisie arbitrairement (angle proche de, mais égal ou supérieur à, 90 degrés). En effet, une telle limitation introduite dans la revendication peut, au moment où l'invention est mise en oeuvre, s'avérer être pertinente pour conclure à la présence d'une activité inventive, contrairement à ce que l'homme du métier aurait escompté sur la base des informations contenues dans la demande (voir par analogie G 1/03, point 2.6.1).
Une autre manière de voire cela consiste à dire que l'introduction de la caractéristique susmentionnée dans la revendication 1 constitue une nouvelle information technique qui ne peut pas se déduire de manière claire et sans ambigüités de la demande telle que déposée. La nouvelle information technique est qu'un problème technique ultérieur est résolu par la sélection, dans la plage de valeurs divulguée initialement, de la plage revendiquée plus limitée.
2.4 Finalement, la Chambre accepte le point de vue de l'intimée que la demande telle que déposée ne divulgue pas que l'angle alpha est l'angle formé par l'arête interne (e) avec l'arête principale (a). Dans les figures 2 et 3 l'angle alpha est l'angle formé par l'arête interne (E ou E') avec l'axe de la fraise (z). Bien que dans les figures 2 et 3 l'arête principale (A ou A') parait parallèle à l'axe de la fraise, ces figures sont schématiques et ne permettent pas de conclure au parallélisme entre l'arête principale et l'axe de la fraise. En effet il est bien possible que, dans la pratique, l'arête principale soit sensiblement inclinée par rapport à l'axe de la fraise, comme apparemment montré à la figure 4(b) du brevet contesté (cela correspond à un angle d'attaque différent de 90º, qui est commun dans les fraises à surfacer). Contrairement à l'opinion de la requérante, la figure 3 ne forme donc pas une base appropriée pour l'introduction, dans la revendication 1 du brevet contesté, de la caractéristique selon laquelle l'angle formé par l'arête transversale (d) avec l'arête principale (a) est supérieur à l'angle formé par l'arête interne (e) avec l'arête principale (a), ce dernier angle n'étant pas l'angle alpha en question.
3. Requêtes auxiliaires
Etant donnée que les caractéristiques discutées ci-dessus sont présentes dans la revendication 1 de chacune des requêtes subsidiaires de la requérante, ces requêtes ne sont non plus recevables pour les mêmes motifs que la requête principale.
DISPOSITIF
Par ces motifs, il est statué comme suit :
Le recours est rejeté.